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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/21918/2022

ACJC/289/2025 du 27.02.2025 sur JTPH/129/2024 ( OS ) , MODIFIE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21918/2022 ACJC/289/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU JEUDI 27 FÉVRIER 2025

 

Entre

A______ SA, sise ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 16 mai 2024 (JTPH/129/2024), représentée par Me Damien TOURNAIRE, avocat, ABT Avocats, rue de la Corraterie 14, 1204 Genève,

et

Monsieur B______, domicilié c/o M. C______, ______ [GE], intimé, représenté par Me Valérie SUHAJDA, avocate, NP & VS Avocates, rue des Alpes 15, case postale, 1211 Genève 1.


EN FAIT

A.           Par jugement du 16 mai 2024, expédié pour notification aux parties le même jour, le Tribunal des prud'hommes a condamné A______ SA à verser à B______ 19'500 fr. bruts avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 28 août 2021 (ch. 2), et 4'115 fr. 15 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er mai 2022 (ch. 3), ainsi qu'à lui remettre les preuves du paiement de cotisations légales en sa faveur (ch. 5), invité la partie qui en avait la charge à opérer les déductions sociales légales et usuelles (ch. 4), dit qu'il n'était pas perçu de frais ni alloué de dépens (ch. 6), et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 7).

Il a retenu que les éléments de la procédure permettaient de retenir qu'un contrat était réputé conclu entre les parties dès le 13 juillet 2021, que B______ avait donc droit à un salaire entre cette date et le 13 octobre 2023 (date à partir de laquelle A______ SA avait payé un salaire), et que B______ avait droit au paiement d'un solde de 13,77 jours de vacances (20,02 jours pour la période d'emploi de neuf mois et dix-neuf jours, réduits en raison d'un accident à concurrence de 6,25 jours), soit 4'115 fr. bruts.

B.            Par acte du 17 juin 2024, A______ SA a formé appel contre ce jugement. Elle a conclu à l'annulation de celui-ci, cela fait au déboutement de B______ des fins de ses conclusions.

B______ a conclu à la confirmation du jugement, sous suite de frais et dépens.

Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

Par avis du 19 novembre 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Il ressort de la procédure les faits pertinents suivants:

a. A______ SA (ci-après A______) est une société anonyme inscrite au Registre du commerce genevois, qui a pour but l'étude et la réalisation de travaux de couverture, d'étanchéité, pose de résine de sols, de sanitaires, d'agencement intérieur etc.

Elle dispose d'un administrateur unique. Entre avril 2020 et juin 2022, la mère du précité était également administratrice de A______.

b. B______ a exploité une entreprise, sous forme d'une société en commandite à l'enseigne D______, dont le but était l'étude des travaux de couverture, l'étanchéité, la ferblanterie, l'isolation, etc. Cette entreprise a été radiée d'office le ______ 2021, après que sa faillite qui avait été prononcée par jugement du Tribunal de première instance du 17 février 2020, a été clôturée faute d'actifs.

B______ allègue qu'en raison de cette faillite, il n'était pas éligible aux prestations de chômage.

Il a déclaré au Tribunal qu'il s'était inscrit au chômage après cette faillite, que son conseiller à l'Office cantonal du chômage lui avait fait remarquer qu'il n'avait pas droit à des indemnités, qu'en revanche il pouvait chercher un employeur prêt à l'embaucher moyennant obtention d'allocations de retour en emploi. Il avait alors consulté des offres d'emplois parue sur le site du chômage et identifié une annonce publiée par A______ pour un poste de directeur.

c. Le 1er juin 2021, A______ a reçu B______ pour un entretien.

Il est admis que les parties ont évoqué l'hypothèse d'un engagement ainsi que celle d'une allocation de retour en emploi (ARE).

Elles ont échangé des courriels le 2 juin 2021 à ce sujet.

Par mail du 30 juin 2021, B______ a signalé à A______ l'adresse électronique du Service des allocations de retour en emploi, en précisant "il suffit d'envoyer une demande à l'adresse électronique".

d. B______ allègue avoir commencé à travailler au service de A______ le 13 juillet 2021.

Il a offert en preuve de son allégué l'interrogatoire des parties, ainsi qu'une liasse de pièces versées en vrac (n. 8), dont le contenu n'a pas été allégué, seule étant relevée dans celles-ci la mention de l'existence d'une adresse email professionnelle (au nom de A______).

A______ a contesté l'allégué précité, affirmant que B______ avait accepté de fournir des services non rémunérés "pour se préparer à son intégration", étant accueilli dans les locaux de l'entreprise mis à sa disposition, sans précision de date. Il n'était sous les ordres de personne, présent partiellement dans les bureaux pour offrir son aide volontaire avec son propre matériel (ordinateur, équipement informatique et de chantier pour ses prospects). "Plus tard", une adresse de courriel lui avait été attribuée.

Elle a offert en preuve de ses allégués l'interrogatoire des parties.

B______ a déclaré au Tribunal qu'il avait participé à deux entretiens avec A______, et qu'au terme du deuxième de ceux-ci, en juillet 2021, une proposition d'engagement lui avait été adressée, de sorte qu'il avait commencé son activité "le lendemain". Il avait eu oralement un cahier des charges, et recevait des instructions; il bénéficiait d'un accès aux documents de l'entreprise et d'une adresse électronique, ainsi que de cartes de visites déjà en juillet 2021. Son horaire était de 7h00 à 18h00; après une semaine de travail, il s'était retrouvé seul au bureau à faire le relais avec les chantiers. Il avait apporté à tout le moins un client à A______ (chantier à E______).

A______, représentée par son administrateur actuel, a déclaré au Tribunal que B______ avait accès aux locaux de l'entreprise en juillet 2021, sans cahier des charges ni instructions, pour continuer des activités qu'il conduisait personnellement auparavant, avec des offres de ses anciens clients. L'administrateur, durant ses absences, était remplacé par son collaborateur F______ pour aller sur les chantiers; B______ avait la liberté d'aller sur les chantiers. De juillet à septembre 2021, celui-ci était venu régulièrement au bureau, mais sans qu'un horaire ne soit requis.

L'administratrice de A______ de 2020 à 2022 a déclaré que de juillet à
octobre 2022 B______ était présent dans les locaux de l'entreprise, et qu'elle avait attiré l'attention de l'administrateur sur le fait que tant que la décision d'ARE n'avait pas été rendue, "ce n'était pas une embauche". La situation financière de l'entreprise durant le Covid ne permettait pas d'employer deux personnes, étant précisé que le collaborateur F______ venait d'être engagé. B______ avait insisté lors des entretiens, en indiquant qu'il essayait d'avoir des aides de l'Etat, il était persuasif. A son sens, la situation entre juillet et octobre 2021 était très confuse. L'entreprise n'avait pas de fonds pour rémunérer B______ dès le mois de juillet 2021.

Un collaborateur de A______ de juillet à octobre 2021 a déclaré qu'il se trouvait dans le même bureau que B______; ils traitaient d'affaires différentes. B______ arrivait à 7h00 et était toujours présent à 17h00, heure de départ du témoin. B______ lui avait expliqué, à son souvenir, bénéficier d'un placement par le chômage (témoin F______).

Un employé de A______ du 7 septembre 2021 à avril 2022 avait envoyé son curriculum vitae à B______ qu'il connaissait pour avoir précédemment travaillé à son service. Il recevait des ordres notamment du précité au sein de A______ (sans précision de date); celui-ci était présent à son entretien d'embauche, en compagnie des deux administrateurs (témoin G______).

B______ a produit une page d'une offre sur papier à entête de l'entreprise, non signée, datée du 14 juillet 2021 et portant le nom de B______ à la rubrique "votre interlocuteur", un courriel du 6 septembre 2021 émanant de l'adresse électronique B______@A______.ch, et portant les références du précité avec le titre "chef de projet", un courriel daté du 9 juillet 2021 adressé à un tiers depuis une adresse électronique privée joignant une soumission (non produite) et comportant le texte suivant: "Comme discuté, je suis engagé par A______ […]"

A______ a produit un "rapport d'intervention" effectué le 23 juillet 2021 par B______, portant l'entête "D______", signé du précité.

B______ a versé un "rapport d'intervention" identique au précédent effectué le 26 juillet 2021 par ses soins, portant l'entête de A______, signé par lui.

Il a déclaré au Tribunal que la première version était un modèle repris de son ancienne entreprise, transféré ensuite sur papier à entête de A______ à la demande de celle-ci.

e. Le 19 juillet 2021, les parties ont signé un contrat de travail portant sur une activité de technico commercial en bâtiment, rénovation de façades, conducteur de travaux. Le salaire convenu était de 6'500 fr. bruts, pour un horaire de "42.50 de base heures par semaine ou 45 h selon travaux", cinq jours par semaine; le droit aux vacances était de 25 jours par an. La rubrique "date d'entrée" a été remplie ainsi: "Après acceptation de l'Office cantonal de l'emploi".

A______ a déclaré au Tribunal que la condition du contrat était l'octroi de l'allocation de retour en emploi.

f. Le 20 octobre 2021, le Service d'aide au retour à l'emploi de l'Office cantonal de l'emploi a rendu une décision relative à l'allocation de retour en emploi en faveur de B______, acceptant la demande d'allocation pour la période du
13 octobre 2021 au 12 octobre 2022.

Il en résulte que cette autorité a reçu le 13 juillet 2021 [sic] la demande formulée par A______ (datée du 19 [sic] juillet 2021) concernant son engagement dès le
13 octobre 2021, à laquelle était joint le contrat de travail signé par les parties le 19 juillet 2021. Ladite demande mentionnait la nécessité pour B______ de "faire l'objet d'une mise au courant usuelle et acquérir de la pratique afin de pouvoir être opérationnel dans le cadre de ses nouvelles fonctions". La demande était acceptée, pour la période précitée, au vu du parcours professionnel de l'intéressé et des besoins en formation invoqués par l'employeur,

g. Le 27 octobre 2021, A______ a établi un bulletin de salaire en faveur de B______ portant la mention de la période du 13 au 30 octobre 2021. Un droit aux vacances de 22 jours y figure.

Il n'est pas contesté que le salaire y afférent a été réglé, de même que les salaires des mois ultérieurs.

h. B______ n'a pas allégué s'être enquis auprès de A______ du paiement d'une rémunération, telle qu'il affirme lui être due, pour la période antérieure au 13 octobre 2021.

i. A compter du 20 décembre 2021, B______ a été incapable de travailler pour cause d'accident.

Selon les certificats médicaux établis par son médecin généraliste, l'incapacité de travail a duré jusqu'au 23 mai 2022.

j. Par courriel du 23 décembre 2021, B______ s'est adressé à A______ au sujet de l'accident précité et a notamment ajouté: "Je profite aussi pour vous demander le décompte des trois salaires depuis le 12.07.2021 au 13.10.2021 lesquels je n'ai pas encore reçus […]".

Le même jour, A______ lui a répondu en ces termes: "Du 13.07.2021 au 13.10.2021, il est très clair que vous étiez dans nos bureaux uniquement pour attente de votre prise en charge par l'Etat et que vous étiez parfaitement au courant que sans leur aval pour pris en charge de votre dossier, malheureusement il nous était impossible de vous embaucher, vous avez désiré venir tous les jours en attente de la réponse de l'Etat qui a bien été mis au courant de ce fait".

k. A une date indéterminée, A______ a licencié B______ pour le 30 avril 2022.

l. Par acte du 15 juin 2022, la SUVA a signifié à B______ la suspension des prestations d'assurance, retenant notamment ce qui suit: "Selon l'appréciation du médecin d'arrondissement, les troubles persistant actuellement n'ont plus aucun lien avec l'accident. Selon l'appréciation médicale, l'état de santé tel qu'il aurait été sans l'accident du 20 décembre 2021 peut être considéré comme atteint depuis le 20 février 2022 au plus tard".

m. Le 3 novembre 2022, B______ a saisi l'Autorité de conciliation du Tribunal des prud'hommes d'une requête dirigée contre A______ en paiement de 25'430 fr. 85.

Au bénéfice d'une autorisation de procéder délivrée le 12 décembre 2022, il a adressé au Tribunal, le 10 mars 2023, une demande par laquelle il a conclu à ce que A______ soit condamnée à lui verser 19'500 fr. bruts sous suite d'intérêts moratoires à 5% l'an dès le 13 juillet 2021 à titre de salaires du 13 juillet au
13 octobre 2021, 5'930 fr. 85 bruts, avec suite d'intérêts moratoires à 5% l'an dès le 13 juillet 2021 à titre de vacances du 13 juillet 2021 au 30 avril 2022, ainsi qu'à lui remettre un certificat de travail et la preuve de paiement des cotisations légales, sous suite de frais et dépens.

Elle n'a consacré aucun développement à sa dernière conclusion.

A______ a conclu au déboutement de B______ des fins de ses conclusions. Dans le corps de son acte, elle a admis devoir 1'198 fr. 16 à titre de vacances dues du 13 octobre 2021 au jour de l'accident (21 décembre 2021).

Dans un second acte de réponse, elle a persisté dans ses conclusions, sous suite de frais et dépens.

Dans une détermination subséquente, elle a fait valoir, en produisant des pièces, que B______ aurait préparé une activité concurrente dès le 31 mars 2022 lors d'un séjour à l'étranger, ce qui tendait à démontrer qu'il n'était ni incapable de travailler ni privé de la faculté de prendre des vacances.

Les parties ont encore produit des pièces. B______ a notamment versé, à nouveau en vrac et sans en alléguer le contenu, des titres parmi lesquels des messages électroniques envoyés depuis son adresse professionnelle les 14 juillet 2021, 6 septembre 2021, 13 septembre 2021, 20 septembre 2021, 4 octobre 2021, 5 octobre 2021, 6 octobre 2021, 7 octobre 2021, 8 octobre 2021.

A l'issue de l'audience du Tribunal du 27 février 2024, les parties ont plaidé, persistant dans leurs conclusions (à l'exception, pour B______, de sa conclusion en remise d'un certificat de travail).

Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel a été interjeté contre une décision finale (308 al. 1 let. a CPC), dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ), dans le délai utile de 30 jours (art. 142 al. 1, 143 al. 1 et 311 al. 1 CPC) et selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1, 131 et 311 CPC). Il est dès lors recevable (sous réserve du point traité au considérant 4 ci-dessous).

1.2 La valeur litigieuse étant inférieure à 30'000 fr. et le litige portant sur un contrat de travail, la cause est soumise à la procédure simplifiée (art. 243
al. 1 CPC) et à la maxime inquisitoire sociale (art. 247 al. 2 let. b CPC). Cette maxime implique notamment que le tribunal n'est pas lié par les offres de preuves et les allégués de fait des parties (ATF
139 III 457 consid. 4.4.3.2), et qu'il peut fonder sa décision sur des faits qui n'ont certes pas été allégués, mais dont il a eu connaissance en cours de procédure en consultant le dossier (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2021 du 14 décembre 2021 consid. 5.1 s. résumé in CPC Online, ad art. 247 CPC).

Selon la volonté du législateur, le tribunal n'est toutefois soumis qu'à une obligation d'interpellation accrue. Comme sous l'empire de la maxime des débats, applicable en procédure ordinaire, les parties doivent recueillir elles-mêmes les éléments du procès. Le tribunal ne leur vient en aide que par des questions adéquates afin que les allégations nécessaires et les moyens de preuve correspondants soient précisément énumérés. En revanche, il ne se livre à aucune investigation de sa propre initiative. Lorsque les parties sont représentées par un avocat, il peut et doit faire preuve de retenue, comme dans un procès soumis à la procédure ordinaire (ATF 141 III 569 consid. 2.3.1).

La maxime inquisitoire ne dispense donc pas les parties de collaborer activement à l'établissement des faits. Il leur incombe de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles (arrêts du Tribunal fédéral 5A_925/2016 du 5 septembre 2017 consid. 4.1; 5A_138/2015 du
1er avril 2015, consid. 3.1). Cette maxime ne sert pas non plus à suppléer les carences d'une partie négligente (Dietschy, Droit du travail et procédure civile, 2023, p. 99).

1.3 La Cour revoit le fond du litige avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC) et applique le droit d'office (art. 57 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, elle le fait cependant uniquement sur les points du jugement que l'appelante estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante – et, partant, recevable –, pour violation du droit
(art. 310 let. a CPC) ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5). Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

Pour satisfaire à l'obligation de motivation résultant de l'art. 311 al. 1 CPC, l'appelante doit démontrer le caractère erroné de la motivation de la décision attaquée et son argumentation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision qu'elle attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_356/2020 du 9 juillet 2020 consid. 3.2). L'appelante doit donc tenter de démontrer que sa thèse l'emporte sur celle de la décision attaquée. Elle ne saurait se borner simplement à reprendre des allégués de fait ou des arguments de droit présentés en première instance, mais doit s'efforcer d'établir que, sur les faits constatés ou sur les conclusions juridiques qui en ont été tirées, la décision attaquée est entachée d'erreurs. Elle ne peut le faire qu'en reprenant la démarche du premier juge et en mettant le doigt sur les failles de son raisonnement. Si ces conditions ne sont pas remplies, l'appel est irrecevable (arrêt du Tribunal fédéral 5A_356/2020 précité, ibidem).

Les exigences de motivation de l'acte d'appel sont applicables sans égard à la maxime applicable (arrêt du Tribunal fédéral 5A_339/2023 du 6 juillet 2023 consid. 3.3; ATF 141 III 569 consid. 2.3.3; 138 III 374 consid. 4.3.1; 137 III 617 consid. 4.2.2 et 4.5.1).

2.             L'appelante reproche au Tribunal d'avoir retenu que les parties s'étaient liées par un contrat de travail dès le 13 juillet 2021, et non dès le 13 octobre 2021 comme elle le soutient.

2.1 A teneur de l'art. 319 al. 1 CO, par le contrat individuel de travail, le travailleur s'engage à travailler au service de l'employeur et celui-ci s'engage à payer un salaire. L'obligation de payer un salaire est un élément essentiel du contrat de travail, en ce sens que si une personne promet ou accepte de fournir une activité non rémunérée, elle ne conclut pas un contrat de travail. Selon l'art. 320 al. 2 CO, un pareil contrat est certes présumé lorsque l'employeur accepte pour un temps donné l'exécution d'un travail qui, d'après les circonstances, ne doit être fourni que contre un salaire; néanmoins, les parties peuvent valablement convenir, de manière expresse ou tacite (art. 1er al. 2 CO), que l'activité est ou sera fournie gratuitement, avec cette conséquence que leur relation n'est pas soumise aux règles du contrat de travail (arrêt du Tribunal fédéral 4A_641/2012 du
6 mars 2013 consid. 2).

Pour que la conclusion tacite d'un contrat de travail puisse être admise, il convient que soient réunis, au regard des circonstances de fait, les éléments caractéristiques essentiels du contrat de travail que sont le motif de la rémunération, le lien de subordination, l'élément de durée et la prestation de travail ou de service. Si ces éléments font défaut, faute de pouvoir qualifier la relation envisagée de contrat de travail, la présomption est inapplicable (arrêts du Tribunal fédéral 4A_504/2015 du 28 janvier 2016, consid. 2.1.2; 4A_641/2012 du 6 mars 2013, consid. 2).

2.2 Selon l'art. 34 al. 1 de la loi cantonale en matière de chômage (LMC; J 2 20), la demande d’allocation de retour en emploi, complétée et signée par le chômeur et l’employeur, doit impérativement être déposée avant la prise d’emploi accompagnée d’un contrat de travail de durée indéterminée.

L'art. 31 al. 4 LMC prévoit notamment que, parmi les conditions de l'octroi de l'allocation de retour en emploi figure celle de ne pas avoir occupé de poste chez l’employeur dans les deux années précédant le dépôt de la demande d’allocation de retour en emploi, hormis les stages ou emplois de courte durée (let. e).

L'art. 24 du règlement d'application de la LMC (RMC; J 2 20.01) définit les stages et emplois de courte durée.

2.3.1 En l'espèce, il est constant que les parties ont daté et signé un contrat de travail prévoyant expressément une entrée en fonction postérieure à l'"acceptation de l'Office cantonal de l'emploi". L'une comme l'autre ont affirmé entendre par cette mention une décision positive de cette autorité sur l'octroi d'une ARE, soit une mesure instituée par le droit public (qui a pour vocation de remettre à l'emploi les travailleurs qui s'en sont trouvés éloignés du fait du chômage, et non au premier chef d'apporter une aide financière à un employeur supposé supporter le risque économique de son entreprise).

Les deux parties savaient ainsi pertinemment que leur relation de travail n'était supposée commencer qu'à une date ultérieure (celle à laquelle l'ARE serait octroyée), soit à un terme encore inconnu d'elles.

Comme elles l'ont déclaré au Tribunal, la condition revêtait une importance décisive tant pour l'une que pour l'autre; l'intimé a en effet évoqué le conseil donné en ce sens par son conseiller chômage, ce qui lui permettrait de se faire embaucher plus aisément, tandis que l'appelante a fait état de la nécessité de percevoir cette allocation, la témoin H______ (ancienne administratrice de l'appelante) ayant rapporté une situation financière ne permettant pas d'embauche sans cette aide. Rien ne commande de ne pas prendre en considération ce témoignage et ces déclarations de parties.

Il est par ailleurs établi que la mesure précitée n'a été octroyée que le
20 octobre 2021 avec effet au (mercredi) 13 octobre précédent.

A bien comprendre la décision de l'autorité compétente du 20 octobre 2021, c'est le 13 juillet (ou plus vraisemblablement le 19 juillet 2021, puisqu'elle était assortie du contrat de travail portant cette date) que la demande valide (soit signée tant de l'employeur que de l'employé, selon l'art. 34 LMC) d'ARE a été déposée, pour un emploi dès le 13 octobre 2021.

Aucune des parties n'a allégué quoi que ce soit en lien avec cette date
(13 octobre 2021) tombant en milieu de semaine, dont on ignore ainsi comment et quand elle leur a été connue (vu la décision d'ARE l'évoquant, qui est postérieure d'une semaine), et ce qui se serait passé entre elles ce jour-là en termes de prise d'emploi effective. L'appelante allègue pourtant qu'il se serait agi de la date réelle de début des rapports de travail; elle ne s'est toutefois référée à titre de preuve qu'au contrat de travail et à la décision d'ARE. Celles-ci représentent la situation juridique mais n'établissent pas l'effectivité de la prise de fonction, non prouvée à cette date, tout en étant admise judiciairement.

2.3.2 Les deux parties, dont il a déjà été retenu qu'elles connaissaient l'une comme l'autre les conditions (signées par elles) mises au début de l'emploi (du point de vue du droit public) s'entendent par ailleurs sur le fait que l'intimé était présent dans les locaux professionnels de l'appelante dès "juillet" 2021.

Elles divergent sur la raison de cette présence: pour l'intimé, ce serait en raison d'une relation de travail salariée, pour l'appelante en raison de services rendus librement, sans instructions, sans obligation de présence et sans rémunération.

L'intimé allègue que son activité aurait commencé le (mardi) 13 juillet 2021, bien que dans son courriel du 23 décembre 2021 – seule trace d'une quelconque demande relative au prétendu emploi antérieur à la date d'entrée en fonction admise par l'appelante – il ait évoqué le 12 juillet 2021, et que, dans un courriel du 9 juillet 2021 de nature apparemment professionnelle, il ait déjà fait état d'un engagement au sein de l'appelante. Il en résulte déjà une certaine confusion. Les déclarations des parties, que l'intimé avait offertes en preuve de son allégué, n'ont pas été précises sur la date de début de la présence de l'intimé dans les locaux: l'intimé a évoqué un entretien remontant "au mois de juillet", qui aurait eu lieu la veille de son premier jour d'activité, et l'appelante un accès aux locaux "en juillet 2021". Les témoignages recueillis n'ont pas non plus porté sur une date déterminée (le témoin F______ n'a évoqué que le mois de juillet sans quantième). Au vu de ce qui précède, l'intimé a échoué à établir son allégué par les moyens de preuve susmentionnés.

Il résulte par ailleurs des titres produits qu'avant même la signature du contrat le
19 juillet 2021, une offre à l'entête de l'appelante a été établie (le 14 juillet 2021), portant le nom de l'intimé comme "interlocuteur", transmise par mail du même jour depuis l'adresse professionnelle. L'appelante a admis, dans sa déclaration au Tribunal, avoir procédé de la sorte, motif pris de ce qu'il s'agissait d'un ancien client de l'intimé, lequel avait précédemment des offres de ses anciens clients qui lui étaient acquises et qu'il allait apporter. Cette déclaration, qui n'est pas dépourvue de toute crédibilité, n'a pas été réfutée en tant que telle par l'intimé.

Celui-ci voit toutefois dans l'offre précitée la démonstration qu'il aurait commencé une activité remplissant les conditions typiques d'un contrat de travail à compter de la veille de la date figurant dans cette offre. La pièce n'est toutefois pas particulièrement probante à cet égard; elle permet certes d'établir un lien entre les parties à compter du 14 juillet 2021, sans que la nature juridique de ce lien n'en résulte. Il en va de même d'une autre pièce produite par l'intimé, soit un échange de courriels le 15 juillet 2021, à partir d'une adresse personnelle de l'intimé.

En termes d'instructions données par l'employeur, les offres de preuve de l'intimé ne sont pas non plus concluantes. L'appelante sur ce point a beau jeu de relever qu'elle ne figurait pas en copie des courriels précités, qu'elle allègue avoir ainsi ignorés, à tout le moins dans leur contenu.

L'intimé a déclaré au Tribunal qu'il remplaçait l'administrateur durant les absences de celui-ci, en juillet 2021, ce qui a été contesté par l'appelante, dont l'administrateur a ajouté s'être, pendant deux ou trois jours seulement, fait suppléer sur des chantiers par son collaborateur F______, que l'intimé pouvait à son bon vouloir accompagner cas échéant, et être pour le surplus resté en contact avec sa mère alors administratrice également.

S'agissant du témoignage G______, il en résulte que l'intimé était présent à un entretien d'embauche, antérieur (de peu sans doute) au 7 septembre 2021.

Aux dires de la témoin H______ (administratrice de l'intimée au moment des faits pertinents), la situation de l'intimé en juillet 2021 était confuse. L'intimé avait de son propre chef proposé des travaux, établissant le rapport du 26 juillet 2021 sur son propre papier à entête commerciale, avant de le refaire sur papier à entête de l'appelante.

Cette circonstance, non contestée par l'intimé, est singulière, en ce sens que ce dernier, qui affirme avoir été employé à 100% depuis plusieurs jours, a spontanément élaboré une offre en se présentant comme indépendant (certes avant de la modifier à la demande de l'administratrice de l'appelante, et en affirmant qu'il s'agissait d'un modèle, sans expliquer alors la nécessité de le signer).

En définitive, au vu de ce qui précède, aucun des éléments à la procédure ne permet de tenir pour établi, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, que l'intimé aurait déployé, dans les conditions de l'art. 320 al. 2 CO, une activité au service de l'appelante dès le 13 juillet 2021, comme il l'a allégué. Ainsi que déjà retenu ci-dessus, la pièce datée du 14 juillet 2021, seul titre offert formellement en preuve à cet égard, n'est pas probante. L'unique courriel produit datant d'avant le mois de septembre soit le 14 juillet 2021, ne l'est pas davantage, étant précisé que le lendemain l'intimé utilisait son adresse personnelle.

2.3.3 En revanche, à compter du 6 septembre 2021, plusieurs pièces (courriels des 6, 13, 20 septembre et 4 , 5, 6, 7, 8 octobre 2021) permettent de cerner l'activité de l'intimé (ce qui n'est pas dépourvu de logique à la rentrée), de sorte que les dénégations de l'appelante au sujet de l'ignorance de ce que faisait l'intimé en ses locaux perdent en crédibilité. De plus, cette date coïncide temporellement avec la circonstance évoquée par le témoin G______, soit son entretien d'embauche (en présence de l'intimé et des administrateurs de l'appelante) ayant logiquement précédé de peu son engagement dès le 7 septembre 2021; cela accrédite la position, à ce moment-là, de l'intimé en tant qu'employé régulier, fournissant un travail au su de l'appelante, qui n'est dès lors plus fondé à soutenir qu'elle ne l'aurait pas accepté. A noter en tout état que, la témoin H______ ayant expressément souligné que la situation était confuse, c'est à l'employeur, partie forte au contrat de travail, d'en supporter les conséquences.

2.3.4 Ainsi, il sera retenu que l'intimé est parvenu à démontrer avoir accompli des activités devant être qualifiées au sens de l'art. 320 al. 2 CO dès le
6 septembre 2021, quoi qu'il en ait été alors de sa situation telle qu'appréhendée par le droit public. Il sera donc admis qu'il a droit à une rémunération à compter de cette date.

Pour le surplus, l'appelante n'a pas contesté, fût-ce de façon subsidiaire, le salaire pris en compte par les premiers juges, à savoir celui qui a été fixé dans le contrat de travail écrit du 19 juillet 2021 (6'500 fr.).

Dès lors, le chiffre 2 du dispositif du jugement sera réformé, dans le sens que l'appelante sera condamnée à verser le montant brut de 8'001 fr. 15 (1'501 fr. 15 [6'500 fr. /4,33 semaines] + 6'500 fr.), avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le
24 septembre 2021 (date moyenne).

3.             L'appelante reproche au Tribunal d'avoir fait droit à des prétentions en vacances de l'intimé. Selon elle, le droit aux vacances pour la période d'emploi admise par elle (13 octobre 2021 au 30 avril 2022) était de 13,5 jours de vacances, lesquelles pouvaient être prises entre le 21 février et le 30 avril 2022, période où l'intimé n'était pas incapable de travailler.

3.1 Conformément à l'art. 329d al. 1 CO, l'employeur verse au travailleur le salaire total afférent aux vacances et une indemnité équitable en compensation du salaire en nature.

La loi réglemente les vacances comme un droit contractuel du travailleur à une prestation de la part de l'employeur, et non comme une simple restriction des prestations dues par le travailleur. Il appartient dès lors au travailleur de prouver l'existence d'une obligation contractuelle de l'employeur de lui accorder des vacances, et la naissance de cette obligation du fait de la durée des rapports de travail. Il incombe en revanche à l'employeur, débiteur des vacances, de prouver que le travailleur a bénéficié des vacances auxquelles il avait droit
(ATF 128 III 271 consid. 2a, in JdT 2003 I 606; arrêt du Tribunal fédéral 4C.230/1999 du 15 septembre 1999 consid. 4; Dietschy-Martenet, Commentaire romand CO I, 2021, n° 7 ad art. 329a CO).

L'article 329b CO dispose qu'en cas d'empêchement fautif de travailler, l'employeur peut, dans le cadre de chaque année de service, réduire le droit aux vacances d'un 12ème correspondant à chaque mois entier d'absence (al. 1).
Si l'empêchement de travailler n'est pas fautif, l'employeur pourra opérer la même réduction, mais comptera un mois d'absence comme mois de travail (délai de grâce d'un mois; al. 2).

3.2 En l'espèce, il est admis que l'intimé avait droit à 25 jours de vacances par an.

L'appelante, dans son appel, méconnaît qu'elle a admis, dans sa première réponse adressée au Tribunal le 1er mai 2023, devoir 1'198 fr. 15 (4 jours), pour la période du 13 octobre au 21 décembre 2021. En tout état, il doit lui en être donné acte.

Comme le relève l'appelante, en définitive la SUVA a considéré a posteriori que l'employé avait retrouvé une capacité de travail, par suite de son accident, avant la fin des certificats médicaux tels qu'établis par le médecin-traitant. En déduire, sans autre élément, que l'intimé devait se savoir, entre le 22 février 2022 et la fin des rapports de travail, capable de travailler, et par conséquent en mesure de profiter de ses jours de vacances, n'est pas soutenable. Les pièces produites à l'appui d'une supposée mise en place d'activité concurrente à la même période ne sont pas non plus décisives à cet égard.

Compte tenu de l'emploi du 6 septembre 2021 au 30 avril 2022, de la méthode de calcul et de la réduction pratiquées par le Tribunal qui n'ont pas été contestées par l'appelante (même à titre subsidiaire), l'intimé avait droit à 10 jours (25 jours/12 mois x 7,75 mois) de vacances. En sus du montant offert déjà rappelé ci-dessus, elle reste ainsi devoir 6 jours de vacances, soit 1'793 fr. avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er mai 2024.

4.             L'appelante ne conteste le chiffre 5 du dispositif du jugement que pour le motif qu'aucun montant ne serait dû, ce qui outre que cela ne se révèle pas exact, n'est pas suffisant en terme d'exigences de motivation, de sorte que l'appel n'est pas recevable sur ce point.

5. Il n'est pas perçu de frais ni alloué de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes :

A la forme :

Déclare recevable l'appel formé par A______ SA contre les chiffres 2 et 3 du dispositif du jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 16 mai 2024 et irrecevable ledit appel contre le chiffre 5 du dispositif de ce jugement.

Au fond :

Annule les chiffres 2 et 3 du dispositif dudit jugement. Statuant à nouveau sur ces points:

Condamne A______ SA à verser à B______ 8'001 fr. 15 bruts, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 24 septembre 2021(date moyenne) et 1'793 fr. bruts dès le 1er mai 2022.

Donne acte à A______ SA de son engagement de verser à B______ 1'198 fr. 15 bruts avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er mai 2022; l'y condamne en tant que de besoin.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Sylvie DROIN, présidente; Monsieur Pierre-Alain L'HÔTE, Madame Filipa CHINARRO, juges assesseurs; Madame Fabia CURTI, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.