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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3393/2024

JTAPI/340/2025 du 31.03.2025 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : RESTITUTION DU DÉLAI;VACANCES;RETARD
Normes : LIFD.133.al3; LPFisc.41.al3
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3393/2024 ICCIFD

JTAPI/340/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 31 mars 2025

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______

 

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Le litige concerne la taxation 2023 de Madame A______ et de Monsieur B______.

2.             Par bordereaux datés du 19 juin 2024, l’administration fiscale cantonale
(ci-après : AFC-GE) a taxé les contribuables pour l’année 2023.

3.             Le 26 août 2024, les précités ont élevé réclamation à l’encontre de ces taxations. Ils n’avaient pas été en mesure de les contester en temps utile en raison de leur absence à l’étranger ayant duré du 28 juin 2024 au 14 août 2024 et parce qu’ils ne disposaient pas de toutes les informations utiles.

4.             Par décisions du 10 septembre 2024, l’AFC-GE a déclaré la réclamation irrecevable pour cause de tardiveté.

5.             Par acte du 10 octobre 2024, les contribuables ont interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à l’encontre des décisions du 10 septembre précédent en demandant que leur réclamation soit déclarée recevable.

Du 29 juin au 24 juillet 2024, le recourant était parti en vacances en Afrique et, du 25 au 28 juillet suivant, il s’était rendu en Suède pour un déplacement professionnel. Par la suite, il avait passé des vacances en Pologne. Il n’en était revenu que le 14 août 2024 et son épouse, le 4 septembre suivant. Compte tenu de sa charge de travail considérable, ainsi que de ses tâches ménagères qu’il devait accomplir, il n’avait pas été à même de réclamer dans le court délai de trois jours dont il bénéficiait encore.

Il n’avait pris connaissance des bordereaux litigieux qu’à son retour définitif, soit le 15 août 2024 et n’avait été en mesure de contacter l’AFC-GE que le 26 août suivant. Celle-ci lui avait fourni des explications au sujet de ses bordereaux, notamment la raison pour laquelle le couple devait payer CHF 5'000.- d’impôt de plus que l’année précédente, alors même que son revenu avait diminué.

6.             Dans sa réponse du 11 décembre 2024, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours pour cause de tardiveté de la réclamation. Au surplus, les conditions de la révision n’étaient manifestement pas remplies.

7.             Par réplique du 9 janvier 2025, les contribuables ont maintenu leur recours.

Il existait des motifs sérieux justifiant qu’ils n’aient pas pu respecter le délai de réclamation, à savoir que M. B______ n’était rentrée de vacances que le 14 août 2024 et Mme A______, le 4 septembre suivant.

Leur recours était motivé par le fait que l’AFC-GE n’avait tenu compte ni d’une charge de famille, ni de leurs frais médicaux. Les erreurs commises par l’autorité intimée entraînaient des conséquences considérables pour leur famille.

8.             Dans sa duplique du 20 janvier 2025, l’AFC-GE a persisté dans les conclusions de sa réponse.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Les contribuables concluent à ce que l’AFC-GE entre en matière sur leur réclamation.

4.             Étant donné que les décisions attaquées sont des décisions d’irrecevabilité, seule la question de l’irrecevabilité peut faire l’objet du présent recours et non les taxations en tant que telles. En conséquence, le tribunal doit d’abord examiner si les conditions formelles de la recevabilité (forme écrite, délai, motivation, moyen de preuve, etc.) sont ou non remplies et, si tel n’est pas le cas, il doit rejeter le recours déposé devant elle sans examiner lui-même le détail des taxations (arrêt du Tribunal fédéral 2C_930/2018 du 25 octobre 2018 consid. 3).

5.             Au vu de cette jurisprudence, il convient uniquement de déterminer si c’est à bon droit que l’AFC-GE a estimé que la réclamation du 26 août 2024 avait été déposée tardivement.

6.             À teneur des art. 39 al. 1 LPFisc et 132 al. 1 LIFD, le contribuable peut adresser à l'autorité de taxation une réclamation écrite contre la décision de taxation dans les 30 jours qui suivent sa notification.

Ce délai commence à courir le lendemain de la notification. Il est considéré comme respecté si la réclamation est remise à l'autorité de taxation, à un office de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse à l'étranger le dernier jour ouvrable du délai au plus tard (art. 41 al. 1 LPFisc et
art. 133 al. 1 LIFD). Celui qui n'agit pas dans le délai prescrit est forclos et le jugement ou la décision en cause acquièrent force obligatoire (ATA/923/2018 du 11 novembre 2018 consid. 2c et les références citées).

Les règles relatives à ce type de délai nécessitent une stricte application, ceci pour des motifs d'égalité de traitement et d'intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit. Ainsi, l'irrecevabilité qui sanctionne le non-respect d'un délai n'est en principe pas constitutive d'un formalisme excessif prohibé par l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) (ATF 125 V 65 consid. 1).

7.             En l’occurrence, les contribuables ont élevé réclamation le 26 août 2024 à l’encontre des bordereaux datés du 19 juin 2024. La date de notification de ces taxations n’est pas connue. Cependant, les précités reconnaissent que le délai de trente jours pour les contester n’a pas été respecté. Conformément à la jurisprudence, cette déclaration leur est opposable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_637/2007 du 4 avril 2008, consid. 2.3 et 2.4.1). Il en résulte que les contribuables n’ont pas observé le délai de réclamation.

Cela étant, dans leur recours, ces derniers sollicitent, à tout le moins implicitement, une restitution de ce délai.

8.             Passé le délai de trente jours, une réclamation n’est recevable que si le contribuable établit que par suite de service militaire, de service civil, de maladie, d’absence du pays ou pour d’autres motifs sérieux, il a été empêché de présenter sa réclamation en temps utile et qu’il l’a déposée dans les trente jours après la fin de l’empêchement (art. 133 al. 3 LIFD ; art. 41 al. 3 LPFisc).

9.             Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. La restitution du délai suppose que le contribuable n’a pas respecté le délai légal en raison d’un empêchement imprévisible, dont la survenance ne lui est pas imputable à faute (arrêt du Tribunal fédéral 2C_40/2018 du 8 février 2018 consid. 5.1 et 5.2).

Le contribuable (ou d’autres participants à la procédure) ou son représentant légal ou contractuel (ainsi que, le cas échéant, ses auxiliaires) doit avoir été empêché de respecter le délai pour de justes motifs (arrêt du Tribunal fédéral 2C_566/2020 du 10 juillet 2020 consid. 4.3.1 et ss.). En font partie les circonstances indépendantes de la volonté du contribuable et de son représentant, qui rendent impossible une action en temps utile (impossibilité objective), mais pas une impossibilité subjective telle qu’une surcharge de travail, une erreur sur le calcul du délai, sur la validité des féries judiciaires ou, plus généralement, une erreur de droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_987/2017 du 7 décembre 2017 consid. 3.4).

10.         De jurisprudence constante, celui qui se sait partie à une procédure judiciaire et qui doit dès lors s'attendre à recevoir des actes du juge, condition en principe réalisée pendant toute la durée d'un procès, est tenu de relever son courrier ou, s'il s'absente de son domicile, de prendre des dispositions pour que celui-ci lui parvienne néanmoins, notamment en faisant suivre son courrier (ATF 141 II 429 consid. 3.1).

Le fait d'avoir été absent ou en vacances pendant la période de distribution du courrier ne constitue pas un cas de force majeure justifiant une restitution du délai (ATA/1335/2021 du 7 décembre 2021 consid. 5d).

11.         En l’espèce, les recourants font valoir qu’ils n’ont pas été en mesure de réclamer en temps utile. À titre de motif de restitution de délai, ils se prévalent de leurs absences à l’étranger (pour des vacances et un déplacement professionnel), de la surcharge de travail du recourant, du fait qu’à leur retour de l’étranger, ils ne bénéficiaient que d’un très court délai pour réclamer et qu’ils ne disposaient pas de toutes les informations nécessaires.

Les contribuables ne peuvent être suivis, car les motifs invoqués par eux ne constituent pas, selon la jurisprudence citée ci-dessus, des circonstances indépendantes de leur volonté justifiant l’octroi d’une restitution de délai.

Au vu de ce qui précède, c’est à juste titre que l’AFC-GE a déclaré la réclamation irrecevable pour cause de tardiveté.

12.         À plusieurs reprises, le tribunal a jugé que lorsqu’un contribuable demande à l’AFC-GE de réexaminer sa taxation, alors que le délai de réclamation a expiré depuis plusieurs mois, cette dernière doit envisager une telle requête comme une demande de reconsidération ou de révision (JTAPI/122/2025 du 3 février 2025 et les références citées).

13.         Aux termes de l’art. 147 al. 1 LIFD, une décision ou un prononcé entré en force peut être révisé en faveur du contribuable, à sa demande ou d’office lorsque des faits importants ou des preuves concluantes sont découverts (let. a), lorsque l’autorité qui a statué n’a pas tenu compte de faits importants ou de preuves concluantes qu’elle connaissait ou devait connaître ou qu’elle a violé de quelque autre manière l’une des règles essentielles de la procédure (let. b) ou lorsqu’un crime ou un délit a influé sur la décision ou le prononcé (let. c). L’art. 147 al. 2 LIFD précise que la reconsidération est exclue lorsque le requérant invoque des motifs qu’il aurait déjà pu faire valoir au cours de la procédure ordinaire s’il avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait raisonnablement être exigée de lui.

Le droit cantonal, à l’art. 55 LPFisc, comporte une teneur similaire

14.         Même en présence d’un motif de révision, si le contribuable ou son représentant omet, de manière négligente, de faire valoir celui-ci dans la procédure ordinaire, la révision n’est pas possible, la jurisprudence se montrant stricte à cet égard (arrêt du Tribunal fédéral 2C_245/2019 du 27 septembre 2019 consid. 5.3 et les références citées). Le seul facteur décisif est ainsi celui de savoir si le contribuable aurait déjà pu présenter les motifs de révision dans la procédure ordinaire, le but de la procédure extraordinaire et subsidiaire de la révision n’étant pas de réparer les omissions évitables du contribuable commises au cours de la procédure ordinaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_245/2019 du 27 septembre 2019 consid. 5.3 et les références citées). Il appartient en effet à ce dernier de contrôler la décision de taxation lorsqu’il la reçoit et de signaler en temps utile les vices dont elle serait affectée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_212/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.2).

Il n’est ainsi pas possible de déroger aux principes régissant la révision, quand bien même le résultat de leur application est choquant et heurte le sentiment de l’équité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_212/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.2 et 5.3).

15.         En l’espèce, dans sa réponse, l’AFC-GE fait valoir que les conditions de la révision ne sont manifestement pas remplies.

Ce point de vue doit être approuvé. Rien ne permet de conclure, à la lecture des écritures des recourants, qu’ils auraient sollicité la révision des bordereaux du 19 juin 2024. Ils n’ont d’ailleurs pas allégué, et encore moins démontré, que les conditions de la révision ou d’une reconsidération seraient remplies. Le fait que par hypothèse, pour l’année 2023, ils devraient payer plus d’impôts que pour la période précédente, alors même que leur revenu a diminué, ne constitue pas un motif de révision, même si ce fait était prouvé. Ce grief aurait dû, en effet, être invoqué par la voie de la procédure ordinaire de réclamation, puis, cas échéant, de recours. Enfin, ils ne font valoir aucun argument dont ils n’auraient pas été en mesure de se prévaloir au cours de la procédure ordinaire.

16.         Ne reposant sur aucun motif valable, le recours doit être rejeté.

17.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

18.         Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 10 octobre 2024 par Madame A______ et Monsieur B______ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 10 septembre 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Gwénaëlle GATTONI, présidente, Laurence DEMATRAZ et Giedre LIDEIKYTE HUBER, juges assesseures.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

Le greffier