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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/4047/2022

ACST/15/2023 du 24.03.2023 ( ABST ) , REJETE

Recours TF déposé le 12.05.2023, 2C_275/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4047/2022-ABST ACST/15/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Arrêt du 24 mars 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______
et
B______
et
C______
et
D______
et
E______
et
F______
représentés par Me Garance Stackelberg, avocate recourants

contre

CONSEIL D’ÉTAT intimé


EN FAIT

A. Monsieur A______, ressortissant suisse, est domicilié à Genève où il exerce la profession de chauffeur de taxi. Il est en outre associé-gérant d’une société exploitant une entreprise de taxis.

B______, C______, D______ et E______ (ci-après : les associations) sont des associations au sens des art. 60 ss du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) ayant leur siège à Genève et notamment pour but de défendre les intérêts professionnels de leurs membres, entreprises ou chauffeurs de taxi à Genève.

La F______ (ci-après : la société), dont le siège est à Genève, a pour but statutaire l’amélioration des conditions de travail de ses membres, soit les personnes physiques ou morales titulaires d’un ou plusieurs permis de service public, ainsi que la défense de leurs intérêts, notamment économiques, de même que l’amélioration des services à la clientèle dans le transport professionnel de personnes.

B. a. Le 28 janvier 2022, le Grand Conseil a adopté la loi 12'649 sur les taxis et la voitures de transport avec chauffeur (LTVTC - H 1 31), qui a été promulguée par arrêté publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 25 mars 2022, et est entrée en vigueur le 1er novembre 2022. Cette loi contient notamment les dispositions suivantes :

« Chapitre I Dispositions générales

Art. 1 But

1 La présente loi a pour objet de réglementer et de promouvoir un service de transport professionnel de personnes efficace, économique et de qualité.

2 Elle vise à garantir la sécurité publique, l’ordre public, le respect de l’environnement et des règles relatives à l’utilisation du domaine public, la loyauté dans les transactions commerciales, la transparence des prix, ainsi que le respect des prescriptions en matière de conditions de travail, de normes sociales et de lutte contre le travail au noir, tout en préservant la liberté économique.

[ ]

Chapitre II Accès aux professions

Section 1 Chauffeurs

Art. 7 Carte professionnelle

Principes

1 La carte professionnelle de chauffeur vaut autorisation d’exercer, en qualité d’employé ou d’indépendant, la profession pour laquelle le diplôme visé à l’article 8 a été obtenu. La carte professionnelle de chauffeur de taxi permet en outre d’exercer la profession de chauffeur de taxi et de chauffeur de VTC.

2 La carte professionnelle de chauffeur est munie d’éléments de sécurité biométriques. Elle est strictement personnelle et intransmissible. Les chauffeurs en service doivent être en permanence en sa possession et être à même de la présenter.

Conditions de délivrance

3 La carte professionnelle est délivrée au chauffeur lorsque le requérant :

a) a l’exercice des droits civils ;

b) est ressortissant suisse ou au bénéfice d’une autorisation lui permettant de travailler en Suisse comme indépendant ou employé ;

c) est titulaire du permis de conduire pendant au moins 3 ans consécutifs précédant le dépôt de la requête ;

d) est titulaire du permis de transport professionnel de personnes ;

e) n’a pas fait l’objet, dans les 3 ans précédant le dépôt de la requête, de décisions administratives ou de condamnations incompatibles avec l’exercice de la profession, telles que définies par le Conseil d’État ;

f) est titulaire du diplôme de chauffeur professionnel de taxi ou de VTC ;

g) est assuré ou affilié auprès d’une caisse de compensation ou dispose d’une attestation d’annonce délivrée par une caisse de compensation.

4 Le département détermine les pièces à produire à l’appui de la requête en délivrance de la carte professionnelle de chauffeur.

Révocation

5 Le département révoque la carte professionnelle lorsqu’une des conditions visées à l’alinéa 3 n’est plus remplie.

Caducité

6 Le département constate la caducité de la carte professionnelle de chauffeur lorsque son titulaire renonce à son activité de chauffeur professionnel de taxi ou de VTC.

[ ]

Section 4 Immatriculations

Art. 13 Autorisation d’usage accru du domaine public

Principes

1 Les autorisations d’usage accru du domaine public sont limitées en nombre et en durée, en vue d’assurer un bon fonctionnement des services de taxis, par une utilisation optimale du domaine public, et en vue de garantir la sécurité publique.

2 Elles sont attribuées moyennant le respect des conditions de délivrance, selon des critères objectifs et non discriminatoires.

3 Les autorisations et les plaques d’immatriculation correspondantes sont strictement personnelles et intransmissibles ; elles ne peuvent être mises à la disposition d’entreprises ni de chauffeurs tiers. Le titulaire de l’autorisation doit en faire un usage personnel et effectif en tant que chauffeur indépendant ou entreprise au sens de l’article 5, lettre c, chiffre 1, de la présente loi.

4 Le Conseil d’État fixe le nombre maximal d’autorisations d’usage accru du domaine public en fonction des besoins évalués périodiquement, détermine les modalités d’attribution et définit la notion d’usage effectif.

Conditions de délivrance

5 L’autorisation d’usage accru du domaine public est délivrée sur requête pour 6 ans à une personne physique ou morale, lorsque la requérante :

a) est titulaire d’une carte professionnelle de chauffeur de taxi ou d’une autorisation d’exploiter une entreprise de transport de taxi et en réalise toujours les conditions de délivrance ;

b) n’a pas, en qualité de chauffeur ou d’entreprise de transport, contrevenu, dans les 3 ans précédant la requête, de manière grave ou répétée aux dispositions de la présente loi ou à ses dispositions d’exécution ;

c) s’est acquittée, pour l’année en cours de la taxe annuelle visée à l’article 36 de la présente loi.

[ ]

Chapitre III Exercice des professions

Section 1 Dispositions communes

Art. 18 Obligations relatives aux voitures

[ ]

2 Afin de limiter progressivement les émissions de CO2, les voitures utilisées doivent :

a) dès le 1er juillet 2024, avoir une efficacité énergétique correspondant aux catégories étiquette-énergie A, B, C ou D ;

b) dès le 1er juillet 2027, avoir une efficacité énergétique correspondant à la catégorie étiquette-énergie A ;

c) dès le 1er juillet 2030, ne plus émettre de CO2.

[ ]

5 Le Conseil d’État peut exiger que les voitures en service soient équipées d’un système de géolocalisation et d’un appareil permettant d’émettre des quittances physiques ou électroniques. Il peut également prévoir la création d’un registre électronique central des quittances.

 

Art. 19 Obligations vis-à-vis des clients

1 Tout chauffeur est tenu par un devoir général de courtoisie. Il doit avoir un comportement, une tenue et une conduite corrects. Sa voiture doit en outre répondre à toutes les garanties de commodité et de propreté.

[ ]

Section 2 Droits et obligations spécifiques aux taxis

Art. 20 Usage du domaine public

1 Tout taxi en service dispose d’un droit d’usage accru du domaine public, lui permettant, aux endroits où la mention « Taxi » ou « Taxis exceptés » est spécifiquement indiquée :

a) de s’arrêter aux stations de taxis dans l’attente de clients ;

b) d’utiliser les voies réservées aux transports en commun ;

c) d’emprunter les zones ou les rues dans lesquelles la circulation est restreinte.

3 Tout taxi en service qui circule à l’allure normale du trafic et qui se fait héler par un client peut prendre celui-ci en charge, à condition que son arrêt n’entrave pas la circulation. Il lui est toutefois interdit de circuler dans le dessein de rechercher des clients.

[ ]

Art. 21 Obligations relatives aux voitures

1 Tout taxi en service doit être muni en permanence d’un équipement composé :

a) d’un compteur horokilométrique ou d’un dispositif alternatif reconnu pour calculer le prix des courses ;

b) d’une enseigne lumineuse « Taxi » fixée sur le toit de la voiture et comportant des témoins lumineux permettant d’indiquer si le taxi est libre ou occupé, respectivement si le tarif I ou II est appliqué ;

c) d’un logo officiel distinctif sur chaque côté de la voiture, l’enseigne « Taxi » étant réservée à cette seule catégorie.

2 Le Conseil d’État fixe les conditions relatives aux voitures et à leur équipement.

 

Art. 22 Prix des courses

1 Selon le choix des clients, le prix de la course est déterminé :

a) par le compteur horokilométrique ou un dispositif alternatif reconnu, le territoire cantonal constituant une seule zone tarifaire, à l’exception de l’enclave de Céligny ;

b) par un prix forfaitaire au départ de certains lieux et à destination de zones prédéfinies à l’intérieur des frontières cantonales ;

c) par entente préalable entre le client et le chauffeur, respectivement entre le client et l’entreprise de transport.

2 Le prix de la course fixé selon l’alinéa 1, lettre b ou c, ne peut excéder le montant calculé par le compteur horokilométrique ou un dispositif alternatif reconnu. Ce dernier doit rester enclenché lors de toute course.

3 Le Conseil d’État fixe les tarifs et suppléments maximaux des courses visées à l’alinéa 1, lettre a, ainsi que les prix forfaitaires, les lieux de départ et zones de destination visés à l’alinéa 1, lettre b.

 

Art. 23 Obligations vis-à-vis des clients

1 Les chauffeurs de taxi doivent accepter toutes les courses, à l’exception des cas de refus objectivement justifiés, lesquels sont précisés par le Conseil d’État.

2 Le compteur horokilométrique, respectivement le dispositif alternatif reconnu, doit être visible des clients pendant toute la course, que le prix de celle-ci soit fixé selon les modalités prévues à l’article 22, alinéa 1, lettres a, b ou c, de la présente loi.

3 Les courses doivent être effectuées en suivant l’itinéraire économiquement le plus avantageux, sauf demande expresse du client.

[ ]

Chapitre VII Contrôle

Art. 37 Obligation de collaborer

1 Les personnes physiques et morales, dont l’activité est soumise à la présente loi, sont tenues de collaborer avec les autorités et agents chargés de veiller à la bonne application de la présente loi et de ses dispositions d’exécution. Elles doivent notamment répondre aux demandes de renseignements et fournir toutes pièces requises nécessaires aux contrôles.

2 Les personnes détentrices de véhicules sont tenues de permettre en tout temps l’inspection de leurs véhicules et de fournir leurs données de géolocalisation.

3 Les entreprises de transport et de diffusion de courses doivent également donner accès aux données informatiques liées à l’activité soumise à la présente loi, notamment les données de géolocalisation des voitures qui leur sont affiliées ou de celles des chauffeurs dont elles sont les employeurs, ainsi que des données permettant de connaître les durées de connexion et de travail.

[ ]

Chapitre VIII Données personnelles

Art. 39 Traitement des données personnelles

1 Le département est habilité à traiter les données personnelles dont il a besoin pour accomplir les tâches qui lui sont conférées par la présente loi et ses dispositions d’exécution.

2 Il peut enregistrer et conserver les données biométriques nécessaires à l’établissement de la carte professionnelle visée à l’article 7 de la présente loi.

3 La saisie des données biométriques et l’établissement de la carte peuvent être délégués à une entité étatique ou de droit public.

[ ]

Chapitre X Dispositions finales et transitoires

Art. 43 Dispositions d’application

Le Conseil d’État édicte les dispositions nécessaires à l’exécution de la présente loi.

[ ]

Art. 46 Dispositions transitoires

Cartes professionnelles et diplômes de chauffeur

2 La carte professionnelle de chauffeur de taxi ou de VTC délivrée en application de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur, du 13 octobre 2016, demeure valable après l’entrée en vigueur de la présente loi.

[ ]

Interdiction de la mise à disposition des autorisations d’usage accru du domaine public

8 Le titulaire d’une autorisation d’usage accru du domaine public qui met à disposition d’une entreprise ou d’un chauffeur tiers son taxi, respectivement la plaque d’immatriculation correspondante à l’autorisation, doit dans un délai de 12 mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi :

a) faire un usage personnel et effectif de l’autorisation en tant que chauffeur indépendant ou entreprise au sens de l’article 5, lettre c, chiffre 1, de la présente loi ; ou

b) restituer au département l’autorisation dont il ne veut ou ne peut faire un usage personnel et effectif.

9 Le titulaire qui restitue dans un délai de 3 mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi tout ou partie des autorisations dont il ne peut faire un usage personnel et effectif perçoit un montant de 6 000 francs par autorisation, sous réserve de l’alinéa 10.

[ ]

Attribution des autorisations restituées ou caduques

13 Le département peut attribuer l’autorisation d’usage accru du domaine public à la personne physique ou morale qui en était l’utilisateur effectif au moment du dépôt de la présente loi, s’il en est toujours l’utilisateur au moment de l’adoption de la loi, en fait la requête et réalise les conditions de délivrance visées à l’article 13, alinéa 5, de la présente loi.

[ ] »

b. Il ressort des travaux de la commission parlementaire ayant conduit à l’adoption de la loi 12'649 notamment ce qui suit :

b.a. Selon les explications fournies par le représentant du Conseil d’État, la problématique de la location des plaques de taxi et l’autorisation d’usage accru du domaine public (ci-après : AUADP) associée était récurrente. En raison du numerus clausus, le délai d’attente pour obtenir une AUADP pouvait prendre plusieurs années, ce qui augmentait la valeur économique des autorisations et permettait à leurs titulaires de gagner de l’argent en vivant de la rente résultant de la location de leurs plaques pour un loyer dépassant parfois plus de dix fois le montant de la taxe annuelle. De nombreux chauffeurs qui voulaient exercer la profession étaient contraints de louer une AUADP, ce qui les rendait dépendants et économiquement vulnérables. En l’absence d’outils permettant de contrôler les prix, il convenait de supprimer la cession des plaques, en empêchant leur location ou la conclusion d’un bail à ferme, y compris le recours à un « doubleur », qui ne pouvait exercer sa profession que lorsque le titulaire principal de l’AUADP ne souhaitait pas lui-même l’utiliser. Il était donc proposé que le détenteur d’une AUADP l’utilise lui-même, qu’il engage un chauffeur pour l’utiliser ou qu’il la cède définitivement.

La notion d’usage effectif de l’AUADP concrétisait le principe de proportionnalité et pouvait, par exemple, correspondre à 50 % d’utilisation. Elle pouvait être objectivée dans le règlement, ce qui donnait la possibilité de la faire évoluer en fonction de la réalité du terrain.

Au niveau des obligations relatives aux voitures, lorsqu’un taxi était utilisé comme VTC, le chauffeur devait ôter les signes distinctifs de son véhicule (bonbonne, insigne « taxi », etc.) pour éviter tout risque de confusion. L’utilisation d’un système de géolocalisation nécessitait la création d’une base légale formelle. Un tel système permettait non seulement d’effectuer un meilleur contrôle par l’autorité administrative, mais également de procéder à une évaluation plus précise des revenus des chauffeurs, lesquels étaient actuellement taxés à raison de CHF 2.- par kilomètre. La géolocalisation permettait davantage de précision, en taxant les kilomètres commerciaux effectifs. De plus, de nombreux VTC fonctionnaient également au moyen de la géolocalisation. Le contrôle de l’autorité administrative porterait sur l’ensemble des données informatiques, et pas seulement sur la géolocalisation.

Vu l’intérêt manifesté pour des prix de courses prédéterminés par les diffuseurs de courses et les VTC, il était important d’amener les chauffeurs de taxi à accepter des prix forfaitaires et rendre les prix plus attractifs et rassurants pour la clientèle, notamment internationale. Dans ce cadre, les tarifs pratiqués à l’aéroport étaient souvent élevés et dépendaient du chargement des clients, qui devaient payer des frais avant même la mise en route du véhicule. Les forfaits visaient à rendre les prix acceptables et vérifiables, dès lors que le compteur horokilométrique devait rester enclenché pendant le trajet, ce qui permettait de se rendre compte de la différence de prix et de permettre aux clients de payer le prix effectif s’il s’avérait inférieur au forfait. Il s’agissait de protéger le client, en particulier étranger, qui ne connaissait souvent pas les prix, ainsi que d’éviter tout abus. Les courses les plus fréquentes et la fixation des forfaits seraient étudiées avec les milieux intéressés.

b.b. Durant les discussions des commissaires, un amendement a été adopté, consistant à limiter progressivement les émissions de CO2 des voitures utilisées pour le transport individuel de personnes, au vu des objectifs de réduire de 60 % les émissions de CO2 d’ici 2030 et d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 en application du plan climat cantonal. Un système d’exclusion de certains véhicules par étapes, en fonction de leurs valeurs d’émission, était proposé, afin d’améliorer progressivement le niveau qualitatif des véhicules en matière d’émission de CO2. Actuellement, plus de 50 % des taxis à Genève étaient des véhicules hybrides, fonctionnant à l’électricité et à l’essence, et 41,6 % du parc automobile était constitué de véhicules de catégorie « A » selon l’étiquette-énergie. Il n’était donc pas impensable que dans six ans, les véhicules automobiles de classe « A » représenteraient la totalité dudit parc. Par ailleurs, un véhicule d’une certaine classe énergétique, lors de sa mise en service, conservait cette classe durant son existence, malgré les évolutions technologiques. Les véhicules de taxi étaient en outre en majorité changés tous les trois ans.

C. Le 19 octobre 2022, le Conseil d’État a adopté le règlement d’exécution de la LTVTC (RTVTC - H 1 31.01), publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 25 octobre 2022. Le RTVTC contient notamment les dispositions suivantes :

« Chapitre II Accès aux professions

Section 3 Immatriculations

Art. 17 Autorisation d’usage accru du domaine public (art. 13 de la loi)

[ ]

Usage effectif et personnel

5 Les titulaires d’une autorisation d’usage accru du domaine public sont tenus d’en faire un usage effectif sous peine de caducité. L’usage est effectif si l’autorisation est exploitée sur l’année pendant une durée hebdomadaire moyenne de 32 heures au moins, à l’exclusion de 2 mois de vacances.

6 L’usage est personnel au sens de l’article 13, alinéa 3, de la loi lorsque l’exploitation est faite par la personne titulaire elle-même ou par le personnel employé.

Infractions graves ou répétées

7 Sont considérées comme infractions graves ou répétées au sens de l’article 13, alinéa 5, lettre b, de la loi faisant obstacle à la délivrance de l’autorisation :

a) les infractions commises par les chauffeurs au devoir général de courtoisie, aux prix des courses ainsi que le refus de course injustifié ;

b) la collaboration d’entreprises de transport avec des personnes physiques ou morales ne bénéficiant pas des autorisations nécessaires à l’exercice des activités soumises à la loi ;

c) le prononcé de 3 mesures et/ou sanctions devenues exécutoires dans l’intervalle des 3 dernières années.

[ ]

Chapitre III Exercice des professions

Section 1 Dispositions communes

Art. 27 Obligations relatives aux voitures (art. 18 de la loi)

Transition énergétique

1 Les voitures utilisées pour le transport professionnel de personnes doivent répondre aux exigences visées à l’article 18, alinéa 2, de la loi permettant de limiter progressivement les émissions de CO2.

[ ]

Systèmes de géolocalisation et d’émission de quittances

4 Les détentrices et détenteurs de voitures destinées au transport professionnel sont tenus d’équiper les véhicules d’un système de géolocalisation et d’un système d’émission de quittances physiques ou électroniques.

5 Le système de géolocalisation doit avoir les spécificités techniques pour permettre les contrôles visés à l’article 49, alinéa 1, lettres b et c, du présent règlement. Le service publie sur le site Internet de l’État de Genève les spécificités techniques requises.

 

Art. 28 Obligation de saisie et de conservation des données numériques

Entreprises de transport et de diffusion de courses

1 Pour les données visées à l’article 37, alinéa 3, de la loi, les entreprises de transport et de diffusion de courses doivent saisir :

a) les périodes d’attente, d’approche et de course des chauffeurs, ainsi que la vitesse et la distance parcourue par le véhicule. Ces données doivent être au moins équivalentes à celles collectées au moyen d’un tachygraphe utilisé conformément à l’ordonnance fédérale sur la durée du travail et du repos des conducteurs professionnels de véhicules légers affectés au transport de personnes et de voitures de tourisme lourdes, du 6 mai 1981 ;

b) les données de géolocalisation relatives aux chauffeurs et aux voitures permettant les contrôles visés à l’article 49, alinéa 1, lettres b et c, du présent règlement.

2 Les entreprises de transport et de diffusion de courses doivent conserver les données visées à l’alinéa 1 du présent article pendant une durée de 10 ans.

Chauffeurs indépendants

3 Les chauffeurs indépendants doivent collecter les données de géolocalisation permettant les contrôles visés à l’article 49, alinéa 1, lettres b et c, du présent règlement et les conserver pendant une durée d’une année.

[ ]

Section 2 Droits et obligations spécifiques aux taxis

Art. 31 Obligations relatives aux voitures (art. 21 de la loi)

Enseigne lumineuse et logo officiel

1 Les voitures de taxis en service portent pour signes distinctifs une enseigne lumineuse et un logo officiel tel que défini à l’annexe I du présent règlement.

2 Le logo doit être imprimé en couleurs et apposé sur le véhicule conformément à la charte graphique et de positionnement dudit logo; il peut être imprimé sur un support autocollant ou magnétique.

[ ]

4 Lorsque le taxi n’est pas en service ou lorsqu’il intervient en qualité de VTC, l’enseigne lumineuse doit être masquée ou démontée et le logo officiel retiré.

[ ]

Art. 32 Prix des courses (art. 22 de la loi)

[ ]

Prix forfaitaires

5 Les prix forfaitaires au départ de l’Aéroport international de Genève à destination des zones prédéfinies et des zones prédéfinies à destination de l’Aéroport international de Genève sont les suivants :

a) zone contiguë à l’Aéroport international de Genève 25 fr.

b) zone organisations internationales 35 fr.

c) centre-ville / rive droite 50 fr.

d) centre-ville / rive gauche 60 fr.

[ ]

Chapitre VII Contrôle

Art. 49 Contrôles au moyen de données numériques

1 Les contrôles au moyen de données numériques, dont celles de géolocalisation, sont destinés à vérifier le respect des prescriptions :

a) visées à l’article 28 de la loi ainsi que les périodes d’attente, d’approche et de course des chauffeurs ;

b) en matière d’utilisation accrue du domaine public et d’accès aux zones restreintes à la circulation ;

c) visées aux articles 20, alinéa 3, 2e phrase, et 24 de la loi.

2 Sur demande du service, les entreprises de transport ou de diffusion de courses, respectivement les détentrices et détenteurs de voitures destinées au transport professionnel, sont tenus, dans les 10 jours, de livrer au service les données numériques requises ou de les rendre directement accessibles au service.

[ ]

Chapitre VIII Données personnelles

Art. 51 Traitement des données

[ ]

Données personnelles

3 La durée de conservation des données de géolocalisation collectées dans le cadre des contrôles visés à l’article 49, alinéa 1, lettres b et c, du présent règlement est de 6 mois, sous réserve de l’alinéa 4 du présent article.

4 En cas de contentieux, la durée de conservation des données de géolocalisation est déterminée par la durée de la procédure.

[ ]

Art. 52 Information et accès aux données de géolocalisation

1 Le service établit un rapport annuel qui renseigne notamment sur la finalité des données de géolocalisation traitées.

2 Le droit d’accès aux données collectées par le service est régi par la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles, du 5 octobre 2001. Les chauffeurs ont un droit d’accès aux données les concernant.

[ ]

Chapitre X Dispositions finales et transitoires

Art. 56 Entrée en vigueur

Le présent règlement entre en vigueur le 1er novembre 2022.

 

Art. 57 Dispositions transitoires

Cartes professionnelles de chauffeur

1 Les cartes professionnelles de chauffeur en cours de validité délivrées sous l’égide de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur, du 13 octobre 2016 (ci-après : ancien droit) conservent leur validité jusqu’au 1er janvier 2024.

[ ]

Attribution des autorisations aux utilisatrices et utilisateurs effectifs

11 En application de l’article 13, alinéa 4 de la loi, le service peut, pendant le délai transitoire des 12 mois visé à l’article 46, alinéa 8, de la loi, délivrer jusqu’à 200 autorisations d’usage accru du domaine public supplémentaires aux utilisatrices et utilisateurs effectifs au sens de l’article 46, alinéa 13, de la loi.

[ ]

Annexe I

Logo officiel – voitures de taxis (art. 21, al. 1, lettre c, de la loi)

A. Charte graphique et de positionnement

Le logo officiel doit être imprimé en couleurs et placé sur les voitures de taxis selon la charte graphique et de positionnement publiée par le service sur le site Internet du canton de Genève.

B. Supports magnétiques

Les supports magnétiques doivent être garantis en stabilité pour une vitesse de 180 km/h à une température comprise entre -20° C et + 50° C.

[ ] »

D. a. Par acte expédié le 24 novembre 2022, A______, les associations et la société ont saisi la chambre constitutionnelle d’un recours dirigé contre le RTVTC, concluant préalablement à l’octroi de l’effet suspensif et principalement à l’annulation de l’art. 17 al. 5 à 7, de l’art. 27 al. 1, 4 et 5, de l’art. 28, de l’art. 31 al. 1, 2 et 4, de l’art. 32 al. 5, de l’art. 49, de l’art. 51 al. 3 et 4, de l’art. 52, de l’art. 56, de l’art. 57 al. 1 et 11 et de l’annexe I.

Les dispositions en matière d’AUADP (art. 17 al. 5 à 7 et art. 57 al. 11  RTVTC), d’émission de CO2 des véhicules (art. 27 al. 1 RTVTC), de géolocalisation (art. 27 al. 4 et 5, art. 28, art. 49, art. 51 al. 3 et 4 et art. 52 RTVTC), d’aspect extérieur des voitures (art. 31 al. 1, 2 et 4 et annexe I RTVTC) et de prix forfaitaires (art. 32 al. 5 RTVTC) étaient contraires à la liberté économique. La géolocalisation était également contraire à la garantie de la sphère privée, et le retrait de la carte professionnelle de chauffeur (art. 57 al. 1 RTVTC) violait les règles de la bonne foi.

b. Le 26 janvier 2023, la chambre constitutionnelle a refusé d’octroyer l’effet suspensif au recours et réservé le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond.

c. Le 6 février 2023, le Conseil d’État a conclu au rejet du recours.

d. Le 3 mars 2023, les recourants ont persisté dans leur recours.

e. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1) 1.1. La chambre constitutionnelle est l’autorité compétente pour contrôler, sur requête, la conformité des normes cantonales au droit supérieur (art. 124 let. a de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 - Cst-GE - A 2 00). Selon la législation d’application de cette disposition, il s’agit des lois constitutionnelles, des lois et des règlements du Conseil d’État (art. 130B al. 1 let. a de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

1.2. Le recours est formellement dirigé contre un règlement cantonal, à savoir le RTVTC, et ce en l’absence de cas d’application (ACST/10/2023 du 6 mars 2023 consid. 1.2). Il a été interjeté dans le délai légal à compter de la publication dudit règlement dans la FAO du 25 octobre 2022 (art. 62 al. 1 let. d et al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

1.3. S’agissant des conditions formelles, l’acte de recours, formé par écrit (art. 64 al. 1 LPA), contient la désignation de l’acte attaqué et les conclusions des recourants (art. 65 al. 1 LPA), ainsi que l’exposé des motifs et l’indication des moyens de preuve (art. 65 al. 2 LPA). Cela étant, en cas de recours contre une loi constitutionnelle, une loi ou un règlement du Conseil d’État, l’acte de recours doit en sus contenir un exposé détaillé des griefs (art. 65 al. 3 LPA). Or, tel n’est pas le cas de plusieurs dispositions du règlement contestées par les recourants, lesquels, bien que concluant à leur annulation, n’émettent aucun grief spécifique à leur encontre, voire critiquent, par le biais du présent recours, la LTVTC, dont la chambre de céans a au demeurant admis la conformité au droit supérieur (ACST/25/2022 du 22 décembre 2022, qui fait l’objet d’un recours au Tribunal fédéral ; ACST/26/2022 et ACST/27/2022 du 22 décembre 2022) sur plusieurs points, dont certains à nouveau contestés par les recourants. En outre, même s’ils concluent à l’annulation de l’art. 56 RTVTC fixant la date d’entrée en vigueur dudit règlement, les recourants n’émettent aucun grief à son encontre, ce qui n’est pas conforme à l’exigence de motivation résultant de l’art. 65 al. 3 LPA.

2) 2.1. A qualité pour recourir toute personne touchée directement par une loi constitutionnelle, une loi, un règlement du Conseil d’État ou une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce que l’acte soit annulé ou modifié (art. 60 al. 1 let. b LPA). L’art. 60 al. 1 let. b LPA formule de la même manière la qualité pour recourir contre un acte normatif et en matière de recours ordinaire. Cette disposition ouvre ainsi largement la qualité pour recourir, tout en évitant l’action populaire, dès lors que le recourant doit démontrer qu’il est susceptible de tomber sous le coup de la loi constitutionnelle, de la loi ou du règlement attaqué (ACST/3/2023 du 16 février 2023 consid. 2a).

2.1.1. Lorsque le recours est dirigé contre un acte normatif, la qualité pour recourir est conçue de manière plus souple et il n’est pas exigé que le recourant soit particulièrement atteint par l’acte entrepris. Ainsi, toute personne dont les intérêts sont effectivement touchés directement par l’acte attaqué ou pourront l’être un jour a qualité pour recourir ; une simple atteinte virtuelle suffit, à condition toutefois qu’il existe un minimum de vraisemblance que le recourant puisse un jour se voir appliquer les dispositions contestées (ATF 147 I 308 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_357/2021 du 19 mai 2022 consid. 2.2). La qualité pour recourir suppose en outre un intérêt actuel à obtenir l’annulation de l’acte entrepris, cet intérêt devant exister tant au moment du dépôt du recours qu’au moment où l’arrêt est rendu (ATF 147 I 478 consid. 2.2).

2.1.2. Une association ayant la personnalité juridique est habilitée à recourir en son nom propre lorsqu’elle est intéressée elle-même à l’issue de la procédure. De même, sans être touchée dans ses intérêts dignes de protection, cette possibilité lui est reconnue pour autant qu’elle ait pour but statutaire la défense des intérêts de ses membres, que ces intérêts soient communs à la majorité ou au moins à un grand nombre d’entre eux et que chacun de ceux-ci ait qualité pour s’en prévaloir à titre individuel (ATF 145 V 128 consid. 2.2 ; ACST/10/2023 précité consid. 2.1.2). En revanche, elle ne peut prendre fait et cause pour l’un de ses membres ou pour une minorité d’entre eux (arrêt du Tribunal fédéral 1C_499/2020 du 24 septembre 2020 consid. 2).

2.2. En l’espèce, la personne physique recourante exerce la profession de chauffeur de taxi et est associée-gérante d’une société exploitant une entreprise de taxi à Genève. Elle est donc personnellement concernée par les dispositions qu’elle conteste et a qualité pour recourir. Il en va de même des associations, qui ont pour but de défendre les intérêts de leurs membres, également directement concernés par les dispositions contestées, ainsi que de la société (arrêt du Tribunal fédéral 8C_184/2008 du 3 octobre 2008 consid. 2.2.2 non publié in ATF 134 I 269).

3) Bien que ne prenant aucune conclusion spécifique dans leurs écritures, les recourants proposent, pour prouver les faits qu’ils allèguent, de procéder à la comparution personnelle des représentants des associations et de la société recourante ainsi que A______.

3.1. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit, pour l’intéressé, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves, à condition qu’elles soient pertinentes et de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1). Il ne comprend en principe pas le droit d’être entendu oralement ni celui d’obtenir l’audition de témoins (arrêt du Tribunal fédéral 8C_338/2022 du 25 janvier 2023 consid. 7.2 et les références citées). Le droit d’être entendu n’empêche pas l’autorité de mettre un terme à l’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de se forger une conviction et que, procédant de manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu’elles ne pourraient pas l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1).

3.2. En l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit à la proposition d’audition des recourants. Outre le fait qu’ils ne disposent d’aucun droit à être entendus oralement, ils ont pu faire valoir leurs arguments par écrit à plusieurs reprises, en présentant la situation des chauffeurs et entreprises de taxi et en produisant les pièces qu’ils jugeaient nécessaire pour appuyer leurs allégués. Le dossier contient ainsi suffisamment d’éléments pour trancher le litige, qui porte au demeurant essentiellement sur des aspects juridiques, dans le cadre desquels l’audition des parties n’est pas nécessaire.

4) La chambre constitutionnelle, lorsqu’elle se prononce dans le cadre d’un contrôle abstrait des normes, s’impose une certaine retenue et n’annule les dispositions attaquées que si elles ne se prêtent à aucune interprétation conforme au droit ou si, en raison des circonstances, leur teneur fait craindre avec une certaine vraisemblance qu’elles soient interprétées ou appliquées de façon contraire au droit supérieur. Pour en juger, il lui faut notamment tenir compte de la portée de l’atteinte aux droits en cause, de la possibilité d’obtenir ultérieurement, par un contrôle concret de la norme, une protection juridique suffisante et des circonstances dans lesquelles ladite norme serait appliquée. Le juge constitutionnel doit prendre en compte dans son analyse la vraisemblance d’une application conforme – ou non – au droit supérieur. Les explications de l’autorité sur la manière dont elle applique ou envisage d’appliquer la disposition mise en cause doivent également être prises en considération. Si une réglementation de portée générale apparaît comme défendable au regard du droit supérieur dans des situations normales, telles que le législateur pouvait les prévoir, l’éventualité que, dans certains cas, elle puisse se révéler inconstitutionnelle ne saurait en principe justifier une intervention du juge au stade du contrôle abstrait (ATF 148 I 198 consid. 2.2 ; 147 I 308 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_983/2020 du 15 juin 2022 consid. 3.1 ; ACST/4/2023 du 16 février 2023 consid. 3 et les références citées).

5) Les recourants font grief aux dispositions en matière d’AUADP (art. 17 al. 5 à 7 et art. 57 al. 11 RTVTC), d’émission de CO2 des véhicules (art. 27 al. 1 RTVTC), de géolocalisation (art. 27 al. 4 et 5, art. 28, art. 49, art. 51 al. 3 et 4 et art. 52 RTVTC), d’aspect extérieur des voitures (art. 31 al. 1, 2 et 4 et annexe I RTVTC) et de prix forfaitaires (art. 32 al. 5 RTVTC) de contrevenir à la liberté économique.

5.1. Aux termes de l’art. 27 Cst., la liberté économique est garantie (al. 1). Cette liberté comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (al. 2). L’art. 35 Cst-GE contient une garantie similaire.

La liberté économique protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d’un gain ou d’un revenu, et peut être invoquée tant par les personnes physiques que par les personnes morales (ATF 143 II 598 consid. 5.1). Elle a une fonction institutionnelle, en tant qu’elle exprime, conjointement avec d’autres dispositions constitutionnelles (notamment l’art. 94 Cst.), le choix du constituant en faveur d’un système économique libéral, fondé sur la libre entreprise et la concurrence, et une fonction individuelle, en tant qu’elle assure une protection contre les mesures étatiques restreignant la liberté d’exercer toute activité économique privée, exercée aux fins de production d’un gain ou d’un revenu, à titre principal ou accessoire, dépendant ou indépendant (ATF 143 II 598 consid. 5.1). Ces deux aspects, institutionnel et individuel, sont étroitement liés (ATF 148 II 121 consid. 7.2).

5.2. À l’instar de toutes les libertés, la liberté économique peut être restreinte aux conditions de l’art. 36 Cst. Ces restrictions doivent ainsi reposer sur une base légale, être justifiées par un intérêt public et respecter le principe de proportionnalité (art. 36 al. 1 à 3 Cst. ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_139/2021 du 12 juillet 2021 consid. 4.1 et les références citées).

5.3.1. En l’espèce, les recourants se plaignent de l’usage strictement personnel des AUADP qui, selon eux, mettrait brutalement un terme à un modèle d’affaires pratiqué depuis longtemps, ce qui conduirait les entreprises à la faillite et ne permettrait plus aux chauffeurs, comme les « doubleurs » ou les travailleurs temporaires, d’exercer leur profession. L’autorité intimée conteste ce point de vue, arguant que l’art. 17 al. 6 RTVTC n’instaure pas de nouvelles obligations, puisque l’usage personnel de l’AUADP résulte de l’art. 13 al. 3 LTVTC, dont la constitutionnalité a été admise par la chambre constitutionnelle.

En se plaignant du caractère strictement personnel des AUADP au sens de l’art. 17 al. 6 RTVTC, les recourants dirigent en réalité leurs critiques contre la LTVTC, qui prévoit que lesdites autorisations sont strictement personnelles et intransmissibles (art. 13 al. 3 LTVTC), et n’émettent aucun grief spécifique à l’encontre de la disposition qu’ils contestent. L’art. 17 al. 6 RTVTC se limite au demeurant à définir la notion d’usage personnel de l’art. 13 al. 3 LTVTC, en prévoyant que tel est le cas lorsque l’exploitation est faite par la personne titulaire elle-même ou par le personnel employé, ce que les recourants ne remettent pas en cause.

À cela s’ajoute que la chambre de céans a admis la conformité à la liberté économique de l’art. 13 al. 3 LTVTC dans deux arrêts récents, entrés en force de chose jugée (ACST/26/2022 précité consid. 5 ; ACST/27/2022 précité consid. 6). Elle a en particulier jugé que, conformément à la jurisprudence constante, selon laquelle la collectivité publique était habilitée à réglementer l’usage accru du domaine public par les taxis (arrêt du Tribunal fédéral 2C_394/2020 du 20 novembre 2020 consid. 7.2 et les références citées), l’art. 13 LTVTC poursuivait un but d’intérêt public admissible, à savoir éviter que les autorisations soient conservées par les mêmes bénéficiaires et les répartir équitablement entre les différents concurrents afin d’ouvrir l’accès à la profession à de nouveaux candidats. Cette disposition respectait également le principe de la proportionnalité, notamment parce qu’elle mettait un terme au commerce des AUADP et permettait de mettre fin à la précarisation de la profession ainsi qu’à l’enrichissement correspondant des titulaires des AUADP, en incitant les chauffeurs concernés à les restituer afin d’ouvrir la profession à de nouvelles personnes. Pour ces motifs notamment, l’intransmissibilité des AUADP était conforme à la liberté économique.

Il n’en va pas différemment de l’art. 17 al. 6 RTVTC, auquel le même raisonnement s’applique.

5.3.2. Selon les recourants, l’obligation d’usage effectif des AUADP poserait les mêmes problèmes que l’obligation d’usage personnel et exclurait de la profession les chauffeurs de taxi qui travaillent moins de trente-deux heures par semaine, notamment pour s’occuper de leurs enfants, et ceux qui s’adonnent à cette activité de manière temporaire ou irrégulière, comme les étudiants. Selon l’autorité intimée, l’art. 17 al. 5 RTVTC se fonderait sur l’art. 13 al. 3 LTVTC, conforme à la liberté économique.

L’art. 17 al. 5 RTVTC s’inscrit dans le même contexte que l’art. 17 al. 6 RTVTC. En effet, sur la base de l’art. 13 al. 4 LTVTC qui permet au Conseil d’État de définir la notion d’usage effectif, l’art. 17 al. 5 RTVTC reprend, dans sa première phrase, l’obligation faite au titulaire d’une AUADP d’en faire un usage effectif, sous peine de caducité selon l’art. 13 al. 3 et 9 let. d LTVTC, et définit, dans sa deuxième phrase, la notion d’usage effectif, à savoir l’exploitation de l’autorisation pendant une durée hebdomadaire moyenne de trente-deux heures au moins sur l’année, à l’exclusion de deux mois de vacances.

Il s’agit, par le biais de l’exigence d’un usage effectif de l’AUADP par son titulaire, de garantir que celui-ci l’utilise effectivement et ainsi éviter que les autorisations soient conservées par les mêmes bénéficiaires, alors même que de nombreux candidats n’ont pas accès à la profession en raison du numerus clausus des AUADP (art. 13 al. 1 LTVTC). Comme l’a relevé la jurisprudence, un tel intérêt public est admissible (arrêt du Tribunal fédéral 2C_394/2020 précité consid. 7.2 et les références citées).

La mesure en cause respecte aussi le principe de proportionnalité. En effet, l’exigence d’usage effectif de l’AUADP sous peine de caducité permet une meilleure rotation des autorisations, but que la seule condition de l’usage personnel ne permettrait pas d’atteindre. Une mesure moins incisive n’est pas non plus envisageable, les recourants n’en mentionnant au demeurant aucune, en particulier au vu du nombre de candidats figurant sur la liste d’attente pour l’obtention d’une AUADP ; l’art. 17 al. 5 RTVTC n’exige au demeurant qu’une activité hebdomadaire moyenne de trente-deux heures au moins sur l’année. Dans ce cadre, la disposition en cause respecte également le principe de la proportionnalité au sens étroit, au vu de la durée hebdomadaire moyenne d’utilisation exigée, qui ne correspond pas, comme le prétendent les recourants, à une activité à plein temps, ladite durée étant répartie sur l’année et les vacances scolaires en étant exclues. La disposition litigieuse permet ainsi de ménager les intérêts des chauffeurs de manière adéquate et ne prête ainsi pas le flanc à la critique. Elle respecte par conséquent la liberté économique.

5.3.3. Les recourants critiquent l’art. 17 al. 7 let. a et c RTVTC, alléguant qu’il subordonnerait la délivrance et le maintien de l’AUADP à un cadre très mal défini ouvrant la porte à une interprétation stricte du RTVTC, ce qui entraverait le libre exercice de la profession de chauffeur de taxi. L’autorité intimée, pour sa part, considère que la prise en compte des antécédents pour la définition des infractions graves ou répétées constitue une restriction d’autant plus admissible à la liberté économique que l’art. 17 al. 7 RTVTC est plus favorable que l’ancien droit et ne s’applique pas dans le cadre du maintien ou de la révocation d’une AUADP.

Au vu de leur argumentation, les recourants font en particulier grief à la disposition qu’ils contestent de ne pas être suffisamment prévisible, et donc d’être contraire au principe de la légalité, grief qui se confond avec l’examen de la première des conditions de restriction des libertés publiques liées à la base légale et prévue à l’art. 36 al. 1 Cst. (ACST/3/2023 précité consid. 8).

L’art. 13 al. 5 LTVTC fixe les conditions de délivrance de l’AUADP, également applicables à son renouvellement (art. 13 al. 7 let. b LTVTC) mais pas à sa révocation (art. 13 al. 8 LTVTC), en exigeant notamment du requérant qu’il n’ait pas, en qualité de chauffeur ou d’entreprise de transport, contrevenu, dans les trois ans précédant la requête, de manière grave ou répétée à la LTVTC ou au RTVTC (art. 13 al. 5 let. b LTVTC). La LTVTC soumet les chauffeurs à un certain nombre d’obligations, dont un devoir général de courtoisie (art. 19 al. 1 LTVTC), applicable tant aux chauffeurs de taxis que de VTC, ainsi que, pour les chauffeurs de taxi exclusivement, l’obligation d’accepter toutes les courses (art. 23 al. 1 LTVTC) et des dispositions relatives au prix des courses (art. 22 LTVTC). Dans ce cadre, les recourants ne sauraient prétendre que lesdites obligations, auxquelles l’art. 17 al. 7 let. a RTVTC se limite à renvoyer, seraient décrites de manière vague et indéterminée, puisqu’elles résultent de la LTVTC, ce qui revient à contester cette dernière dans le cadre du présent recours, dirigé contre le RTVTC. Le fait que les infractions à ces devoirs puissent être qualifiées de graves ne prête pas non plus le flanc à la critique, dès lors que les obligations susmentionnées constituent le fondement même de la profession de chauffeur, en particulier de taxi, eu égard au but de la LTVTC consistant à promouvoir un service de transport professionnel de personnes efficace, économique et de qualité (art. 1 al. 1 LTVTC) et qu’elles sont le minimum de ce qui peut être exigé de leur part, en particulier vis-à-vis des clients. La chambre administrative de la Cour de justice a au demeurant relevé que ces infractions, déjà prévues dans l’ancien droit, pouvaient être considérées comme graves (ATA/844/2012 du 18 décembre 2012 consid. 9c). À cela s’ajoute que sur l’ensemble des devoirs des chauffeurs, seule la contravention à trois d’entre eux a été qualifiée de grave et que, contrairement à ce que soutiennent les recourants, n’importe quel comportement ne saurait entrer en ligne de compte, puisque, pour être retenu, il doit avoir été formalisé par une sanction, elle-même susceptible d’un contrôle judiciaire. Par ailleurs, l’art. 17 al. 7 let. c RTVTC se limite à concrétiser l’art. 13 al. 5 let. b LTVTC, en fixant à trois le nombre de mesures et/ou sanctions prononcées dans les trois dernières années pour refuser la délivrance et le renouvellement d’une AUADP.

Les exigences précitées poursuivent un but d’intérêt public admissible consistant à s’assurer qu’un candidat à l’AUADP, qui permet d’exercer la profession de chauffeur de taxi au bénéfice des droits et obligations spécifiques prévus par la LTVTC, ne soit pas un contrevenant régulier à la loi. Elles respectent également le principe de la proportionnalité, notamment du fait de leur caractère limité, tant au regard de la nature et de la quotité des infractions prévues à l’art. 17 al. 7 let. a RTVTC qu’au vu de leur caractère limité dans le temps et de leur nombre selon l’art. 17 al. 7 let. c RTVTC.

5.3.4. Les recourants soutiennent que l’augmentation transitoire du nombre d’AUADP pendant un an (art. 57 al. 11 RTVTC) serait contraire à la liberté économique des chauffeurs en place car elle aurait pour effet de diminuer la rentabilité de leur activité et de surcharger le réseau routier. Selon l’autorité intimée, cette mesure permettrait, au contraire, d’atténuer les effets du passage au régime de l’interdiction de location des autorisations et respecterait le principe de proportionnalité, au vu de son caractère provisoire et des conditions restrictives pour en bénéficier. Lors de l’entrée en vigueur de l’ancienne loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (aLTVTC - H 1 31), une mesure similaire avait en outre été adoptée de manière temporaire.

Les recourants ne critiquent pas le nombre d’AUADP supplémentaires pouvant être délivrées, mais le principe d’une telle augmentation, laquelle résulte de l’art. 46 al. 13 LTVTC. En effet, ce dernier prévoit que le département peut attribuer l’AUADP à la personne physique ou morale qui en était l’utilisateur effectif, pour autant qu’il respecte les conditions de délivrance valables pour ladite autorisation. Cette disposition légale transitoire a été adoptée pour permettre aux chauffeurs de taxis exerçant leur profession à travers la location de plaques ou d’un bail à ferme de continuer leur activité, malgré l’abolition de ces pratiques par l’entrée en vigueur de la LTVTC, et de leur attribuer, pour autant que les conditions légales soient remplies, une AUADP. Si deux cents AUADP ont certes été créées, rien n’indique qu’elles auraient effectivement été attribuées, au vu des conditions auxquelles les requérants doivent satisfaire pour en bénéficier. Même à supposer qu’un grand nombre de chauffeurs aient pu bénéficier de cette mesure et aient résilié leurs contrats de location de plaques et de bail à ferme, il sera rappelé qu’une indemnisation, de l’ordre de CHF 6'000.- par plaque (art. 46 al. 9 LTVTC), a été prévue pour limiter le dommage des bailleurs durant la période transitoire.

5.3.5. Les recourants voient dans les nouvelles exigences relatives à la limitation des émissions de CO2 et dans le délai de sa mise en œuvre une entrave injustifiée à la liberté économique, puisqu’elles ne tiendraient pas compte du fait que de nombreux chauffeurs avaient acquis un véhicule, bientôt rendu inutilisable, et que certaines voitures, comme les « vans », n’avaient pas d’équivalent électrique sur le marché. L’autorité intimée soutient, au contraire, que le grief serait infondé, puisque l’art. 27 al. 1 RTVTC se limiterait à renvoyer à la teneur de l’art. 18 LTVTC, que les recourants ne pouvaient contester en tant que tel.

L’art. 27 al. 1 RTVTC, contesté par les recourants, prévoit que les voitures utilisées pour le transport professionnel de personnes doivent répondre aux exigences visées à l’art. 18 al. 2 LTVTC permettant de limiter progressivement les émissions de CO2. Cette disposition se limite ainsi à renvoyer à l’art. 18 al. 2 LTVTC, sans prévoir d’exigence supplémentaire pour les véhicules, ni de délai en vue de la mise en œuvre de la limitation des émissions de CO2. Outre le fait que les recourants ne sont pas habilités, par le biais du présent recours dirigé contre le RTVTC, à contester indirectement la LTVTC, la chambre de céans a déjà jugé l’art. 18 al. 2 LTVTC était conforme à la liberté économique. En effet, elle a considéré que cette disposition s’inscrivait dans les buts d’intérêt public poursuivis par la LTVTC et rappelés à l’art. 1 LTVTC, en particulier en matière de respect de l’environnement, et que le système d’exclusion de certains véhicules par étapes, en fonction de leurs valeurs d’émissions, sur la base d’une étiquette énergie, concrétisait le principe de la proportionnalité. Le grief dirigé contre l’art. 27 al. 1 RTVTC doit donc être écarté.

5.3.6. Selon les recourants, l’obligation d’équiper les véhicules utilisés pour le transport professionnel de personnes d’un système de géolocalisation engendrerait des frais supplémentaires à la charge des chauffeurs et entreprises de taxi, alors que le contrôle des prescriptions légales pourrait être atteint par des moyens déjà existants, les voitures étant obligatoirement équipées d’un tachygraphe et d’un compteur professionnel. Selon l’autorité intimée, l’obligation d’équiper les véhicules de taxi d’un système de géolocalisation résulterait de l’art. 18 al. 5 LTVTC et viserait à encadrer une pratique largement répandue par les chauffeurs et bien connue de la profession.

Les recourants se limitent à contester le principe de la géolocalisation, qui résulte de l’art. 18 al. 5 LTVTC, selon lequel le Conseil d’État peut exiger que les voitures en service soient équipées d’un tel système, en vue d’effectuer des contrôles plus efficaces. Le fait que le Conseil d’État ait concrétisé cette disposition en adoptant l’art. 27 al. 4 et 5 RTVTC, qui exige des détenteurs de voitures destinées au transport professionnel de personnes qu’ils équipent leur véhicule d’un système de géolocalisation, relève de la marge d’appréciation de l’autorité exécutive, à laquelle la chambre de céans ne saurait se substituer.

Indépendamment de ce qui précède, la finalité des contrôles au moyen des données numériques, dont celles de géolocalisation, est décrite à l’art. 49 RTVTC et vise à vérifier notamment les périodes d’attente, d’approche et de course des chauffeurs (art. 49 al. 1 let. a RTVTC), à contrôler si un VTC emprunte une voie de bus ou une voie restreinte à la circulation (art. 49 al. 1 let. b RTVTC) ou encore si un taxi ou un VTC circule dans le dessein de rechercher des clients ou si un VTC ne respecte pas l’obligation de n’intervenir que sur commande ou réservation préalable (art. 49 al. 1 let. c RTVTC). Ces buts sont ainsi légitimes et permettent de vérifier le respect des prescriptions légales, les données issues des seuls tachygraphe et compteur n’apparaissant pas suffisantes. En outre, contrairement à ce que soutiennent les recourants, l’on ne saurait déduire de l’installation d’un système de géolocalisation un devoir d’information des clients, qui ne sont pas directement identifiables du fait de l’utilisation d’un taxi ou d’un VTC. Le grief sera également écarté.

5.3.7. Les recourants prétendent que l’obligation d’apposer un logo officiel des deux côtés du véhicule de taxi serait contraire à la liberté économique puisqu’elle ne répondrait à aucun intérêt public de visibilité supplémentaire et que le numéro de plaque et la « bonbonne » seraient suffisants. Il en résulterait également une perte financière pour les chauffeurs, au vu des dégâts sur les carrosseries qui seraient causés par lesdits logos, lesquels ne pourraient pas non plus être aisément retirés. Selon l’autorité intimée, la disposition contestée se fonderait sur la LTVTC, qui ne faisait pas l’objet du recours.

Comme l’indique le Conseil d’État, une telle obligation résulte effectivement de l’art. 21 al. 1 let. c LTVTC, qui prévoit que tout taxi en service doit être muni en permanence d’un équipement composé notamment d’un logo officiel distinctif sur chaque côté de la voiture, l’enseigne « Taxi » étant réservée à cette seule catégorie. Sur la base de l’art. 21 al. 2 LTVTC, le Conseil d’État a fixé plus en détail ladite condition relative aux voitures, en adoptant l’art. 31 al. 1 à 4 RTVTC, qui n’outrepasse pas le cadre de la loi, ce que les recourants ne prétendent au demeurant pas. À cela s’ajoute que la chambre de céans a déjà contrôlé la conformité à la liberté économique de l’art. 21 al. 1 let. c LTVTC et considéré que l’obligation d’apposer le logo « taxi » sur les véhicules n’entravait pas les chauffeurs ou entreprises concernés dans leur activité mais permettait, au contraire, de les distinguer des VTC, de sorte que ladite obligation ne constituait pas une ingérence dans leur liberté économique (ACST/26/2022 précité consid. 5c). Il ne saurait en être autrement dans la présente cause, de sorte que le grief sera écarté.

5.3.8. Les recourants prétendent que l’obligation faite aux chauffeurs de taxi d’appliquer un prix forfaitaire pour des courses de l’aéroport vers des zones prédéfinies porterait atteinte à leur liberté de fixer souverainement leur prix, une telle mesure ne poursuivant aucun intérêt public et étant moins adéquate qu’un plafonnement des prix. Selon l’autorité intimée, les recourants procéderaient à une interprétation erronée de l’art. 32 al. 5 RTVTC, puisque l’art. 22 al. 2 LTVTC prévoirait l’enclenchement du compteur horokilométrique, même en cas de prix forfaitaire, lequel limiterait bien le prix des courses.

Les recourants ne critiquent pas les prix forfaitaires définis à l’art. 32 al. 5 let. a à d RTVTC au départ de l’aéroport à destination des lieux mentionnés par cette disposition, mais le principe même des prix forfaitaires, qui résulte de l’art. 22 al. 1 let. b LTVTC applicable aux taxis. Selon cet article, le prix de la course, en fonction du choix des clients, est déterminé par un prix forfaitaire au départ de certains lieux et à destination de zones prédéfinies à l’intérieur des frontières cantonales. Cette disposition, que l’art. 32 al. 5 LTVTC concrétise, a été adoptée aux fins de rendre les prix des taxis plus attractifs et rassurants pour la clientèle, notamment internationale, ce qui constitue un intérêt public admissible et s’inscrit dans les buts poursuivis par la LTVTC, en particulier pour protéger la confiance que les passagers doivent inévitablement accorder à des chauffeurs professionnels de personnes (arrêt du Tribunal fédéral 2C_400/2021 du 18 août 2021 consid. 4.3 et les références citées). L’art. 32 al. 5 RTVTC est également conforme au principe de la proportionnalité, dès lors qu’il ne s’applique qu’aux trajets depuis ou à destination de l’aéroport, pour les trajets définis aux let. a à d, soit la zone contiguë à l’aéroport, la zone des organisations internationales ainsi que le centre-ville (rive droite ou rive gauche). Les recourants ne sauraient prétendre que la mesure en cause n’atteindrait pas son but car les prix forfaitaires ne tiendraient pas compte du nombre de passagers et de bagages, puisque tel est précisément la raison d’être d’un prix forfaitaire, comme le mentionnent les travaux en commission parlementaire. Ils ne peuvent pas non plus arguer que les prix forfaitaires, au demeurant fixés d’entente avec les milieux professionnels intéressés, auraient un effet inverse à celui recherché, en faisant fuir les clients, dans la mesure où l’art. 22 al. 2 LTVTC exige que si le prix de la course est fixé de manière forfaitaire, il ne peut excéder le montant calculé par le compteur horokilométrique, qui doit rester enclenché lors de toute course. Il en résulte, comme l’a expliqué le représentant du Conseil d’État en commission parlementaire, qu’un tel mécanisme permet aux clients de payer le prix effectif s’il est inférieur au forfait. En outre, en prétendant qu’un plafonnement des prix aurait été plus adéquat, les recourants perdent de vue que la notion de prix forfaitaire résulte de la LTVTC, de sorte que le Conseil d’État ne pouvait définir des prix maximaux dans les cas mentionnés à l’art. 22 al. 1 let. b LTVTC, conformément à la délégation de l’art. 22 al. 3 LTVTC.

Il s’ensuit que les dispositions contestées du RTVTC sont conformes à la liberté économique, de sorte que le grief doit être écarté.

6) Les recourants se plaignent d’une inégalité de traitement entre concurrents directs.

6.1. La liberté économique comprend le principe de l’égalité de traitement entre personnes appartenant à la même branche économique. Selon ce principe, déduit des art. 27 et 94 Cst., sont prohibées les mesures étatiques qui ne sont pas neutres sur le plan de la concurrence entre les personnes exerçant la même activité économique. On entend par concurrents directs les membres de la même branche économique qui s’adressent avec les mêmes offres au même public pour satisfaire les mêmes besoins (ATF 148 II 121 consid. 7.1 et les références citées). L’égalité de traitement entre concurrents directs n’est pas absolue et autorise des différences, à condition que celles-ci reposent sur une base légale, qu’elles répondent à des critères objectifs, soient proportionnées et résultent du système lui-même ; il est seulement exigé que les inégalités ainsi instaurées soient réduites au minimum nécessaire pour atteindre le but d’intérêt public poursuivi (ATF 143 I 37 consid. 8.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_772/2017 du 13 mai 2019 consid. 3.1.1 et les références citées).

6.2. En l’espèce, les recourants font valoir une inégalité de traitement par rapport à leurs concurrents directs, les VTC, qui ne seraient pas soumis aux mêmes dispositions concernant les conditions de délivrance des AUADP (art. 17 al. 7 RTVTC), l’obligation de munir les voitures d’un logo « Taxi » (art. 31 al. 1, 2 et 4 RTVTC) et les prix forfaitaires de certaines courses (art. 32 al. 5 RTVTC). Selon l’autorité intimée, en se prévalant d’une inégalité de traitement entre concurrents directs, les recourants perdraient de vue que le système de la LTVTC était fondé sur deux catégories de transporteurs de personnes, aux droits et obligations distincts, devant être traitées de manière différente.

L’inégalité dont les recourants se prévalent résulte de l’AUADP octroyée aux taxis et aux entreprises de taxis. En effet, la LTVTC prévoit un système fondé sur deux catégories de transporteurs professionnels de personnes et introduit une distinction entre la catégorie des « taxis » (art. 2 al. 1 let. a et 5 let. a LTVTC) et celle des VTC (art. 2 let. b et 5 let. b LTVTC), la loi conférant des droits et imposant des obligations selon le type d’activité exercée par le transporteur (ACST/26/2022 précité consid. 6b). Comme l’admet la jurisprudence, le statut de ces deux catégories de transporteurs professionnels de personnes et les droits et obligations qui en dérivent sont suffisamment différents pour leur appliquer certaines règles ou restrictions distinctes (arrêt du Tribunal fédéral 2C_772/2017 précité consid. 3.1.5 et les références citées), en limitant le nombre de personnes pouvant disposer d’une AUADP, tout en veillant à ne pas restreindre de manière disproportionnée l’exploitation du service de transport professionnel de personnes dans son ensemble (arrêt du Tribunal fédéral 2C_690/2017 du 13 mai 2019 consid. 4.2.2 et les références citées). Dans ce sens, l’exigence du respect d’un certain nombre de conditions pour la délivrance des AUADP, l’obligation d’apposer sur les taxis un logo distinctif ou encore celle de pratiquer des prix forfaitaires pour certaines courses se fondent sur le droit d’usage accru du domaine public accordé aux seuls chauffeurs de taxis, à l’exclusion des VTC, ce qui n’emporte aucune inégalité de traitement entre concurrents directs, conformément à la jurisprudence (ACST/26/2022 précité consid. 6b).

7) Les recourants font grief aux règles en matière de géolocalisation prévues par le RTVTC de contrevenir à la garantie du respect de la sphère privée.

7.1. Le droit au respect de la sphère privée au sens de l’art. 13 al. 1 Cst., dont le champ d’application concorde largement avec celui de l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), est une expression particulière de la liberté personnelle et absorbe cette dernière s’agissant notamment du droit de toute personne au respect de sa vie privée et familiale. L’art. 13 al. 2 Cst. en détaille l’une des composantes et prémunit l’individu contre l’emploi abusif de données qui le concernent (ATF 140 I 381 consid. 4.1). L’art. 21 Cst-GE contient une garantie similaire.

7.2. Les garanties de l’art. 13 al. 2 Cst. sont concrétisées par la législation applicable en matière de protection des données, comme le rappellent l’art. 1 de la loi fédérale sur la protection des données du 19 juin 1992 (LPD - RS 235.1) et, à Genève, s’agissant des relations régies par le droit public cantonal, l’art. 1 al. 2 let. b de la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD - A 2 08), en particulier le Titre II de cette loi dédié à la protection des données personnelles.

Par données personnelles, il faut comprendre toutes les informations se rapportant à une personne physique ou morale de droit privé, identifiée ou identifiable (art. 4 let. a LIPAD). Les données personnelles sensibles comprennent les données personnelles sur les opinions ou activités religieuses, philosophiques, politiques, syndicales ou culturelles, la santé, la sphère intime ou l’appartenance ethnique, des mesures d’aide sociale, des poursuites ou sanctions pénales ou administratives (art. 4 let. b LIPAD). En outre, par profil de la personnalité, l’on entend un assemblage de données qui permet d’apprécier les caractéristiques essentielles de la personnalité d’une personne physique (art. 4 let. c LIPAD).

La LIPAD énonce un certain nombre de principes généraux régissant la collecte et le traitement de données personnelles, en particulier en matière de base légale (art. 35 al. 1 LIPAD), de bonne foi (art. 38 LIPAD), de proportionnalité (art. 36 LIPAD), de finalité (art. 35 al. 1 LIPAD), de reconnaissabilité de la collecte (art. 38 LIPAD), d’exactitude (art. 36 LIPAD), de sécurité des données (art. 37 LIPAD) et de leur destruction (art. 40 LIPAD).

7.3. En l’espèce, selon les recourants, les données de géolocalisation des véhicules, qu’ils soient utilisés à des fins professionnelle ou privées, seraient captées indistinctement par le système.

L’art. 19 al. 5 LTVTC prévoit toutefois que le Conseil d’État peut exiger que les voitures en service soient équipées d’un système de géolocalisation, ce qui exclut déjà les données résultant d’une utilisation à des fins privées. En outre, la finalité de l’installation d’un tel système résulte de l’art. 49 RTVTC, qui traite des contrôles au moyen de données numériques et concrétise notamment l’obligation de fournir les données de géolocalisation de l’art. 37 al. 2 LTVTC, soit une base légale formelle (art. 35 al. 1 et 2 LIPAD), qui est donc de vérifier le respect des prescriptions mentionnées aux let. a à c de l’art. 49 al. 1 RTVTC, soit des données obtenues dans le cadre de l’activité de chauffeur professionnel de personnes.

Ainsi, même à supposer que l’ensemble des données de géolocalisation soit collecté, seules celles relatives à l’utilisation du véhicule à des fins professionnelles doivent être fournies, conformément aux art. 35 al 1 et 36 al. 1 LIPAD, les chauffeurs ayant en outre un droit d’accès aux données les concernant (art. 52 al. 2 RTVTC, qui renvoie aux art. 44 ss LIPAD). À cela s’ajoute qu’en informant les personnes concernées sur les finalités du système de géolocalisation, l’art. 49 al. 1 RTVTC assure la transparence du traitement des données concernant les chauffeurs professionnels de personne (art. 38 LIPAD).

Dans ce cadre, les recourants ne sauraient prétendre que les données des clients seraient également collectées, ce qui ne ressort d’aucune disposition de la LTVTC ou du RTVTC, puisque la géolocalisation ne concerne que les véhicules et non les personnes, en particulier pas les clients transportés. C’est dès lors en vain que les recourants prétendent que ces derniers devraient être informés de l’utilisation d’un système de géolocalisation du véhicule qu’ils empruntent.

Par ailleurs, bien que les recourants concluent à l’annulation de l’art. 51 al. 3 et 4 RTVTC, qui concerne la durée de conservation des données de géolocalisation, fixée à six mois sauf en cas de contentieux, ils n’émettent aucune critique à son encontre. Il en va de même de l’art. 52 RTVTC, qui renvoie aux art. 44 ss LIPAD concernant le droit d’accès des personnes aux données collectées, ce qui ne répond pas aux exigences de motivation de l’art. 65 al. 3 LPA.

8) Enfin, les recourants se plaignent d’une violation du principe de la bonne foi.

8.1. D’un point de vue juridique, nul ne peut en principe revendiquer un droit au maintien de règles de droit en vigueur, le principe de la bonne foi, qui découle des art. 5 al. 3 et 9 Cst., supposant, tout au plus, que dans certaines circonstances l’État adopte des délais transitoires raisonnables avant de mettre en œuvre de nouvelles réglementations contraignantes, afin que les personnes concernées disposent d’une période adéquate pour s’y adapter (ATF 145 II 140 consid. 4). Seuls les « droits acquis » jouissent d’une stabilité juridique accrue face à d’éventuelles modifications législatives, à savoir des droits découlant de la loi, d’un acte administratif ou d’un contrat de droit administratif, que l’autorité s’est volontairement engagée à ne pas supprimer ou restreindre lors de modifications législatives ultérieures. Ces droits sont liés à la confiance réciproque pouvant exister entre l’État et l’administré, lorsque tous deux partent de bonne foi de l’idée que leurs relations juridiques resteront en principe inchangées pour une durée déterminée. Ils bénéficient ainsi d’une protection renforcée face au changement de loi, mais ne sont cependant pas totalement intangibles. Il est possible d’y porter atteinte pour des raisons prépondérantes d’intérêt public, en s’appuyant sur une base légale et en respectant le principe de proportionnalité (ATF 145 II 140 consid. 4.2 et 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_774/2021 du 2 février 2022 consid. 4.2 et les références citées).

8.2. En l’espèce, les recourants allèguent que la durée de validité limitée au 1er janvier 2024 des cartes professionnelles reviendrait à leur retirer le droit d’exercer leur profession, ce qui serait contraire aux règles de la bonne foi. Le RTVTC ne contiendrait en outre aucune mention de l’obligation pour les chauffeurs d’obtenir une nouvelle carte professionnelle à un nouveau format pour continuer à exercer leur activité après cette date. Selon l’autorité intimée, les règles de la bonne foi ne seraient pas applicables aux cartes professionnelles, aucune disposition légale ou réglementaire n’octroyant un droit immuable les concernant. En se référant au 1er janvier 2024, l’art. 57 al. 1 RTVTC concernait en réalité la date à partir de laquelle un changement de format de ladite carte devait intervenir, de sorte qu’à défaut de l’obtenir, les chauffeurs ne seraient plus autorisés à déployer leur activité.

La LTVTC prévoit la révocation des cartes professionnelles lorsque les conditions de délivrance ne sont plus remplies (art. 7 al. 5 LTVTC), ce qui était déjà le cas sous l’empire de l’aLTVTC (art. 5 al. 4 aLTVTC), et rien n’indique que les recourants, qui ne le soutiennent d’ailleurs pas, auraient obtenu des garanties contraires de la part des autorités. Les titulaires d’une carte professionnelle de chauffeur délivrée sous l’ancien droit ne disposent ainsi d’aucun droit acquis à leur maintien sous le nouveau droit.

Cela étant, l’art. 57 al. 1 RTVTC ne peut se lire qu’en conformité avec l’art. 46 al. 2 LTVTC, selon lequel la carte professionnelle de chauffeur de taxi ou de VTC délivrée en application de l’aLTVTC demeure valable après l’entrée en vigueur de la LTVTC, laquelle ne prévoit pas non plus sa caducité ou sa révocation, pas plus d’ailleurs que le RTVTC, pour ce motif. Aussi faut-il comprendre que le droit d’exercer la profession – qui résulte du respect des conditions mentionnées à 7 al. 3 LTVTC –, dont la carte professionnelle démontre l’existence à l’égard des tiers (ATA/1063/2018 du 9 octobre 2018 consid. 7), persiste jusqu’à l’obtention de la nouvelle carte professionnelle délivrée en application de la LTVTC.

Entièrement mal fondé, le recours sera par conséquent rejeté.

9) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.-, qui comprend la décision sur effet suspensif, sera mis à la charge solidaire des recourants, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté conjointement le 24 novembre 2022 par Monsieur A______ et par B______, C______, D______, E______ ainsi que par F______ contre le règlement d’exécution de la loi sur les taxis et la voitures de transport avec chauffeur du 19 octobre 2022 (RTVTC - H 1 31.01), publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève du 25 octobre 2022

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge solidaire de Monsieur A______ ainsi que B______, C______, D______, E______ et F______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Garance Stackelberg, avocate des recourants, ainsi qu’au Conseil d’État.

Siégeant : M. Verniory, président, Mmes Krauskopf et Lauber, MM. Knupfer et Mascotto, juges.


 

Au nom de la chambre constitutionnelle :

la greffière-juriste :

 

 

C. Gutzwiller

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :