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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/3373/2022

ACST/12/2023 du 27.03.2023 ( ABST ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3373/2022-ABST ACST/12/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Arrêt du 27 mars 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______
et
B______
représentés par Me Christian Dandrès, avocat recourants

contre

CONSEIL D’ÉTAT intimé


EN FAIT

A. B______ (ci-après : B______) est une association au sens des art. 60 ss du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) qui a son siège à Genève et pour but statutaire de promouvoir la protection des locataires et la politique sociale dans le domaine du logement. Ses membres sont principalement des partis politiques et des syndicats. Monsieur A______, domicilié à Genève, est le secrétaire général de B______.

B. a. Le 1er décembre 2006, le Conseil d’État et un Groupe de concertation représentatif des partenaires économiques et sociaux du logement et de la construction ont signé un accord établissant les fondements d’une nouvelle politique du logement à Genève pour une période de dix ans, qui s’inscrivait dans le dispositif législatif en vigueur en matière de logement et de développement territorial qu’étaient la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05) et la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35).

Ledit accord prévoyait de constituer durant ce délai un socle permanent de logements d’utilité publique, qui représenterait le 15 % – à plus long terme le 20 % – du parc locatif sur l’ensemble du canton et dont la location serait conditionnée à des critères de taux d’effort et d’occupation. Selon le commentaire dudit accord, un logement était d’utilité publique si des critères de taux d’effort et de taux d’occupation étaient respectés et s’il était détenu par une fondation immobilière de droit public, une commune ou un organisme sans but lucratif. Les critères de taux d’effort et d’occupation étaient au centre de la politique du logement aidé et devaient être respectés pleinement dans le cadre des immeubles au bénéfice de prestations prévues par la LGL. Les immeubles en mains de fondations communales, et qui n’étaient pas au bénéfice des prestations de la LGL, pouvaient être comptés dans le socle de logements d’utilité publique dès lors que le respect de ces critères était une condition d’entrée des locataires dans le logement.

Le caractère pérenne du système serait assuré par le fait que ces logements seraient en mains, principalement, de collectivités publiques (État, communes, fondations immobilières de droit public) ou d’organismes sans but lucratif, qui, ès qualités, les offriraient à bail aux ménages aux ressources modestes, et, accessoirement, d’entités privées qui s’engageraient dans le long terme (au moins cinquante ans) à faire de même dans le respect des taux d’effort et d’occupation fixés.

Pour parvenir à cet objectif, un crédit d’investissement global de CHF 300'000'000.- serait ouvert au Conseil d’État ; de nouveaux déclassements de la zone agricole en zone de développement (ci-après : ZD) seraient soutenus en faveur de la construction de logements collectifs, prioritairement dans le cadre du plan directeur cantonal (ci-après : PDCant) ; la nature des logements mis sur le marché serait orientée par la fixation de pourcentages de logements à loyers modérés et de logements d’utilité publique à livrer dans les nouvelles opérations ; ces proportions seraient arrêtées au regard d’un principe de réalité (voulant que le prix de revient soit pris en compte, en particulier le prix du terrain, différent selon qu’il s’agissait de terrains nus d’origine agricole ou en milieu bâti), d’un principe de mixité (permettant d’éviter de créer des poches de logements d’utilité publique dans la couronne suburbaine), d’un principe de complémentarité (ajoutant un objectif de réalisation de logements subventionnés ou de coopératives à celui de création de logements d’utilité publique, insuffisant à satisfaire les besoins d’une large partie de la population aux ressources limitées) et d’un principe de collaboration (offrant aux propriétaires concernés le choix entre réaliser eux-mêmes les logements collectifs dans les proportions fixées et céder une partie de leurs parcelles à l’État, une commune ou un autre organisme sans but lucratif).

b.a. Le 1er mars 2007, le Conseil d’État a présenté au Grand Conseil un projet de loi (ci-après : PL) 10'008 pour la construction de logements d’utilité publique, concrétisant la nouvelle politique du logement ainsi définie.

Selon l’exposé des motifs, le PL renvoyait aux dispositions de la LGL pour permettre aux immeubles de logement d’utilité publique de bénéficier des mesures d’encouragement prévues par ladite loi, tels que le cautionnement de l’État, le droit de préemption de l’État ou les allègements fiscaux. Ce renvoi ne signifiait toutefois pas que les logements d’utilité publique seraient nécessairement soumis au régime de cette loi, car d’autres types de régimes pourraient être convenus avec les propriétaires.

Par ailleurs, l’introduction dans la LGZD d’un nouvel art. 4A visait à ancrer dans ladite loi les proportions des différentes catégories de logements à construire en ZD, qui relevaient précédemment d’une pratique administrative.

b.b. Le 8 mai 2007, après que le PL 10'008 lui eut été renvoyé, la commission du logement a rendu son rapport.

Durant les discussions, la question de savoir ce que signifiait le terme du renvoi « par analogie » à la LGL a été posée. Il en est résulté que ladite loi ne s’appliquait pas d’elle-même, mais par un mécanisme distinct. La LGL gardait toute sa pertinence, en l’absence de précision du PL sur le taux d’effort et le taux d’occupation.

b.c. Lors de sa séance du 24 mai 2007, le Grand Conseil a adopté la loi 10'008 pour la construction de logements d’utilité publique du 24 mai 2007 (LUP - I 4 06), laquelle est entrée en vigueur le 31 juillet 2007.

c.a. Le 29 avril 2009, plusieurs députés ont déposé au Grand Conseil un PL 10'460 modifiant la LUP, comme contreprojet à l’initiative populaire n° 133 « Pour un financement juste et durable de la politique sociale du logement par l’or de la Banque Nationale Suisse ». Le PL proposait notamment une modification de la LUP afin de fixer l’objectif quantitatif de logements d’utilité publique à 20 % du parc locatif du canton.

Lors des travaux en commission parlementaire, un amendement a été proposé visant à préciser que le taux d’effort et le taux d’occupation devaient être fixés conformément à la LGL afin que la LUP ne déroge pas à cette loi et que lesdits taux soient similaires à cette dernière. Pendant les débats, le représentant du Conseil d’État, opposé audit amendement, a indiqué qu’il fallait s’en tenir aux éléments discutés en commission lors de l’élaboration de la LUP, puisqu’il avait été décidé de laisser une grande liberté au Conseil d’État pour fixer ces taux et qu’il n’était pas opportun de revenir à présent sur ce principe pour arrêter, même de manière approximative, ces taux dans le règlement. Cet amendement a été refusé par les commissaires.

c.b. La loi 10'460 a été adoptée par le Grand Conseil le 14 mai 2009 est entrée en vigueur le 14 juillet 2009.

d. Le 14 octobre 2015, le Conseil d’État a déposé auprès du Grand Conseil un rapport sur la mise en œuvre de la nouvelle politique du logement dans le cadre de la réalisation du plan directeur cantonal 2030 (ci-après : RD 1'108).

Ce rapport identifiait plusieurs axes stratégiques pour mieux répondre aux besoins en logements de manière générale et, de façon plus sectorielle, pour assurer la création du parc de logements d’utilité publique voulu par la loi. Il convenait d’apporter des ajustements à la politique du logement, la LUP ayant complexifié le système. Sa mise en œuvre impliquait ainsi des relations avec la LGL compliquées par le fait que les deux lois utilisaient les mêmes termes de logements d’utilité publique sans que leur définition ne soit identique. Les mécanismes de l’art. 4A LGZD n’avaient pas atteint les objectifs visés, notamment s’agissant du socle de 20 % de logements d’utilité publique du parc locatif genevois, qui n’était atteint que de moitié en raison des trop faibles proportions fixées à l’art. 4A LGZD. À titre de synthèse, le Conseil d’État proposait une nouvelle teneur possible de cette dernière disposition.

e.a. Le 5 avril 2017, le Conseil d’État a déposé au Grand Conseil un PL 12'093 visant à modifier l’art. 4A LGZD à la suite du RD 1'108.

Selon l’exposé des motifs y relatif, les objectifs visant à atteindre 20 % de logements d’utilité publique n’étaient pas atteints, puisque ceux-ci ne représentaient que 10,6 %, ce qui n’était pas suffisant. Il convenait ainsi de reformuler l’art. 4A LGZD au moyen d’un texte simple et clair afin de créer plus de logements accessibles pour la classe moyenne, d’atteindre les objectifs de la LUP et de maintenir, en ZD, la construction de logements en propriété par étage (ci-après : PPE). Pour ce faire, les catégories de logements à construire devaient être réparties en trois portions : un tiers du programme au moins pour des logements d’utilité publique destinés aux personnes les plus démunies ; un tiers au minimum pour des logements locatifs destinés à la classe moyenne ; le solde au libre choix du promoteur, qui pouvait développer des logements en propriété par étage ou des logements locatifs. La nouvelle disposition visait ainsi à mieux répondre aux besoins en logements de la population genevoise dans son ensemble, tout en tenant compte de sa diversité.

e.b. En parallèle, plusieurs députés ont déposé au Grand Conseil un PL 12'477 dont l’objet était le maintien du texte initial de l’art. 4A LGZD, tout en supprimant sa clause de péremption, en considération du fait que cette disposition avait notablement amélioré la situation et permis la construction de nombreux logements, y compris d’utilité publique.

e.c. Les PL 12'093 et 12'477 ont été renvoyés à la commission du logement, qui a rendu ses rapports le 27 août 2019.

Selon les explications du Conseil d’État, le PL 12'093 visait notamment à pérenniser les logements sociaux, en faisant en sorte que tout logement financé de manière publique devienne un logement d’utilité publique, ce qui n’était pas le cas actuellement des logements relevant uniquement de la LGL. Il ne s’agissait ainsi pas d’augmenter la part de logements dits sociaux au sens large, mais de faire en sorte que le tiers des logements subventionnés soit des logements d’utilité publique, afin de conserver durablement un caractère social. Par conséquent, tout logement social devrait être inclus dans le quota de la LUP sans pour autant produire plus de logements.

e.d. Lors de sa séance du 17 octobre 2019, le Grand Conseil a rejeté le PL 12'093 et adopté la loi 12'477, à l’encontre de laquelle le référendum a été demandé.

f.a. Le 26 août 2020, le Conseil d’État a déposé au Grand Conseil un PL 12'762 visant à la modification de l’art. 4A LGZD ainsi que, le 28 août 2020, un PL 12'763 abrogeant la loi 12'477, dont le référendum était alors en cours de traitement.

Selon l’exposé des motifs relatif au PL 12'762, à la suite de l’aboutissement du référendum contre la loi 12'477, une voie alternative avait dû être trouvée pour fixer les catégories de logements à réaliser en ZD de la manière la plus consensuelle possible. Le PL 12'762 constituait une voie médiane, qui garantissait la construction de plus de logements locatifs destinés à la classe moyenne, mais également un socle de logements destinés aux locataires les plus défavorisés du canton, ainsi qu’un socle de logements en PPE à prix contrôlés. Il s’agissait d’une avancée significative dans la politique du logement, permettant plus de mixité sociale sur l’ensemble du territoire pour répondre aux besoins de logements des habitants du canton dans les années à venir.

f.b. Lors de sa séance du 28 août 2020, le Grand Conseil a traité simultanément des PL 12'762 et 12'763, les adoptant tous deux. La loi 12'762 est entrée en vigueur le 1er janvier 2021.

C. a. Par communiqué de presse du 7 septembre 2022, le Conseil d’État a présenté la modification du règlement d’exécution de la LUP du 23 novembre 2009 (RUP - I 4 06.01) adoptée le même jour, expliquant avoir voulu encourager la mixité sociale, notamment dans les nouveaux quartiers en développement. À cette fin, il avait décidé de modifier le cadre réglementaire et d’assouplir les contrôles des loyers et des locataires dans les logements d’utilité publique sans prestations étatiques. L’objectif était de favoriser des critères d’éligibilité au logement plus souples, notamment pour la classe moyenne. Ces logements d’utilité publique restaient toutefois soumis au contrôle des loyers et des locataires, de sorte à empêcher toute future exploitation spéculative desdits logements. Cette nouveauté permettrait de promouvoir et d’assurer une réelle mixité dans les futurs quartiers destinés à un important développement démographique, comme le « PAV », s’agissant d’un enjeu majeur pour l’équilibre social et la qualité de vie.

b. Le même jour, le Conseil d’État a adopté le règlement modifiant le RUP, qui contient notamment les dispositions suivantes :

« Art. 19 Normes de taux d’effort (nouvelle teneur de la note), al. 1 et 4 (nouvelle teneur), al. 5 (nouveau)

1 Les logements LUP des catégories I, II et III au sens de l’article 12 du présent règlement sont destinés aux personnes dont le revenu, à la conclusion du bail, n’excède pas le barème d’entrée et dont le revenu, en cours de bail, n’excède pas le barème de sortie. Quant aux logements LUP de catégorie IV, ils sont destinés aux personnes dont le revenu, à la conclusion du bail, n’excède pas le barème d’entrée.

[ ]

5 Pour les LUP de catégorie IV, le département arrête le taux d’effort exigé afin de promouvoir la mixité sociale en fonction des spécificités du cas d’espèce.

 

Art. 20 Contrôle du taux d’effort et du taux d’occupation (nouvelle teneur avec modification de la note)

1 Le contrôle du taux d’effort ou du taux d’occupation s’exerce de la façon suivante :

a) pour les LUP de catégorie I, la résiliation n’est pas requise s’il est constaté une sous-occupation égale ou inférieure à 3 pièces de plus que le nombre de personnes ;

b) pour les LUP de catégorie II et III, pendant la durée des prestations LGL, les normes applicables sont celles prévues pour les catégories LGL ;

c) pour les LUP de catégorie IV, le contrôle du taux d’occupation s’exerce à l’accès au logement.

[ ]

Art. 21, al. 2 (nouveau)

2 Les alinéas 2 et 3 de l’article 31B de la loi générale sur le logement ne sont pas applicables aux locataires des logements LUP des catégories I et IV.

 

Art. 25, al. 1, phrase introductive (nouvelle teneur), lettre d (nouvelle, les lettres d à h anciennes devenant les lettres e à i)

1 Selon les dispositions prévues pour les différentes catégories de LUP, la convention ou le règlement communal approuvé doit contenir les éléments suivants :

d) les modalités de contrôle ; »

c. Ce règlement a été publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 13 septembre 2022 et est entré en vigueur le lendemain, conformément à son art. 2 souligné.

D. a. Par acte du 13 octobre 2022, M. A______ et B______ ont interjeté recours auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) contre ce règlement, concluant à l’annulation de ses art. 19 al. 1 et al. 5, 20 al. 1, 21 al. 2 et 25 al. 1 ainsi qu’à l’octroi d’une indemnité de procédure.

Ils disposaient de la qualité pour recourir, dès lors que M. A______ avait réalisé, en 2021, un revenu annuel net de CHF 43'237.- lui permettant de prétendre à un logement « LUP IV », et B______ étant l’un des principaux interlocuteurs du Conseil d’État en matière de politique sociale du logement.

Les dispositions contestées, qui ne permettaient plus que le contrôle à l’entrée du locataire pour les « LUP IV », étaient contraires au droit supérieur, notamment à l’art. 1 al. 2, à l’art. 2 al. 2 et à l’art. 3 al. 2 LUP ainsi qu’à l’art. 31B al. 2 LGL. En effet, l’application d’un taux d’occupation et d’un taux d’effort était inhérente à la définition du logement d’utilité publique, dont la pérennité était l’un des aspects fondamentaux de la nouvelle politique sociale du logement, telle que résultant de l’accord de 2006. Les articles contestés s’écartaient du texte de ces dispositions légales, dont la portée avait toujours été claire, comme le montraient les travaux parlementaires y relatifs, selon lesquels le respect du taux d’effort et du taux d’occupation était consubstantiel à la nature du logement d’utilité publique.

b. Le 12 décembre 2022, le Conseil d’État a conclu à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

Tant M. A______ que B______ ne disposaient pas de la qualité pour recourir, puisqu’ils n’étaient pas lésés par les dispositions qu’ils attaquaient, lesquelles assouplissaient le droit en vigueur en permettant aux locataires en place de conserver un appartement de catégorie « LUP IV ». Les règles contestées ne s’opposaient du reste pas aux buts de B______, puisqu’elles contribuaient à promouvoir ses buts statutaires. Il fallait dès lors considérer que le recours était formé dans l’intérêt général.

En toute hypothèse, le recours était mal fondé. Bien que l’art. 1 al. 2 LUP imposât un taux d’effort et d’occupation à tout logement d’utilité publique, il ne précisait pas pour autant le moment auquel ce contrôle devait être effectué. Il convenait en outre de distinguer les logements d’utilité publique bénéficiant d’une aide étatique de ceux n’en jouissant pas et pour lesquels la LGL ne s’appliquait pas, étant rappelé que l’art. 2 al. 4 LUP renvoyait à l’application de cette loi par analogie, de sorte qu’elle n’était de toute manière pas directement applicable aux logements régis par la LUP. L’art. 3 al. 2 LUP n’était en outre pas déterminant dans le cas d’espèce, puisqu’il avait trait à l’acquisition d’un immeuble d’habitation financée par le fonds propre affecté, à savoir bénéficiant d’une aide étatique. Par conséquent, les règles contestées se limitaient à préciser la portée de l’application d’un taux d’effort et d’un taux d’occupation applicables à un logement d’utilité publique « non aidé », en conformité avec l’accord de 2006, qui mettait l’accent sur le logement « aidé ». Cette conclusion s’imposait d’autant plus que les « LUP IV » étaient des immeubles non aidés détenus essentiellement par des communes ou des entités privées devant s’engager contractuellement avec l’État pour une période de cinquante ans afin de détenir des logements d’utilité publique.

c. Le 16 décembre 2022, la chambre constitutionnelle a accordé aux parties un délai au 27 janvier 2023, prolongé au 7 février 2023, pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

d. Le Conseil d’État a indiqué n’avoir aucune requête ou observation complémentaire à formuler.

e. Le 30 janvier 2023, M. A______ et B______ ont persisté dans leur recours.

Les dispositions contestées ne touchaient pas directement un locataire en particulier, mais avaient pour conséquence de soustraire des logements d’utilité publique du besoin des personnes exclues du parc de logements à loyer libre, en maintenant en place des locataires qui ne remplissaient plus les conditions d’accès à de tels logements. Or, ces derniers devaient être libérés pour permettre à des ménages en attente d’un logement social, qui ne pouvaient pas financièrement se loger dans un appartement à loyer libre, de s’y installer. Le RUP modifié remettait en cause ce principe et diminuait le nombre de logements disponibles pour répondre à un besoin social d’autant plus crucial que sévissait dans le canton une crise du logement historique.

Par le biais d’une modification réglementaire à l’encontre de laquelle le référendum n’était pas ouvert, le Conseil d’État avait adopté une norme primaire. En effet, la suppression du contrôle permanent des taux d’effort et d’occupation remettait fondamentalement en cause la politique sociale du logement, des appartements destinés à loger des personnes exclues du marché libre étant soustraits à cette finalité. Il ne s’agissait pas d’une simple modification réglementaire technique et mineure, puisqu’elle ouvrait la politique sociale du logement à la classe moyenne, comme l’avait expliqué le Conseil d’État dans son communiqué de presse. Or, s’il voulait élargir le cercle des personnes éligibles à un logement social, il lui appartenait d’en modifier les conditions d’accès et non pas de supprimer le contrôle permanent, sous peine de laisser en place des personnes ayant augmenté leurs revenus en cours de bail. En réalité, la motivation du gouvernement résidait dans des considérations budgétaires, consistant à faire l’économie d’un contrôle pourtant prévu par la loi. En procédant de la sorte, il avait voulu s’extraire du processus législatif, au cours duquel les différents milieux avaient toujours été entendus, pour imposer un changement de paradigme sans autre discussion ni débat parlementaire, de même qu’en privant les citoyens d’un référendum. La modification litigieuse revenait en outre à rétablir le problème auquel la LUP avait voulu répondre, soit celui de la sortie des logements du parc social après vingt ans, ce qui avait eu pour effet de diminuer leur nombre et d’aggraver la crise du logement. Elle faussait en outre la capacité des pouvoirs publics à piloter la politique du logement pour atteindre l’objectif d’un socle de 20 % de logements d’utilité publique.

f. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) 1.1. La chambre constitutionnelle est l’autorité compétente pour contrôler, sur requête, la conformité des normes cantonales au droit supérieur (art. 124 let. a de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 - Cst-GE - A 2 00). Selon la législation d’application de cette disposition, il s’agit des lois constitutionnelles, des lois et des règlements du Conseil d’État (art. 130B al. 1 let. a de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

1.2. Le recours est formellement dirigé contre un règlement cantonal, à savoir le règlement modifiant le RUP, et ce en l’absence de cas d’application (ACST/22/2022 du 9 décembre 2022 consid. 1b). Il a été interjeté dans le délai légal à compter de la publication dudit règlement dans la FAO du 13 septembre 2022 (art. 62 al. 1 let. d et al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10), et satisfait également aux réquisits de forme et de contenu prévus aux art. 64 al. 1 et 65 al. 1 à 3 LPA, sous réserve de ce qui suit.

2) 2.1. A qualité pour recourir toute personne touchée directement par une loi constitutionnelle, une loi, un règlement du Conseil d’État ou une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce que l’acte soit annulé ou modifié (art. 60 al. 1 let. b LPA). L’art. 60 al. 1 let. b LPA formule de la même manière la qualité pour recourir contre un acte normatif et en matière de recours ordinaire. Cette disposition ouvre ainsi largement la qualité pour recourir, tout en évitant l’action populaire, dès lors que le recourant doit démontrer qu’il est susceptible de tomber sous le coup de la loi constitutionnelle, de la loi ou du règlement attaqué (ACST/3/2023 du 16 février 2023 consid. 2a).

2.1.1. Lorsque le recours est dirigé contre un acte normatif, la qualité pour recourir est conçue de manière plus souple et il n’est pas exigé que le recourant soit particulièrement atteint par l’acte entrepris. Ainsi, toute personne dont les intérêts sont effectivement touchés directement par l’acte attaqué ou pourront l’être un jour a qualité pour recourir ; une simple atteinte virtuelle suffit, à condition toutefois qu’il existe un minimum de vraisemblance que le recourant puisse un jour se voir appliquer les dispositions contestées (ATF 147 I 308 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_357/2021 du 19 mai 2022 consid. 2.2). La qualité pour recourir suppose en outre un intérêt actuel à obtenir l’annulation de l’acte entrepris, cet intérêt devant exister tant au moment du dépôt du recours qu’au moment où l’arrêt est rendu (ATF 147 I 478 consid. 2.2).

2.1.2. Une association ayant la personnalité juridique est habilitée à recourir en son nom propre lorsqu’elle est intéressée elle-même à l’issue de la procédure. De même, sans être touchée dans ses intérêts dignes de protection, cette possibilité lui est reconnue pour autant qu’elle ait pour but statutaire la défense des intérêts de ses membres, que ces intérêts soient communs à la majorité ou au moins à un grand nombre d’entre eux et que chacun de ceux-ci ait qualité pour s’en prévaloir à titre individuel (ATF 145 V 128 consid. 2.2 ; ACST/3/2023 précité consid. 2b). En revanche, elle ne peut prendre fait et cause pour l’un de ses membres ou pour une minorité d’entre eux (arrêt du Tribunal fédéral 1C_499/2020 du 24 septembre 2020 consid. 2).

2.2. En l’espèce, en tant que personne physique pouvant potentiellement bénéficier d’un logement d’utilité publique selon la LUP, en particulier de type LUP IV, M. A______ est concerné par les dispositions qu’il conteste, lesquelles ne prévoient plus le contrôle en cours de bail du taux d’effort et du taux d’occupation de ce type de logement, ce qui pourrait conduire au maintien en place de locataires ne respectant plus lesdits taux, et ce au détriment du recourant s'il venait à postuler pour obtenir un tel logement. Il y a dès lors lieu de considérer que M. A______ dispose de la qualité pour recourir. La question pourra souffrir de rester indécise pour B______, qui n’est pas intéressé lui-même à l’issue de la procédure et dont la majorité des membres, du moins une grande partie d’entre eux, n’apparaît pas être directement touchée par les dispositions contestées.

3) À l’instar du Tribunal fédéral, la chambre constitutionnelle, lorsqu’elle se prononce dans le cadre d’un contrôle abstrait des normes, s’impose une certaine retenue et n’annule les dispositions attaquées que si elles ne se prêtent à aucune interprétation conforme au droit ou si, en raison des circonstances, leur teneur fait craindre avec une certaine vraisemblance qu’elles soient interprétées ou appliquées de façon contraire au droit supérieur. Pour en juger, il lui faut notamment tenir compte de la portée de l’atteinte aux droits en cause, de la possibilité d’obtenir ultérieurement, par un contrôle concret de la norme, une protection juridique suffisante et des circonstances dans lesquelles ladite norme serait appliquée. Le juge constitutionnel doit prendre en compte dans son analyse la vraisemblance d’une application conforme – ou non – au droit supérieur. Les explications de l’autorité sur la manière dont elle applique ou envisage d’appliquer la disposition mise en cause doivent également être prises en considération. Si une réglementation de portée générale apparaît comme défendable au regard du droit supérieur dans des situations normales, telles que le législateur pouvait les prévoir, l’éventualité que, dans certains cas, elle puisse se révéler inconstitutionnelle ne saurait en principe justifier une intervention du juge au stade du contrôle abstrait (ATF 148 I 198 consid. 2.2 ; 147 I 308 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_983/2020 du 15 juin 2022 consid. 3.1 ; ACST/4/2023 du 16 février 2023 consid. 3 et les références citées).

4) Les recourants contestent plusieurs dispositions du RUP, qu’ils soutiennent être contraires au droit supérieur, à savoir la LUP et la LGL, au motif que le Conseil d’État n’était pas habilité à les adopter. Ce faisant, ils se plaignent en réalité d’une violation du principe de la légalité sous l’angle de la séparation des pouvoirs.

4.1. Le principe de la légalité s’applique de façon générale à l’activité de l’État régi par le droit (art. 5 al. 1 Cst.). En droit constitutionnel genevois, le principe de la légalité se trouve ancré, dès les premières dispositions de la Cst-GE, par l’affirmation que les structures et l’autorité de l’État sont fondées sur le principe de la séparation des pouvoirs (art. 2 al. 2 Cst-GE) et par l’exigence que l’activité publique se fonde sur le droit (art. 9 al. 2 Cst-GE).

4.2. Le principe de la séparation des pouvoirs impose en particulier le respect des compétences établies par la constitution et vise à empêcher un organe de l’État d’empiéter sur les compétences d’un autre organe. Il interdit ainsi au pouvoir exécutif d’édicter des dispositions qui devraient figurer dans une loi, si ce n’est dans le cadre d’une délégation valablement conférée par le législateur (ATF 142 I 26 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_38/2021 du 3 mars 2021 consid. 3.2.1). Les règlements d’exécution doivent dès lors se limiter à préciser certaines dispositions légales au moyen de normes secondaires, à en combler le cas échéant les véritables lacunes et à fixer si nécessaire des points de procédure (ATF 139 II 460 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_660/2021 du 28 juin 2022 consid. 5.2).

4.2.1. À Genève, le Grand Conseil exerce le pouvoir législatif (art. 80 Cst-GE) et adopte les lois (art. 91 al. 1 Cst-GE), tandis que le Conseil d’État, détenteur du pouvoir exécutif (art. 101 Cst-GE), joue un rôle important dans la phase préparatoire de la procédure législative (art. 109 al. 1 à 3 et 5 Cst-GE), promulgue les lois et est chargé de leur exécution et d’adopter à cet effet les règlements et arrêtés nécessaires (art. 109 al. 4 Cst-GE).

4.2.2. Le Conseil d’État peut ainsi adopter des normes d’exécution, soit des normes secondaires, sans qu’une clause spécifique dans la loi soit nécessaire. Lesdites normes secondaires peuvent établir des règles complémentaires de procédure, préciser et détailler certaines dispositions de la loi, éventuellement combler de véritables lacunes. Elles ne peuvent en revanche pas, à moins d’une délégation expresse, poser des règles nouvelles qui restreindraient les droits des administrés ou leur imposeraient des obligations, même si ces règles sont conformes au but de la loi (ATF 147 V 328 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_776/2020 du 7 juillet 2022 consid. 7.2). Pour que le Conseil d’État puisse édicter des normes de substitution, ou normes primaires, il faut qu’une clause de délégation législative l’y habilite (ATF 133 II 331 consid. 7.2.1 ; ACST/3/2023 précité consid. 8b), pour autant que la constitution cantonale ne l’interdise pas dans le domaine considéré et que la délégation figure dans une loi au sens formel, se limite à une matière déterminée et indique le contenu essentiel de la réglementation si elle touche les droits et obligations des particuliers (ATF 133 II 331 consid. 7.2.1 ; ACST/3/2023 précité consid. 8b).

5) Selon les recourants, les dispositions litigieuses seraient contraires aux art. 1 al. 2, 2 al. 2, 3 al. 2 LUP et 31B al. 2 LGL. Ils soutiennent que le Conseil d’État n’était pas habilité à renoncer, en cours de bail, au contrôle du taux d’effort et du taux d’occupation à l’endroit des locataires de logements d’utilité publique de type LUP IV, sous peine de violer les articles susmentionnés. Il convient de remettre l’ensemble de ces dispositions dans le contexte de la politique du logement fondée, dès les années 1950, conjointement sur la législation encourageant la construction de logements à loyers modérés et celle régissant l’aménagement du territoire.

5.1. En effet, outre la LGL, ladite politique genevoise est fondée sur la LGZD, conçue comme un instrument de lutte contre la pénurie de logements et la spéculation immobilière (ACST/13/2022 du 14 octobre 2022 consid. 5). Elle repose sur la considération que l’application des normes d’une ZD, au lieu de celles de la zone primaire à laquelle la ZD se superpose, produit une plus-value devant aussi profiter à la collectivité publique, autrement dit en échange de laquelle le promoteur-constructeur et, partant, le propriétaire des parcelles dites « déclassées » doivent concéder des sacrifices, notamment « sous la forme de création de logements à des conditions raisonnables » (ACST/23/2017 du 11 décembre 2017 consid. 3c et les références citées). La LGZD fixe ainsi les conditions applicables à l’aménagement et l’occupation rationnelle des ZD affectées à l’habitat, au commerce et aux autres activités du secteur tertiaire ainsi que les conditions auxquelles le Conseil d’État peut autoriser l’application des normes d’une telle zone (art. 1 LGZD).

L’art. 4A al. 1 LGZD prévoit que, dans les périmètres sis en ZD, les logements à réaliser comportent, en principe, cumulativement, les proportions minimales suivantes (al. 1) : un tiers du programme en logements d’utilité publique au sens de la LUP destinés aux personnes à revenus modestes (let. a), un tiers en logements locatifs non subventionnés (ZDLOC), destinés à la classe moyenne de la population genevoise (let. b) et le solde laissé au libre choix de celui qui réalise (let. c). L’art. 4A al. 2 LGZD précise en outre que dans chaque périmètre la moitié du programme de logements visé à l’al. 1 let. a doit en principe être constituée de logements d’habitation bon marché (ci-après : HBM) au sens de l’art. 16 LGL ; par ailleurs, le programme doit comporter en principe au minimum un cinquième de logements en PPE en pleine propriété.

5.2. La LGL définit le rôle de l’État en matière de logement, qui consiste à encourager la construction de logements d’utilité publique et s’efforcer d’améliorer la qualité de l’habitat dans les limites et selon les critères fixés par la loi (art. 1 al. 1 LGL). À cet effet, l’art. 1 al. 2 LGL prévoit une série de mesures à prendre par l’État, qui acquiert des terrains (let. a ; art. 2 ss LGL), encourage la construction de logements, en particulier à but non lucratif, par différentes voies (let. b ; art. 15 ss LGL) ou encore construit des logements par l’intermédiaire de fondations de droit public (let. c ; art. 10 ss LGL). L’État instaure un contrôle des loyers sur tous les logements ou locaux construits par ou avec son aide (art. 1 al. 3 LGL).

En particulier en application de l’art. 1 al. 2 let. b LGL, le Conseil d’État détermine la nature et la mesure de l’encouragement à la construction de logements d’utilité publique et peut octroyer chaque forme d’aide partiellement ou totalement, séparément ou cumulativement, avec une ou plusieurs autres, en tenant compte notamment de la catégorie de logements considérés (art. 15 al. 1 LGL). Lesdites aides sont destinées en priorité à des logements d’utilité publique construits par des collectivités publiques, des corporations de droit public, des coopératives d’habitation et des organismes à but non lucratif (art. 15 al. 3 LGL).

Les logements d’utilité publique sont énumérés de manière limitative à l’art. 16 al. 1 LGL en trois catégories, à savoir les immeubles HBM (let. a), les immeubles d’habitation à loyers modérés (HLM ; let. b) et les immeubles d’habitation mixte (HM ; let. d), ces derniers comprenant des logements avec subvention proportionnelle aux revenus des locataires et des logements sans subvention. L’accès à un logement dans l’une ou l’autre de ces catégories est déterminé en fonction de conditions relatives aux locataires définies aux art. 30 ss LGL (art. 16 al. 2 LGL). Ainsi, outre les limites de revenus pour lesdits logements (art. 30 LGL) et les conséquences de leur dépassement (art. 31 LGL), la LGL prévoit que ces logements sont destinés aux personnes dont la fortune n’est pas manifestement excessive (art. 31B al. 2 LGL) et que seules les personnes assujetties à l’impôt sur le revenu à Genève et y ayant en principe résidé pendant quatre années continues dans les huit dernières années peuvent y accéder (art. 31B al. 3 LGL). Par revenu, il faut entendre le revenu déterminant au sens de la loi y relative du titulaire du bail, additionné à celui des autres personnes occupant le logement, dont à déduire une somme de CHF 10'000.- pour la première personne occupant le logement, de CHF 7'500.- pour la deuxième et de CHF 5'000.- dès la troisième (art. 31C al. 1 let. a LGL).

5.3.1. À la LGL et à la LGZD s’ajoute la LUP, qui vise à ce que l’État constitue un parc de logements d’utilité publique de 20 % du parc locatif du canton par la construction et l’acquisition de logements, le loyer de deux tiers au moins desdits nouveaux logements construits devant respecter les normes applicables aux catégories d’immeubles qui font l’objet de l’art. 16 al. 1 LGL (art. 1 al. 1 LUP).

Au sens de la LUP, un logement est d’utilité publique s’il est locatif et si un taux d’effort et un taux d’occupation sont appliqués, pour autant qu’il soit détenu par l’État, une fondation de droit public, une commune ou un organisme sans but lucratif (art. 1 al. 2 LUP) ou par toute autre entité se soumettant contractuellement, pour cinquante ans au moins, aux conditions arrêtées par l’État (art. 1 al. 3 LUP).

L’acquisition et la construction de logements d’utilité publique au sens de la LUP sont soumises à l’approbation d’un plan financier et d’un état locatif par l’autorité compétente (art. 2 al. 1 LUP), ces logements étant soumis à un contrôle permanent des loyers par l’État (art. 2 al. 2 LUP) ou, pour ceux détenus par des privés, durant au moins cinquante ans (art. 2 al. 3 LUP). Sauf disposition contraire de la LUP, la LGL est applicable par analogie (art. 2 al. 4 LUP).

L’art. 6 LUP précise en outre que le Conseil d’État est chargé d’édicter un règlement d’exécution, qui fixe notamment le taux d’effort et le taux d’occupation appliqués aux logements d’utilité publique.

Dans ce cadre, le Conseil d’État a adopté le RUP, dont l’art. 3 RUP définit le taux d’effort comme la part en pour-cent du revenu, au sens de l’art. 31C al. 1 let. a LGL, que doit consacrer le locataire au loyer et qui ne doit pas être inférieure à 12 %. Le taux d’occupation correspond au nombre de personnes occupant l’appartement en relation avec le nombre de pièces du logement (art. 4 al. 1 RUP).

5.3.2. La LGL et la LUP contiennent une disposition commune consacrée au fonds propre affecté pour la construction de logements d’utilité publique (ci-après : le fonds), auquel un montant de CHF 35'000'000.- est affecté chaque année jusqu’à ce que la part des logements d’utilité publique atteigne 20 % du parc locatif du canton (art. 2A LGL ; art. 4 LUP).

En cas d’acquisition d’un immeuble d’habitation financée par ledit fonds, les logements sont considérés immédiatement comme des logements d’utilité publique. Les contrats de bail des locataires en place ne sont toutefois pas résiliés (art. 3 al. 1 LUP) et les taux d’effort et d’occupation leur sont appliqués s’ils en font la demande et répondent aux normes applicables (art. 3 al. 2 LUP). Le loyer de la totalité des nouveaux logements ainsi financé doit en outre respecter les normes applicables aux catégories d’immeubles faisant l’objet de l’art. 16 al. 1 LGL (art. 1 al. 1 LUP).

L’art. 12 RUP prévoit quatre catégories de logements d’utilité publique déterminées en fonction des prestations LUP et LGL octroyées, à savoir : tout logement acquis ou construit au bénéfice d’une prestation LUP définie à l’art. 9 RUP (LUP I ; let. a) ; tout logement acquis ou construit au bénéfice d’une prestation LUP définie à l’art. 9 RUP et bénéficiant au surplus d’une aide au sens de l’art. 15 LGL (LUP II ; let. b) ; tout logement répondant aux définitions de la loi, ne bénéficiant pas d’une prestation LUP mais d’une prestation LGL (LUP III ; let. c) ; tout logement répondant aux définitions de la loi sans prestation LUP ni aide LGL (LUP IV ; let. d).

L’art. 9 al. 1 RUP définit la prestation LUP comme la mise à disposition de terrains ou d’immeubles acquis par l’État au moyen du fonds ainsi que les dotations de l’État accordées dans le cadre de celui-ci.

5.4. La loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales (interprétation systématique). Le juge ne privilégie aucune méthode d’interprétation, mais s’inspire d’un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme ; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s’il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 148 II 299 consid. 7.1).

5.5. En l’espèce, il s’agit de déterminer si le Conseil d’État, au bénéfice d’une compétence d’exécution lui permettant notamment de fixer le taux d’effort et le taux d’occupation appliqué aux logements d’utilité publique (art. 6 LUP), pouvait restreindre, pour les LUP IV, cet examen lors du seul accès aux logements d’utilité publique, et non plus en cours de bail, comme pour les LUP I, II et III, ce que les recourants contestent en se fondant sur la LUP et la LGL.

Dans ce cadre, les recourants perdent toutefois de vue que la LGL n’est pas directement applicable aux logements d’utilité publique prévus par la LUP, mais par analogie, sauf disposition contraire de la LUP, comme le rappelle l’art. 2 al. 4 LUP. Ainsi, la seule question qui se pose s’agissant de la conformité des dispositions du RUP contestées à la LGL est celle de savoir si le Conseil d’État pouvait, par voie réglementaire, s’écarter de son application en conformité avec la LUP.

Comme l’a relevé l’autorité intimée, la LUP se limite à prévoir que les logements d’utilité publique, pour répondre à cette définition, se voient appliquer un taux d’effort et un taux d’occupation (art. 1 al. 2 LUP), sans en préciser le moment, à savoir à la conclusion du bail ou en cours de bail. Il ressort en particulier de l’accord sur le logement de 2006 et de son commentaire que, bien que les critères de taux d’effort et de taux d’occupation aient été au centre de la politique du « logement aidé » et doivent être respectés pleinement dans le cadre des immeubles au bénéfice de prestations prévues par la LGL, il était néanmoins admis que les immeubles n’étant pas au bénéfice desdites prestations pouvaient être comptés dans le socle des logements d’utilité publique dès lors que le respect de ces critères était une condition d’entrée des locataires dans le logement. Il ressort également de l’exposé des motifs relatif au PL 10'008 que le renvoi de la LUP à la LGL permettait aux logements d’utilité publique de bénéficier des mesures prévues par la LGL, mais que ledit renvoi ne signifiait pas que tous les logements d’utilité publique y seraient soumis. C’est également dans le même sens que, dans le cadre du PL 10'460, l’amendement visant à ce que la LUP renvoie aux taux d’effort et au taux d’occupation prévu par la LGL a été refusé, le représentant du Conseil d’État ayant précisé qu’une grande liberté devait être laissée à l’exécutif pour fixer lesdits taux.

Il ressort ainsi de ces éléments que le taux d’effort et le taux d’occupation doivent s’appliquer pleinement pour les logements d’utilité publique soumis à la LGL et au bénéfice d'une aide. Or, selon la définition qu’en donne l’art. 12 let. d RUP, les logements de catégorie LUP IV sont ceux qui, bien que répondant à la définition des logements d’utilité publique, ne bénéficient d’aucune prestation ni aide, tant de la LUP que de la LGL, et ne peuvent ainsi être considérés comme des logements « aidés ». Le Conseil d’État pouvait ainsi prévoir que cette catégorie de logement ne se voyait appliquer un taux d’effort et un taux d’occupation qu’à l’accès au logement. Contrairement à ce que soutiennent les recourants, il ne s’agit pas d’une remise en cause fondamentale de la politique sociale du logement, puisque seuls les logements d’utilité publique relevant de la catégorie LUP IV sont concernés, étant précisé qu’ils demeurent soumis à un contrôle des loyers par l’État (art. 2 al. 2 et 3 LUP) et que rien n’empêche l’application de l’art. 10 RUP à leur égard, lequel prévoit que l’État veille à favoriser l’échange de logements dans le parc de logements selon la LUP afin de permettre aux locataires qui ne répondraient plus, en cours de bail, aux normes de taux d’effort et de taux d’occupation de se voir proposer des logements qui leur correspondent.

Les art. 19 al. 1 et 5 et 20 al. 1 RUP ainsi adoptés s’inscrivent par conséquent dans le cadre de la LUP et de l’accord de 2006 qui est à son origine, sans outrepasser ladite loi, de sorte qu’ils respectent le principe de la légalité sous l’angle de la séparation des pouvoirs.

Enfin, s’agissant de l’art. 21 al. 2 RUP, qui prévoit l’inapplicabilité de l’art. 31B al. 2 et 3 LGL aux locataires des logements de catégorie LUP I et LUP IV, il s’inscrit dans le même contexte, étant précisé que les recourants se limitent à en demander l’annulation sans motiver plus avant en quoi il ne serait pas conforme au principe de la légalité, grief ne répondant pas à l’exigence de motivation prévue à l’art. 65 al. 3 LPA. Il en va du reste de même de l’art. 25 al. 1 RUP qui concerne le contenu de la convention ou du règlement communal approuvé, dont on ne voit pas en quoi il contreviendrait à la LUP.

Mal fondé, le recours sera par conséquent rejeté en tant qu’il est recevable.

6) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge solidaire des recourants, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne leur sera accordée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

rejette, en tant qu’il est recevable, le recours interjeté conjointement le 13 octobre 2022 par Monsieur A______ et B______ contre l’art. 19 al. 1 et al. 5, l’art. 20 al. 1, l’art. 21 al. 2 et l’art. 25 al. 1 du règlement modifiant le règlement d’exécution de la loi pour la construction de logements d’utilité publique du 23 novembre 2009 (RUP - I 4 06.01), publié dans la FAO du 13 septembre 2022 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge solidaire de Monsieur A______ et de B______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christina Dandrès, avocat des recourants, ainsi qu’au Conseil d’État.

Siégeant : M. Verniory, président, M. Pagan, Mme Lauber, MM. Knupfer et Mascotto, juges.

Au nom de la chambre constitutionnelle :

la greffière-juriste :

 

 

C. Gutzwiller

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :