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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/8423/2022

CAPH/39/2024 du 08.04.2024 sur JTPH/213/2023 ( OS ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/8423/2022 CAPH/39/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU LUNDI 8 AVRIL 2024

 

Entre

 

Madame A______, p.a. B______, ______ [GE], appelante du jugement JTPH/213/2023 rendu le 29 juin 2023, représentée par Me Sabrina KOSHBEEN, avocate, c/o Me Olivier WASSMER, Grand-Rue 8, case postale 221, 1211 Genève 28,

 

Et

 

Madame C______, domiciliée ______ (France), intimée, représentée par le syndicat D______, sis ______ [GE], auprès duquel elle fait élection de domicile.

 

 


EN FAIT

 

A.           Par jugement JTPH/213/2023 du 29 juin 2023, le Tribunal des prud'hommes a condamné, entre autres, l’employeuse A______ à verser à la travailleuse C______ une somme brute de 8'422 fr. 95, avec suite d’intérêts, au titre de salaire dû pendant le préavis consécutif à la résiliation des rapports de travail qui a été fixé par le Tribunal à deux mois. Ce faisant, les premiers juges ont rejeté l’argumentation de l’employeuse selon laquelle les parties à la relation de travail se seraient mises d’accord pour réduire le délai de préavis à un mois, le Tribunal ayant considéré que la preuve de cet accord n’avait pas été rapportée. Le jugement condamne également A______ à verser d’autres sommes à C______, montants qui ne sont plus litigieux en procédure d’appel.

B.            Par acte du 4 septembre 2023, A______ interjette un appel partiel à l’encontre du jugement du Tribunal des prud'hommes du 29 juin 2023, concluant notamment à l’annulation du ch. 5 dudit jugement qui la condamne à verser à son ancienne employée la somme brute de 8’422 fr. 95, avec suite d’intérêts, les autres points du dispositif n’étant pas contestés. A l’appui de son appel, l’appelante indique que les parties à la relation de travail avaient convenu d’un délai de résiliation d’un mois, en lieu et place du délai de deux mois au regard de l’ancienneté de l’employée. C______ avait consenti à cette réduction qui lui est ainsi opposable. En application de ce délai, les rapports de travail se sont terminés le 30 novembre 2021 et non le 31 décembre 2021 comme retenu par le Tribunal. L’appelante conclut ainsi qu’il soit donné acte de verser à son ancienne employée la somme brute de 4'211 fr. 55, correspondant à un mois de salaire.

C.           Par mémoire de réponse du 10 octobre 2023, C______ a conclu à l’irrecevabilité de l’appel, faute d’une motivation suffisante et, au fond, à la confirmation du jugement entrepris. L’intimée indique ne pas avoir accepté la réduction du délai de résiliation qui lui a été imposé dans la lettre de résiliation dont elle n’a compris ni le sens ni la portée. De plus, les conditions du prétendu accord de résiliation ne contenaient aucune concession réciproque, de telle sorte qu’on ne pouvait retenir que la travailleuse avait renoncé à des droits impératifs, tel le délai de résiliation.

L’appelante a répliqué par acte du 13 novembre 2023 en reprenant son argumentaire d’appel et considérant que les premiers juges avaient mal apprécié les faits et une duplique de l’intimée a été produite le 22 novembre 2023.

D.           Il découle du dossier les faits pertinents suivants :

a. A______ exploite, sous l’enseigne B______, une entreprise individuelle dont le but est l’exploitation d’une onglerie, d’un salon de beauté et de soins esthétiques avec siège à Genève.

b. Par contrat de travail du 22 février 2019, C______ a été engagée par A______ en qualité de styliste ongulaire, pour une durée indéterminée, à compter du 2 septembre 2019, avec un salaire mensuel convenu brut de 4'100 fr. versé douze fois l’an, pour quarante heures de travail, l’employée bénéficiant de quatre semaines de vacances par an. Ledit contrat prévoyait que la résiliation des rapports de travail devait être notifiée par écrit et que le préavis était (notamment) de deux mois pour la fin d’un mois, à partir de la deuxième année d’activité.

c. Du 18 juin au 4 juillet 2021, C______ s’est trouvée en incapacité de travail pour cause de maladie.

d. A son retour à l’institut de beauté, le 6 juillet 2021, C______ a été licenciée et libérée de l’obligation de travailler le jour-même. Lors de l’entretien de licenciement, A______ a présenté à C______ une lettre de licenciement qui fut signée par cette dernière. La lettre de licenciement indiquait « En application des dispositions de votre contrat de travail conclu le 2 septembre 2019, nous vous confirmons que nous mettons fin à votre contrat de travail » et précisait « Conformément aux dispositions de la Convention Collective de Travail, vous cesserez de faire partie de nos effectifs à l’issue d’une période de préavis d’un mois pour la fin d’un mois, soit au 31 août 2021 ».

e. En procédure, A______ a indiqué que le délai de résiliation d’un mois, au lieu de deux mois compte tenu de l’ancienneté de sa collaboratrice, avait été décidé compte tenu des prestations insatisfaisantes de l’employée qui commettait « certaines erreurs ». L’employeuse avait ainsi décidé de réduire le délai de congé de deux mois à un mois et dit avoir expliqué cette situation lors de l’entretien de licenciement, à l’issue duquel C______ a accepté cette réduction et a signé la lettre de licenciement.

C______ a indiqué avoir été surprise de se voir licencier à son retour de maladie et avoir signé la lettre sans en comprendre le contenu qui ne lui a pas été expliqué, alors qu’elle se trouvait dans un état de choc.

f. Le 6 juillet 2021, après la signature de la lettre de licenciement, l’époux de C______ interpella par WhatsApp l’époux de A______, qui s’occupait des questions administratives de l’onglerie, pour lui indiquer que la lettre de licenciement devait préciser que l’employée était libérée de travailler pendant son préavis. Il était en outre demandé un relevé des jours de vacances restant pour les années 2020 et 2021.

Par communication WhatsApp du même jour, E______, époux de A______, indiqua qu’il enverrait les documents le lendemain. Une nouvelle lettre de licenciement fut ainsi établie, datée du 6 juillet 2021, qui précisait la libération de l’obligation de travailler pendant le préavis et indiquait que le solde de vacances, qui s’élevait à quatorze jours, était considéré comme pris durant le délai de congé. Ce nouvel exemplaire de la lettre de licenciement n'a pas été signé par C______.

g. Du 21 août au 30 octobre 2021, C______ s’est à nouveau trouvée en incapacité de travail en raison d’une maladie. Cette incapacité de travail a été attestée par des certificats médicaux. Le certificat médical du 6 septembre 2021, établi par un médecin de France voisine, fut confirmé par le médecin-conseil de [l'association faîtière] F______, qui a attesté la validité de l’arrêt de travail par courrier du 20 septembre 2021 adressé à A______.

h. Par courrier du 8 novembre 2021, le syndicat D______, agissant pour le compte de C______, a indiqué à A______ que le délai de congé d’un mois indiqué dans la lettre de licenciement était erroné et que dans la mesure où la sociétaire se trouvait dans sa deuxième année de service, le délai de congé était de deux mois pour la fin d’un mois. Compte tenu de l’incapacité de l’intéressée du 21 août au 30 octobre, qui avait pour effet de suspendre le délai de congé, ce dernier prenait donc fin le 31 décembre 2021. Par courriel du 13 décembre 2021 adressé au syndicat D______, E______ indiquait que la cause du licenciement notifié le 6 juillet 2021 résidait dans la forte baisse des activités de l’onglerie en raison de l’épidémie de covid et que l’entreprise n’avait pas les moyens de payer les deux mois de salaire réclamés par l’employée au titre de préavis, étant précisé que l’assurance perte de gain G______ avait cessé ses prestations à compter de fin octobre 2021, date de la fin de la période d’incapacité de l’employée.

i. Par courrier du 28 février 2022, la travailleuse a réitéré à A______ le paiement du salaire des mois de novembre et décembre 2021 correspondant au préavis légal de deux mois, ainsi que des salaires afférents à son solde de vacances.

j. Par mail du 16 mars 2022, E______, époux de A______, a contesté le calcul du solde de vacances et a indiqué que le paiement de deux mois de salaire était « financièrement très compliqué » compte tenu de la réduction de la clientèle depuis le départ de l’employée.

E.              Par demande simplifiée déposée le 28 juin 2022, C______ a assigné A______ en paiement de la somme totale de 28'818 fr. 90 dans laquelle était comprise une somme brute de 8'422 fr. 95 à titre de salaire pendant le délai de congé, avec suite d’intérêts.

Concernant ce poste de la réclamation, elle a indiqué que le délai de congé qui lui avait été notifié ne respectait pas le contrat-type de travail des esthéticiennes qui prévoyait, pour ce cas, un délai de congé de deux mois et que, en raison de son incapacité, son contrat de travail avait pris fin le 31 décembre 2021, date jusqu’à laquelle son salaire était dû.

F.            A l’audience de débats, C______ a indiqué avoir signé la lettre de licenciement sans en comprendre le contenu et précisé qu’elle ne savait pas lire le français, ayant cru que le délai de préavis était en relation avec la période de maladie durant laquelle elle n’avait pas travaillé. L’employeuse, de son côté, a justifié cette réduction de délai de préavis par des griefs importants énoncés à l’endroit de la travailleuse qui s’était finalement montrée d’accord avec cette réduction.

Entendu en qualité de témoin, E______, époux de l’appelante, a indiqué s’occuper des tâches administratives de l’institut et précisé avoir rédigé la lettre de licenciement à la requête de son épouse qui lui avait demandé de modifier la lettre-type pour réduire le délai de congé à un mois. Le témoin a indiqué avoir assisté à la fin de l’entretien entre son épouse et l’employée licenciée, avoir constaté que son épouse avait énoncé les griefs à l’endroit de son employée au titre de motif du licenciement et précisé que l’employée avait compris cette situation et remercié son employeuse en faisant le geste de « remerciement thaïlandais ». Par la suite, E______ avait été interpellé par l’époux de C______, au regard du motif de licenciement et des jours de vacances non prises, circonstances qui avaient amené le témoin à compléter la lettre de licenciement en y intégrant le motif (motif économique) et les vacances non prises.

Entendu en qualité de témoin, H______, époux de l’intimée, a indiqué que son épouse maîtrisait très mal le français et que cette circonstance l’amenait à l’aider dans le cadre de ses démarches. Ainsi, il avait pu constater que la lettre qui lui avait été remise le 6 juillet 2021 était peu claire quant à la motivation du licenciement et sa dispense de travailler pendant le préavis. Cette situation avait amené l’époux de A______ à établir une nouvelle lettre indiquant que C______ serait bien libérée de son obligation de travailler et payée pendant cette période.

G.           Dans le jugement entrepris, les premiers juges ont considéré que les conditions d’un accord de résiliation, réduisant à un mois le délai de congé, au lieu de deux mois aux termes de l’article 14, al. 1 CCT-Esthe (qui reprend le contenu de l’article 335c al. 1 CO), n’étaient pas réalisées, le Tribunal ne pouvant déduire du comportement de l’employée son accord de voir son délai de préavis réduit à un mois, nonobstant sa signature de la lettre de licenciement.

Les arguments développés par les parties dans leurs mémoires devant la Chambre des prud’hommes seront repris dans la mesure utile.

 

EN DROIT

1.1         L’appel est recevable pour avoir été interjeté auprès de l’autorité compétente
(art. 124 lit. a LOJ) dans les délai et forme utiles (art. 130, 131, 142 al. 1 et 311 CPC) par une partie qui y a intérêt (art. 59 al. 2 lit. a CPC) à l’encontre d’une décision finale (art. 308 al. 1 lit. a CPC), rendue par le Tribunal des prud'hommes dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions de dernière instance, était supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

 

1.2         Le juge d’appel dispose d’un pouvoir d’examen complet et revoit librement les questions de fait, comme les questions de droit (art. 310 CPC). En particulier, il contrôle librement l’appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu’il a retenus (art. 157 CPC ; ATF 138 III 374 consid. 4.3.1). Conformément à l’art. 311 al. 1 CPC, il le fait cependant uniquement sur les points du jugement que l’appelant estime entachés d’erreur et qui ont fait l’objet d’une motivation suffisante et, partant, recevable pour violation du droit (art. 310 lit. a CPC) ou pour constatation inexacte des faits
(art. 310 lit. b CPC). Hormis les cas de vices manifestes, la Cour droit en principe se limiter à statuer sur critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4).

 

1.3         Une motivation est suffisante lorsque l’instance supérieure comprend ce qui est reproché au premier juge, sans avoir à rechercher les griefs par elle-même, situation réalisée en l’espèce puisque l’appelante reproche à la juridiction inférieure d’avoir constaté les faits de manière inexacte en ne prenant pas en compte les déclarations des parties et, notamment, les témoignages recueillis à la procédure, sur la question litigieuse du délai de préavis et l’acceptation par l’employée de la réduction dudit délai. Partant, l’appel est recevable.

 

2. L’appel est limité à la question du délai de résiliation ou délai de préavis, dont l’appelante indique qu’il a été réduit à un mois, réduction qui aurait été admise et agréée par l’employée.

 

2.1 En application de l’art. 335c al. 1 CO, chaque partie peut mettre fin au contrat de travail pour la fin d’un mois, moyennant un délai de congé d’un mois pendant la première année de service et de deux mois de la deuxième à la neuvième année de service, sous réserve de modifications de ces délais par accord écrit, contrat-type de travail ou convention collective. En l’espèce, l’article 14 al. 1 de la Convention collective (CCT-Esthe) reprend le contenu de l’art. 335c al. 1 CO. Engagée à compter du 1er septembre 2019, le délai de congé au bénéfice de l’employée était, lors de la décision de licenciement, de deux mois pour la fin d’un mois.

 

Les parties peuvent toutefois convenir en tout temps de rompre la relation de travail d’un commun accord (« Aufhebungsvertrag ») pour autant qu’elles ne cherchent pas à détourner une disposition impérative de la loi. Cet accord de résiliation n’est valable que s’il est librement consenti. Bien qu’aucune exigence de forme ne soit requise (l’accord peut être conclu oralement ou par actes concluants), il conviendra de déterminer si un tel accord a été passé, conformément aux principes généraux, tout d’abord en recherchant la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), puis, si le juge ne parvient pas à établir une telle volonté, de procéder à une interprétation objective, consistant à rechercher le sens que les parties pouvaient ou devaient donner, selon les règles de la bonne foi, à leurs manifestations de volonté réciproques. Sur ce point, le Tribunal fédéral insiste sur le fait qu’un accord par actes concluants ne saurait être admis qu’avec retenue. La volonté commune des parties de se départir du contrat doit être établie sans équivoque. Selon les règles de la bonne foi, l’employeur ne peut conclure à la légère à une volonté du travailleur de mettre fin conventionnellement au rapport de travail : il ne peut le faire que si cette volonté ressort de manière claire et irréfutable du comportement de l’employé. Une réduction du délai de préavis impliquant une renonciation au salaire pour la période concernée, il convient d’apprécier si le travailleur accepte ces inconvénients sans contreprestation ou autre justification. Aussi est-il nécessaire que l’accord soit également justifié dans l’intérêt du travailleur, ce qui suppose d’effectuer une pesée des intérêts. Le simple fait que le travailleur accepte une résiliation de l’employeur ne suffit en principe pas pour admettre la conclusion d’un accord de résiliation et, à plus forte raison, le défaut de réaction de l’employé à une résiliation nulle ne peut être interprété en ce sens (Wyler/Heinzer, Droit du travail, 4e éd., p. 449-450 et les références citées, notamment TF, arrêt du 3 juillet 2017, 4A_673/2016, consid. 3.1 ; TF, arrêt du
1er décembre 2015, 4A_362/2015, consid. 3.2 ; . TF, arrêt du 31 octobre 2016, 4A_364/2016, consid. 3.1 ; TF, arrêt du 30 septembre 2010, 4A_376/2010, consid. 3 ; TF, arrêt du 6 septembre 2010, 4A_187/2010, consid. 2.5 ; TF, arrêt du
13 février 2009, 4A_494/2008, consid. 3.1 ; TF, arrêt du 6 septembre 2010, 4A_187/2010, consid. 2.5 ; TF, arrêt du 19 avril 2012, 4A_563/2011, consid. 4.1)

 

Lorsque l’accord de résiliation est préparé par l’employeur, il convient que le travailleur ait pu bénéficier d’un délai de réflexion et n’ait pas été pris de court au moment de la signature (Bruchiez/Mangold/Schwaab, Commentaire du contrat de travail, 4e éd. 2019, n°24 ss, ad art. 335 CO ; Wyler/Heinzer, loc. cit., p. 650 ; TF, arrêt du 30 septembre 2010, 4A_376/2010, consid. 3 ; TF, arrêt du 16 mars 2010, 4A_103/2010, consid. 2.2 ; TF, arrêt du 12 janvier 2009, 4A_495/2007, consid. 4.3.1.1 ; TF, arrêt du 31 octobre 2016, 4A_364/2016, consid. 3.1).

 

Matériellement, la validité de l’accord suppose encore que celui-ci contienne des concessions réciproques d’importance préalable, afin qu’il s’agisse nettement d’un cas de transaction, faute de quoi la renonciation par le travailleur à des droits découlant de dispositions impératives ne serait pas valable (Witzig, Droit du travail, 2018, p. 320 ; . Wyler/Heinzer, loc. cit., p. 650 ; ATF 118 II 58 consid. 2 ; TF, arrêt du 23 octobre 2018, 4A_13/2018, consid. 4.1.1 ; TF, arrêt du 3 juillet 2017, 4A_673/2016, consid. 4.1 ; TF, arrêt du 1er décembre 2015, 4A_562/2015, consid. 3.2).

 

Un accord de résiliation qui ne remplit pas ces exigences ne lie pas les parties et il convient dans ce cas de faire abstraction dudit accord et appliquer, en lieu et place de l’accord nul, les dispositions relevant du régime légal ordinaire, c’est-à-dire le régime de la rupture du rapport d’emploi (Witzig, loc. cit., p. 322 ; TF, arrêt du
31 octobre 2016, 4A_364/2016, consid. 3.2).

 

C’est à l’aune de ces principes qu’il convient d’apprécier la réduction du délai de préavis à un mois convenu dans le document du 6 juillet 2021, signé par la travailleuse.

 

2.2 L’argumentaire de l’appelante selon lequel la réduction du délai de préavis aurait dûment été acceptée par l’employée ne peut être retenu par la Chambre de céans. Si l’employeuse souhaitait recueillir l’accord de son employée sur la réduction de son délai de résiliation, elle aurait logiquement dû le mentionner dans la lettre de licenciement en indiquant que, compte tenu des erreurs reprochées, l’employée acceptait que son délai de congé fût réduit à un mois au lieu de deux mois. Ce faisant, l’employeuse pouvait ainsi s’assurer que son employée avait bien compris l’importance et la portée de la modification de son délai de préavis. L’instruction a démontré que l’employée n’avait pas compris le contenu de la lettre de licenciement. Au vu de son niveau de français, que la plupart des témoins ont qualifié de mauvais et de difficilement compréhensible, il paraît douteux que C______ ait compris la matérialité des reproches qui lui étaient faits et, surtout, le lien entre ces reproches et la réduction de son délai de préavis, ce d’autant plus qu’il n’est pas contesté que, avant le 6 juillet 2021, aucune critique n’a été formulée à l’endroit de l’employée. De plus, la lettre de licenciement était trompeuse, puisqu’elle laissait penser que le préavis d’un mois correspondait au système légal, en indiquant notamment que « conformément aux dispositions de la convention collective de travail, vous cesserez de faire partie de nos effectifs à l’issue d’une période de préavis d’un mois pour la fin d’un mois, soit au 31 août 2021 ». Il n’est ainsi fait aucune allusion, même de façon très vague, à une réduction du délai de préavis, laissant au contraire penser que, conformément à la législation, le délai de préavis applicable à l’intéressée serait d’un mois pour la fin d’un mois.

 

2.3 L’appelante cherche à tirer argument du fait que la travailleuse ou son époux n’avaient initialement pas contesté que le délai de préavis d’un mois fut applicable à la résiliation des rapports de service, cette contestation étant intervenue plus tard. Cette critique ne peut être accueillie.

 

Le fait que l’intimée se soit plainte plus tard (et non immédiatement) de la réduction de son délai de résiliation (notamment lors de l’échange de mails entre les époux des plaideurs respectifs) ne saurait justifier l’acceptation de C______
de se voir appliquer un délai de résiliation réduit. A aucun moment, que ce soit dans la motivation de la décision de licenciement du 6 juillet 2021 ou dans les échanges ultérieurs, il n’est fait mention d’un délai qui aurait été réduit par rapport à la situation légale, compte tenu des erreurs reprochés à l’employée. Au contraire, il semblerait que l’employée ait été entretenue dans l’erreur qui était la sienne sur la quotité d’un délai de résiliation dont on lui avait annoncé que, conformément à la convention qui s’appliquait à son cas, il était d’un mois pour la fin d’un mois. De plus, lors de l’échange avec le syndicat D______ concernant les réclamations de C______, E______ n’a pas contesté ces réclamations au motif que l’employée avait accepté la réduction de son délai de préavis, mais a invoqué des considérations économiques et financières qui rendaient, à ses yeux, impossible le paiement des deux mois de salaire exigés par l’employée.

 

En définitive, à l’instar des premiers juges, la Chambre des prud’hommes ne voit pas dans cette situation un accord de résiliation, soit l’approbation de l’employée de voir son délai de résiliation réduit. Au surplus, conformément à la jurisprudence citée par la Chambre, si l’employeur entend soumettre à son employé un accord de résiliation (soit un accord qui déroge au système légal), il convient que le travailleur puisse bénéficier d’un délai de réflexion et ne soit pas pris de court au moment de la signature de l’accord, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce.

2.4 Au rang de la motivation qui aurait, dans le cadre d’une résiliation conventionnelle, emporté la réduction du délai de résiliation, l’employeuse invoque des reproches effectués à l’endroit de l’employée, situation qui aurait conduit l’employée à accepter la réduction de son délai de préavis.

Cet argument ne saurait emporter conviction. On ne voit pas l’intérêt de C______ de voir réduire son délai de résiliation de deux mois à un mois, ce d’autant plus qu’elle n’était pas immédiatement disponible pour une nouvelle activité. On ne voit donc pas dans le dossier l’avantage que pouvait présenter en faveur de l’employée la réduction de son délai de congé en dehors de la libération de l’obligation de travailler qui était tout autant désirable, tant pour l’employée que pour l’employeur qui souhaitait que la première nommée prenne ses vacances durant cette période. Il n’y a dès lors aucun intérêt pour l’employée de voir son délai de résiliation réduit et la concession réciproque exigée par la jurisprudence pour la validité d’une résiliation conventionnelle fait ainsi défaut. Force est d’ailleurs de constater que, dans le cadre de son appel, l’appelante ne discute pas la matérialité de cette condition, se contentant d’affirmer et d’alléguer que la réduction du délai de préavis aurait été librement consentie et acceptée par la travailleuse et, dès lors, lui serait opposable.

Ainsi, la Chambre des prud’hommes retient que le supposé accord intervenu le
6 juillet 2021 ne contient pas des concessions réciproques d’importance égale et qu’il ne s’agit dès lors pas d’un cas de transaction. Partant, la renonciation par le travailleur à des droits découlant d’une disposition impérative de la loi n’est pas valable.

Pour ces motifs, le jugement du Tribunal des prud'hommes sera confirmé et l’appel de A______ sera rejeté.

3. Lorsque la valeur litigieuse est inférieure à 50'000 fr. devant la Cour de justice, la procédure est gratuite (art. 116 CPC; art 19 al. 3 let. c LaCC et art. 71 a contrario RTFMC). Aucun frais judiciaire ne sera donc prélevé.

Selon l'art. 22 al. 2 LaCC, il n'est pas alloué de dépens ni d'indemnité pour la représentation en justice dans les causes soumises à la juridiction des prud'hommes. Aucun dépens ne sera donc alloué.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes :

A la forme :

Déclare recevable l’appel formé le 4 septembre 2023 par A______ contre le jugement JTPH/213/2023 rendu par le Tribunal des prud'hommes le 29 juin 2023, dans la cause C/8423/2022.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires, ni alloué de dépens.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Guy STANISLAS, président; Madame Monique FORNI, Monsieur Aurélien WITZIG, juges assesseurs; Madame Fabia CURTI, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.