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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/16064/2024

ACJC/768/2025 du 10.06.2025 sur JTBL/90/2025 ( SBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16064/2024 ACJC/768/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU MARDI 10 JUIN 2025

 

Entre

Madame A______ et Monsieur B______, domiciliés ______, appelants et recourants d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 9 janvier 2025 (JTBL/90/2025), représentés par Me Nicola MEIER, avocat, Hayat & Meier, place du Bourg-de-Four 24, case postale 3504, 1211 Genève 3,

 

et

C______ ANLAGESTIFTUNG, sise ______, intimée, représentée par
Me Sarah MEINEN, avocate, BM Avocats, quai Gustave-Ador 26, case postale 6253, 1211 Genève 6.

 


EN FAIT

A. a. C______ ANLAGESTIFTUNG (ci-après : la bailleresse), d'une part, et les époux A______ et B______ (ci-après : les époux A______/B______ ou les locataires), d'autre part, sont liés depuis le 1er septembre 2016 par un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 4 pièces situé au 7ème étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______, [code postal] Genève. La gérance de l'immeuble est assurée par D______ (ci-après : la régie).

Le bail a été conclu pour une durée déterminée, arrivant à échéance le 31 octobre 2024. A teneur du contrat, le paiement du loyer devait intervenir le premier jour du mois en cours ("Le loyer est dû le 1er jour du mois d'échéance") et toute modification apportée au contrat devait revêtir la forme écrite.

Conformément à la clause d'indexation figurant dans le contrat, le loyer a été régulièrement indexé à l'indice suisse des prix à la consommation. Il a été fixé en dernier lieu à 3'485 fr. par mois et la provision pour charges à 320 fr. par mois.

Des avis de majoration des 19 novembre 2021, 15 novembre 2022 et 15 novembre 2023 ont été notifiés aux époux A______/B______ à l'adresse de l'appartement loué.

b. Par avis comminatoires du 13 février 2024, expédiés sous plis séparés aux époux A______/B______ à l'adresse de l'appartement loué, la bailleresse a mis les locataires en demeure de lui régler sous 30 jours le montant de 3'705 fr., à titre d'arriéré de loyer et de charges pour le mois de février 2024, et les a informés de son intention, à défaut du paiement intégral de la somme réclamée dans le délai imparti, de résilier le bail conformément à l'art. 257d CO.

Les courriers recommandés contenant les avis comminatoires n'ont pas été retirés par les locataires, malgré les avis de retrait distribués le 14 février 2024.

c. Aucun versement n'a été effectué dans le délai comminatoire qui est arrivé à échéance le 22 mars 2024.

d. Par avis officiels du 2 avril 2024, expédiés sous plis séparés aux époux A______/B______ à l'adresse de l'appartement loué, la bailleresse a résilié le bail pour le 31 mai 2024 en application de l'art. 257d CO.

Les plis recommandés contenant les avis de résiliation n'ont pas été retirés par les locataires, malgré les avis de retrait distribués le 3 avril 2024.

e. Par requête en protection des cas clairs formée le 9 juillet 2024 devant le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal), la bailleresse a requis l'évacuation des locataires de l'appartement loué, avec mesures d'exécution directe. Elle a en outre conclu à la condamnation des locataires au paiement de l'arriéré de loyer et à la libération de la garantie de loyer en sa faveur.

A l'appui de sa requête, elle a produit notamment un décompte de paiement du loyer pour la période allant de septembre 2016 à début juillet 2024.

f. Lors de l'audience du Tribunal du 9 janvier 2025, la bailleresse, représentée par la régie, a formulé des allégués nouveaux et actualisé ses conclusions en paiement. Elle a allégué qu'en sus de la résiliation extraordinaire intervenue pour défaut de paiement avec effet au 31 mai 2024, le contrat de bail était arrivé à son terme le 31 octobre 2024, étant précisé que les locataires n'avaient pas déposé de requête en prolongation de bail devant l'autorité compétente. Le bail ayant expiré à son échéance ordinaire, la régie avait fixé un nouvel état des lieux de sortie le 1er novembre 2024 auquel les locataires ne s'étaient pas présentés. Au jour de l'audience, l'arriéré de loyer s'élevait à 6'710 fr.

Par la voix de leur conseil, les époux A______/B______ ont conclu à l'irrecevabilité de la requête, au motif que le cas n'était pas clair. Ils ont allégué que leur domicile principal se trouvait à G______, dans le canton de Vaud, et qu'ils avaient donné procuration à E______ pour relever leur courrier à Genève. La régie était au courant de cette procuration, de sorte que les avis comminatoires et les avis de résiliation auraient dû être adressés au précité. Par ailleurs, la régie avait toujours toléré que le paiement du loyer intervienne le 15 ou la fin du mois en cours, de sorte que le loyer du mois de février 2024 n'était pas exigible à la date d'envoi des avis comminatoires. Pour ces motifs, la résiliation du bail avec effet au 31 mai 2024 n'était pas valable. Ils ont encore précisé que les allégués nouveaux de la bailleresse n'étaient pas contestés.

Les locataires ont produit les pièces suivantes : une demande de procuration postale du 23 novembre 2019, par laquelle B______ autorisait E______ à relever son courrier à la rue 1______ no. ______ (pièce 1), une réclamation à la Poste du 12 novembre 2024 concernant un incident survenu le 14 février 2024 quant à la distribution d'un courrier adressé à B______ à la rue 1______ no. ______ (pièce 2), un échange de courriels entre E______ et la régie le 5 janvier et le 14 février 2020, dont il ressort que le précité avait transmis le dossier des locataires à la régie et confirmé à celle-ci que le contrat de bail établi au nom époux A______/B______ pouvait être envoyé à l'adresse de l'appartement loué ("Vous pouvez l'envoyer sans autre au no. ______ rue 1______, et le courrier sera relevé") (pièce 3), des avis de "débit à C______ ANLAGESTIFTUNG" opérés entre juillet et octobre 2023 sur un compte dont les coordonnées (banque, numéro de compte, titulaire, etc.) ne sont pas spécifiées (pièce 4).

La bailleresse a déclaré persister dans ses conclusions, après quoi le Tribunal a gardé la cause à juger.

B. Par jugement JTBL/90/2025 du 9 janvier 2025, reçu par les époux A______/B______ le 5 février 2025, le Tribunal a condamné les précités à évacuer immédiatement de leur personne, de leurs biens ainsi que de toute autre personne faisant ménage commun avec eux l'appartement de 4 pièces situé au 7ème étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève, ainsi que ses dépendances (ch. 1 du dispositif), autorisé C______ ANLAGESTIFTUNG à requérir l'évacuation par la force publique des époux A______/B______ dès l'entrée en force du jugement (ch. 2), condamné les précités à verser à C______ ANLAGESTIFTUNG la somme de 6'710 fr. avec intérêts à 5 % dès le 1er janvier 2025 (ch. 3), autorisé la libération de la garantie de loyer constituée auprès de F______ SA [société de cautionnement] (n° 2______) en faveur de C______ ANLAGESTIFTUNG, à hauteur de 6'710 fr. avec intérêts à 5 % dès le 1er janvier 2025 (ch. 4), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5) et dit que la procédure était gratuite (ch. 6).

Le Tribunal a retenu que les conditions d'une résiliation selon l'art. 257d al. 1 CO étaient manifestement réunies et que les locataires n'avaient nullement rendu vraisemblable que l'une ou l'autre d'entre elles feraient défaut.

Contrairement à ce que soutenaient les locataires, le loyer du mois de février 2024 était effectivement échu lors de l'envoi des avis comminatoires le 13 février 2024, puisque, à teneur du contrat signé par les parties, le loyer était dû au 1er jour du mois d'échéance. S'il était possiblement arrivé aux locataires de s'acquitter du loyer en cours de mois, sans protestation de la bailleresse, cela ne suffisait pas à entraîner une adaptation des clauses contractuelles, puisque les parties avaient expressément réservé la forme écrite pour toute modification des rapports de bail. Au demeurant, les locataires n'avaient pas versé le loyer de février 2024 le 15 février 2024, pas plus qu'ils n'avaient versé celui de mars 2024 le 15 mars ou celui d'avril 2024 le 15 avril, puisqu'ils n'avaient rien versé entre le 11 janvier et le 1er mai 2024. Les locataires n'avaient pas non plus rendu vraisemblable qu'il aurait été convenu que E______ devait recevoir pour eux les avis comminatoires ou les résiliations de bail pour que ces actes juridiques soient valables. Le fait que le précité avait échangé des courriels avec la régie en janvier-février 2020 était irrelevant et l'éventuelle procuration postale établie en sa faveur n'était pas opposable à la bailleresse. D'ailleurs, les avis de majoration de loyer des 19 novembre 2021, 15 novembre 2022 et 15 novembre 2023 avaient été notifiés directement aux locataires à l'adresse de l'objet loué, sans que cela ne suscite quelque remarque de leur part.

La bailleresse était donc fondée à donner le congé, ce qu'elle avait fait en respectant les conditions de l'art. 257d al. 2 CO. En continuant à occuper l'appartement, les locataires violaient l'art. 267 al. 1 CO qui prévoyait l'obligation de restituer la chose à la fin du bail. Il convenait de faire droit à la requête tendant à leur évacuation, de même qu'aux mesures d'exécution requises par la bailleresse, étant relevé que les locataires, qui disposaient d'un autre logement à G______ [VD], n'avaient sollicité aucun sursis humanitaire. Enfin, il ressortait des pièces produites que la bailleresse était fondée à obtenir le paiement de l'arriéré de loyer réclamé ainsi que la libération de la garantie de loyer en sa faveur.

C. a. Par acte expédié le 17 février 2025 à la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice (ci-après : la Cour), les époux A______/B______ ont formé appel, respectivement recours contre ce jugement, dont ils ont sollicité l'annulation, sous suite de frais et dépens. Cela fait, ils ont conclu à l'irrecevabilité de la requête en protection des cas clairs formée par la bailleresse le 9 juillet 2024.

Ils ont allégué des faits nouveaux et produit une pièce nouvelle (i.e. une liste d'avis de débits opérés entre octobre 2023 et avril 2024).

b. Par arrêt du 26 février 2025, la Cour a constaté que la requête des locataires tendant à suspendre le caractère exécutoire du jugement attaqué était dépourvue d'objet, l'appel ayant un effet suspensif automatique de par la loi.

c. Dans sa réponse du 28 février 2025, la bailleresse a conclu au rejet de l'appel et du recours, ainsi qu'à la confirmation du jugement attaqué. Elle a par ailleurs conclu à l'irrecevabilité des faits nouveaux et de la pièce nouvelle invoqués par les locataires devant la Cour.

d. La cause a été gardée à juger le 7 avril 2025, ce dont les parties ont été avisées le jour même.

EN DROIT

1. 1.1 La présente procédure d'appel, respectivement de recours, est régie par le CPC dans sa version révisée, entrée en vigueur le 1er janvier 2025, dès lors que le jugement attaqué a été communiqué aux parties après cette date (art. 405 al. 1 CPC).

1.2 La Chambre des baux et loyers de la Cour de justice connaît des appels et des recours dirigés contre les jugements du Tribunal des baux et loyers (art. 122 let. a LOJ).

1.2.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche la résiliation des rapports de bail est également contestée, il y a lieu de prendre en compte la durée prévisible pendant laquelle l'usage des locaux se prolongerait si le congé était éventuellement invalidé, soit la période de protection de trois ans de l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF
144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3, JdT 2019 II 235 pp. 236 et 239).

En l'espèce, les locataires contestent leur expulsion ainsi que la résiliation du bail. Vu la quotité du loyer dont ils s'acquittent, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte sur ce point.

1.2.2 Seul le recours est recevable contre les décisions du juge de l'exécution (art. 309 let. a et 319 let. a CPC).

1.2.3 L'appel et le recours, écrits et motivés (art. 311 al. 1 et 321 al. 1 CPC), doivent être formés dans un délai de dix jours si la décision a été rendue en procédure sommaire (art. 314 al. 1 et 321 al. 2 CPC), laquelle est applicable aux cas clairs (art. 248 let. b et 257CPC).

Pour satisfaire à l'obligation de motivation prévue par l'art. 311 al. 1 CPC, l'appelant doit démontrer le caractère erroné de la motivation de la décision attaquée et son argumentation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision qu'il attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique. Lorsque la motivation de l'appel est identique aux moyens qui avaient déjà été présentés en première instance ou si elle ne contient que des critiques toutes générales de la décision attaquée, elle ne satisfait pas aux exigences de l'art. 311 al. 1 CPC et l'instance d'appel ne peut pas entrer en matière (arrêts du Tribunal fédéral 4A_621/2021 du 30 août 2022 consid. 3.1 et les arrêts cités). Les exigences de motivation sont les mêmes dans le cadre d'un recours (art. 321 al. 1 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 5D_190/2014 du 12 mai 2015 consid. 2 et les références citées).

En l'espèce, l'appel a été interjeté dans le délai utile (cf. art. 142 al. 1 et 3 CPC), auprès de l'autorité compétente et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 al. 1 CPC). Il est donc recevable.

Le recours est en revanche irrecevable, dès lors qu'il ne comporte aucune critique motivée au sujet des mesures d'exécution directe ordonnées par le Tribunal, étant relevé que les locataires – qui admettent disposer d'un autre logement à G______ [VD] – n'ont pas sollicité l'octroi d'un sursis humanitaire.

1.3 Dans le cadre d'un appel, la Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). Elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par les juges de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si ceux-ci pouvaient admettre les faits qu'ils ont retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

1.4 La maxime des débats est applicable à la procédure de protection des cas clairs (art. 55 al. 1 et 255 a contrario CPC). Il en résulte que les faits non contestés par la partie défenderesse sont considérés comme prouvés (ATF 144 III 462 consid. 4).

2. Les appelants ont allégué des faits nouveaux et produit une pièce nouvelle devant la Cour.

2.1 Les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont recevables en appel qu'aux conditions de l'art. 317 al. 1 CPC. Les nova improprement dits (ou faux ou pseudo-nova) ne sont recevables qu'à deux conditions : (1) la partie qui s'en prévaut ne pouvait les invoquer avant, malgré sa diligence et (2) elle les présente sans retard. Ainsi, ne sont pas recevables les contestations et objections que le locataire soulève pour la première fois en instance d'appel. Le locataire doit invoquer ces moyens de défense en temps utile, conformément au principe de la simultanéité des moyens d'attaque et de défense (maxime éventuelle ou maxime de concentration), qui vaut aussi en procédure sommaire de protection dans les cas clairs, soumise à la maxime des débats (arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid. 4.2.2 et les références citées; 4A_470/2022 du 4 janvier 2023 consid. 4.1).

2.2 En l'espèce, les nova dont se prévalent les appelants sont irrecevables, dès lors qu'ils se rapportent à des faits survenus avant que la cause ait été gardée à juger par le Tribunal, sans que les appelants expliquent en quoi ils auraient été empêchés de s'en prévaloir en première instance.

3. Les appelants font grief au Tribunal de les avoir condamnés à évacuer l'appartement loué, au motif que le bail avait été valablement résilié pour non-paiement du loyer.

3.1.1 Aux termes de l'art. 257 al. 1 et 3 CPC, relatif à la procédure de protection dans les cas clairs, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire lorsque les conditions suivantes sont remplies : (a) l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé et (b) la situation juridique est claire (al. 1); le tribunal n'entre pas en matière sur la requête lorsque cette procédure ne peut pas être appliquée (al. 3).

Selon la jurisprudence, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur; il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. La preuve n'est pas facilitée : le demandeur doit ainsi apporter la preuve certaine des faits justifiant sa prétention; la simple vraisemblance ne suffit pas. Si le défendeur fait valoir des objections et exceptions motivées et concluantes, qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure du cas clair est irrecevable (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1 et les arrêts cités).

La situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 138 III 123 consid. 2.1.2, 620 consid. 5.1.1, 728 consid. 3.3).

Dans le domaine des baux et loyers, la procédure sommaire pour les cas clairs s'applique avant tout à certaines demandes d'expulsion, telles que la demande d'expulsion déposée contre un locataire qui a reçu un congé ordinaire et ne l'a pas contesté, ni n'a demandé la prolongation de bail dans le délai de l'art. 273 al. 1 et al. 2 let. a CO (LACHAT, Procédure civile en matière de baux et loyers, 2019, p. 246).

3.1.2 Selon l'art. 257d CO, lorsque le locataire a reçu la chose louée et qu'il tarde à s'acquitter d'un terme ou de frais accessoires échus, le bailleur peut lui fixer par écrit un délai de paiement et lui signifier qu'à défaut de paiement dans ce délai, il résiliera le bail; ce délai doit être d'au moins trente jours pour les baux d'habitations ou de locaux commerciaux (al. 1). A défaut de paiement dans le délai fixé, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat; les baux d'habitations ou de locaux commerciaux peuvent être résiliés avec un délai de congé minimum de trente jours pour la fin d'un mois (al. 2).

L'action en expulsion pour défaut de paiement du loyer au sens de l'art. 257d CO, selon la procédure de protection dans les cas clairs (art. 257 CPC), présuppose que le bail ait valablement pris fin, puisque l'extinction du bail est une condition du droit à la restitution des locaux (art. 267 al. 1 CO). Le tribunal doit donc trancher à titre préjudiciel la question de la validité de la résiliation, laquelle ne doit être ni inefficace, ni nulle, ni annulable. Les conditions de l'art. 257 al. 1 CPC s'appliquent également à cette question préjudicielle (ATF 144 III 462 consid. 3.3.1; 142 III 515 consid. 2.2.4; 141 III 262 consid. 3.2 in fine).

3.1.3 Lorsque les parties sont convenues expressément ou tacitement d'une durée déterminée, le bail prend fin sans congé à l'expiration de la durée convenue (art. 266 al. 1 CO).

Le délai pour requérir une prolongation de bail est de 30 jours dès la réception du congé s'il s'agit d'un bail de durée indéterminée; il est de 60 jours avant l'expiration d'un bail de durée déterminée (art. 273 al. 2 CO).

3.2 En l'espèce, le Tribunal a retenu à bon droit que les conditions du cas clair étaient réunies et que l'évacuation des locataires devait être prononcée.

C'est en vain que ceux-ci mettent en doute la validité des avis comminatoires et des avis de résiliation au motif que ces actes n'avaient pas été remis à E______. Les appelants n'ont ni allégué ni rendu vraisemblable que le précité aurait été le seul interlocuteur valable de l'intimée (respectivement de la régie) pour recevoir la correspondance officielle relative au bail. Il ressort au contraire des pièces produites que les avis de majoration du loyer ont toujours été notifiés directement aux locataires à l'adresse de l'appartement loué, sans que cela soulève quelque objection de leur part. Le fait que E______ ait possiblement bénéficié d'une procuration l'autorisant à retirer les plis recommandés expédiés au locataire à la rue 1______ no. ______ n'y change rien, l'organisation interne de l'appelant n'étant pas opposable à l'intimée. Au surplus, dans ses courriels des 5 janvier et 14 février 2020 (pièce 3), E______ s'est borné à informer la régie que celle-ci pouvait envoyer le contrat établi au nom des locataires à l'adresse de la chose louée ("Vous pouvez l'envoyer sans autre au no. ______ rue 1______, et le courrier sera relevé"), sans évoquer une éventuelle procuration l'autorisant à réceptionner tous les courriers destinés aux locataires, ni la nécessité pour la régie d'envoyer ces courriers à une autre adresse ou à un autre nom que celui des locataires. La pièce 2 produite par ceux-ci est quant à elle dénuée de force probante, étant relevé qu'à teneur du suivi des envois de la Poste, les plis recommandés contenant les avis comminatoires, avisés pour retrait le 14 février 2024, n'ont pas été retirés à l'issue du délai de garde, tandis que les locataires ont admis devant le Tribunal que le délai comminatoire avait expiré le 22 mars 2024.

C'est également en vain que les appelants soutiennent que le loyer du mois de février 2024 n'était pas échu lors de l'envoi des avis comminatoires. Il est en effet constant que, conformément au contrat signé par les parties, le loyer devait être payé le premier jour du mois en cours, d'une part, et que cette clause n'a jamais fait l'objet d'une modification écrite - les parties ayant expressément réservé la forme écrite pour toute modification de leurs rapports de bail -, d'autre part.

Finalement, comme le relève avec raison l'intimée, les appelants ont expressément admis devant le Tribunal que le bail, conclu pour une durée déterminée, était arrivé à son terme le 31 octobre 2024, aucune prolongation de bail n'ayant été requise dans le délai prévu à l'art. 273 al. 2 CO.

Il suit de là que les appelants ne disposent plus d'aucun titre les autorisant à conserver la jouissance de la chose louée et, partant, que la décision du Tribunal de prononcer leur évacuation n'est pas critiquable.

Au surplus, les chiffres 3 et 4 du dispositif du jugement attaqué n'ont pas été critiqués devant la Cour.

L'appel étant mal fondé et le recours irrecevable, le jugement attaqué sera entièrement confirmé.

4. Il n'est pas prélevé de frais judiciaires ni alloué de dépens dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (l'art. 22 al. 1 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 17 février 2025 par A______ et B______ contre le jugement JTBL/90/2025 rendu le 9 janvier 2025 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/16064/2024.

Déclare irrecevable le recours interjeté le 17 février 2025 par A______ et B______ contre ce même jugement.

Au fond :

Confirme le jugement attaqué.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ, Monsieur Damien TOURNAIRE, juges assesseurs; Madame Victoria PALAZZETTI, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 1.2