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Décisions | Chambre de surveillance

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C/3766/2018

DAS/273/2023 du 31.10.2023 sur DJP/207/2023 ( AJP ) , REJETE

Recours TF déposé le 11.12.2023, 5A_941/2023
Normes : Cst.29.al2; CC.602.al3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3766/2018
DAS/273/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 31 OCTOBRE 2023

 

Appel (C/3766/2018) formé le 16 juin 2023 par Madame A______, domiciliée ______ (Genève).

* * * * *

Arrêt communiqué par plis recommandés du greffier
du 9 novembre 2023 à :

- Madame A______
______, ______.

- Maître B______
______, ______.

- Madame C______
Madame D
______
Madame E
_______
c/o Me Xavier LATOUR, avocat
Rue Bartholoni 6, case postale 5210, 1211 Genève 4.

- JUSTICE DE PAIX.

 


EN FAIT

A. a. F______, né le ______ 1945, originaire de G______ (Genève) et domicilié en dernier lieu au H______ à Genève, est décédé à I______ (Genève) le ______ 2018, sans laisser de dispositions testamentaires connues.

b. Ses héritiers légaux sont son épouse, A______, née le ______ 1953, ainsi que ses trois filles nées d'une précédente union, soit E______, D______ et C______.

c. Par requête du 26 juillet 2019, les trois filles du de cujus ont sollicité la désignation d'un représentant de la communauté héréditaire, étant donné les difficultés de communication existantes dans l'hoirie.

Par décision du 26 août 2019, la Justice de paix a désigné B______, avocat, aux fonctions de représentant de la communauté héréditaire de feu F______, lui a conféré le pouvoir général de représenter la succession, de l'administrer ainsi que de préparer le partage et lui a imparti un délai au 23 septembre 2019 pour déposer un rapport exposant la situation successorale, ainsi qu'un descriptif des activités déployées dans le cadre de sa mission et celles envisagées.

Statuant sur appel de A______, la Chambre civile de la Cour de justice a confirmé la désignation de B______ en tant que représentant de l'hoirie, par arrêt du 31 octobre 2019.

d. Entre le 20 avril 2020 et le 22 mars 2022, le représentant de l'hoirie a renseigné la Justice de paix à plusieurs reprises en exposant la situation de la succession.

e. Au cours de son mandat, B______ a sollicité une demande de provision en s'appuyant sur son décompte d'activité faisant état d'honoraires à concurrence de 85'000 fr. au 31 octobre 2020.

A______ s'est opposée à cette demande et s'est plainte de différents manquements dans l'accomplissement du mandat par le représentant, notamment en lien avec le bien immobilier sis à J______ (Vaud), aux divers prêts accordés au dénommé K______ et à la vente aux enchères de la société L______ SA. Elle a requis en conséquence la nomination d'un nouveau représentant de l'hoirie.

Par décision du 7 juin 2021, confirmée par arrêt de la Cour de justice du 22 février 2022, la Justice de paix a alloué une indemnité équitable au représentant de l'hoirie et a débouté A______ de tous ses griefs dirigés à l'encontre de ce dernier.

f. Le 15 octobre 2022, A______ a déposé auprès de la Justice de paix une plainte à l'encontre du représentant de l'hoirie, qu'elle a complétée par courrier du 8 décembre 2022.

En substance, elle s'est plainte de n'avoir reçu aucun rapport exposant la situation de la succession, alors qu'un délai avait été imparti au représentant de l'hoirie au 23 septembre 2019 à cette fin. Par ailleurs, elle a requis de ce dernier qu’il procède au partage des actions des sociétés L______ SA et M______ SA appartenant à la succession et lui a reproché d'avoir déposé une requête en faillite sans poursuite préalable de la société L______ SA, à laquelle elle était fermement opposée, qui avait abouti à la mise en vente aux enchères de l'actif immobilier de la société. Elle avait toutefois pu, avec son fils N______, introduire une action pour contester cette réalisation. Elle a également expliqué qu'il existait des dissensions portant sur la résiliation d'un contrat de bail à loyer relatif à une habitation de laquelle elle avait été évacuée et dont elle était colocataire avec son défunt époux. Enfin, elle a exposé que le représentant de l’hoirie aurait conclu un accord au sujet de la société M______ SA sans consulter les héritières, notamment s'agissant de prêts accordés à K______ par feu F______.

g. Les trois filles du défunt ont conclu à l'irrecevabilité de la plainte du fait de sa motivation déficiente, subsidiairement à son rejet.

Elles ont exposé être opposées au partage des actifs successoraux, considérant que les démarches relatives à la préparation dudit partage étaient prématurées au vu des problématiques non résolues en amont, comme par exemple la situation de la société L______ SA. Elles sollicitaient en effet pour leur part la vente du bien immobilier constituant le seul actif de la société, tandis que A______ y était fermement opposée. S'il existait certes une situation de blocage au sein de l'hoirie, B______ composait comme il le pouvait en fonction de cette situation et entreprenait tout ce qui était en son pouvoir pour sauvegarder les intérêts des héritiers.

h. Dans sa réponse du 20 janvier 2023, B______ a rappelé qu'un partage ne pouvait avoir lieu qu'avec l'accord unanime des héritiers, ce qui n'était en l'occurrence pas le cas puisque les héritières avaient des positions diamétralement opposées s'agissant du principal actif de la succession, à savoir le bien immobilier appartenant à la société L______ SA.

A cet égard, il a expliqué que ce bien immobilier, lequel avait été estimé par l'Office des poursuites à environ 7'180'000 fr., donnait lieu au paiement d’intérêts hypothécaires de 371'280 fr. par année, lesquels augmentaient dans une mesure équivalente les passifs de la succession. Les héritières en étaient responsables conjointement et solidairement de sorte que les trois filles du défunt souhaitaient vendre ce bien immobilier. A______, quant à elle, alléguait vouloir participer, sur conseil de son fils, à une prétendue promotion immobilière, qui devait voir le jour à une date indéterminée. Dans ce contexte, le représentant de l’hoirie avait procédé au dépôt d'une requête en faillite sans poursuite préalable de la société L______ SA, qui était en situation de surendettement. Sa requête avait été rejetée, en raison du fait que la société n'était pas en cessation de paiement de sorte qu'il fallait passer par la voie de la faillite ordinaire. A______ et son fils retardaient indûment la vente du bien immobilier et, dans l'intervalle, les intérêts exorbitants continuaient de courir, ce qui allait à l'encontre des intérêts de l'hoirie. Pour le surplus, les actions de la société L______ SA étaient saisies par l'Office des poursuites du canton de Genève et ne pouvaient de facto être partagées.

S'agissant du partage des actions de la société M______ SA et du prétendu accord conclu avec K______, le représentant de l’hoirie a expliqué qu'il avait essayé de recouvrer trois prêts consentis à celui-ci par feu F______, à hauteur de 3'200'000 USD, 1'700'000 EUR et 4'235'365 fr. Après avoir initié une poursuite à l'encontre de K______ et déposé une requête en conciliation, ce dernier avait produit deux documents datés de 2013, dont un contrat conclu avec feu F______ le 23 octobre 2013, documents inconnus du représentant de l’hoirie. A teneur de ces documents, les parties avaient converti la créance totale de 10'726'738.45 fr. dans le capital de la société M______ SA, à hauteur de 16% du capital-actions, soit 16 actions de 500 fr. de valeur nominale. Les parties avaient évalué la valeur de M______ SA à 45'000'000 EUR, les 16% correspondant ainsi à 7'151'159 EUR soit, au taux de conversion de 1.5 francs par euro, à 10'726'738.45 fr. L'article 4 dudit contrat spécifiait que K______ n'était plus débiteur à l'égard de feu F______ du montant de 10'726'738.45 fr. Suite à cela, la procédure de conciliation avait été suspendue et aucun accord n'avait été conclu. La procédure était donc toujours pendante.

Au demeurant, le représentant de l'hoirie a souligné qu'il existait plusieurs autres points litigieux à régler avant de procéder au partage de la succession, notamment concernant des dettes de la plaignante en faveur de l'hoirie et la créance de sa propre note d'honoraires d'un montant de 98'000 fr., que A______ avait contestée auprès de la Cour de justice et du Tribunal fédéral. Ainsi, la masse successorale n'avait pas encore été déterminée et ne pouvait être partagée.

Enfin, il a expliqué que le dossier était à disposition de A______ en son Etude et qu'elle pouvait le consulter sur place, à charge pour elle d'appeler son secrétariat pour fixer un rendez-vous et d'acquitter le prix des éventuelles copies qu'elle solliciterait, le dossier étant composé d'une dizaine de classeurs fédéraux.

i. A______ a répliqué le 20 mars 2023, persistant dans les termes de sa plainte.

Elle a insisté sur le fait que depuis sa nomination en août 2019, B______ n'avait toujours pas déposé un rapport exposant la situation successorale. Par ailleurs, l'existence d'éventuelles dettes de la succession ne pouvait faire obstacle au partage de celle-ci, le partage pouvant être requis en tout temps. En outre, elle s'estimait être créancière d'une somme de plusieurs millions de francs à l'encontre de l'hoirie au titre de la liquidation du régime matrimonial entre elle-même et son défunt époux. A l'inverse, elle contestait être débitrice d'une dette en faveur de l'hoirie. Concernant la vente forcée du bien immobilier, actif de la société L______ SA, elle aurait été catastrophique au vu de sa valeur, qui avait été déterminée par une expertise. Les démarches entreprises par le représentant de l'hoirie à ce sujet allaient à l'encontre d'une valorisation de la société. S'agissant de la société M______ SA et des prêts consentis en faveur de K______, elle contestait la validité des conventions passées entre son défunt époux et ce dernier, estimant ainsi qu'il fallait recouvrer ces prêts.

j. Par décision DJP/207/2023 du 1er juin 2023, la Justice de paix a débouté A______ de toutes ses conclusions (chiffre 1 du dispositif) et mis les frais exposés par le greffe et un émolument de 800 fr. à la charge de cette dernière (ch. 2).

En substance, le juge de paix a considéré que le représentant de l'hoirie n'avait pu déposer son premier rapport qu'au 20 avril 2020, sans faute de sa part, compte tenu de la procédure d'opposition à sa désignation en tant que représentant, initiée par A______ elle-même. Par la suite, il avait établi plusieurs rapports qui faisaient le point sur la succession à diverses dates et expliquaient les démarches entreprises et à entreprendre, à satisfaction. Ces rapports permettaient de suivre et de comprendre les démarches entreprises ainsi que d'avoir une vision détaillée de la situation successorale et des enjeux qui subsistaient. S'agissant de l'action en partage, celle-ci n'entrait pas dans le domaine de compétence de la Justice de paix. Pour le surplus, le juge de paix a constaté que les décisions prises par le représentant n'avaient rien de répréhensible et étaient dans l'intérêt de l'hoirie.

B. a. Par acte déposé le 16 juin 2023 au greffe de la Cour de justice, A______ appelle de cette décision, dont elle sollicite l'annulation. Cela fait, elle conclut à ce qu'il soit dit et constaté que ses conclusions prises à l'encontre du représentant de l'hoirie sont fondées, à ce qu’il soit dit que ce dernier n'a pas agi dans les intérêts de l'hoirie et que les frais de procédure soient mis à la charge de celui-ci; elle a réclamé le versement d’une indemnité pour les frais indispensables causés par la procédure.

A l'appui de son appel, elle produit un chargé de pièces (pièces 1 à 15).

b. Le représentant de l'hoirie conclut au rejet de l'appel, contestant tous les griefs élevés à son encontre. Il a rappelé que la liquidation du régime matrimonial ne pouvait intervenir que dans le cadre d'un projet de partage global et qu'il n'était à ce stade pas en mesure de préparer le partage puisque la masse successorale était toujours indéterminée. L'ensemble de son activité tendait à préserver le patrimoine de la succession, dans l'intérêt de l'hoirie.

Il a également produit un chargé de pièces complémentaires (pièces 1 à 8).

c. Les filles du défunt se sont ralliées à la position du représentant de l'hoirie.

d. Par avis du greffe de la Cour de justice du 29 août 2023, les parties ont été informées de ce que la cause était mise en délibération.

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions finales et incidentes du juge de paix, qui relèvent de la juridiction gracieuse et sont soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. e CPC), sont susceptibles d'un appel dans le délai de dix jours (art. 314 al. 1 CPC) auprès de la Chambre civile de la Cour de justice (art. 120 al. 2 LOJ) si la valeur litigieuse est égale ou supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

Les décisions rendues en matière de surveillance d'un représentant successoral sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 5A_979/2017 du 21 mars 2018 consid. 1.1 et les références citées).

L'appel doit être motivé (art. 311 al. 1 CPC).

1.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que la valeur litigieuse est largement supérieure à 10'000 fr., compte tenu des actifs successoraux estimés à plusieurs millions de francs.

Déposé au surplus dans le délai de dix jours (art. 142 al. 1 et al. 3 CPC) et selon la forme prescrite, l'appel formé le 16 juin 2023 est recevable.

2. Les parties produisent des pièces devant la Cour.

2.1 Les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte que s'ils ont été invoqués ou produits sans retard et qu'ils n'ont pas pu l'être en première instance, bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (art. 317 al. 1 let. a et b). Les deux conditions sont cumulatives (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).

Les conditions de l'art. 317 al. 1 CPC sont applicables même lorsque la cause est soumise à la maxime inquisitoire simple (ATF 142 III 413 consid. 2.2.2;
138 III 625 consid. 2.2) par opposition à la maxime inquisitoire illimitée, où la jurisprudence est plus souple à cet égard (arrêt du Tribunal fédéral 5A_636/2018 du 8 octobre 2018 consid. 3.3.3).

2.2 En l'espèce, les parties ont versé diverses pièces devant la Cour, dont la plupart sont antérieures au prononcé de la décision litigieuse. Une large partie d'entre elles sont des actes de procédure qui figurent déjà dans le dossier de première instance et peuvent ainsi être prises en compte sans autre examen. Pour le surplus, la question de leur recevabilité peut demeurer indécise, dans la mesure où elles sont sans pertinence pour l'issue du litige.

3. Dans un grief d'ordre formel, l'appelante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue, motif pris que la Justice de paix n'aurait pas examiné tous ses griefs.

3.1 La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu de l'art. 29 al. 2 Cst. l'obligation pour l'autorité de motiver sa décision, afin que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 III 65 consid. 5.2; 142 I 135 consid. 2.1).

Pour satisfaire à cette exigence, il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision. Elle n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, peuvent être tenus pour pertinents (ATF 142 II 154 consid. 4.2 et les références). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 5A_867/2021 du 12 janvier 2022 consid. 4.1.2).

3.2 En l'espèce, la lecture de la décision entreprise permet de comprendre les motifs qui ont guidé le premier juge dans sa décision.

Ce dernier s'est, en effet, prononcé de manière circonstanciée et convaincante sur l'obligation du représentant d’établir des rapports exposant la situation de la succession et l'accès au dossier de l'appelante. Concernant les conclusions tendant au partage des actions des sociétés L______ SA et M______ SA, il a exposé que celles-ci ne rentraient pas dans son domaine de compétence et qu'au surplus, les décisions prises par le représentant n'avaient rien de répréhensible dès lors qu'elles s'inscrivaient dans l'intérêt de l'hoirie, rejetant ainsi implicitement tous les reproches élevés à l'encontre du représentant.

Cette motivation est suffisante au regard de la jurisprudence susmentionnée, car elle permet à l'appelante de comprendre la décision et de critiquer l'argumentation du premier juge, ce qu'elle a d'ailleurs fait.

Infondé, ce grief sera rejeté.

4. L'appelante persiste dans ses conclusions de première instance qui contiennent plusieurs griefs quant à l'activité menée par le représentant de l'hoirie.

4.1.1 Selon l'art. 602 al. 1 CC s'il y a plusieurs héritiers, tous les droits et obligations compris dans la succession restent indivis jusqu'au partage. A la demande de l'un des héritiers, l'autorité compétente peut désigner un représentant de la communauté héréditaire jusqu'au moment du partage (art. 602 al. 3 CC).

L'autorité de nomination, à Genève le juge de paix (art. 3 al. 1 let. J LaCC), exerce la surveillance sur le représentant de la succession (art. 3 al. 2 LaCC) et arrête sa rémunération (Spahr, in Commentaire romand CC II, 2016, n. 68 ad art. 602 CC).

4.1.2 Les pouvoirs du représentant d'hoirie dépendent de la mission définie par l'autorité. Le représentant peut être désigné pour certains actes isolés sur lesquels les héritiers ne parviennent pas à s'entendre. L'autorité peut aussi donner au représentant un mandat général et lui confier toute l'administration de la succession, auquel cas son statut juridique se rapproche de celui de l'administrateur officiel de la succession, sans toutefois que ses fonctions ne portent sur le partage de la succession (arrêts du Tribunal fédéral 5A_416/2013 du 26 juillet 2013 consid. 3.1; 5P.83/2003 du 8 juillet 2003 consid. 1; Steinauer, Le droit des successions, 2ème éd., 2015, n. 1224).

Le représentant de l'hoirie indivise est nommé pour la communauté des héritiers, non comme le représentant et dans l'intérêt d'un unique héritier (arrêts du Tribunal fédéral 5A_781/2017 du 20 décembre 2017 consid. 2.3; 5A_241/2014 du 28 mai 2014 consid. 2.1). Il s'ensuit que l'instauration d'une mesure de représentation de la communauté héréditaire déploie ses effets pour tous les membres de l'hoirie (arrêts du Tribunal fédéral 5A_796/2014 du 3 mars 2015 consid. 5.2; 5D_133/2010 du 12 janvier 2011 consid. 1.4 in fine).

La représentation de la succession est une institution de droit privé sui generis. Le représentant de la succession agit comme un mandataire au sens des art 398 ss CO. Il est soumis aux règles du mandat quant à sa responsabilité et à son droit de mettre fin au mandat en tout temps. Il exerce une activité de droit privé. Le fait que le représentant soit désigné par l'autorité n'y change rien (Wolf, in Berner Kommentar ZGB, 2014, n. 154 et 165 ad art. 602 CC; Staufelberger/Keller Lüscher, in, Basler Kommentar ZGB II, 2019, n. 48 ad art. 602 CC; Spahr, op. cit., n. 77 et 85 ad art. 602 CC).

Il doit ainsi périodiquement renseigner les héritiers sur l'évolution de son activité. Il est tenu de rendre des comptes, conformément aux exigences de l'art. 400 CO et répond envers les héritiers de la bonne et fidèle exécution de sa tâche (Spahr, op. cit. n. 77 et 78 ad art. 602 CC; Staufelberger/Keller Lüscher, op.cit., n. 47-48 ad art. 602 CC et les références citées).

En revanche, la mission du représentant d'hoirie ne comprend pas la liquidation ni le partage d'une succession. Elle exclut également les actions propres des héritiers pour la succession (arrêt du Tribunal fédéral 5A_416/2013 du 26 juillet 2013 consid. 3.1 et 3.2; Steinauer, op. cit., n. 1241a; Spahr, op. cit. n. 7 ad art. 604 CC; Eigenmann/Landert, Actions successorales, n. 18).

4.1.3 L'autorité de surveillance statue uniquement sur les questions de droit formel et sur l'opportunité des mesures prises par le représentant. Les questions de pur droit matériel relèvent, par contre, de la compétence du juge ordinaire (arrêt du Tribunal fédéral 5A_806/2009 du 26 avril 2010 consid. 3.1; 5P.166/2004 du 24 juin 2004 consid. 2.2; Spahr, op. cit. n. 82 ad art. 602 CC et les références citées). Même si elle dispose d'un pouvoir d'examen étendu, l'autorité de surveillance doit faire preuve de retenue dans ses décisions. Elle tiendra compte du large pouvoir d'appréciation dont le représentant dispose et n'interviendra que si le choix opéré par celui-ci est manifestement insoutenable (arrêts du Tribunal fédéral 5A_813/2014 du 24 novembre 2014 consid. 4; 5P_107/2004 consid. 2.2; Spahr, op. cit., n. 81 ad art. 602 CC; Staufelberger/Keller Lüscher,
op.cit., n. 51 ad art. 602 CC; Weibel, in Praxiskommentar Erbrecht, n. 78 ad art. 602 CC).

4.2 En l'espèce, l'appelante s'est déjà plainte par le passé des activités du représentant de l'hoirie lors de la procédure en indemnisation, en soulevant plusieurs griefs à son encontre, lesquels ont tous été rejetés par décision de la Justice de paix du 7 juin 2021, confirmée par arrêt de la Cour de céans du 22 février 2022. Ces décisions ont relevé la complexité du mandat confié au représentant de l’hoirie au vu, notamment, de l'importance du patrimoine de la succession, de la nature des actifs à partager et des différends existant entre les cohéritières, considérant qu'aucun manquement dans sa mission ne pouvait lui être imputé.

La même conclusion s'impose ici pour les raisons qui suivent :

L'appelante ne saurait imputer un défaut de communication au représentant de l’hoirie, dans la mesure où les difficultés rencontrées par les hoirs, y compris au niveau de la communication, existaient déjà lors de sa désignation et constituaient d'ailleurs le motif principal de son intervention. L'appelante n'explique pas, au demeurant, quelles informations ne lui auraient pas été communiquées ni en quoi le représentant aurait failli à son devoir d'information envers les héritiers.

Concernant le grief relatif à l'absence de rapport, le premier juge a constaté que le représentant n'avait pas pu déposer son premier rapport dans le délai imparti, sans faute de sa part, au vu de la procédure d'opposition à sa nomination initiée par l'appelante elle-même. Il avait toutefois établi un rapport exposant la situation successorale une fois sa désignation confirmée et avait par la suite régulièrement renseigné la Justice de paix. Ces documents étant versés au dossier, ils sont à la disposition de l'appelante tant auprès de l'autorité que du représentant de l'hoirie, lequel a d'ailleurs invité cette dernière à venir consulter le dossier en son Etude. L'appelante n'allègue pas avoir été empêchée d'accéder au dossier ou à ces documents, s’étant bornée à reprocher au représentant de ne pas avoir établi les rapports requis, alors que ceux-ci se trouvent dans le dossier auquel elle a librement accès.

Quant à la société L______ SA, il ressort du dossier que le bien immobilier qu’elle détient constitue un actif important de la succession. Bien qu'il soit estimé à plus de 7 millions de francs, il implique le versement d’intérêts hypothécaires de 12%, équivalant à 371'280 fr. par année, qui continuent de courir et d'augmenter d'autant les passifs de la succession. Le choix du représentant de l’hoirie de vouloir procéder à la vente de ce bien immobilier avant que la dette hypothécaire n’en dépasse la valeur est non seulement opportune, mais également conforme aux intérêts de la succession. A cet égard, l'appelante n'apporte aucun élément concret s'agissant de la promotion immobilière qu'elle invoque pour s'opposer à la vente du bien et dont on ignore tout, y compris la date à laquelle elle serait susceptible de débuter, de sorte qu'on ne saurait reprocher au représentant de ne pas privilégier cette option.

S'agissant des actions de M______ SA et des différents prêts accordés à K______, il s'avère que le représentant de l’hoirie a tenté de recouvrer lesdits prêts en introduisant une poursuite à l'encontre de ce dernier ainsi qu'une action judiciaire, laquelle est toujours pendante. Cela étant, K______ s'est prévalu de documents écrits et signés par le de cujus en vertu desquels il n'est plus débiteur desdits prêts, ceux-ci ayant été convertis en actions de la société précitée. Le simple fait que l'appelante estime, sans preuve à l'appui, que ces documents ne seraient pas valables n'est pas suffisant pour permettre au représentant de l’hoirie de procéder au recouvrement de ces prêts.

Enfin, on ne saurait reprocher au représentant de l’hoirie de ne pas avoir encore préparé un projet de partage ni liquidé le régime matrimonial. En effet, comme il l'a à juste titre relevé, la masse successorale ne peut à ce stade être déterminée compte tenu des incertitudes qui demeurent sur d'importants actifs et passifs, tels que le sort du bien immobilier appartenant à la société L______ SA, le montant exact de la dette hypothécaire y relative, qui ne cesse de s'accroître, la valeur définitive de la société M______ SA ou encore certaines créances de la succession envers l'appelante, qui sont contestées par cette dernière. Ce n'est qu'une fois ces éléments connus que les calculs en lien avec la liquidation du régime matrimonial et les prétentions successorales pourront intervenir. Quoi qu'en dise l'appelante, sa situation en tant que conjointe survivante n'a pas été ignorée, mais s'inscrit dans le cadre d'une succession complexe, qui nécessite de nombreuses démarches préalables avant de pouvoir liquider le régime matrimonial et procéder à la préparation du partage, dont on rappellera ici qu’il n’appartient pas au représentant de l’hoirie de l’exécuter.

Au vu de ce qui précède, il s'avère que le représentant de l'hoirie a entrepris différentes démarches afin de sauvegarder au mieux les avoirs de la succession et d'en limiter les passifs, ce qui est conforme aux intérêts des héritiers, étant rappelé que le représentant de l'hoirie agit dans l'intérêt de la communauté des héritiers et non dans l'intérêt d'un seul d’entre eux.

L'appel se révèle infondé et sera, par conséquent, rejeté.

5. Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 2’000 fr. (art. 67A et 67B RTFMC), compte tenu de l’activité déployée par la Cour de justice au vu des multiples griefs soulevés par l’appelante et mis à la charge de celle-ci, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront partiellement compensés avec l'avance de frais de 500 fr. versée par cette dernière, qui demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

L’appelante sera dès lors condamnée à verser à l’Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, la somme de 1'500 fr. à titre de solde des frais judiciaires.

Il n'y a pas lieu à l'allocation de dépens dans la mesure où le représentant de l'hoirie comparait en personne et n'en sollicite pas et que les autres intimées se sont limitées à s’en rapporter aux conclusions du représentant, sans en solliciter non plus.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 16 juin 2023 par A______ à l'encontre de la décision DJP/207/2013 rendue le 1er juin 2023 par la Justice de paix dans la cause C/3766/2018.

Au fond :

Confirme cette décision.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais d'appel :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 2’000 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont partiellement compensés avec l'avance de frais versée par cette dernière, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne en conséquence A______ à verser à l’Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, la somme de 1'500 fr. à titre de solde des frais judiciaires.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile. Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.