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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/4050/2023

JTAPI/623/2024 du 24.06.2024 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : TRANSFORMATION DE L'ENTREPRISE(DROIT FISCAL);GAIN EN CAPITAL;DIVIDENDE(SOCIÉTÉ);ÉVASION FISCALE
Normes : LIFD.20a.al1.letb; LIPP.23.al1
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4050/2023 ICCIFD

JTAPI/623/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 24 juin 2024

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______, représentés par Me Baudouin DUNAND, avocat, avec élection de domicile

 

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Le litige concerne la taxation 2020 de Madame A______ et Monsieur B______ (ci-après : les contribuables ou les recourants).

2.             C______ SA (ci-après : la SA) a été enregistrée au registre du commerce (ci-après : RC) de Genève en 1999. Son capital de CHF 100'000.- se décompose en 100 actions d’une valeur nominale de CHF 1'000.-. Monsieur D______ en a détenu l’entier du capital-actions.

3.             La société genevoise E______ Sàrl (ci-après : la holding), inscrite au RC en octobre 2020, dispose d’un capital de CHF 20'000.-, qui se compose de 200 parts d’une valeur nominale de CHF 100.-, entièrement en mains du contribuable, unique associé gérant qui bénéficie de la signature individuelle.

4.             Par contrat du 4 janvier 2017, M. D______ a vendu au contribuable le capital-actions de la SA pour le prix de CHF 2.6 millions (art. 1 et 2).

La remise des titres interviendrait par livraisons successives. Au 1er janvier 2017, le vendeur s’engageait à remettre le 30 % du capital-actions contre paiement de CHF 780'000.-. Le 1er janvier 2021, le vendeur devait transmettre le 70 % du capital contre versement d’un montant de CHF 1.82 million (art. 3).

L’art. 9 du contrat prévoyait que jusqu’au 31 décembre 2020 où jusqu’à la remise des dernières actions vendues, le contribuable accordait au vendeur un droit de préemption personnel sur les titres, au cas où il décidait de les vendre.

5.             Le 28 septembre 2020, le contribuable et M. D______ ont signé un document intitulé « Avenant à la convention de cession d’actions ».

Il prévoyait que M. D______ acceptait le transfert des actions déjà détenues par le contribuable, en faveur d’une holding à constituer par ce dernier à cette fin (art. 1).

L’art. 2 prévoyait que M. D______ donnait son accord au transfert de 70 % des actions vendues en faveur de ladite holding, moyennant paiement du prix convenu de CHF 1.82 million.

6.             Par bordereaux datés du 7 juin 2023, l’AFC-GE a taxé les contribuables pour l’année 2022.

Ce faisant, elle a évalué leur participation dans la holding à CHF 2.62 millions. Elle a en outre rajouté CHF 2.5 millions à leur revenu en tant que revenu mobilier non soumis à l’impôt anticipé. Cette somme correspondait à la différence entre la valeur vénale des titres de la SA (CHF 2.6 millions) et leur valeur nominale (CHF 100'000.-), laquelle n’avait pas été comptabilisée dans les fonds propres de la holding.

7.             Les 6 et 13 juillet 2023, les contribuables ont élevé réclamation à l’encontre des susdits bordereaux.

Les règles relatives à la transposition, appliquées par l’AFC-GE, ne s’appliquaient pas, car c’était M. D______ qui avait vendu les actions de la SA à la holding et non pas le contribuable. Par ailleurs, les titres avaient été cédés à la valeur du marché.

En outre, la valeur de leur participation dans la holding s’élevait à CHF 12'996.- et non à CHF 2.62 millions, comme l’avait retenu l’AFC-GE.

8.             Par décisions du 20 octobre 2023, l’AFC-GE a admis partiellement la réclamation en ce sens qu’elle a ramené la valeur de la holding de CHF 2.62 millions à CHF 12'996.-. Par ailleurs, elle a réduit de CHF 2.5 millions à CHF 750'000.- la reprise constituant un revenu mobilier. Celle-ci correspondait à la différence entre la valeur vénale des titres (CHF 780'000.-) et leur valeur nominale (CHF 30'000.-).

Le même jour, elle a notifié aux contribuables des bordereaux de taxation rectificatifs pour tenir compte de l’admission partielle de leur réclamation.

9.             Par acte du 30 novembre 2023, les contribuables, sous la plume de leur conseil, ont interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant, préalablement, à la suspension de la cause jusqu’à droit connu sur la demande de révision déposée par la holding et, principalement, à l’annulation de la reprise de CHF 750'000.-.

La holding avait déposé une demande de révision auprès de l’AFC-GE, afin d’être taxée sur la base de ses comptes modifiés, dans lesquels un montant de CHF 750'000.- serait comptabilisé dans ses fonds propres. Il convenait de suspendre l’instruction de la présente procédure jusqu’à droit jugé dans cette requête.

Le recourant avait financé le prix de la première tranche des titres de la SA grâce à une aide de sa famille. Le prix convenu pour l’entier du capital-actions, soit CHF 2.62 millions, correspondait à la valeur vénale des titres retenue par l’AFC-GE pour l’impôt sur la fortune. Il avait souscrit un emprunt auprès du F______, qui avait exigé qu’une holding soit créée, qui détienne l’intégralité du capital-actions de la SA. La holding avait enregistré ces titres dans ses comptes 2020.

Les titres avaient été vendus par M. D______, fondateur de la SA. Il avait conclu le contrat portant sur leur vente dès 2017 à la holding, laquelle s’était substituée au recourant dès la signature de l’avenant du 28 septembre 2020. Ce dernier n’était pas le vendeur des titres et n’avait réalisé aucun gain en capital, puisque les actions avaient été acquises au prix du marché.

L’on ne se trouvait pas en présence d’une transposition. M. D______ n’avait pas apporté les titres à une société qu’il dominait – il n’était, en effet, pas actionnaire de la holding – et le recourant n’était pas le vendeur des titres. En outre, le fait que l’acquisition ait été effectuée par l’intermédiaire d’une holding avait été exigé par la banque qui lui avait accordé le prêt permettant de financer l’achat de la participation. Il ne s’agissait pas d’une évasion fiscale.

Même si le tribunal admettait que les conditions de la transposition étaient réunies les décisions attaquées devraient être annulées car elles violaient les principes d’égalité de traitement et d’imposition selon la capacité contributive. En effet, les conditions de l’évasion fiscale n’étaient pas réunies en l’espèce. Si une holding avait été créée initialement, à laquelle il avait vendu en une seule étape le capital-actions de la SA, financé par un prêt actionnaire et par un crédit-vendeur, il n’aurait pas réalisé un cas de transposition. Il n’existait aucune justification permettant de traiter différemment la situation de ce contribuable de la sienne propre. Il était ainsi victime d’une inégalité de traitement.

Il n’avait réalisé aucune économie d’impôt. Il devait encore payer le vendeur, M. D______ et rembourser la banque. Le revenu qu’il pourrait percevoir dans le futur était très incertain. Dès lors, imposer aujourd’hui un revenu non réalisé, voire même qui ne se réaliserait jamais, se révélait arbitraire, inéquitable et anticonstitutionnel.

10.         Par pli du 18 décembre 2023, l’AFC-GE a fait part au tribunal qu’elle s’opposait à la suspension.

11.         Dans sa réponse du 5 février 2024, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Les quatre conditions cumulatives permettant l’application des règles sur la transposition étaient réunies :

-     le contribuable avait acquis, en 2017, 30 actions de la SA, qu’il avait déclarées dans son état des titres et qu’il avait cédées à la holding, en procédant à un apport. C’était à tort qu’il soutenait qu’il n’était pas le vendeur des titres. Il ne s’agissait aucunement d’une unique opération, mais de l’acquisition de la participation en 2017, puis de la cession de celle-ci à la holding en 2020 ;

-     le recourant contrôlait la holding, puisqu’il en détenait l’intégralité du capital-actions ;

-     les titres avaient été cédés pour le prix de CHF 780'000.-, soit à une valeur excédant leur valeur nominale, de CHF 30'000.- ;

-     il était créancier de la holding pour un montant de CHF 750'000.-, ainsi qu’il ressortait de la rubrique « capitaux étrangers – engagement à long terme – créancier porteur de parts », qu’il essayait de convertir en fonds propres dans le cadre de sa demande de révision.

Le fait que la banque créancière ait exigé la constitution d’une holding n’était pas pertinent, car les motifs subjectifs poussant un actionnaire à effectuer une transposition étaient sans importance. Les arguments du recourant en lien avec l’évasion fiscale l’étaient tout autant.

12.         Par réplique du 27 février 2024, le contribuable a persisté dans les conclusions de son recours, reprenant les arguments qu’il y a exposés.

La holding avait recouru devant le tribunal contre les décisions rejetant ses demandes de révision. Il s’en rapportait à justice au sujet de l’opportunité de joindre les procédures. L’AFC-GE ne s’était pas prononcée sur ses griefs relatifs à la violation des principes d’égalité de traitement et d’imposition selon la capacité contributive. S’agissant de ce dernier, l’ICC et l’IFD totalisaient près de CHF 350'000.-, montant excédant largement ses revenus bruts réels qui s’élevaient à moins de CHF 300'000.-, si l’on retranchait le revenu de CHF 750'000.- tiré de la transposition, purement fictif au demeurant.

13.         Dans sa duplique du 21 mars 2024, l’AFC-GE a persisté dans les conclusions de sa réponse.

S’agissant de la prétendue violation du principe d’égalité de traitement, le contribuable comparait deux situations qui n’étaient pas similaires.

Le grief tiré de la violation de l’imposition selon la capacité contributive devait également être rejeté. L’opération de la transposition avait pour conséquence que le produit était considéré comme un rendement de la fortune mobilière. Il convenait d’appliquer par analogie la solution qu’avait trouvée le Tribunal fédéral relative à l’application du principe de l’imposition selon la capacité contributive en cas d’abandon de créance.

Il n’y avait pas lieu de joindre le recours de la holding à celui du recourant, étant donné que ces procédures concernaient des contribuables différents.

14.         Le détail des pièces et des arguments des parties sera repris, ci-après, dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Les recourants sollicitent la suspension de la présente cause jusqu’à droit jugé dans la procédure de recours interjeté par la holding.

Cette conclusion doit être écartée, car l’AFC-GE s’oppose à la requête de suspension émanant du contribuable (art. 78 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Il n’y a pas non plus lieu de suspendre la cause en application de l’art. 14 al. 1 LPA, car le sort du présent litige ne dépend pas de l’issue du recours interjeté par la holding.

4.             Les recourants demandent que le tribunal se prononce sur l’opportunité de joindre leur recours à celui interjeté par la holding. 

Il ne peut être donné suite à leur conclusion pour deux motifs. Premièrement, les deux recours ont été déposés par deux contribuables distincts, si bien qu’une jonction poserait des problèmes de secret fiscal. En outre, puisque seule la présente cause est en état d’être jugée, la jonction ne peut être prononcée (art. 70 al. 2 LPA).

5.             Les contribuables contestent l’ajout d’un montant de CHF 750'000.- à leur revenu imposable à titre des règles sur la transposition.

6.             Selon les art. 20a al. 1 let. b LIFD et 23 al. 1 let. b de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), est considéré comme du rendement de la fortune mobilière le produit du transfert d'une participation d'au moins 5 % au capital-actions d'une société de capitaux représentant un transfert de la fortune privée à la fortune commerciale d'une personne morale dans laquelle le vendeur détient une participation d'au moins 50 % au capital après le transfert, dans la mesure où le total de la contre-prestation reçue est supérieur à la valeur nominale de la participation transférée.

Ces dispositions constituent un cas particulier des art. 20 al. 1 let. c LIFD respectivement 22 al. 2 LIPP, qui disposent que sont notamment imposables les dividendes, les parts de bénéfice, les excédents de liquidation et tous autres avantages appréciables en argent provenant de participations de tout genre (y compris les actions gratuites, les augmentations gratuites de la valeur nominale, etc.) (arrêt du Tribunal fédéral 2C_681/2018 du 16 janvier 2020 consid. 7.2.1).

Elles illustrent l'aboutissement législatif de la réglementation de la problématique de la transposition et codifient en grande partie la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATA/1289/2021 du 23 novembre 2021 consid. 3a et l’arrêt cité). Le législateur institue ainsi explicitement une exception à l'exonération des gains en capital privés, justifiée par la volonté d'une imposition systématique des réserves latentes au moment de leur sortie du champ de l'impôt (Yves NOËL, Commentaire de la loi sur l’IFD, 2017, ad art. 20a LIFD, n. 11).

7.             Les art. 20 al. 1 let. c LIFD, respectivement 22 al. 2 LIPP, sont des normes fiscales avec des points de rattachement économiques, qui doivent être interprétées selon une appréciation économique. L'appréciation économique des faits ne dépend pas dans cette hypothèse de la réalisation des conditions d'une évasion fiscale (ATA/1289/2021 précité et les arrêts cités).

8.             Selon la jurisprudence, l'apport par un actionnaire d'actions appartenant à sa fortune privée auprès d'une société qu'il domine, en échange d'actions ou d'une créance dont la valeur nominale excède celle des titres apportés, constitue un rendement de participation imposable, et non un gain en capital franc d'impôt. En effet, un tel transfert d'actions ne doit pas être considéré comme une aliénation par laquelle l'actionnaire obtiendrait un gain en capital privé. Par cette opération, l'actionnaire n'abandonne pas son pouvoir de disposition du point de vue économique ; il le garde sous la forme de sa participation dans la société qui a acquis les participations. Comme le remboursement du capital social (à sa valeur nominale) ou celui d'un prêt ne constitue pas un revenu imposable de l'actionnaire, la charge fiscale latente sur les répartitions de bénéfices est éliminée. Il y a alors une « transposition ». La société cessionnaire accorde par conséquent à l'actionnaire une prestation appréciable en argent imposable selon l'art. 20 al. 1 let. c LIFD (ATA/1289/2021 précité et les arrêts cités).

La transposition est soumise à quatre conditions cumulatives : 1) le vendeur détient des titres de participation dans sa fortune privée (principe de la valeur nominale) qu’il cède à la société acquéreuse soumise au régime de la valeur comptable ; 2) le vendeur doit contrôler la société acquéreuse de manière à pouvoir influer sur la politique de distribution de dividendes ; 3) les actions doivent être cédées à une valeur supérieure à leur valeur nominale ; 4) le vendeur reçoit, en contrepartie de son apport, du capital social nominal ou un prêt à l'encontre de la société acquéreuse. Ainsi, les biens sur lesquels existe une imposition latente (réserves ouvertes ou latentes de la société dont les titres ont été apportés) sont transposés en valeurs exonérées (remboursement du capital ou de la dette de la nouvelle société en franchise d'impôt ; ATA/1289/2021 précité consid. 3b).

Il découle de la jurisprudence que les quatre conditions précitées sont de nature purement objective, de sorte que la volonté des parties, soit l’élément subjectif, n’est pas déterminante pour retenir une transposition. Ce n’est que lorsque les conditions (objectives) de la transposition ne sont pas données qu’il convient d'examiner dans quelle mesure la construction juridique élaborée par le contribuable constitue un cas d'évasion fiscale (arrêts du Tribunal fédéral 9C_679/2021 du 20 avril 2023 consid. 2.2.2 ; 2C_681/2018 du 16 janvier 2020 consid. 7.2.3, 7.3.1 et 7.3.2).

9.             Selon la jurisprudence, il y a évasion fiscale : a) lorsque la forme juridique choisie par le contribuable apparaît comme insolite, inappropriée ou étrange, en tout cas inadaptée au but économique poursuivi, b) lorsqu'il y a lieu d'admettre que ce choix a été arbitrairement exercé uniquement dans le but d'économiser des impôts qui seraient dus si les rapports de droit étaient aménagés de façon appropriée, c) lorsque le procédé choisi conduirait effectivement à une notable économie d'impôt dans la mesure où il serait accepté par l'autorité fiscale (ATF 138 II 239 consid. 4.1).

10.          Le droit d’emption est la faculté en vertu de laquelle une personne peut se porter acheteur d’une chose par une simple déclaration unilatérale de volonté et exiger ainsi d’une autre personne le transfert de la propriété de la chose moyennant paiement du prix (JTAPI/326/2019 du 8 avril 2019 consid. 10).

11.         En l’espèce, c’est à tort que le recourant soutient que M. D______ a vendu les trente actions de la SA litigieuses à la holding. Le contrat du 4 janvier 2017 prévoit au contraire, à ses art. 1 et 2, que le vendeur cédait ses parts au contribuable. En 2020, dans le cadre de l’avenant du 28 septembre 2020, M. D______ n’a fait que renoncer à exercer son droit d’emption stipulé dans le contrat conclu en 2017. Le recourant détenait ces trente actions dans sa fortune privée, puisqu’il les a mentionnées dans ses déclarations fiscales à compter de l’année 2017. Il a apporté à la holding 30 % du capital-actions de la SA, soit un pourcentage excédant 5 %. Il contrôle la holding étant donné qu’il en détient l’intégralité du capital social et qu’il en est l’unique associé gérant avec signature individuelle. Les titres de la SA ont été apportés à la holding pour CHF 780'000.-, ce qui représente un montant excédant leur valeur nominale, qui s’élève à CHF 30'000.-. Enfin, en échange de son apport, l’intéressé a acquis l’intégralité du capital de la holding. Par ailleurs, il résulte des comptes 2021 de cette société – produits par le recourant – qu’il est devenu son créancier à hauteur de CHF 830'000.-.

Il résulte de ce qui précède que les quatre conditions cumulatives justifiant l’application des règles sur la transposition sont réalisées.

12.         Ainsi, c’est à bon droit que l’AFC-GE a ajouté au revenu des recourants un montant de CHF 750'000.- correspondant à la différence entre la valeur vénale des titres de la SA (CHF 780'000.-) et leur valeur nominale (CHF 30'000.-). Point n’est besoin d’examiner si, comme le prétend le recourant, l’acquisition des actions par la holding ne constitue pas une évasion fiscale, notamment parce que la constitution d’une telle société lui a été imposée par la banque qui lui a octroyé un crédit lui permettant de financer l’achat des parts. En effet, les conditions d’une transposition ont été objectivées aux art. 20a al. 1 let. b LIFD et 23 al. 1 let. b LIPP. Les motifs subjectifs qui ont poussé le recourant à procéder à l’apport des actions de la SA à la holding se révèlent sans pertinence.

13.         Cela étant, les recourants se prévalent du principe d’égalité de traitement et de l’imposition selon la capacité contributive.

14.         Aux termes de l’art. 8 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), tous les êtres humains sont égaux devant la loi. Une décision ou un arrêté viole cette garantie lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances. Il y a notamment inégalité de traitement lorsque l’État accorde un privilège ou une prestation à une personne, mais les dénie à une autre qui se trouve dans une situation comparable (ATF 140 I 201 consid. 6.5.1).

Le principe de la légalité de l’activité administrative (art. 5 al. 1 Cst.) prévaut en principe sur celui de l’égalité de traitement. L’administré ne peut ainsi, en règle générale, pas se prétendre victime d’une inégalité de traitement lorsque la loi est correctement appliquée à son cas (ATF 139 II 49 consid. 7.1).

15.         En vertu des principes de l’égalité d’imposition et de l’imposition selon la capacité contributive, les contribuables qui sont dans la même situation économique doivent supporter une charge fiscale semblable ; lorsqu’ils sont dans des situations de fait différentes qui ont des effets sur leur capacité économique, leur charge fiscale doit en tenir compte et y être adaptée. D’après le principe de la proportionnalité de la charge fiscale à la capacité contributive, chaque citoyen doit contribuer à la couverture des dépenses publiques, compte tenu de sa situation personnelle et en proportion de ses moyens (ATF 140 II 157 consid. 7.1).

16.         En l’espèce, les recourants soutiennent que si une holding avait été créée initialement, à laquelle avait été vendu en une seule étape le capital-actions, financé par un prêt actionnaire et par un crédit-vendeur, aucun cas de transposition n’aurait été réalisé. Ils ne peuvent être suivis, car le Tribunal fédéral a retenu que les conditions de la transposition étaient réunies, dans un arrêt dont l’état de fait était similaire à celui exposé ci-dessus par les contribuables (arrêt 9C_679/2021 du 20 avril 2023).

Enfin, les recourants se plaignent d’une violation de l’imposition selon la capacité contributive, en ce sens que la taxation de CHF 750'000.- frappe un revenu purement fictif.

À nouveau, ils ne peuvent être suivis. En effet, l’art. 20a al. 1 let. b LIFD n'offre pas de place pour une approche économique tenant compte de toutes les circonstances qui seraient en rapport avec la transaction. Le législateur n'a clairement pas voulu limiter les opérations imposables à celles qui donnent effectivement lieu à des distributions (arrêt du Tribunal fédéral 9C_679/2021 du 20 avril 2023 consid. 5.1.3).

17.         Ne reposant sur aucun motif valable, le recours doit être rejeté.

18.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 30 novembre 2023 par Madame A______ et Monsieur B______ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 20 octobre 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST, présidente, Pascal DE LUCIA et Philippe FONTAINE, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière