Skip to main content

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/621/2025

JTAPI/247/2025 du 07.03.2025 ( MC ) , CONFIRME

Descripteurs : DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION
Normes : LEI.75.al1.let4; LEI.76.al1.letb.ch1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/621/2025 MC

JTAPI/247/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 7 mars 2025

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Camilla NATALI, avocate

 

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             En date du 12 décembre 2024, Monsieur A______, né le ______ 1987 et originaire de Géorgie, a été arrêté par les forces de l'ordre genevoises dans le cadre d'un cambriolage. Entendu par les enquêteurs, l'intéressé a notamment indiqué n'avoir aucun lieu de résidence fixe en Suisse, ni aucun lien particulier avec ce pays. Il n'a par ailleurs pas fait mention d'une quelconque source légale de revenu. Il a été maintenu en arrestation provisoire.

2.             Par jugement du 17 février 2025, le Tribunal de police (statuant au terme d'une procédure simplifiée) a reconnu M. A______ coupable de violation de domicile, de dommages à la propriété ainsi que de tentative de vol (au sens des art. 22 et 139 ch.1 CP), et l'a condamné à une peine privative de liberté de 3 mois (sous déduction de 68 jours de détention avant jugement), avec sursis. Simultanément, l'autorité de jugement a ordonné l'expulsion de Suisse de l'intéressé pour une durée de 5 ans, ainsi que son maintien en détention pour des motifs de sûreté jusqu'au 24 février 2025.

3.             Les services de police ont immédiatement procédé aux démarches relatives à l'organisation du renvoi de l'intéressé; à cet égard, ils ont sollicité du service médical de l'établissement pénitentiaire un "rapport médical dans le domaine du retour" et effectué une réservation de vol.

4.             Une fois le rapport médical obtenu, ce dernier a été transmis à l'organisme compétent, lequel a délivré le 20 février 2025 le certificat d'aptitude au transport par voie aérienne (MEDIF).

5.             Le 24 février 2025, à sa sortie de la Prison de Champ-Dollon, l'intéressé a été remis entre les mains des services de police en vue de son renvoi.

6.             Le même jour, M. A______ s'est vu notifier par l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une décision de non-report de la mesure d'expulsion judiciaire prononcée à son endroit, après avoir eu l'occasion de faire valoir son droit d'être entendu à cet égard.

7.             Le 24 février 2025 toujours, les autorités ont obtenu le billet d'avion à destination de la Géorgie commandé en faveur de M. A______. Le vol concerné aura lieu le 28 février 2025.

8.             Le 24 février 2025, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l’encontre de M. A______ pour une durée de trois semaines sur la base des art. 75 al. 1 let. h et 76 al. 1 let. b ch. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), l'intéressé ayant été condamné pour un vol, soit une infraction constitutive d'un crime.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il ne s'opposait pas à son retour en Géorgie. Il était en outre d’accord que le Tribunal administratif de première instance renonce à la procédure orale, après que le commissaire de police eut attiré son attention sur la teneur de l’art. 80 al. 3 LEI.

9.             Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour, par courriel, à 17h29.

10.         A réception de l’ordre de mise en détention, le tribunal a invité le conseil de M. A______ à lui communiquer ses éventuelles observations écrites d’ici au 25 février 2025 à 11h00.

11.         Par courriel adressé au tribunal dans le délai imparti, le conseil de M. A______ a présenté des observations.

M. A______ avait été arrêté le 12 décembre 2024 et dès le début de la procédure pénale, avait tout mis en œuvre pour y mettre un terme rapidement. En effet, son frère et sa femme enceinte l'attendaient en Géorgie et s'impatientaient de son absence, comme le reste de sa famille. Ainsi, il souhaitait rentrer dans son pays dans les plus brefs délais afin de pouvoir notamment assumer son futur rôle de père. Dans cette optique, il avait accepté son expulsion s'était engagé à quitter immédiatement la Suisse dès sa libération. Malgré plusieurs demandes faites par son conseil en vue d'accélérer la procédure, le Tribunal pénal n'avait finalement tenu une audience que le 17 février 2025. Dans son jugement du même jour, il avait ordonné le maintien en détention de M. A______ pour des motifs de sûreté jusqu'au 24 février 2025. M. A______ avait alors averti son époux et son frère qu'il rentrerait au plus tard à cette date. Cependant, les autorités d'exécution cantonales avaient demandé un certificat d'aptitude au transport par voie aérienne, parce que M. A______ avait indiqué qu'il prenait parfois de l'Oméprazole pour traiter des douleurs d'estomac. Ainsi, malgré son besoin urgent de retourner en Géorgie pour s'occuper de sa femme enceinte de sa famille, il se trouvait désormais en détention administrative pour une durée de trois semaines avec un vol réservé seulement pour le vendredi 28 février 2025.

Sur le plan de la légalité, la détention prononcée contre M. A______ ne respectait pas les conditions prévues par la loi. S'agissant du premier motif sur lequel se fondait la décision litigieuse, à savoir le fait qu'il avait été condamné pour crime, la jurisprudence prévoyait que la condamnation devait être entrée en force, ce qui n'était pas le cas en l'espèce étant donné que le délai de l'annonce d'appel contre le jugement rendu par le Tribunal de police le 17 février 2025 arrivait à échéance le 27 février 2025. Quant au second motif sur lequel se fondait la décision litigieuse, à savoir l'existence d'un risque de fuite ou de disparition, les éléments permettant de retenir un tel risque n'étaient pas réalisés en l'occurrence.

Par ailleurs, la décision litigieuse violait le principe de la proportionnalité, car les autorités cantonales avaient inutilement perdu du temps en demandant un document médical sur l'aptitude au voyage, compte tenu des symptômes qu'il avait signalés. En outre, la détention en elle-même ne paraissait pas indispensable pour assurer l'exécution du renvoi de M. A______, à tout le moins sans qu'il lui ait été donné la possibilité de quitter le territoire immédiatement et par ses propres moyens, cas échéant en prononçant des mesures de substitution. La détention administrative était d'autant plus injuste qu'elle donnait à M. A______ le sentiment d'avoir finalement purgé intégralement une peine pour laquelle le sursis lui avait été octroyé, car il ne pouvait pas faire la distinction entre une détention pénale et une détention administrative. S'agissant enfin de la durée de la détention, elle était manifestement excessive, étant donné qu'un vol avait été réservé pour le 28 février 2025 et que M. A______ avait accepté d'y embarquer.

12.         Par jugement du 25 février 2025 rendu dans le cadre de la procédure écrite (JTAPI/215/2025), le tribunal a confirmé l'ordre de mise en détention administrative émis par le commissaire de police le 24 février 2025 à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois semaines, soit jusqu'au 16 mars 2025 inclus.

13.         Le 26 février 2025, le service de protection asile et retour, suite à une information reçue du secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM), a informé le tribunal qu'en raison d'une grève du personnel aéroportuaire à B______, le billet d'avion à destination de la Géorgie obtenu en faveur de M. A______ pour le 28 février 2025 avait dû être annulé. Un nouveau billet d'avion pour un vol DEPU, via Vienne, avait été obtenu pour le 7 mars 2025.

14.         Le tribunal a dès lors convoqué M. A______ afin de l'entendre oralement.

15.         Lors de l'audience tenue par le tribunal le 6 mars 2025, M. A______ ne s'est pas présenté, ayant refusé de quitter son lieu de détention.

Le conseil de M. A______ a transmis au tribunal un chargé contenant une lettre de la compagne de M. A______ et une lettre de son frère mentionnant les raisons pour lesquelles son retour était souhaité dans les plus brefs délais.

La représentante du commissaire de police a conclu à la confirmation de la mesure d’ordre de mise en détention prononcée le 24 février 2025 pour une durée de trois semaines.

Il a conclu à la levée de détention de M. A______ dès le 7 mars 2025 après l’heure du vol prévu pour lui si celui-ci ne devait pas avoir lieu.

 

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

En statuant ce jour, il respecte le délai de douze jours dans lequel, au terme d'une procédure orale, il doit à nouveau se pencher sur une détention sur laquelle il a précédemment statué par le biais d'une procédure écrite, lorsque le départ n'est pas intervenu huit jours après le début de la détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; 9 al. 3 LaLEtr).

2.            En effet, la détention administrative a débuté le 24 février 2025 à 15h00, de sorte que le délai de douze jours mentionné ci-dessus arrive à échéance le 8 mars 2025.

3.            Dans son jugement du 25 février 2025, le tribunal a examiné la légalité de la détention administrative de M. A______, expliquant que celle-ci se fondait sur l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, renvoyant à l'art. 75 al. 1 lettre h LEI, concernant le cas d'une personne ayant été condamnée pour crime. Dans le cas d'espèce, M. A______ ayant été condamné pour vol, soit pour une infraction constitutive de crime, la détention administrative était fondée dans son principe. Pour le détail de cette motivation, il suffit de renvoyer M. A______ à ce jugement, qui lui a été dûment notifié (JTAPI/215/2025).

4.            Lors de l'audience du 6 mars 2025, M. A______, par l'intermédiaire de son conseil, a mis en cause la légalité de sa détention en contestant l'applicabilité, dans son cas, de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI, qui concerne en substance une personne dont il y a lieu de craindre qu'elle entende se soustraire à son renvoi ou refuser d'obtempérer aux instructions des autorités. Cette question n'a cependant pas besoin d'être tranchée dans le cas d'espèce, dans la mesure où, comme vu plus haut, la légalité de la détention de M. A______ se fonde déjà sur une autre base légale, à savoir l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, renvoyant à l'art. 75 al. 1 lettre h LEI.

5.            Quant à la proportionnalité de la détention administrative de M. A______, cette question a également été examinée dans le cadre du jugement JTAPI/215/2025 du 25 février 2025, auquel il se justifie à nouveau de renvoyer pour les détails de la motivation.

6.            S'agissant de cette question, M. A______, par l'intermédiaire de son conseil, a plaidé lors de l'audience du 6 mars 2025 qu'il avait obtenu le sursis dans le cadre de sa condamnation pour vol, dans la mesure où il avait agi en tant que primo-délinquant. Il n'y avait donc pas lieu de le condamner une nouvelle fois. Cependant, comme le tribunal l'a déjà exprimé dans son précédent jugement, la détention administrative dont fait actuellement l'objet M. A______ n'a strictement aucun caractère pénal et n'est liée qu'à l'exécution de son expulsion de Suisse, de sorte que le fait qu'il a été condamné avec sursis pour les infractions qu'il a commises est irrelevant.

7.            Il en va de même concernant la condition de subsidiarité et de nécessité de la détention, le tribunal ayant précédemment indiqué qu'au vu du parcours de M. A______ en Suisse, il n'y avait pas lieu d'accorder crédit à l'intention qu'il affiche de se soumettre désormais à ses obligations. A cet égard, il ne faut pas confondre son envie de quitter la Suisse au plus vite, et le fait qu'il le fasse sous le contrôle des autorités suisses, selon les règles et exigences posées par ces dernières. Le fait que M. A______ quitte inopinément la Suisse, hors contrôle, contreviendrait également à ses obligations. Son récent refus de quitter son lieu de détention pour déférer à la convocation du tribunal indique que le précité, dont les déterminations dans le cadre du précédent contrôle de sa détention montraient qu'il était plus prompt à critiquer l'action des autorités suisses qu'à considérer sa responsabilité de base dans sa situation actuelle, semble avoir une aptitude discutable à se remettre en question et cas échéant à se soumettre aux autorités.

8.            Enfin, s'agissant de la durée de sa détention, un vol de retour pour la Géorgie est prévu ce jour en fin d'après-midi, de sorte que si, comme il l'a répété, il prend ce vol, sa détention prendra fin en même temps. La durée restante jusqu'au 16 mars 2025 deviendra sans objet. Néanmoins, en cas de nouveau problème ou de refus d'embarquer, les autorités doivent pouvoir garder M. A______ sous leur contrôle en vue d'une nouvelle tentative d'expulsion.

9.            Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de trois semaines, soit jusqu'au 16 mars 2025 inclus.

10.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative émis par le commissaire de police le 24 février 2025 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de trois semaines, soit jusqu'au 16 mars 2025 inclus ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

Le greffier