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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3230/2006

DCSO/48/2007 du 25.01.2007 ( PLAINT ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : Retard injustifié. Faillite. Répartition provisoire
Normes : LP.17.3 ; OAOF.96c
Résumé : Retard injustifié dans la liquidation de la faillite. L'interdiction de procéder à une répartition provisoire des deniers ne souffre d'aucune exception, même pour les créanciers privilégiés (en l'espèce, un salarié).
En fait
En droit

 

DÉCISION

DE LA COMMISSION DE SURVEILLANCE

DES OFFICES DES POURSUITES ET DES FAILLITES

SIÉGEANT EN SECTION

DU JEUDI 25 JANVIER 2007

Cause A/3230/2006, plainte 17 LP formée le 8 septembre 2006 par M. D______, élisant domicile en l'étude de Me Jacques PAGAN, avocat, à Genève.

 

Décision communiquée à :

 

- M. D______

domicile élu : Etude de Me Jacques PAGAN, avocat
Rue du Mont-de-Sion 12

1206 Genève

 

- F______ SA en faillite

c/o Office des faillites (2004 xxxx84 L)

Chemin de la Marbrerie 13

Case postale 1856

1227 Carouge

EN FAIT

A. Par jugement du 1er juin 2004, le Tribunal de première instance a prononcé la faillite de la F______ SA.

En date du 9 juillet 2004, l’Office des faillites (ci-après : l’Office) a établi un inventaire des actifs de la faillie.

Par jugement du 5 août 2004, le Tribunal de première instance a ordonné la liquidation sommaire de cette faillite.

Le délai pour les productions a été fixé au 24 septembre 2004.

Les 12 et 26 novembre 2004, l’Office a procédé à la vente des véhicules de la faillie.

L’Office a déposé l’état de collocation le 26 janvier 2005. La créance de M. D______ a été admise en 1ère classe pour la somme de 38'730 fr. 75. Ses créances de 18'096 fr. 65 et de 17'292 fr. 60 ont également été admises en 1ère classe, l’Office a toutefois inscrit une subrogation en faveur de la Caisse cantonale genevoise de chômage.

En date du 25 mai 2005, plusieurs actifs de la faillie, notamment du mobilier de bureau, des machines et de l’outillage ont été réalisés.

Suite à la requête de l’Office du 7 juillet 2005, la Commission de céans a, par décision du 11 août 2005 (DCSO/464/05), prolongé le délai de liquidation de la faillite de F______ SA au 30 avril 2006.

En date du 26 octobre 2005, l’Office a procédé à la vente de l’immeuble propriété de la faillie.

Jusqu’en décembre 2005, plusieurs créanciers ont adressé des productions complémentaires et/ou tardives à l’Office.

Faisant suite à l’entretien du 7 avril 2006, M. D______ a adressé un courrier récapitulatif à l’Office, le 8 avril 2006. Il a rappelé qu’il se trouvait dans une situation financière très difficile et a réclamé le paiement de sa créance. M. D______ a également relevé que lors de l’ouverture de la faillite, l’Office avait estimé que la faillite serait liquidée aux alentours de l’automne 2005, délai qui avait ensuite été repoussé au printemps 2006. Il est toutefois apparu, lors de l’entretien du 7 avril 2006, que l’Office n’était pas en mesure d’estimer la date prévue de la liquidation.

Par la suite, M. D______ a relancé l’Office à plusieurs reprises par courriels.

Par courriel du 9 mai 2006, l’Office a notamment informé M. D______ que l’art. 96 let. c OAOF interdisait la répartition provisoire des deniers. Il a également indiqué avoir entrepris de nombreuses démarches dans le cadre de cette faillite et a précisé qu’il devait à présent se prononcer sur plusieurs productions tardives et procéder au recouvrement de divers montants relatifs à des décomptes de chantiers ouverts au moment du prononcé de la faillite. L’Office a ajouté qu’il n’était pas en mesure d’indiquer le délai dans lequel la faillite serait clôturée.

Suite à une nouvelle relance de M. D______ , l’Office a indiqué, par courrier du 29 août 2006, que l’état de collocation de la faillite devait être déposé à nouveau en raison de productions tardives ou complémentaires. Il a précisé que la vérification de ces productions avait nécessité des recherches dans les archives comptables de la société. L’Office a également rappelé les investigations qu’il devait mener, s’agissant des décomptes de chantiers en cours lors du prononcé de la faillite, et a affirmé que ces démarches se justifiaient également dans le cadre d’une procédure de liquidation sommaire.

L’Office a enfin indiqué qu’il avait l’obligation de se conformer aux dispositions applicables en la matière et en particulier à l’art. 96 OAOF.

B. Par acte du 8 septembre 2006, M. D______ a formé plainte pour retard injustifié dans la liquidation de la faillite de F______ SA. Il a également contesté le refus de l’Office de procéder au paiement immédiat de sa créance. Il a soutenu à cet égard que la règle de l’art. 231 al. 3 phr. 2 l’emportait sur celle de l’art. 96 OAOF.

Le plaignant a notamment demandé à être personnellement auditionné par la Commission de céans afin de confirmer de vive voix la précarité économique de sa situation et d’insister sur l’urgence de percevoir immédiatement l’argent qui lui était dû.

C. Dans son rapport du 2 octobre 2006, l’Office a d’abord rappelé la chronologie des faits. Il a précisé que l’administrateur de la faillie avait requis l’aide d’un ex-employé, M. T______, afin de se déterminer sur les productions complémentaires et/ou tardives. Suite à l’entretien du 15 mai 2006 dans les locaux de l’Office, M. T______ avait consulté les archives comptables de la faillie dans le courant du mois de mai 2006 et s’était déterminé, le 30 juin 2006. A ce jour toutefois, l’administrateur n’avait toujours pas signé la liste définitive des productions, émettant des réserves et des contestations sur plusieurs productions tardives et même sur certaines des productions précédentes. L’Office a indiqué que sur la base des renseignements fournis par M. T______, il pourrait redéposer l’état de collocation à court terme. Il devait toutefois procéder aux investigations complémentaires mentionnées dans son courrier du 29 août 2006, adressé au plaignant. L’Office a également rappelé que la Commission de céans avait accordé une prolongation du délai de liquidation au 30 avril 2006 et il a ajouté qu’il déposerait une nouvelle demande en parallèle de son rapport.

D. Par lettre-signature du 21 novembre 2006, M. D______ a persisté dans ses conclusions, y compris celles tendant à son audition.

Se référant au rapport de l’Office, il a relevé que ce dernier n’avait entrepris aucune démarche depuis le 30 juin 2006. Il a indiqué que l’actif disponible permettait d’honorer largement les créances de 1ère classe qui étaient définitivement connues et arrêtées. M. D______ a souligné que le délai de liquidation accordé par la Commission de céans était échu depuis le 30 avril 2006 et que l’Office avait plus de six mois de retard dans la distribution des deniers, selon l’art. 231 LP. Il a enfin réaffirmé que, selon lui, le texte de l’art. 231 LP l’emportait sur la norme réglementaire de l’art. 96 let. c OAOF.

La Commission de céans a transmis ce courrier à l’Office, le 27 novembre 2006.

E. Par courrier du 11 décembre 2006, M. D______ a rappelé à la Commission de céans sa plainte pour déni de justice et a insisté pour que sa créance fasse l’objet du versement requis compte tenu de la précarité de sa situation financière. Il s’est déclaré prêt à renoncer à sa demande de comparution personnelle afin de ne pas retarder l’issue de la procédure.

F. Par courriel du 15 janvier 2007, la Commission de céans a imparti un délai au 16 janvier 2007 à l’Office pour l’informer de l’avancement de la procédure depuis son rapport du 2 octobre 2006, ainsi que des démarches entreprises depuis le 30 juin 2006.

G. Par courrier du 16 janvier 2007, la Commission de céans a informé M. D______ que son audition n’apparaissait pas nécessaire à l’instruction du dossier et qu’une décision serait rendue à brève échéance.

H. Par courriel du 16 janvier 2007, l’Office a informé la Commission de céans que l’état de collocation avait été validé et qu’il serait à nouveau déposé le 24 janvier 2007. En ce qui concerne les chantiers ouverts au moment du prononcé de la faillite, l’Office a indiqué qu’il s’efforcerait d’effectuer les démarches dans les meilleurs délais possibles. Il a également ajouté que, contrairement à la teneur de son rapport, il n’avait pas déposé de nouvelle requête de prolongation du délai de liquidation de la faillite.

EN DROIT

1.a. La présente plainte a été déposée en temps utile et dans les formes prescrites auprès de l’autorité compétente. Le refus de l’Office de procéder au versement de la créance constitue une mesure sujette à plainte que le plaignant, en tant que créancier peut attaquer par cette voie (art. 17 LP ; art. 10 al. 1 et 13 LaLP, art. 56R al. 3 LOJ).

1.b. La Commission de céans est également compétente pour statuer sur les plaintes pour déni de justice ou retard injustifié qui peuvent être formées en tout temps (art. 10 al. 1 LaLP art. 17 LP).

En tant que créancier, le plaignant a qualité pour se plaindre d’un retard injustifié dans la liquidation de la faillite.

La plainte est donc recevable.

2.a. Dès qu’il a reçu communication de l’ouverture de la faillite, l’Office doit procéder à l’inventaire des biens du failli, prendre les mesures nécessaires pour leur conservation et déclencher d’éventuelles procédures de revendication (art. 221, 223 et 242 LP). Chaque objet est estimé (art. 227 LP ; art 25 ss OAOF).

Dans les soixante jours qui suivent l’expiration du délai pour les productions, l’administration dresse l’état de collocation conformément aux dispositions des art. 219 et 220 LP. Si la masse comprend un immeuble, l’administration dresse, dans le même délai, un état des charges le grevant, lequel fait partie intégrante de l’état de collocation (art. 247 LP ; 55 ss OAOF ; 125 ORFI).

Lorsque la faillite est liquidée en la forme sommaire, l’office procède à la réalisation au mieux des intérêts des créanciers, à l’expiration du délai de production. Les immeubles ne peuvent cependant être réalisés qu’une fois dressé l’état des charges (art. 231 al. 3 ch. 2 LP).

Lorsque l’état de collocation est définitif et que l’administration est en possession du produit de la réalisation de tous les biens, elle dresse le tableau de distribution de deniers, qu’il n’est pas nécessaire de déposer lorsque la faillite est liquidée selon la procédure sommaire (art. 231 al. 3 ch. 4 LP), et établit le compte final (art. 261 LP). A l’expiration du délai de dépôt, l’administration procède à la distribution des deniers (art. 264 al. 1 LP).

2.b. A teneur de l’art. 270 al. 1 LP, la faillite doit être liquidée dans le délai d’un an à compter de son ouverture. Au besoin, l’autorité de surveillance peut prolonger le délai (art. 270 al. 2 LP).

Le délai d’une année pour liquider une faillite est un délai d’ordre, dont la violation reste certes sans conséquence directe sur l’obligation de l’Office de procéder à la liquidation de la faillite mais donne un critère pour qualifier un retard d’injustifié. L’obligation d’en requérir la prolongation de la part de l’autorité de surveillance doit toutefois permettre à cette dernière de contrôler la marche de chaque faillite et de déceler les éventuels dysfonctionnements qui seraient à l’origine d’un retard dans les opérations de liquidation (Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire, ad art. 270 n° 6 et 8 ; Staehelin, in SchKG III, ad art. 270 n° 1 ss).

La Commission de céans rappellera également que la surcharge de travail de l'Office ne constitue pas un fait justifiant le retard apporté par celui-ci dans l'exécution des mesures qui lui incombent de prendre (ATF 107 III 3; SJ 1993 291).

3. En l’espèce, force est de constater que plus de deux ans et demi se sont écoulés depuis le prononcé de la faillite et que cette dernière n’a toujours pas été liquidée. En outre, le délai de prolongation de liquidation, fixé par la Commission de céans au 30 avril 2006, est échu depuis plus de huit mois, sans que l’Office n’ait réagi.

L’Office n’est certes pas resté inactif dans le traitement de cette faillite. Il a en effet établi l’inventaire des biens de la faillie, comprenant environ quatre-cent lots, dont certains constitués de plusieurs pièces, il a procédé à la vente des actifs, ainsi qu’à la vente de l’immeuble propriété de la faillie. Il s’est également déterminé sur les créances produites dans le délai de l’art. 232 al. 2 ch. 2 LP et a déposé une première fois l’état de collocation, le 26 janvier 2005.

Cela étant, il ressort de l’instruction du dossier que l’Office a tardé à se déterminer sur les productions tardives et/ou complémentaires dont les derniers lui sont parvenus, au vu des pièces produites, dans le courant du mois de décembre 2005. Or, un laps de temps de plus d’une année s’est écoulé avant que l’état de collocation modifié ne soit enfin validé, avant d’être redéposé le 24 janvier 2007.

Hormis le point précité, l’Office n’a pas indiqué dans son courriel du 16 janvier 2007, les actions menées pour faire avancer la procédure depuis le 30 juin 2006.

Il apparaît toutefois qu’il n’a encore entrepris aucune démarche afin de déterminer les éventuels actifs revenant à la masse, en rapport avec les chantiers ouverts au moment du prononcé de la faillite.

Au vu des principes qui précèdent, la Commission de céans ne peut que constater que le grief portant sur le retard injustifié est pleinement fondé.

Elle invitera par conséquent l’Office à faire preuve de diligence et à tout mettre en œuvre pour procéder à la liquidation de cette faillite au plus vite. Elle réservera en outre ses prérogatives en matière de surveillance dans le cadre de l’examen de ce dossier.

4. En vertu de l’art. 96 let. c phr. 2 OAOF, dont l’application de cette base légale a été vainement contestée, l’administration de la faillite ne doit pas procéder à des répartitions provisoires. En effet, une répartition provisoire nécessiterait l’établissement et le dépôt, avec avis aux créanciers d’un tableau de distribution provisoire (art. 82 OAOF), à savoir une formalité supplémentaire, contraire au caractère sommaire de la liquidation. Cette interdiction peut néanmoins entraîner certains inconvénients pour des créanciers privilégiés, comme les travailleurs au bénéfice d’une créance de salaire (Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire ad art. 231 n° 35 et jurisprudences citées ; François Vouilloz in CR-LP, ad art. 231 n° 36).

Il apparaît ainsi que cette interdiction de procéder à une répartition provisoire des deniers ne souffre aucune exception - même pour les créanciers privilégiés - et que c’est à bon droit que l’Office a refusé de procéder au versement de la créance du plaignant.

Infondée sur ce point, la plainte sera rejetée.

 

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,

LA COMMISSION DE SURVEILLANCE

SIÉGEANT EN SECTION :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 8 septembre 2006 par M. D______ dans le cadre de la faillite n° 2004 xxxx84 L.

Au fond :

1. L’admet partiellement.

2. Constate que l’Office des poursuites a tardé de manière injustifiée à liquider la faillite.

3. Invite l’Office des poursuites à procéder sans délai dans le sens du considérant 3 in fine.

4. Rejette la plainte pour le surplus.

5. Déboute les parties de toutes autres conclusions.

 

Siégeant : M. Serge FASEL, président suppléant ; M. Philipp GANZONI, juge assesseur et M. Yves de COULON, juge assesseur suppléant.

 

Au nom de la Commission de surveillance :

 

Cendy RENAUD Serge FASEL Commise-greffière : Président suppléant:

 

 

 

 

 

La présente décision est communiquée par courrier A à l’Office concerné et par lettre signature aux autres parties par la greffière le