Skip to main content

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/4054/2024

JTAPI/1204/2024 du 09.12.2024 ( LVD ) , ADMIS

Normes : LVD.8; LVD.11
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4054/2024 LVD

JTAPI/1204/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 9 décembre 2024

 

dans la cause

 

 

Madame A______ agissant en son nom et celui de son enfant mineur, B______

 

contre

Monsieur C______

 


 

EN FAIT

1.             Le 28 novembre 2024 à 2h08 du matin, la police est intervenue au domicile de Madame A______ et Monsieur C______, sis ______[GE].

Les époux C______ ont deux enfants, B______, né le ______ 2007, et D______, né le ______ 2009.

2.             Selon le rapport établi par la police le même jour, Mme A______ et B______ ont expliqué à la police que M. C______ était rentré au domicile tard dans la nuit et semblait aviné (forte odeur d'alcool). Peu après, il était entré dans la chambre conjugale en arguant chercher des cigarettes. Puis, n'en trouvant pas, il s’était dirigé dans la chambre de son fils B______.

M. C______ s'était énervé contre son fils, car il avait senti une odeur de cannabis. Il était monté sur le lit de son fils, qui y dormait et avait tenté de lui asséner un coup de poing. Pour se défendre, B______ lui avait asséné plusieurs coups de pied afin de le repousser. Puis, M. C______ avait saisi un fauteuil avec ses mains et avait menacé B______ de le lui lancer dessus, ce qu'il n'avait pas fait. Une photo dudit fauteuil avait été prise et était jointe.

M. C______ avait quitté la chambre de son fils et s’était dirigé vers le salon en claquant plusieurs portes. Mme A______ l'avait suivi et avait tenté de le raisonner. Dans cette pièce, M. C______ avait poussé Mme A______ avec ses mains. Lors de cette action, Mme A______ avait chuté. À ce moment, M. C______ avait saisi sa femme par le bras et effectué une clé afin de l'immobiliser au sol. Pour se libérer, Mme A______ s'était débattue et lui avait asséné plusieurs coups : Mme A______ n'avait pas été en mesure de préciser quels coups avaient été donnés à ce moment. À la suite de cela, M. C______ avait lâché la clé d'immobilisation qu'il effectuait à Mme A______.

3.             Mme A______ a été entendue par la police le 28 novembre 2024 à 3h00 du matin.

Elle était mariée avec M. C______ depuis 18 ans, ils avaient eu deux enfants. Cela faisait environ cinq ans que son mari avait une tendance à boire de l'alcool, et deux ans que cela nuisait à son couple, lequel se détériorait au fil du temps. Elle ne voyait plus de solution et pensait se séparer. Son mari avait perdu son travail depuis une année environ et s’isolait régulièrement dans la résidence qu’ils avaient dans la région d'E______ (France).

Ce soir, son mari était rentré du pub peu avant minuit, y étant depuis 16h00 environ. Il avait fait beaucoup de bruit en rentrant, avait allumé la lumière puis l’avait réveillée pour lui demander des cigarettes. Alors qu'il ne trouvait pas de cigarette en fouillant son sac, il avait senti une odeur de cannabis. II s'était mis à faire du scandale et lui vociférer dessus en la traitant de « pute », que c'était à cause de sa famille de « cons » que leur fils fumait de la drogue. Il avait ajouté qu’elle pouvait « aller se faire foutre ». Au vu de son état d’agitation, elle s’était levée pour lui demander d'arrêter de crier et faire du bruit, car il allait réveiller tout le monde. A ce moment-là, il l’avait poussée avec ses mains, sans qu’elle ne tombe. En conséquence, il lui avait attrapé le bras gauche et lui avait fait un crochepied pour la mettre au sol. Une fois à terre, il l’avait maintenue avec sa main une dizaine de secondes en appuyant sur le côté gauche de sa clavicule. Elle avait pu se défaire de sa prise et était partie se réfugier dans sa chambre.

Son mari s’était ensuite rendu dans la chambre de B______ pour le réveiller et lui avait littéralement sauté dessus, mais B______ avait réussi à le repousser avec ses pieds. Enervé, son mari avait saisi un tabouret et l’avait pointé dans la direction de leur fils comme s'il s’apprêtait à le lui lancer dessus. Avant qu'il n’ait eu le temps de le faire, elle avait crié très fort et son fils et elle avaient réussi à le repousser en dehors de la chambre ; ils avaient appelé la police qui était arrivée peu de temps après.

Elle avait mal à la clavicule, au haut de la poitrine ainsi qu'à son bras gauche.

Elle se rappelait d'une altercation similaire en août 2024 à G______(Portugal). Il l'avait traitée de « pute » et il lui avait mis plusieurs gifles avant de la plaquer sur le lit. En fait, ce genre d'épisode se passait régulièrement ; il y avait environ une année, en rentrant aviné à la maison, ils avaient eu un conflit oral et sans raison il lui avait mis un coup de pied dans le bras en lui disant « Je ne te ferai pas le plaisir de te frapper au visage, car je ne veux pas que cela se voit ».

Son mari la manipulait beaucoup sentimentalement, un jour tout partait en « sucette » et le lendemain il lui envoyait des message d'amour pour s'excuser. Elle avait l'impression qu'il avait un contrôle permanent sur elle.

4.             B______ a été entendu par la police le même jour à 3h15.

Sa relation avec sa mère était saine, il aimait passer du temps avec elle. Sa relation avec son père était très conflictuelle depuis environ un an. Son père buvait beaucoup d’alcool et il le lui reprochait et son père lui reprochait de consommer du cannabis.

Ce jour, aux alentours de 1h30 du matin, il dormait dans sa chambre et avait été réveillé par des claquements de portes. Suite à cela, d'un coup, son père était entré dans sa chambre. Il se faisait suivre par sa mère et il l'avait poussée violemment ; elle était tombée au sol. Ensuite, son père lui avait sauté dessus en lui disant « Espèce de connard, tu es encore en train de fumer. La prochaine fois, je te mets un Glock dans ta bouche ». Il avait essayé de lui porter plusieurs coups de poings mais il ne l’avait pas touché. Il faisait n'importe quoi car il était complètement bourré. Il avait eu très peur et il s’était débattu pour se libérer. Il l’avait poussé à plusieurs reprises avec ses jambes. Son père était tombé au sol et s’était relevé : il avait saisi un tabouret et l’avait tenu en l'air, au-dessus de sa tête, avec ses deux mains. A ce moment, il était encore dans son lit, tout nu ; il essayait de se protéger du mieux qu’il pouvait avec ses mains, ses jambes et sa couverture. Son père ne l’avait pas frappé avec ce tabouret. Il avait crié fort et avait eu peur ; il n’en pouvait plus de cette situation. Sa mère était rapidement intervenue. Il n’avait pas été blessé.

Il ne s’agissait pas d’un événement isolé. Au mois de juillet 2024, il dinait avec ses parents, sa grand-mère et des collègues de travail à sa mère. Son père, alcoolisé, avait senti une odeur de cannabis : lui-même était sur son téléphone sur son lit et son père avait frappé sur le téléphone. Suite à cela, la situation s’était détériorée et son père lui avait porté un coup de poing avec son bras gauche sur son oreille droite : il avait eu mal à l'oreille. Après cet évènement, son père et lui ne se parlaient plus beaucoup. Le reste des évènements concernait uniquement sa mère et son père : ils ne s’entendaient plus et n'arrivaient pas à régler leurs problèmes.

Son frère avait une bonne relation avec son père, qui avait déjà dit à plusieurs reprises qu'D______ était son fils préféré.

Il fumait environ un joint par jour depuis 18 à 24 mois, dans sa chambre. Par contre, il y avait des jours où il ne fumait pas : il fumait essentiellement parce qu’il avait des douleurs constantes au dos et cela l'aidait à s'endormir. Il ne consommait aucun autre stupéfiant.

Il se procurait le cannabis par le truchement d’amis et le payait avec son argent de poche. Il avait annoncé sa consommation à ses parents en décembre 2023 et cette situation avait créé des conflits entre eux.

5.             M. C______ a été entendu par la police le même jour à 4h15.

Il avait rencontré sa femme en avril 2005 et ils s’étaient mariés le ______ 2007. Ils avaient deux enfants. Leurs premiers conflits avaient commencé en 2020. En effet, sa femme avait commencé à sortir et à faire la fête tous les soirs alors qu’il restait seul à la maison avec les enfants. Une fois, en 2020 il était à la maison, portait ses écouteurs, et était sur le balcon quand sa femme était venue vers lui et lui avait donné un coup de poing dans le visage ; il avait fait appel à la police. Sa femme négligeait constamment leur mariage ainsi que les enfants. En 2021 ou 2022, la police avait été appelée. B______, leur fils, n'était pas heureux à l'école privée « F______ » où il se trouvait. En effet, il avait une addiction aux jeux vidéo. De cette situation, sa femme et lui avaient convenu de s’accorder six semaines, pour essayer d'améliorer ses chances de ne pas perdre son année scolaire, sans jeux vidéo. Un lundi soir, en arrivant à la maison, leur fils était en train de jouer, et il avait « pété » un câble. En la présence de sa femme et de sa belle-mère, il avait dit que ce qu'il faisait n'était pas acceptable : ils avaient passé un contrat. Il avait appelé la police. C’était un conflit verbal, il n’avait pas frappé son fils et il n’y avait pas eu de suite.

Depuis deux ans, ses enfants n’allaient plus à l'école. Ils recevaient beaucoup de cadeaux de la part de sa belle-mère et sa femme continuait à faire la fête tous les jours ; lui-même avait pris du recul. Depuis 2023, il y avait une odeur de marijuana dans tout l'appartement. Deux semaines auparavant, il était à la maison et il y avait un jeune homme étranger qui avait ouvert la porte de son appartement avec une clé : il avait l'accès à leur foyer, c'était un ami de B______, Depuis octobre 2024, il retapait la maison et ce qu’il voyait c'était des jeunes qui fumaient de la marijuana. Mardi, six enfants de 17 ans étaient chez eux et fumaient. Tous venaient chez eux car sa femme acceptait cette situation.

Concernant l’événement de juillet 2024, à son arrivée à la maison, il avait constaté une forte odeur de marijuana. Ils avaient eu une dispute et il avait dit qu’il allait rentrer en Angleterre. Il n’avait pas frappé sa femme. Sa belle-mère et son épouse protégeaient B______, elles considéraient son comportement comme normal. Il avait quitté l’appartement et passait la majorité du temps dans sa maison secondaire à E______. Emotionnellement, il ne supportait plus de voir son enfant dans cette situation.

Ce jour, il avait participé à la fête d'adieu de son meilleur ami qui rentrait en Angleterre. Quand il était rentré à la maison, l'odeur était tellement forte qu’il avait demandé à sa femme d'où elle venait. Elle était devenue agressive ; elle protégeait son enfant et approuvait son comportement. Elle était devenue physiquement agressive envers lui et était deux fois plus forte que lui. Sans le toucher, elle avait commencé à faire semblant de tomber ; elle avait tenté de le frapper, il avait des petites marques sur le bras mais ce n'était rien. Elle l’avait poussé. Il était allé dans la chambre de B______ afin qu’il lui présente des excuses et qu'il lui promette que cela n'allait pas se répéter. B______ lui avait donné un coup de pied et il était tombé au sol mais il continuait à lui dire que c'était trop et que son comportement était inacceptable : il s’agissait de leur foyer. Il avait commencé à pleurer ; il aimait sa femme et sa famille. Il voulait que tout se passe bien mais, maintenant, il voulait divorcer et rentrer en Angleterre. Il n’avait jamais eu de problèmes dans ses relations précédentes.

Il n’avait pas été physiquement blessé mais moralement, il avait pleuré.

Il n’avait jamais dit à son fils « Je vais te mettre un Glock dans la bouche ». Il lui avait dit que s'il ne voulait pas aller à l'école, il fallait qu’il se présente à l'armée britannique pour avoir une formation. Ça pourrait être une option. Il lui avait même envoyé le lien internet. S’il lui disait non pour quelque chose, il devenait agressif, même avec sa mère. C'était son fils le problème, pas lui. Il avait dit à son fils « little shit ». Il n’avait pas insulté sa femme ; elle l’avait attaqué et ils étaient tombés à cause de l’élan ; il ne s’agissait pas d’un mouvement voulu, il n’avait pas voulu la saisir au cou.

Il n’avait pas l’intention de revenir à la maison, pour sa part c’était fini.

6.             Par décision du 28 novembre 2024, le commissaire de police a prononcé une mesure d'éloignement d'une durée de douze jours, soit du 28 novembre 2024 à 9h20 au 10 décembre 2024 à 17h00 à l'encontre de M. C______, lui interdisant de s'approcher ou de pénétrer à l'adresse privée ______[GE], et de contacter ou de s'approcher de Mme A______ et de leur fils B______.

Selon cette décision, M. C______ était présumé avoir, le 28 novembre 2024, tenté de frapper son fils B______, de l’avoir injurié en le traitant de « connard » puis de l’avoir menacé en lui disant qu’il allait lui mettre un « Glock dans la bouche ». Il aurait également insulté sa femme, la traitant de « pute », l’aurait poussée puis saisie par le bras pour la mettre au sol en la maintenant avec sa main sur la clavicule.

Précédemment, il aurait asséné un coup sur l’oreille de B______ en juillet 2024.

La police était par ailleurs intervenue le 28 mars 2022 suite à un conflit entre M. et Mme A______, sans violences physiques.

Elle était également intervenue le 20 août 2022 pour un conflit lors duquel Mme A______ aurait frappé son mari sans raison apparente au visage – sans trace et alors que M. C______ présentait des signes d’alcoolémie. Mme A______ avait expliqué que son mari avait tendance ces derniers temps à consommer de l’alcool, ce qui le rendait colérique ; en rentrant chez elle, il lui aurait saisi le poignet et elle l’aurait repoussé en lui donnant une gifle. Leur fils B______ aurait également déclaré que son père buvait régulièrement de grandes quantités d’alcool, ce qui créait des conflits entre ses parents : sa mère n’avait jamais eu de geste violent envers son mari. Le couple avait été informé que la présente main courante concernait les violences conjugales.

7.             M. C______ ne s’est pas opposé à la mesure.

8.             Par acte du 5 décembre 2024, Mme A______ a demandé au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) la prolongation de la mesure d'éloignement pour une durée supplémentaire de 30 jours.

Au vu des derniers faits, sa famille, et plus précisément son fils B______ et elle-même ne se sentaient pas sereins et craignaient de laisser M. C______ pénétrer dans l’appartement, lequel faisant régulièrement preuve d’un comportement colérique, imprévisible et menaçant. Il avait par ailleurs la possibilité de résider dans leur maison secondaire à E______ où il avait tout le confort.

Sa famille et elle-même avaient besoin d’être au calme, notamment dans la période des fêtes, ce qui leur permettrait également de réfléchir et d’apaiser la situation. Elle travaillait à 100 % et n’était pas présente au sein du domicile familial avant 18h30 la journée : ses enfants, avec des horaires irréguliers, pourraient se retrouver seuls avec leur père.

9.             Vu l'urgence, le tribunal a informé par téléphone du 6 décembre 2024 de l'audience qui se tiendrait le 9 décembre 2024.

10.         Lors de cette audience, Mme A______ a sollicité la prolongation de la mesure d'éloignement pour une durée de 30 jours pour elle et son fils B______. Elle a déposé le certificat médical établi le 3 décembre 2024, suite aux événements du 28 novembre 2024.

M. C______ a indiqué ne pas s'opposer à la prolongation de la mesure d'éloignement. Il n'avait pas l'intention de revenir au domicile conjugal. Il avait un rendez-vous auprès de H______ le 18 décembre prochain. Il comprenait la situation de sa femme et il était disposé à se retirer de sa famille, pour qu'elle soit calme et sans conflit. Il allait essayer de reconstruire sa vie seul. Il avait le projet de partir en Angleterre aujourd'hui mais il souhaitait se rendre à un entretien pour un éventuel engagement chez I______ le 17 décembre 2024, ainsi qu'à son rendez-vous chez H______, le 18 décembre 2024. Il devait également faire passer la visite technique à sa voiture : il allait s'organiser pour faire passer la visite technique à sa voiture après la fin de la mesure. Il était d'accord à ce que la mesure soit prolongée d'un commun accord pour la durée sollicitée par son épouse. Il n'avait pas besoin de récupérer des affaires avant la fin de la mesure prévue le 9 janvier 2025. Il avait pu récupérer quelques affaires que sa femme avait remises à un ami commun. Il laissait le soin à cette dernière de discuter avec D______, qui n'était pas concerné par la mesure, pour savoir s'il souhaitait le contacter. Il allait demeurer dans leur résidence secondaire pendant la durée de l'éloignement. Il avait pris note que qu'il était autorisé à voyager et à pouvoir se rendre en Angleterre pour Noël.

Mme A______ et M. C______ ont confirmé qu'ils n'avaient eu aucun contact depuis le prononcé de la mesure. M. C______ n'y avait pas non plus eu de contact avec B______. Ils n'avaient jamais discuté séparation mais c'était leur volonté commune aujourd'hui.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des demandes de prolongation des mesures d'éloignement prononcées par le commissaire de police (art. 11 al. 2 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 - LVD - F 1 30), sur lesquelles il est tenu de statuer avant l'échéance de la mesure, avec un pouvoir d'examen s'étendant à l'opportunité (art. 11 al. 3 LVD).

2.             Déposée en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, la demande de prolongation est recevable au sens de l'art. 11 al. 2 LVD.

3.             La LVD a pour but de contribuer à la protection de la personnalité dans le cadre familial et domestique en soutenant et en renforçant les efforts de lutte contre les violences domestiques (art. 1 al. 1 LVD).

Par « violences domestiques », la loi désigne une situation dans laquelle une personne exerce des violences physiques, psychiques, sexuelles ou économiques sur une autre personne avec laquelle elle est liée par un rapport familial, conjugal, de partenariat ou d'union libre, existant ou rompu (art. 2 al. 1 LVD).

Par « personnes concernées par les violences domestiques », la loi vise notamment les victimes et les auteurs de violences domestiques, les proches de ces personnes ainsi que les professionnels du domaine (art. 2 al. 2 LVD).

Selon l'art. 8 al. 1 LVD, la police peut prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre de l'auteur présumé d'actes de violence domestique, si la mesure paraît propre à empêcher la réitération de tels actes.

Selon l'art. 8 al. 2 LVD, une mesure d'éloignement consiste à interdire à l'auteur présumé de

a) pénétrer dans un secteur ou dans des lieux déterminés ;

b) contacter ou approcher une ou plusieurs personnes.

La mesure d'éloignement est prononcée pour une durée de dix jours au moins et de 30 jours au plus (art. 8 al. 3 LVD).

Elle peut être prolongée pour 30 jours au plus. Depuis le prononcé initial de la mesure, sa durée totale ne peut excéder 90 jours (art. 11 al. 2 LVD).

En vertu de l'art. 12 LVD, la mesure d'éloignement est assortie de la menace des peines prévues à l’art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), qui prévoit que « celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue au présent article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents sera puni d'une amende ».

Il ressort des travaux préparatoires relatifs à la révision de la LVD en 2010, que la volonté clairement exprimée par le législateur était de simplifier la loi, de manière à en favoriser une application plus régulière et effective. Dans ce sens, le nouvel art. 8 al. 1 LVD ne vise plus une mesure qui serait nécessaire pour écarter un danger relatif à des actes de violences domestiques, mais qui doit être simplement propre à empêcher la réitération de tels actes. En revanche, la loi continue à poser pour condition l'existence d'une présomption que des actes de violences domestiques ont été commis auparavant (rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 11).

Ainsi que cela résulte des principes rappelés ci-dessus, les violences à l'origine de la mesure d'éloignement n'ont pas à être prouvées. Il suffit que l'on puisse présumer, sur la base de l'ensemble des circonstances, qu'elles ont eu lieu. La LVD est ainsi faite pour protéger la personne dont il paraît plausible qu'elle a été victime de telles violences, et constitue ainsi un cadre essentiellement préventif. Elle diffère sur ce point d'une procédure pénale, dont l'issue emporte des conséquences beaucoup plus sévères pour l'auteur, et qui est parallèlement soumise à des exigences de preuve plus strictes.

4.             En l'espèce, les faits dont Mme A______ se plaint d'avoir été victime et ceux relatés par leur fils B______ devant la police correspondent à la notion de violences domestiques au sens défini par la loi. M. C______ conteste quant à lui toute forme de violence mais admet des disputes et des difficultés dans son couple et au sein de sa famille, notamment en lien avec le comportement de B______. Il se déclare disposé à s’éloigner de sa famille afin qu’elle vive dans le calme et sans conflit ; il est prêt à reconstruire sa vie seul.

Sans savoir exactement ce qui s’est passé le 28 novembre 2024 au soir, on ne saurait qualifier de bonne la situation tant du couple que celle entre B______ et son père.

Les deux époux s’accordent aujourd’hui sur le fait qu’ils souhaitent se séparer, et M. C______ s’est dit d’accord pour que la mesure d’éloignement soit prolongée de 30 jours, pour ne pas revenir au domicile conjugal et pour demeurer dans leur résidence d’E______.

Compte tenu de la perspective d'une séparation, des démarches que les époux semblent disposés à entamer à cette fin et de leur souhait de ne plus reprendre la vie commune, la période paraît peu propice à un retour de M. C______ au domicile conjugal dès le 10 décembre prochain.

Dès lors, même si, certes, la mesure d'éloignement, a fortiori sa prolongation, n'a pas pour objectif de donner du temps aux personnes concernées pour qu'elles organisent leur vie séparée, prenant acte de la volonté exprimée par chacune d’elles, à laquelle il convient de donner suite, le tribunal prolongera la mesure d'éloignement en cause jusqu'au 9 janvier 2025 à 17h00. Partant, pendant cette nouvelle période de 30 jours, il sera toujours interdit à M. C______ de contacter et de s'approcher de Mme A______ et de leur fils B______, ainsi que de s'approcher et de pénétrer au domicile conjugal.

5.             Il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA).

6.             Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (cf. rapport du 1er juin 2010 de la Commission judiciaire et de la police du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi 10582-A du Conseil d'État modifiant la LVD, in MGC 2009-2010/IX A, D. Examen de détail, ad art. 11 al. 1 LVD).


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable la demande formée par Madame A______ le 5 décembre 2024 tendant à la prolongation de la mesure d'éloignement prononcée par le commissaire de police le 28 novembre 2024 à l’encontre de Monsieur C______ ;

2.             l'admet ;

3.             prolonge la mesure d'éloignement pour une durée de 30 jours, soit jusqu'au 9 janvier 2025 à 17h00, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, dont la teneur figure dans les considérants ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

5.             dit qu'un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, au commissaire de police pour information, ainsi qu'au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant pour information.

Genève, le

 

La greffière