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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/4356/2023

ACJC/1664/2024 du 10.12.2024 sur JTBL/595/2024 ( OBL ) , JUGE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/4356/2023 ACJC/1664/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU MARDI 10 DECEMBRE 2024

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], recourant contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 4 juin 2024, représenté par Me Pierre RUTTIMANN, avocat, rue de Chantepoulet 1, case postale, 1211 Genève 1,

et

B______, domicilié ______ [GE], intimé.


EN FAIT

A.           Par jugement JTBL/595/2024 du 4 juin 2024, communiqué aux parties par pli du 6 juin 2024, le Tribunal des baux et loyers a déclaré recevables les conclusions prises par B______ à l’encontre de A______ dans sa requête introduite le 30 mai 2023 et amplifiées à l’audience du 6 février 2024 (ch. 1 du dispositif), a condamné A______ à payer 7'200 fr. à B______ (ch. 2), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

B.           a. Par acte expédié le 8 juillet 2024 au greffe de la Cour de justice, A______ (ci-après également: le recourant ou le bailleur) forme recours contre ce jugement, dont il sollicite l’annulation. Cela fait, il conclut à ce qu’il soit dit qu’il doit payer à B______ la somme de 1'434 fr. 70 à titre de remboursement des acomptes de charges pour la période du 1er mai 2021 au 30 avril 2022 et la somme de 2'684 fr. 20 pour la période du 1er mai 2022 au 30 avril 2023. Il a précisé renoncer au poste « garantie / électroménager ».

Il produit des nouvelles pièces, à savoir les pièces justificatives des décomptes de charges.

b. B______ n’a pas répondu au recours.

c. Les parties ont été avisées le 17 septembre 2024 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Il résulte du dossier les faits pertinents suivants:

a. Le 23 novembre 2015, B______, d’une part, et A______ (bailleur et propriétaire), d’autre part, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur un appartement de deux pièces et demie d’une surface de 35 m2 situé dans l’immeuble sis chemin 1______ no. ______ à C______ [GE].

b. Le contrat a été conclu pour une durée d’une année dès le 15 décembre 2015, renouvelable d’année en année sauf résiliation respectant un préavis de 3 mois avant l’échéance du bail.

c. Le loyer mensuel a été fixé par le contrat à 1'300 fr.

Le contrat prévoit des « Provisions chauffage/eau chaude » de 300 fr. par mois et une indication manuscrite « Electricité » figure sous la mention « Provisions chauffage/eau chaude ».

d. Par requête du 13 février 2023, déclarée non conciliée à l’audience de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers du 8 mai 2023, puis portée devant le Tribunal le 30 mai 2023, B______ a formé contre A______ une action en paiement d’un montant de 3'600 fr., correspondant au remboursement du montant des provisions de charges pour la période du 1er mai 2021 au 30 avril 2022, au motif qu’il n’avait pas reçu de décompte pour cette période.

e. Par courrier du 16 octobre 2023 adressé au Tribunal, A______ a répondu en joignant le décompte de charges pour la période du 1er mai 2021 au 30 avril 2022 et du 1er mai 2022 au 30 avril 2023 adressé le même jour au locataire. Il a observé que l’absence de contestation de ce décompte dans un délai de 20 jours mettrait fin au litige, de sorte qu’il sollicitait une prolongation de 30 jours pour répondre à la demande.

Ces décomptes font état pour le premier exercice d’un total de 17'728 fr. 95 dont 35/299, soit 2'075 fr. 90 à charge de B______, révélant un solde de 1'524 fr. 70 en faveur du précité vu l’acompte versé en 3'600 fr., et pour le second exercice d’un total de 7'055 fr. 20 dont 35/299, soit 825 fr. 85 à charge de B______ révélant un solde de 2'744 fr. 15 en faveur du précité vu l’acompte versé en 3'600 fr.

Les deux décomptes comportent un poste « garantie électroménager » par 90 fr. et 89 fr. 95 respectivement. Ils se terminent par la phrase suivante : « les décomptes détaillés, ainsi que les pièces justificatives peuvent être consultés […] sur rendez-vous dans un délai de 20 jours dès réception ».

f. Par déterminations du 29 octobre 2023 adressées au Tribunal, B______ a « refusé » les décomptes produits. Il a relevé que « globalement les calculs et les clés de répartition [étaient] justes », tout en faisant valoir des « imprécisions et erreurs dans les postes et certains frais », sans autre détail, sinon la rubrique « garantie électroménager », laquelle ne devait, selon lui, pas figurer dans les charges, les décomptes ne devant tenir compte que des frais de chauffage.

g. Par réponse du 15 novembre 2023, A______ a conclu, à titre préalable, à l’irrecevabilité de la demande, motif pris de ce qu’elle ne répondait pas aux exigences légales de forme, faute d’allégués et, à titre principal, à ce que le Tribunal confirme les décomptes de charges. Il a fait valoir que ceux-ci étaient conformes aux exigences légales, que le locataire n’identifiait pas les postes erronés et que ce dernier n’avait pas fait usage de son droit de consulter les pièces.

h. A l’audience du Tribunal du 6 février 2024, B______ a amplifié ses prétentions, concluant au remboursement de 7'200 fr., correspondant aux charges de 300 fr. par mois pour la période du 1er mai 2021 au 30 avril 2023. Il a déclaré avoir reçu les décomptes déposés par A______ le 16 octobre 2024, et se limiter à contester le poste « garantie/électroménager » pour chaque exercice, les autres postes étant admis. Il a soutenu que le bailleur n’ayant pas produit les pièces justificatives, « on » ne pouvait prouver que les montants étaient corrects. Il a contesté avoir eu l’obligation de consulter les justificatifs.

A______ a déclaré n’avoir aucune offre de preuve à formuler et ne pas s’opposer à la production des pièces justificatives; B______ a déclaré qu’il ne les réclamait pas, ajoutant que celles-ci devaient être fournies dans les délais prescrits par le Tribunal.

i. Les parties ont persisté dans leurs conclusions sur premières plaidoiries et le Tribunal a gardé la cause à juger à l’issue de l’audience, avec l’accord des parties.

EN DROIT

1. 1.1 L’appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Le recours est recevable contre les décisions finales, incidentes et provisionnelles de première instance qui ne peuvent faire l’objet d’un appel (art. 319 let. a CPC).

La valeur litigieuse est déterminée par les dernières conclusions de première instance (art. 91 al. 1 CPC ; JEANDIN, Commentaire Romand, Code de procédure civile 2ème éd., 2019, n. 13 ad art. 308 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_594/2012 du 28 février 2013).

1.2 En l'espèce, l’intimé a conclu en dernier lieu devant le Tribunal au paiement d’un montant de 7'200 fr.

La valeur litigieuse est dès lors inférieure à 10'000 fr., de sorte que seule la voie du recours est ainsi ouverte.

1.3 Selon l’art. 321 al. 1 et 3 CPC, le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l’instance de recours dans les 30 jours à compter de la notification de la décision, laquelle doit être jointe au dossier d’appel.

Le recours interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 321 al. 1 CPC) est recevable.

1.4 Les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).

Les pièces nouvelles produites par le recourant à l’appui de son recours sont irrecevables.

1.5 Selon l’art. 320 CPC, le recours est recevable pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits.

2. Le recourant fait grief aux premiers juges d’avoir alloué à l’intimé le plein de ses conclusions. Il soutient qu’il lui avait pourtant fourni le décompte précis des charges et qu’il lui avait donné la possibilité de consulter les pièces justificatives, sans que ce dernier n’en fasse usage, et rappelle que l’intimé n’a pas requis la production desdites pièces justificatives, ni contesté d’autre poste que « garantie électroménager ».

2.1 Les frais accessoires sont dus pour les prestations fournies par le bailleur ou un tiers en rapport avec l’usage de la chose. Ils ne sont à la charge du locataire que si cela a été convenu spécialement (art. 257a al. 1 et 2 CO).

Pour les habitations et les locaux commerciaux, on entend par frais accessoires les dépenses effectives du bailleur pour des prestations en rapport avec l’usage de la chose, telles que frais de chauffage, d’eau chaude et autres frais d’exploitation, ainsi que les contributions publiques qui résultent de l’utilisation de la chose (art. 257b al. 1 CO). Le bailleur doit, à la demande du locataire, lui permettre de consulter les pièces justificatives (art. 257b al. 2 CO).

Entrent en ligne de compte comme frais de chauffage et de préparation d’eau chaude les dépenses effectives directement en rapport avec l’utilisation de l’installation de chauffage ou de l’installation générale de préparation d’eau chaude. Il s’agit notamment des dépenses pour le combustible et l’énergie consommés (a) l’énergie électrique utilisée pour les brûleurs et les pompes (b) les frais d’exploitation d’énergies de substitution (c) le nettoyage de l’installation de chauffage et de la cheminée, le grattage, le brûlage et l’huilage de la chaudière, ainsi que l’enlèvement des déchets et des scories (d) la révision périodique de l’installation de chauffage, réservoirs à mazout y compris, et le détartrage de l’installation d’eau chaude, des chauffe-eau et des conduites (e) le relevé, le décompte et l’entretien des appareils lorsque les frais de chauffage sont calculés de manière individuelle (f) la maintenance (g) les primes d’assurance qui se rapportent exclusivement à l’installation de chauffage (h) le travail administratif qu’occasionne l’exploitation de l’installation de chauffage (i) (art. 5 al. 2 OBLF).

L’art. 4 al. 1 OBLF prévoit que si le bailleur perçoit les frais accessoires sur la base d’un décompte, il doit établir celui-ci au moins une fois par an et le présenter au locataire.

Le décompte doit préciser les frais mis à charge (chauffage, conciergerie, etc.), indiquer le coût total des dépenses de l'immeuble, la clé de répartition, la part à charge du locataire, les acomptes versés et enfin le solde dû (BOHNET/MONTINI, Droit du bail à loyer, 2017, n° 92 ad art. 257a/257b CO).

La répartition des frais entre locataires intervient au moment du décompte. Elle dépend des installations de l'immeuble (p. ex.: chauffage centralisé avec ou sans fourniture d'eau chaude sanitaire), de la clé de répartition entre unités de l'immeuble et du bail conclu par les parties. Lorsque l'immeuble est équipé d'une installation de chauffage avec production d'eau chaude, une part estimée entre 70 et 80% est généralement attribuée aux frais de chauffage, l'eau chaude sanitaire représentant les 20 à 30% restants (BOHNET/MONTINI, op. cit., n° 101 ad art. 257a/257b CO).

Le droit de consulter les pièces originales, de même que celui d'obtenir des renseignements sur l'état des stocks de combustibles au début et à la fin de la période de chauffage sont garantis au locataire par l'art. 8 al. 2 OBLF qui complète l'art. 257b al. 2 CO. Il s'agit d'un droit relativement impératif que le locataire peut exercer tant et aussi longtemps que sa prétention en restitution n'est pas prescrite. Est contraire au droit une clause qui limite le délai de consultation des pièces justificatives à trente jours, en l'assortissant d'une déchéance du droit du locataire de contester le décompte (BOHNET/MONTINI, op. cit., n° 111 ad art. 257a/257b CO).

A défaut de convention, les justificatifs doivent être consultés au domicile du bailleur ou de sa gérance, aux heures habituelles d'ouverture des bureaux.

2.2 Les premiers juges ont retenu que le bailleur n’avait produit aucune pièce justificative permettant de confirmer les montants mis à la charge du locataire dans les décomptes de celui-ci. Partant et selon eux, faute de pouvoir fixer le montant des frais dus par le locataire, aucune somme n’était due au bailleur à titre de frais accessoires pour les deux périodes considérées.

En l’espèce, le recourant n’ayant pas communiqué de décompte de charges pour la période du 1er mai 2021 au 30 avril 2022, l’intimé était fondé à déposer une demande en paiement correspondant au montant des provisions de charges relatives à cette période.

Dès lors que le recourant a communiqué le 16 octobre 2023 à l’intimé, avec copie au Tribunal, les décomptes de charges pour les deux périodes considérées, L'intimé a pris connaissance du montant reconnu en remboursement en sa faveur, et avait la faculté de consulter les pièces. Il a décidé à tort de ne pas aller consulter celles-ci; il a expressément déclaré qu'il n'en réclamait pas la production devant le Tribunal. La Cour relèvera qu’il n’existe pas de sanction de principe du bailleur lorsque celui-ci ne fournit pas les décomptes avant la procédure.

A l’audience du Tribunal du 6 février 2024, l’intimé a expressément déclaré ne pas contester les postes des décomptes, à l’exception des postes « garantie électroménager ». Dans son recours, le recourant a renoncé à ces derniers postes (21 fr. 05) et a reconnu devoir rembourser à l’intimé 4'298 fr. 85.

Partant, le recours est fondé. Le jugement attaqué sera annulé. Il sera statué à nouveau dans le sens qu'il sera donné acte au recourant de son engagement à restituer à l’intimé 4'298 fr. 85 (1'524 fr. 70 + 2'774 fr. 15); le recourant sera condamné à payer à l’intimé 21 fr. 05 (35/299 x 179 fr. 95) correspondant au poste « garantie électroménager » pour les deux périodes considérées.

3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers.

 

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 8 juillet 2024 par A______ contre le jugement JTBL/595/2024 rendu le 4 juin 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/4356/2023-22-OSD.

Au fond :

Annule le chiffre 2 du dispositif de ce jugement.

Statuant à nouveau :

Donne acte à A______ de ce qu’il s’est engagé à rembourser à B______ 4'298 fr. 85.

L’y condamne en tant que de besoin.

Condamne A______ au paiement de 21 fr. 05 à B______.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Zoé SEILER et Monsieur Nicolas DAUDIN, juges assesseurs; Madame Victoria PALAZZETTI, greffière.

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 15'000 fr. cf. consid. 1.2