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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2940/2023

JTAPI/511/2024 du 27.05.2024 ( ICC ) , ADMIS PARTIELLEMENT

ATTAQUE

En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2940/2023 ICC

JTAPI/511/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 27 mai 2024

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par LAMBELET & ASSOCIES SA, avec élection de domicile

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

 


 

EN FAIT

1.             Née le ______ 1936, Madame A______ (ci-après : la contribuable ou la recourante) a, dans sa déclaration fiscale 2019, mentionné des revenus de la fortune mobilière et immobilière ainsi qu'une rente AVS de CHF 1.-. Le revenu net avant déduction des dons (code 92.40 de la déclaration) s'élevait à CHF 12'739.-. Sous code 61.30 apparaissait une déduction pour bénéficiaire de rentes AVS/AI de CHF 9'981.-.

2.             Le bordereau ICC émis par l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) le 23 novembre 2020 porte sur un revenu imposable de CHF 14'171.- et une fortune de CHF 7'568'225.-, après déduction sociale de CHF 82'040.-. Aucun impôt n'a été calculé sur le revenu. Après une réduction liée au bouclier fiscal, l'impôt dû avant imputation (total I du bordereau) s'élevait à CHF 32'228.80.-. L'avis de taxation du revenu fait ressortir les éléments essentiels suivants :

- revenu mobilier soumis à l'IA CHF 16'050

- revenu mobilier non soumis à l'IA CHF 35'448

- total revenus brut immobiliers CHF 52'768

- intérêts chirographaires et hypothécaires CHF 24'787

- frais bancaires CHF 27'228

- assurance maladie CHF 14'340

Les frais médicaux de CHF 1'208.- étaient réduits à CHF 1'117.- après déduction d'une part de 0.5% du revenu net.

3.             Contre ce bordereau, la contribuable a formé une réclamation par un courrier de sa mandataire du 30 novembre 2020. Elle revendiquait la déduction de CHF 9'981.- en se référant à la DCCR N° 1______ du ______ 2008, soulignant notamment qu'elle a un impact sur le calcul du bouclier fiscal.

4.             Par une décision du 15 août 2023, l'AFC-GE a rejeté cette réclamation et maintenu sa taxation au motif que, si la contribuable était en âge de bénéficier d'une rente AVS, elle ne touche aucune rente faute d'avoir cotisé durant ses années d'activité.

5.             Contre cette décision, la recourante a formé un recours par un pli recommandé du 14 septembre 2023. Elle conclut à être mise au bénéfice d'une déduction sociale de CHF 9'981.- et à l'allocation d'un émolument à titre de dépens. Se référant notamment à l'art. 40 alinéa 3 LIPP, elle considère que, de nationalité suisse et résidente en Suisse, elle remplit les conditions pour bénéficier d'une rente AVS. Compte tenu du total de son revenu net, elle a droit à une réduction, relevant pour le surplus que lui refuser celle-ci contreviendrait aux principes de l'égalité de l'imposition et de l'imposition selon la capacité contributive. Elle rappelle enfin que la déduction revendiquée aurait un impact sur le calcul du bouclier fiscal.

6.             Dans sa réponse du 25 octobre 2023, l'AFC-GE conclut au rejet du recours. Les décisions anciennes de la CCRMI citées par la recourante concernaient des personnes qui percevaient des rentes de la part d'autres institutions que l'AVS, de sorte que, pour des motifs d'égalité de traitement, la déduction sociale leur avait été accordée. Il en avait été de même dans un jugement du TAPI du 8 octobre 2012 pour un contribuable bénéficiant d'une rente de la sécurité sociale américaine. En l'espèce, la recourante n'ayant déclaré aucune rente de retraite suisse ou étrangère, elle ne peut pas bénéficier de la déduction qu'elle revendique.

7.             Par un courrier du 24 novembre 2023, la recourante a informé le tribunal qu'elle renonçait à répliquer.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17.

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens de l'art. 49 LPFisc.

3.             Figurant dans la section 4 "déductions sociales" de la LIPP, son art. 40 prévoit, d'après son titre, une déduction pour bénéficiaires de rentes de l'assurance-vieillesse et survivant ou de l'assurance-invalidité. Son texte précise toutefois que cette déduction est accordée aux contribuables "remplissant les conditions exigées pour bénéficier d'une rente au sens" de la LAVS ou de la LAI.

4.             Jusqu'à présent, la jurisprudence a examiné la compatibilité de cette disposition avec le droit fédéral (LHID) et, pour des motifs d'égalité de traitement, considéré que les bénéficiaires de rentes étrangères peuvent bénéficier de la même déduction (JTAPI/1229/2012 du 08.10.2012 consid. 6 et 8 et réf.). Même si, en se référant manifestement au titre de l'art. 40 LIPP, ce jugement précise que la déduction ne s'adresse qu'aux bénéficiaires de rentes AVS-AI, la question de savoir si, comme en l'espèce, une personne qui a accompli l'âge de la retraite, mais ne perçoit pas effectivement une telle rente peut la revendiquer n'a pas été tranchée.

5.             Dans une interprétation littérale du texte légal, force est de constater que la recourante, née en 1936, ressortissante suisse et domiciliée en Suisse remplit manifestement les conditions fixées par l'art. 18 LAVS et a dès lors droit à une rente de vieillesse.

6.             Conformément aux art. 29 et suivants LAVS, le calcul d'une rente AVS dépend, non seulement du montant des cotisations, mais aussi de la durée de celles-ci. D'après la table des rentes 2019 éditée par l'OFAS, une personne qui ne peut revendiquer qu'une seule année de cotisations sur une échelle de 44 peut bénéficier, en fonction du montant de celles-ci, d'une rente minimale mensuelle de CHF 27.- et maximale de CHF 54.-. A suivre la position développée par l'AFC-GE, une personne qui bénéficierait d'une rente minimale annuelle de CHF 324.- pourrait bénéficier de la déduction litigieuse alors que la recourante, qui n'en perçoit aucune, bien qu'elle y aurait droit, devrait se la voir refuser. Un tel résultat n'est pas soutenable et, indépendamment d'une contravention au texte clair de la loi, serait à l'origine d'une manifeste inégalité de traitement qui ne saurait être protégée.

7.             Le recours sera admis sur ce point.

8.             Reste cependant à déterminer quel est le montant de la déduction à laquelle la recourante a droit.

9.             Les parties s'accordent en l'espèce sur le fait que la déduction litigieuse n'a d'impact que sur la détermination du calcul du bouclier fiscal. Dans ce contexte, il a été statué que le plafond des déductions doit être déterminé en prenant en considération le revenu déterminant pour le bouclier fiscal, c'est-à-dire en intégrant, le cas échéant, un rendement minium de la fortune de 1% (ATA/442/2022 du 26.04.2022). Il découle de cette règle générale que le seuil des frais médicaux déductibles de 0.5% (art. 32 al. 2 LIPP) doit être recalculé, de même que le revenu déterminant pour la déduction prévue par l'art. 40 LIPP.

10.         En l'espèce, la fortune déterminante s'élève à CHF 7'650'265.-, la déduction sociale de CHF 82'040.- étant rajoutée au montant net imposable. Compte tenu des frais d'entretien des immeubles, frais bancaires et intérêts de dettes, le rendement net taxé est notablement inférieur à 1% de la fortune nette, si bien que le revenu déterminant pour le calcul du bouclier fiscal devra prendre en compte celui-ci. Le tribunal détermine dès lors le montant déterminant pour le droit à la déduction litigieuse comme suit :

- rendement net de la fortune (1%) 76'503

- assurance maladie - 14'340

- total déterminant pour les frais médicaux 62'163

(part non déductible 0.5% =311.-)

- frais médicaux (1'208 - 311) - 897

- total déterminant pour l'art. 40 LIPP CHF 61'266

 

11.         Le revenu déterminant de la recourante se situant entre CHF 56'591.- et CHF 63'876.-, la déduction qui lui est accordée au titre de l'art. 40 LIPP s'élève à CHF 5'988.-.

12.         Le recours sera partiellement admis.

13.         En application des art. 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, dont le recours n'est que partiellement admis, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 200.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

14.         Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 800.-, à la charge de l'État de Genève, soit pour lui l’administration fiscale cantonale, sera allouée à la recourante (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 14 septembre 2023 par Madame A______ contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 15 août 2023 ;

2.             l'admet partiellement ;

3.             renvoie le dossier à l’administration fiscale cantonale pour nouvelle décision de taxation 2019 dans le sens des considérants  ;

4.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 200.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

5.             ordonne la restitution à la recourante du solde de l’avance de frais de CHF 500.- ;

6.             condamne l'État de Genève, soit pour lui l’administration fiscale cantonale, à verser à la recourante une indemnité de procédure de CHF 800.- ;

7.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Antoine BERTHOUD, président, Laurence DEMATRAZ et Pascal DE LUCIA, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

Le président suppléant

Antoine BERTHOUD

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière