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Décisions | Chambre de surveillance

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C/28253/2008

DAS/209/2024 du 24.09.2024 sur DTAE/3747/2024 ( PAE ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/28253/2008-CS DAS/209/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MARDI 24 SEPTEMBRE 2024

 

Recours (C/28253/2008-CS) formé en date du 17 juin 2024 par Madame A______, domiciliée c/o Hôtel B______, ______ (Genève), représentée par Me C______, avocate.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 25 septembre 2024 à :

- Madame A______
c/o Me C______, avocate
______, ______.

- Madame D______
Monsieur E
______
SERVICE DE PROTECTION DE L'ADULTE
Route des Jeunes 1C, case postale 107, 1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance DTAE/3747/2024 du 29 mai 2024, communiquée aux parties le 5 juin 2024, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: le Tribunal de protection) a libéré C______ de ses fonctions de curatrice de portée générale de A______, née le ______ 1952, originaire de F______ (Zurich) (ch. 1 du dispositif), réservé l’approbation de ses comptes et rapport finaux (ch. 2), désigné deux intervenantes en protection de l’adulte auprès du Service de protection de l'adulte (SPAd) aux fonctions de curatrices de portée générale (ch. 3), autorisé les curatrices à prendre connaissance de la correspondance de la personne concernée, notamment, et laissé les frais judiciaires à la charge de l’Etat (ch. 4 et 5).

En substance, le Tribunal de protection a retenu que dans la mesure où les ressources de la personne protégée ne permettaient plus que le mandat de curatelle soit exercé par un curateur privé, le service étatique compétent devait reprendre le mandat.

B. Par acte du 17 juin 2024, A______, par l'entremise de sa curatrice, a recouru contre cette ordonnance, concluant à son annulation et faisant valoir que non seulement elle est inopportune, la curatrice, précédemment tutrice, exerçant son mandat depuis 14 ans et la personne concernée ayant noué avec elle un lien de confiance particulier, la situation psychologique de cette dernière étant susceptible d'être gravement affectée par un changement, mais en outre viole la loi, l'art. 10 al. 1 RRC n'ayant pas été appliqué à tort. Le recours a en outre été complété le 19 juin 2024.

En date du 3 juillet 2024, le Tribunal de protection a fait savoir qu'il maintenait sa décision, suite à quoi la cause a été gardée à juger le 25 juillet 2024.

C. Ressortent pour le surplus de la procédure les faits pertinents suivants:

a) A______, née le ______ 1952, originaire de F______ (Zurich), affectée d'une schizophrénie paranoïde depuis de nombreuses années, avec idées délirantes florides fluctuantes, était au bénéfice d'une mesure de tutelle de l'ancien droit, transformée postérieurement en curatelle de portée générale, instaurée par le Tribunal tutélaire et exercée suite à une décision du 27 janvier 2010 par C______, avocate.

A cette date, la personne concernée disposait d'une fortune supérieure à 150'000 fr., raison pour laquelle le Service des tutelles d'adultes (devenu le Service de protection de l'adulte - SPAd), en charge du mandat depuis le 6 juillet 2009, avait sollicité sa relève et la désignation d'un tuteur privé.

b) Par courrier du 23 avril 2024, le Tribunal de protection a indiqué à la curatrice que dans la mesure où le montant de la fortune de la personne concernée semblait désormais inférieur au seuil de 50'000 fr., il envisageait sa relève au profit du SPAd.

c) Le 1er mai 2024, la curatrice a indiqué au Tribunal que le montant de la fortune de sa protégée s'élevait à CHF 50'446.- au 31 mars 2024. Elle a ajouté qu'étant donné le lien de confiance établi avec sa protégée depuis plus de 14 ans et le désarroi auquel cette dernière serait confrontée en cas de changement de curateur, elle était disposée à poursuivre son mandat aux mêmes conditions que le SPAd, soit au tarif horaire de 60 fr., au lieu de 200 fr. comme mandataire privé.

Suite à quoi le Tribunal de protection a prononcé l'ordonnance querellée.

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet, dans les trente jours, d'un recours écrit et motivé, devant le juge compétent, à savoir la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 450 al. 1 et al. 3 et 450b CC; art. 126 al. 3 LOJ; art. 53 al. 1 et 2 LaCC). Les parties à la procédure et les proches de la personne concernée ont qualité pour recourir (art. 450 al. 2 ch. 1 et 2 CC).

Formé par la personne concernée, par le ministère de sa curatrice de portée générale, dans les délai (art. 142 al. 1 et 3 CPC) et forme prescrits par la loi, le recours est recevable.

1.2 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC).

2. A______ reproche au Tribunal de protection d'avoir rendu une décision inopportune et d'avoir violé la loi en ne faisant pas application de l'art. 10 al. 1 RRC, précisément prévu pour les situations telles que la sienne.

2.1 L'autorité de protection nomme curateur une personne physique qui possède les aptitudes et les connaissances nécessaires à l'accomplissement des tâches qui lui sont confiées, qui dispose du temps nécessaire et qui les exécute en personne (art. 400 al. 1 CC).

Lorsque la personne concernée propose une personne comme curateur, l'autorité de protection de l'adulte accède à son souhait pour autant que la personne proposée remplisse les conditions requises et accepte la curatelle (art. 401 al. 1 CC). L'autorité de protection de l'adulte prend autant que possible en considération les souhaits des membres de la famille ou d'autres proches (art. 401 al. 2 CC).

2.2 Peuvent être désignés aux fonctions de curateur a) des curateurs privés non professionnels, soit des proches de la personne protégée ou une personne désignée par celle-ci, qui exercent en principe leur fonction à titre gratuit (art. 2 al. 1 et art. 8 al. 1 du Règlement fixant la rémunération des curateurs, RS/GE E 1 05.15, ci-après: RRC), b) des curateurs privés professionnels, à savoir des personnes disposant des compétences requises pour exercer une mesure de protection à titre professionnel en dehors d'un service de l'administration cantonale, dont la rémunération, fixée selon un tarif se situant entre 150 fr. et 450 fr. par heure pour un avocat, est prélevée sur les biens de la personne concernée (art. 2 al. 1 et 9 al. 1 RRC), et c) des curateurs officiels, soit des collaborateurs du service de l'administration cantonale chargé des mesures de protection pour adultes, dont la rémunération échoit à l'Etat de Genève (art. 2 al. 1 et 3 al. 2 RRC). Les curateurs officiels pratiquent un tarif de 60 fr./l'heure pour la gestion courante et 125 fr./l'heure pour l'activité juridique (art. 11 al. 2 RRC).

En matière de curatelle d'adultes, le tribunal désigne les collaborateurs du service de l'administration cantonale concerné lorsque la personne protégée dispose d'une fortune globale nette inférieure ou égale à 50'000 francs et qu'aucun proche n'est susceptible de fonctionner comme curateur (art. 2 al. 2 RRC).

Lorsqu'il existe un motif s'opposant à ce qu'une personne protégée se voie désigner un curateur officiel, alors même que les conditions de l'art. 2 al. 2 RRC sont réunies, le Tribunal peut lui désigner un curateur privé professionnel et mettre la rémunération de celui-ci à la charge de l'Etat de Genève (art. 10 al. 1 RRC).

2.3 En l'espèce, le Tribunal de protection a fondé sa décision exclusivement sur la capacité financière de la personne concernée, relevant lapidairement, en citant un arrêt de la Chambre de céans (DAS/183/2020), que l'aspect humain et le désarroi de la pupille vis-à-vis du changement de curateur n'étaient pas suffisants à apprécier la situation de manière différente.

Force est d'admettre que ce raisonnement ne peut être suivi.

En effet, tout d'abord, contrairement à l'état de fait de l'arrêt de la Chambre de céans cité, la curatelle est exercée dans le cas présent depuis 14 ans par la même curatrice, alors que dans la cause précédente, il s'agissait de l'institution d'une nouvelle mesure de curatelle.

Il en découle à l'évidence que dans l'analyse, la question du rapport de confiance entretenu entre la curatrice et sa protégée depuis toutes ces années acquiert une importance considérable.

Tel est d'autant plus le cas, comme elle le relève, lorsque l'on tient compte du type de personnalité de la protégée, sous curatelle de portée générale, qui souffre de schizophrénie paranoïde et de psychose délirante chronique depuis des années et que le rapport serein avec sa curatrice de longue date est un élément permettant la réussite de la mission de celle qui est chargée d'exercer la mesure de protection.

C'est précisément aussi pour tenir compte de ce type de situations que l'art. 10 al. 1 RCC prévoit exceptionnellement la possibilité pour le Tribunal de protection de désigner un curateur privé, respectivement de le maintenir en fonction, en lieu et place du SPAd pour des personnes dont la fortune est en deçà du seuil prévu.

Enfin, dans le cas présent, la curatrice a proposé de fonctionner au tarif horaire du curateur officiel (SPAd) en lieu et place du tarif pour curateurs privés appliqué jusqu'alors, de sorte qu'il n'y avait aucun motif pour ne pas maintenir le mandat de la curatrice actuelle et mettre les frais d'exercice de celui-ci à la charge de l'Etat.

Par conséquent, l'ordonnance attaquée sera annulée.

3. Les frais judiciaires seront laissés à la charge de l’Etat, l'avance de frais versée par la curatrice de la recourante lui étant restituée.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 17 juin 2024 par A______, représentée par sa curatrice, C______, contre l'ordonnance DTAE/3747/2024 rendue le 29 mai 2024 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/28253/2008.

Au fond :

Annule l'ordonnance attaquée.

Maintient la curatrice C______ en ses fonctions et dit que son coût sera pris en charge par l'Etat au tarif de 60 fr./l'heure.

Sur les frais :

Laisse les frais judiciaires à la charge de l’Etat de Genève.

Ordonne aux Services financiers du Pouvoir judiciaire la restitution à C______ de la somme de 400 fr., qui en a fait l'avance.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE et Stéphanie MUSY, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.