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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3599/2024

JTAPI/701/2025 du 26.06.2025 ( DOMPU ) , REJETE

Descripteurs : ORDURE MÉNAGÈRE;TRAITEMENT DES DÉCHETS;AMENDE
Normes : LGD.12; RGD.5; RGD.17; LGD.43.al1.letb
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3599/2024 DOMPU

JTAPI/701/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 26 juin 2025

 

dans la cause

 

 

A______ SÀRL

contre

 

VILLE DE B______ - SERVICE C______

 


EN FAIT

1.             Le 10 octobre 2024, la Ville de B______ (ci-après : la ville), soit pour elle son service C______, a infligé à A______ Sàrl, propriétaire du café-restaurant « A______ », sis rue ______[GE], une amende administrative de CHF 800.- pour ne pas avoir rentré un ou plusieurs conteneur(s) après la collecte. Le constat de cette infraction avait eu lieu le 4 octobre 2024 à 15h51, à la rue du 31-Décembre 26 à B______.

2.             Par acte du 15 octobre 2024, A______ Sàrl a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après :  le tribunal), concluant implicitement à son annulation.

Elle travaillait depuis plus de huit ans avec la société D______ qui collectait légalement les déchets de 8h00 à 12h00 et de 14h00 à 17h30. Elle était donc surprise d’avoir été amendée pour des conteneurs non rentrés après la collecte et plus encore du montant de l’amende et sollicitait la reconsidération de cette décision, dans la mesure où elle avait respecté les horaires en vigueur et « payé un prestataire pour ».

3.             Dans le délai prolongé à sa demande au 20 janvier 2025, la ville a répliqué, concluant au rejet du recours, sous suite de frais.

L’amende était fondée sur le constat d’infraction établi le 4 octobre 2024 à 15h51 par des contrôleurs du domaine public assermentés, au terme duquel deux conteneurs de 340 litres, appartenant à la recourante, n’avaient pas été rentrés après la collecte. L’art. 23 al. 7 du règlement sur la gestion des déchets LC 21 911 (ci-après : le règlement communal) disposait clairement que, dans la mesure du possible, les conteneurs devaient être retirés de la voie publique et rangés à l’emplacement réservé à la collecte des déchets de l’immeuble immédiatement après la collecte ou au plus tard à midi. Contrairement à l’affirmation de la recourante, il ressortait du rapport des contrôleurs que deux conteneurs vides lui appartenant étaient toujours sur la voie publique le 4 octobre 2024 à 15h51. En outre l’intervention des contrôleurs avait été nécessaire pour que lesdits conteneurs soient retirés de la voie publique, ces derniers ayant en effet dû intervenir auprès d’un employé de la recourante qui se trouvait sur place pour qu’il s’en charge. La recourante avait déjà été amendée pour des faits similaires le 2 mai 2024. La faute, ne serait-ce que sous la forme d’une simple négligence, avait donc bien été commise et ce, de manière consciente et réitérée. Le montant de l’amende, très proche du minimum légal, restait mesuré. Il correspondait à celui retenu dans la pratique, soit de CHF 200.- pour les simples ménages et CHF 400.- pour les entreprises et commerces afin de tenir compte du paramètre commercial, et prenait en compte la récidive. Au surplus, il ne ressortait pas du dossier que cette sanction placerait la recourante dans une situation financière difficile. Par souci d’équité vis-à-vis de tous les administrés, elle ne pouvait que conclure au maintien de cette amende.

Elle a produit son dossier, dont une copie de l’amende prononcée le 2 mai 2024.

4.             La recourante n’a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par la ville en application de la loi sur la gestion des déchets du 20 mai 1999 (LGD - L 1 20) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 50 LGD).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179)

4.              La LGD a pour but de régler la gestion de l’ensemble des déchets résultant d’activités déployées sur le territoire du canton ou éliminés à Genève, à l’exclusion des déchets radioactifs ; elle constitue la loi d’application des dispositions prévues en matière de déchets par la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01) et de ses ordonnances d’application (art. 1 LGD).

L’art. 12 LGD prévoit que la collecte, le transport et l’élimination des déchets ménagers sont organisés et assurés par les communes, sans taxes pour les ménages (al. 1). Celles-ci définissent l’infrastructure de collecte et fixent la fréquence des levées en fonction des besoins (al. 2). Elles peuvent édicter des règlements particuliers (al. 4).

À teneur de l’art. 5 du règlement d’application de la loi sur la gestion des déchets du 28 juillet 1999 (RGD - L 1 20.01), les communes sont tenues d’informer la population sur les emplacements et les horaires des collectes sélectives et sur les modes d’élimination des déchets ménagers en vigueur sur leur territoire (al. 1), et sont habilitées à édicter des règlements ou directives à ces fins (art. 5 al. 2 RGD).

Selon l’art. 17 RGD, les communes peuvent édicter des règlements communaux sur le bon fonctionnement de leurs infrastructures de collecte et sur leur gestion des déchets ménagers (al. 1). Ces règlements peuvent prévoir les sanctions et les mesures prévues dans la LGD (al. 2). Celle-ci prévoit, à son art. 43 al. 1, qu’est passible d’une amende administrative de CHF 200.- à CHF 400’000.- tout contrevenant à la LGD (let. a), aux règlements et arrêtés édictés en vertu de celle‑ci (let. b) ainsi qu’aux ordres donnés par l’autorité compétente dans les limites de la LGD et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci (let. c). Les amendes peuvent être infligées tant à des personnes morales qu’à des personnes physiques (art. 43 al. 2 LGD).

5.             Le règlement de la ville sur la gestion des déchets du 25 janvier 2024 (LC 21 911), entré en vigueur le 1er février 2024 (ci-après : le règlement), fixe les modalités de la collecte, du transport et de l’élimination des déchets urbains sur l’ensemble de son territoire (art. 1 al. 1). Il s’applique à tous les détenteurs de déchets urbains du territoire de la commune (art. 1 al. 2), soit les déchets produits par les ménages, ainsi que ceux qui proviennent d’entreprises comptant moins de 250 postes à plein temps et dont la composition est comparable à celle des déchets ménagers en termes de matières contenues et de proportions (art. 6 al. 1).

À teneur de l’art. 22 du règlement, le service en charge de la collecte des déchets assure régulièrement la collecte en conteneurs à roulettes, notamment des ordures ménagères et assimilées (al. 1). Les jours et heures des collectes, ainsi que les directives de la ville sont communiquées dans une publication tous-ménages distribuée annuellement ; cette dernière est également disponible auprès du service en charge de la collecte des déchets, sur le site internet de la ville ainsi que sur l’application « Déchets Genève » (al. 2).

Selon l’art. 23 al. 7 du règlement, les conteneurs doivent être retirés de la voie publique et rangés à l’emplacement réservé à la collecte des déchets de l’immeuble immédiatement après la collecte ou au plus tard à midi.

6.             Selon la jurisprudence constante, les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C’est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/159/2021 du 9 février 2021 consid. 7b).

En vertu de l’art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s’appliquent à titre de droit cantonal supplétif. On doit cependant réserver celles qui concernent exclusivement le juge pénal (ATA/440/2019 du 16 avril 2019 consid. 5c et les références citées).

Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d’une simple négligence. Selon la jurisprudence constante, l’administration doit faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi et jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu’en cas d’excès ou d’abus. Enfin, l’amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst. ; ATA/440/2019 précité consid. 5c et les références citées).

L’autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d’une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l’auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/440/2019 précité consid. 5c et les références citées).

7.             En l’espèce, selon le constat d’infraction établi le 4 octobre 2024, deux conteneurs vides appartenant à la recourante n’avaient toujours pas été rentrés à 15h51, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par cette dernière. Cette situation contrevient objectivement à l’art. 23 al. 7 du règlement et, conformément aux art. 33 du règlement et 43 al. 1 let. b LGD, peut entraîner le prononcé d’une amende administrative.

En tant qu’entreprise exploitant un restaurant à Genève, la recourante n'ignore pas les règles en matière de collecte des déchets (et d'ailleurs ne le prétend pas), ce d’autant plus qu’elle a déjà fait l’objet d’une amende pour le même motif quelques mois auparavant. Par conséquent, plus encore que les administrés n'ayant jamais été sanctionnés, elle est supposée accorder une attention particulière à ses obligations découlant de la LGD et du règlement de la ville.

Dans cette mesure, l’argument selon lequel elle ferait appel depuis plusieurs années à un prestataire privé pour la collecte de ses déchets n’est pas pertinent, étant souligné que la recourante ne précise pas quelle est la portée des obligations contractuelles de ce prestataire, de sorte qu'il n'est même pas certain que ce dernier se serait engagé à rentrer les containers de la recourante après la levée des déchets. Quand bien même ce serait le cas, il appartiendrait cas échéant à la recourante de se retourner contre l’entreprise concernée si elle estime que la rentrée des conteneurs lui incombait. Cette question relève toutefois du droit privé.

L’amende est ainsi fondée dans son principe.

Quant à sa quotité, elle a été fixée à CHF 800.-. Ce montant reste mesuré puisqu’il se situe dans le bas de la fourchette prévue par la loi et tient compte de l’antécédent de la recourante du 12 avril 2024, lequel avait donné lieu au prononcé d’une amende administrative de CHF 400.-. Par ailleurs, comme le tribunal a déjà eu l'occasion de le relever, il n'est pas nécessaire d'examiner le bien-fondé de la pratique de l'autorité consistant à appliquer un montant d'amende différent selon que la violation de la LGD est le fait d'une personne morale ou d'un particulier (cf. JTAPI/1273/2013 du 25 novembre 2013, JTAPI/912/2013 du 23 août 2013). Pour le surplus, la recourante n’allègue pas qu’elle aurait des difficultés pécuniaires particulières l’empêchant de s’acquitter d’un tel montant.

8.             Au vu de ce qui précède, l’amende sera confirmée, tant dans son principe que sa quotité, et le recours rejeté.

9.             En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 400.- ; il est couvert par l’avance de frais du même montant versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 15 octobre 2024 par A______ Sàrl contre la décision de la Ville de B______ du 10 octobre 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 400.-, lequel est couvert par l’avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Damien BLANC et Carmelo STENDARDO, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Gemève, le

 

La greffière