Skip to main content

Décisions | Chambre des baux et loyers

1 resultats
C/27386/2023

ACJC/1282/2024 du 10.10.2024 sur JTBL/279/2024 ( SBL ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/27386/2023 ACJC/1282/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU JEUDI 10 OCTOBRE 2024

 

Entre

1) A______ SA, sise ______,

2) Monsieur B______, domicilié ______, et

3) Monsieur C______, domicilié ______, appelants d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 14 mars 2024, représentés Me Michel BUSSARD, avocat, avenue de Champel 29, case postale 344, 1211 Genève 12,

 

et

 

COOPERATIVE D’HABITATION D______, intimée, p. a. et représentée par la régie E______.

 

 

 

 

 

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/279/2024 du 14 mars 2024, reçu par A______ SA, B______ et C______ le 17 avril 2024, le Tribunal des baux et loyers a condamné les précités à évacuer immédiatement de leurs personnes et de leurs biens ainsi que toute autre personne faisant ménage commun avec eux le local commercial d’environ 206 m2 situé au rez-de-chaussée de l’immeuble sis rue 1______ no. ______, [code postal] Genève, ainsi que la cave n° 1 au 3ème sous-sol dudit immeuble (ch. 1 du dispositif), a autorisé COOPERATIVE D’HABITATION D______ à requérir l'évacuation par la force publique des précités dès l’entrée en force du jugement (ch. 2), a condamné conjointement et solidairement A______ SA, B______ et C______ à verser à COOPERATIVE D’HABITATION D______ la somme de 4'801 fr. 15 (ch. 3), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 5).

En substance, les premiers juges ont retenu que la situation juridique était claire, que le congé était valable, de sorte que les locataires occupaient les locaux sans droit et devaient les évacuer. Le Tribunal a ordonné l’exécution de l’évacuation et le paiement des arriérés de loyer dus.

Figure au pied du jugement l’indication selon laquelle la voie de droit à l’encontre de la décision est un recours au sens de l’art. 319 CPC.

B. a. Par acte déposé le 29 avril 2024 au greffe de la Cour, A______ SA, B______ et C______ forment « recours » contre ce jugement, dont ils sollicitent l'annulation. Ils concluent également à la restitution de l’effet suspensif. Ils allèguent des faits nouveaux et produisent des pièces nouvelles.

b. Par déterminations du 3 mai 2024, COOPERATIVE D’HABITATION D______ a conclu au rejet de la requête d’effet suspensif et à l’irrecevabilité du recours.

c. Par arrêt du 7 mai 2024, la Cour a constaté la suspension de la force jugée et du caractère exécutoire du jugement attaqué.

d. Par réponse du 8 mai 2024, COOPERATIVE D’HABITATION D______ a conclu à la confirmation du jugement entrepris.

e. Les parties ont été avisées le 3 juin 2024 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. A______ SA, B______ et C______, d’une part, et COOPERATIVE D’HABITATION D______, d’autre part, ont conclu le 26 septembre 2013 un contrat de bail à loyer portant sur la location d’un local commercial d’environ 206 m2 situé au rez-de-chaussée de l’immeuble sis rue 1______ no.______, [code postal] Genève, ainsi que sur la cave n° 1 au 3ème sous-sol dudit immeuble mis à disposition à bien plaire.

b. Le montant du loyer et des charges a été fixé en dernier lieu à 5'893 fr. par mois.

c. Par avis comminatoires du 14 août 2023, COOPERATIVE D’HABITATION D______ a mis en demeure les locataires de lui régler dans les 30 jours le montant de 10'926 fr. à titre d’arriérés de loyer et de charges pour les mois de juillet et août 2023 et les a informés de son intention, à défaut du paiement intégral de la somme réclamée dans le délai imparti, de résilier le bail conformément à l’art. 257d CO.

d. Considérant que la somme précitée n’avait pas été intégralement réglée dans le délai imparti, COOPERATIVE D’HABITATION D______ a, par avis officiels du 26 septembre 2023, résilié le bail pour le 30 novembre 2023.

e. Par requête déposée le 19 décembre 2023, COOPERATIVE D’HABITATION D______ a introduit action en évacuation devant le Tribunal et a en outre sollicité l’exécution directe de l’évacuation des locataires et le paiement de la somme de 6'348 fr. 65.

f. Lors de l’audience du 14 mars 2024 devant le Tribunal, COOPERATIVE D’HABITATION D______ a persisté dans ses conclusions et affirmé que le retard de loyer s’élevait à 4'801 fr. 15, décompte à l’appui.

A______ SA et C______ n’étaient ni présents, ni représentés. B______ a affirmé avoir payé l’arriéré, à savoir soldé une poursuite, sans produire de pièce. La cause a été gardée à juger à l’issue de l’audience.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche la résiliation des rapports de bail est également contestée, la valeur litigieuse est égale au loyer pour la période minimale pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle une nouvelle résiliation peut être signifiée; comme il faut prendre en considération la période de protection de trois ans prévue à l'art. 271a al. 1 let. e CO, la valeur litigieuse correspondra en principe au montant du loyer brut (charges et frais accessoires compris) pendant trois ans (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3 = JdT 2019 II 235; arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid.1; Lachat, Procédure civile en matière de baux et loyers, Lausanne 2019, pp. 69-70).

En l'espèce, les locataires contestent la résiliation du bail, de sorte que la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. au vu du montant annuel du loyer qui s’élève à 70’716 fr. La voie de l'appel est dès lors ouverte contre la décision d'évacuation.

1.2 Les appelants, assistés d'un avocat, ont formé recours contre le jugement, qui indiquait que telle était la voie de droit. L'intimée soutient qu'il n'y aurait pas lieu de convertir l'acte en appel et que le recours doit être déclaré irrecevable.

1.2.1 La conversion des actes de recours erronés se résout, selon l'origine de l'erreur du choix de la voie de droit, à l'aune du principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst.) ou de celui de l'interdiction du formalisme excessif (art. 29 al. 1 Cst.) qui poursuit dans tous les cas les mêmes buts que le premier en tant qu'il sanctionne un comportement abusif (arrêt du Tribunal fédéral 5A_385/2019 du 8 mai 2020 consid. 4.1.3). En application de ces principes, l'autorité de recours traite le recours irrecevable comme un recours d'un autre type s'il en remplit les conditions. Lorsque l'erreur est le résultat d'un choix délibéré d'une partie représentée par un avocat, alors que la décision mentionne la voie de droit ouverte, on retient qu'il n'y a pas de formalisme excessif à refuser la conversion de l'acte (arrêt du Tribunal fédéral 5A_221/2018 du 4 juin 2018 consid. 3.3.2).

Toutefois, seule une négligence procédurale grave de la partie concernée ou de son avocat peut compenser une indication incorrecte des voies de droit (ATF 135 III 374 consid. 1.2.2.1 avec renvois). La question de savoir si l'on peut reprocher à la partie au procès un manque de diligence pouvant être considéré comme grave s'apprécie en fonction des circonstances concrètes et de ses connaissances juridiques, un critère plus strict devant naturellement être appliqué aux avocats. On attend en tout cas d'eux qu'ils effectuent un "contrôle sommaire" de l'indication des voies de recours en consultant les dispositions de procédure applicables. En revanche, il n'est pas exigé qu'ils consultent non seulement les textes de loi, mais aussi la jurisprudence ou la littérature pertinente (ATF 138 I 49 consid. 8.3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 5A_221/2018 du 4 juin 2018 consid. 3.3.1 ; 4D_77/2012 du 20 novembre 2012 consid. 5).

A l'inverse, la tendance est de considérer contraire à l'interdiction du formalisme excessif le refus de la conversion alors que le choix du moyen de droit recevable présente des difficultés et n'est pas facilement reconnaissable (ATF 113 Ia 84 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_112/2010 du 4 juin 2010 consid. 3.3). En d'autres termes, on admet la conversion si les conditions de recevabilité de la voie de droit correcte sont réunies, si l'acte peut être converti dans son entier, si la conversion ne porte pas atteinte aux droits de la partie adverse et si l'erreur ne résulte pas d'un choix délibéré de la partie représentée par un avocat de ne pas suivre la voie de droit mentionnée au pied de la décision de première instance ou d'une erreur grossière (arrêt du Tribunal fédéral 5A_46/2020 du 17 novembre 2020 consid. 4.1).

1.2.2 En l'espèce, au regard des principes susmentionnés, le recours a été interjeté en lieu et place d'un appel, par un avocat. Certes, il apparaît que la valeur litigieuse dépassait 10'000 fr. et que les appelants remettent en question la validité du congé et non pas le prononcé de l’évacuation. Toutefois, le jugement entrepris mentionnait les voies de droit de manière erronée. Il se justifie en conséquence de convertir l'acte en appel dès lors qu'il en remplit les conditions de forme.

1.3 Selon l'art. 311 CPC, l'appel est introduit auprès de l'instance d'appel dans les trente jours à compter de la notification de la décision, laquelle doit être jointe au dossier d'appel.

L'appel a été interjeté dans le délai prescrit par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable sous cet angle.

2. Les appelants ont produit deux pièces nouvelles. Ils se prévalent également de faits qu’ils n’ont pas allégués en procédure de première instance.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuves nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Les deux conditions sont cumulatives (Jeandin, Code de procédure civile commenté, Bâle, 2011, n. 6 ad art. 317 CPC).

2.2 En l’espèce, les appelants ont produit un reçu de l’Office des poursuites daté du 11 mars 2024 relatif au paiement d’une poursuite. Ce document, émis antérieurement à l’audience du 14 mars 2024, date à laquelle la cause a été gardée à juger, aurait pu être versé à la procédure, en première instance, par les appelants qui étaient convoqués à l’audience susmentionnée. Il s’ensuit que ces derniers n’ont pas fait preuve de la diligence requise, de sorte que ni la pièce nouvelle, ni les faits qui s’y rattachent, ne sont recevables.

En revanche, l'extrait du Registre du commerce constitue un fait notoire, de sorte que cette pièce et les allégués auxquels elle se rapporte sont recevables.

Enfin, les faits allégués pour la première fois par les appelants, qui se rapportent à une période antérieure au moment où le Tribunal a gardé la cause à juger pouvaient et devaient être allégués antérieurement. Ils ne sont dès lors pas recevables en appel.

Par conséquent, en tant que l'appel repose sur des faits nouveaux, irrecevables, l'appel est irrecevable.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


Déclare irrecevable l'appel interjeté le 29 avril 2024 par A______ SA, B______ et C______ contre le jugement
JTBL/748/2023 rendu le 14 mars 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/27386/2023.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Nicolas DAUDIN, Madame Zoé SEILER, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.