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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3742/2023

JTAPI/207/2024 du 08.03.2024 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : AVANCE DE FRAIS;RESTITUTION DU DÉLAI;MALADIE
Normes : LPA.86; LPA.16
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3742/2023 ICCIFD

JTAPI/207/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 8 mars 2024

 

dans la cause

 

A______ SA, représentée par Me Philippe MANTEL, avocat, avec élection de domicile

 

contre

Le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 janvier 2024 (JTAPI/1/2024)

 


 

EN FAIT

1.             Par jugement du 3 janvier 2024 (JTAPI/1/2024), le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) a déclaré irrecevable le recours déposé le 10 novembre précédent par A______ SA pour cause de non-paiement de l’avance de frais et a mis à sa charge un émolument de CHF 250.-.

2.             Par pli du 7 février 2024 adressé au tribunal, la contribuable, sous la plume de son conseil, a déposé une demande de restitution de délai.

Par courriel du 15 novembre 2023, il avait transmis à sa mandante la lettre du tribunal l’enjoignant de s’acquitter de l’avance de frais. M. B______ animateur principal et actionnaire unique de la société, avait souffert de nombreux problèmes de santé durant les dernières années. En 2021, il avait subi un infarctus du myocarde, qui lui avait occasionné des pertes de mémoire. En outre, en décembre 2023, il avait dû prendre des antibiotiques en raison d’une grippe. Cette affection, ajoutée aux problèmes cardiaques, avait complètement altéré ses facultés. La cause fiscale mettait en péril l’existence de sa société, qui occupait sept employés.

3.             Le 14 février 2024, le tribunal a invité la contribuable à produire tous documents aptes à démontrer qu’elle n’avait pas été en mesure de s’acquitter du paiement de l’avance de frais dans le délai imparti.

4.             Par pli du 26 février 2024, la précitée, sous la plume de son conseil, a transmis un certificat médical pour M. B______. Le mandataire a expliqué que ce dernier allait prochainement atteindre l’âge de la retraite et que la procédure en cours était susceptible de provoquer la faillite de son entreprise. Pour cette raison, il ne pouvait déléguer le suivi du litige.

En annexe était produit un certificat médical établi le 26 février 2024 par le Dr C______, indiquant qu’il avait examiné M. B______ au début novembre [2023]. Il présentait des comorbidités de diabète insulino requérant de type 2 avec une décompensation diabétique sévère, qui avait entraîné des troubles de mémoire suite à un discret état cognitif durant cette période. Il avait déjà connu auprès des Hôpitaux universitaires de Genève un gliome cérébral bénin.

EN DROIT

1.             Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral et de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) c'est en principe à l'autorité compétente sur le fond de se prononcer sur une demande de restitution de délai et non pas à l'instance de recours. La demande de restitution peut toutefois encore intervenir alors que le procès ait pris fin et que le jugement cantonal soit entré en force ou qu'un arrêt définitif ait été rendu par le Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 2C_301/2013 du 17 décembre 2013 consid. 7.1 ; ATA/1375/2023 du 20 décembre 2023).

En effet, la restitution du délai entraîne l'annulation de la décision entrée entre-temps en force. Il s'agit là d'une exception à la force de chose jugée, comparable à la révision et nécessaire pour corriger les conséquences de l'omission et éviter le formalisme excessif. Il en découle qu'une juridiction administrative peut – et doit – entrer en matière sur une demande de restitution de délai quand bien même elle a déjà prononcé l'irrecevabilité du recours (ibid.).

2.             Il résulte de ce qui précède que le tribunal est compétent pour connaître de la requête de restitution du délai de paiement de l’avance de frais litigieuse.

3.             En vertu de l'art. 86 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA- E 5 10), la juridiction invite le recourant à faire une avance ou à fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et les émoluments présumables ; elle fixe à cet effet un délai suffisant (al. 1). Si l'avance n'est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (al. 2).

4.             À rigueur de texte, l'art. 86 LPA ne laisse aucune place à des circonstances extraordinaires qui justifieraient que l'avance de frais n'intervienne pas dans le délai imparti. La référence au « délai suffisant » de l'al. 1 de cette disposition laisse une certaine marge d'appréciation à l'autorité judiciaire saisie (ATA/1043/2021 du 5 octobre 2021 consid. 3b).

Selon la jurisprudence constante, il convient d'appliquer par analogie la notion de cas de force majeure de l'art. 16 al. 1 LPA afin d'examiner si l'intéressé a été empêché sans sa faute de verser l'avance de frais dans le délai fixé (ATA/158/2020 du 11 février 2020). Tombent sous la notion de force majeure les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible (ATA/160/2019 du 19 février 2019 consid. 2b). Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. Ce dernier doit être imprévisible et sa survenance ne doit pas être imputable à faute à l'administré (ATA/1028/2016 du 6 décembre 2016), partant de son représentant. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l'on ne peut raisonnablement attendre de la part d'un homme d'affaires avisé (ATA/544/2013 du 27 août 2013).

5.             En revanche, la maladie n’est admise comme motif d'excuse que si elle empêche le recourant d'agir par lui-même ou de donner à un tiers les instructions nécessaires pour agir à sa place (ATA/50/2009 du 27 janvier 2009 consid. 3c). Ainsi, selon la jurisprudence de la chambre administrative, le seul état de santé déficient au moment de la notification de la décision est insuffisant (ATA/212/2014 du 1er avril 2014), de même qu’une dépression importante (ATA/660/2015 du 23 juin 2015). Même le cas d’un administré atteint d’un cancer dont la situation de santé se péjorait et le traitement s’alourdissait, nonobstant un certificat mentionnant la nécessité de soins de l’intéressé et son incapacité à pouvoir gérer sa vie professionnelle et personnelle pendant six mois n’a pas été considéré comme cas de force majeure (ATA/888/2014 du 11 novembre 2014).

6.             En l’espèce, la recourante sollicite une restitution du délai de paiement de l’avance de frais en invoquant les problèmes de santé affectant M. B______, animateur principal et unique actionnaire de la société, qu’elle justifie par le certificat médical du 26 février 2024.

L’octroi d’une restitution de délai est soumis à des exigences très strictes. Or, même si les ennuis de santé dont souffre M. B______ ne sont pas contestés, la recourante ne démontre pas l’allégation formulée dans sa requête du 7 février 2024, selon laquelle ils ont complètement altéré ses facultés. En effet, il ne résulte pas dudit certificat médical que le précité a été à ce point atteint dans sa santé qu’il n’était en mesure, ni de comprendre la teneur du courriel de son mandataire du 15 novembre 2023, l’invitant à payer le montant de l’avance de frais réclamée par le tribunal, ni de déléguer cette tâche à un tiers.

Partant, la recourante ne peut se prévaloir d’un cas de force majeure. Il s’ensuit que la demande de restitution de délai doit être rejetée.

7.             Compte tenu de la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 1 et 2 LPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable la demande de restitution du délai déposée le 7 février 2024 par A______ SA ;

2.             la rejette ;

3.             dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière