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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/1201/2023

CAPH/82/2024 du 11.10.2024 sur JTPH/115/2024 ( OS ) , AUTRES

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/1201/2023 CAPH/82/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU JEUDI 10 OCTOBRE 2024

 

Entre

ASSOCIATION A______, sise ______, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 3 mai 2024 (JTPH/115/2024),

et

Madame B______, domiciliée ______, intimée, représentée par Me Sarah PRAPLAN, avocate, WAEBER AVOCATS, rue Verdaine 12, case postale, 1211 Genève 3.


 

Attendu, EN FAIT, que, dans un litige de travail l’opposant à B______, l’ASSOCIATION A______, défenderesse à l’instance, a formé, en date du 4 juin 2024, appel contre le jugement JTPH/115/2024 du Tribunal des prud’hommes du 3 mai 2024 rendu dans la cause C/1201/2023;

Qu’à teneur de l’art. 17 des Statuts de l’appelante du 11 novembre 2014, « les décisions sont signées collectivement à deux, par le président et un membre du comité. L’association est valablement engagée par ces deux signatures » (pièce 5 déf) ;

Que, le Comité de l’appelante se compose actuellement de quatre membres, à savoir de C______, Président, de D______, trésorière, de E______ et F______ (pièce 28 déf ; mémoire-appel p. 4 = liasse 4) ;

Que le mémoire-appel du 4 juin 2024 ne porte que la signature de « C______, Président » ;

Qu’à l’audience de conciliation du 2 mars 2023, la défenderesse (et ci-devant appelante) avait comparu par deux membres du Comité, à savoir C______ et D______ (dossier judiciaire) ;

Qu’en première instance, le mémoire-réponse de la défenderesse du 19 juin 2023 ne portait que la signature que de « C______, Président »;

Que lors des audiences tenues par le Tribunal, la défenderesse comparaissait par deux membres de son Comité, à savoir C______ et D______ – le premier se faisant présenter et protocoler comme « président et avocat » (PV 12. 9. 2023, PV 31. 1. 2024 ; PV 6. 3. 2024) ;

Qu’interrogé par le Tribunal sur ses pouvoirs de représenter l’association défenderesse, C______ avait déclaré « concernant le pouvoir conféré au président du comité, cela doit figurer dans les statuts » (PV 31. 1. 2024 p. 5) ;

Qu’interrogé lors de l’audience subséquente sur le pourquoi la lettre de licenciement de la demanderesse du 5 septembre 2023 n’était signée que de lui, et non d’un deuxième membre du Comité, contrairement à ce que prévoyait l’art. 17 des statuts de l’association, C______ avait répondu « je renvoie aux art. 60 ss. CC qui prévoient qu’un représentant peut engager l’association pour les actes courants » PV 6. 3. 2024 p. 3) ;

Que C______ a obtenu son brevet d’avocat le 17 février 2020 dans le Canton du Valais (cf. Ct. du Valais. Service juridique de la sécurité et de la justice. Communiqué de presse du 17. 2. 2020,. www.vs.ch/web/sjsj);

Que toutefois, vérification faite (art. 10 al. 1 a et al. 2 LLCA), il n’est inscrit ni au Registre cantonal des avocats du Canton de Genève, tenu par la Commission du Barreau, ni au Registre d’avocats dans un autre canton ;

Qu’il n’est inscrit dans aucun Registre cantonal des avocats ;

Considérant EN DROIT

Que la juridiction d’appel examine les questions de recevabilité d’office (cf. art. 60 CPC ; Bohnet, in CR-CPC, 2e éd., 2019, N. 12 ad art. 60 CPC) et qu’elle n’est pas liée par l’appréciation faite par le Tribunal (cf. Jeandin, op cit. N. 12 ad art. 312 CPC) ;

Qu’à teneur de l’art. 311 al. 1 CPC, l’appel, pour être recevable, doit, entre autres, revêtir la forme écrite – ce qui, et cela tombe sous le sens, signifie qu’il doit être signé, et qui plus est, par la partie appelante ou son représentant professionnel (avocat) ;

Que lorsqu’un acte judiciaire émane d’une personne morale – tel qu’un mémoire d’appel – ne comportant que la signature d’une personne qui, à elle seule n’est pas habilitée à l’engager, ledit acte présente un vice de forme au sens de l’art. 132 CPC (arrêts du Tribunal fédéral 4A_376/2022 du 5 décembre 2022 consid. 3.2.1 ; 4A_351/2020 du 13 octobre 2020 consid. 3.1);

Que ce vice de forme est rédhibitoire s’il n’est pas corrigé ; qu’en effet, l’instance saisie (ainsi que la partie intimée) doit savoir si l’acte formateur unilatéral que représente un appel procède de la volonté réelle de la partie appelante ;

Que la volonté d’une personne morale, telle qu’exprimée par ses organes (art. 55 al. 1 CC), et notamment, par un exécutif polycéphale, peut varier, dans le cas d’un litige judiciaire, entre la phase Tribunal et la phase appel ;

Que par ailleurs, dans le cas d’une association, un appel formé dans un litige judiciaire ne constitue par un « acte de gestion courante » relevant de la seule compétence de son Président ;

Que pour parer aux risques que, dans les rapports externes de l’association, les initiatives d’un seul membre du Comité peuvent entraîner, il est généralement stipulé dans les Statuts, comme dans le cas de l’appelante, que les décisions sont signées collectivement à deux (cf. Wynne/Gilliéron, L’association, Zurich, 2023, p. 105 ; Riemer, Berner Kommentar, 2e éd., 2023, Nos 77 – 79);

Qu’à teneur de l’art. 132 al. 1 ch. 2 CPC, il incombe au juge dans ce cas de fixer à la partie concernée un délai pour la rectification du vice de forme, à défaut l’acte ne sera pas pris en considération (cf. également art. 42 al. 5 LTF) ;

Que la « Nachfristansetzung » telle qu’énoncée dans cette disposition concrétise l’interdiction faite aux autorités par l’art. 29 al. 1 Cst. féd. de verser dans un formalisme excessif (ATF 142 I 10 consid. 2.4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2022 du 5 décembre 2022 consid. 3.2.1);

Qu’il n’y a pas lieu de fixer à une partie un délai pour corriger un vice de forme en cas de comportement abusif, notamment s’il résulte d’un choix délibéré (« contre meilleur savoir »), de la partie de son organe ou de son représentant professionnel (cf. art. 132 al. 3 CPC ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_461/2012 du 1er février 2013 consid. 4.1) ;

Qu’en l’espèce, le Cour considère cependant que le Président de l’appelante, bien que titulaire du brevet d’avocat (TBA), a pu croire de bonne foi, que l’absence de ses pouvoirs était, en appel, comme en première instance, tacitement ratifiée par l’association (cf. art. 38 CO) ;

Que si la ratification a posteriori, fût-ce par comportement concluant, par le prétendu représenté, d’actes accomplis par une personne sans pouvoirs, est possible (cf. art. 38 CO ; ATF 128 III 129 consid. 2 = JdT 2003 I 10, cas du licenciement d’un employé par un organe ne disposant que de la signature collective à deux), le silence du prétendu représenté dans le cas d’un appel, prétendument formé en son nom ne vaut pas consentement (Zäch/Künzler, Berner Kommentar, 2014, N. 54 ad art. 38 CO).

Qu’en conséquence, la Cour fixera à l’appelante un délai de 10 jours à compter de la notification du présent arrêt pour fournir, en deux exemplaires, une nouvelle page 26 de son mémoire-appel, munie cette fois-ci de deux signatures de personnes, à savoir celle du Président et d’un autre membre de de son Comité.

Qu’à défaut, l’appel sera déclaré irrecevable.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes :


A la forme
:

Fixe à l’ASSOCIATION A______, appelante, un délai de 10 jours à compter de la notification du présent arrêt pour fournir, en deux exemplaires, une nouvelle page 26 de son mémoire-appel du 4 juin 2024, munie cette fois-ci de la signature de son Président et d’un autre membre de de son Comité.

Dit qu’à défaut, l’appel sera déclaré irrecevable.

Siégeant :

Monsieur Werner GLOOR, président; Madame Fabia CURTI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.