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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/4042/2011

ACJC/1129/2011 (3) du 19.09.2011 sur JTBL/395/2011 ( SBL ) , RENVOYE

Descripteurs : ; BAIL À LOYER ; EXPULSION DE LOCATAIRE ; EXÉCUTION(SENS GÉNÉRAL)
Normes : LaCC.26
Résumé : Art. 26 LaCC : le Tribunal peut, après audition des parties et des représentants du département chargé du logement et des services sociaux, sursoir à exécuter le jugement d'évacuation de locataire pour des raisons humanitaires. L'art. 26 LaCC correspond à l'art. 474A aLPC. Celui-ci a été considéré par le Tribunal fédéral comme conforme au droit fédéral et à la garantie de la propriété, pour autant que le droit du bailleur à la restitution de la chose louée (art. 267 al. CO) ne soit pas entravé, notamment par l'octroi à l'ancien locataire de délais de départ équivalant à la prolongation de bail allant au-delà de ce que prévoient les art. 272 ss CO. L'ajournement ne saurait être que relativement bref et ne doit pas équivaloir en fait à une nouvelle prolongation de bail; il doit être limité dans le temps. Un renvoi sine die n'est pas admissible.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/4042/2011 ACJC/1129/2011

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 19 SEPTEMBRE 2011

 

Entre

A_______, sise _______ à Genève, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 4 avril 2011, comparant par Me Pascal Marti, avocat, 8, place des Philosophes, 1205 Genève, en l’étude duquel elle fait élection de domicile,

d’une part,

 

Et

B_______, domiciliée _______ à Genève, intimée, comparant en personne,

d’autre part,

 


EN FAIT

A. Par contrat du 24 mars 2006, A_______ a remis à bail à B_______ un appartement de cinq pièces situé au 2ème étage de l'immeuble sis _______ à Genève, ainsi qu'une cave. Le bail, conclu pour une année à compter du 1er juin 2006, s'est renouvelé ensuite d'année en année.

Le montant du loyer et des charges a été fixé en dernier lieu à 1'443 fr. par mois.

B. Par avis comminatoire du 30 septembre 2010, la bailleresse a mis en demeure la locataire de lui régler dans les trente jours le montant de 5'952 fr. à titre d'arriéré de loyer et de charges pour la période du 1er juin au 30 septembre 2010, sous menace de résiliation du bail à défaut du paiement intégral du montant réclamé, dans le délai imparti.

Considérant que celui-ci n'avait pas été réglé dans le délai accordé, la bailleresse a, par avis officiel du 16 novembre 2010, résilié le bail pour le 31 décembre 2010.

C. Par requête du 9 février 2011 adressée au Tribunal des baux et loyers, A_______ a conclu à l'évacuation de B_______ et de tout tiers de l'appartement et de la cave objets du bail du 24 mars 2006, et à l'autorisation de mandater un huissier judiciaire aux fins de faire exécuter le jugement d'évacuation.

Par courrier du 1er avril 2011, B_______ a indiqué qu'elle était sans emploi depuis août 2010, avec deux enfants à charge, qu'elle avait sollicité diverses aides aux fins de régler ses arriérés de loyer et qu'elle avait versé 7'000 fr. à A_______ le 10 mars précédent. Elle a ajouté qu'elle ne pourrait pas comparaître à l'audience du Tribunal appointée le 4 avril 2011 et qu'elle sollicitait une reconvocation de la cause.

D. Lors de l'audience du Tribunal du 4 avril 2011, tenue en présence de représentants de l'Office du logement et de l'Hospice général, B_______ n'a pas comparu. A_______ a confirmé avoir reçu un paiement de 7'000 fr. le 14 mars 2011 et précisé que le montant dû était de 7'380 fr.

Il ne ressort pas du procès-verbal d'audience que le Tribunal aurait entendu les représentants du département du logement et des services sociaux.

E. Par jugement du 4 avril 2011, expédié pour notification aux parties le 26 avril 2011, le Tribunal des baux et loyers a condamné B_______ à évacuer immédiatement de sa personne, de ses biens et de tout tiers l'appartement de cinq pièces situé au 2ème étage de l'immeuble sis _______ à Genève (ch. 1), a sursis à l'exécution du jugement d'évacuation pour permettre le relogement de la précitée et de sa famille (ch. 2), et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3). Il a indiqué que sa décision pouvait faire l'objet d'un appel, au sens des art. 308 ss CPC, dans les dix jours dès sa notification.

En substance, les premiers juges, qui ne se sont pas prononcés sur la demande de reconvocation formulée par B_______, ont considéré que les conditions de
l'art. 257d CO étaient réalisées; que l'évacuation de l'ancienne locataire et de tout tiers devait donc être prononcée; qu'eu égard à l'ensemble des circonstances ressortant de la procédure, il apparaissait disproportionné d'ordonner l'exécution immédiate du jugement d'évacuation compte tenu de la situation personnelle et familiale de celle-ci et des efforts entrepris pour régler la dette, de sorte qu'il y avait lieu de surseoir à statuer à l'exécution de la décision d'évacuation pour permettre son relogement.

F. Par acte du 9 mai 2011, A_______ a formé recours contre la décision précitée. Elle a conclu à l'annulation des points 2 et 3 de ce jugement et, cela fait, à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement d'évacuation pour permettre le relogement de B_______ et de sa famille pour une période non prolongeable de trois mois à compter du 27 avril 2011, correspondant au jour de la notification aux parties du jugement, ou au renvoi de la cause au Tribunal des baux et loyers pour déterminer et arrêter le moment à compter duquel interviendrait l'exécution du jugement d'évacuation prononcé à l'encontre de B_______ et de tout tiers.

L'intimée n'a pas déposé de réponse.

EN DROIT

1. Selon l'art 309 let. a CPC, l'appel est irrecevable contre les décisions du tribunal de l'exécution.

Le recours est recevable contre les décisions finales, incidentes et provisionnelles de première instance qui ne peuvent faire l'objet d'un appel (art. 319 let. a CPC).

En l'occurrence, est seule remise en cause le point du dispositif du jugement entrepris qui tranche la requête d'exécution directe, au sens des art. 236 al. 3 et 337 CPC.

Ainsi, malgré l'indication erronée figurant dans le jugement attaqué, le présent recours, formé dans la forme et selon le délai prévus par la loi (art. 142 al. 1 et 3, 145 al. 2 let. b, 321 al. 1 et 2 CPC) est recevable.

2. Le recours est recevable pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

L'instance de recours peut statuer sur pièces (art. 327 al. 2 CPC).

Si elle admet le recours, elle annule la décision et renvoie la cause à l'instance précédente ou rend une nouvelle décision si la cause est en état d'être jugée (art. 327 al. 3 let. a et b CPC).

3. La recourante fait grief aux premiers juges de ne pas avoir fixé de date limite au sursis à l'exécution du jugement d'évacuation, tenant en outre pour établis les allégués de l'intimée.

3.1. L'art. 26 LaCC prévoit que lorsqu'il est appelé à statuer sur l'exécution d'un jugement d'évacuation d'un logement, le Tribunal des baux et loyers siège en présence de représentants du département chargé du logement et des représentants des services sociaux (al. 3); après leur audition et l'audition des parties, il peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécution du jugement d'évacuation dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire ou du fermier (al. 4).

Cette dernière disposition correspond à l'art. 474A aLPC. Celui-ci a été considéré par le Tribunal fédéral comme conforme au droit fédéral et à la garantie de la propriété, pour autant que le droit du bailleur à la restitution de la chose louée (art. 267 al. CO) ne soit pas entravé, notamment par l'octroi à l'ancien locataire de délais de départ équivalant à la prolongation de bail allant au-delà de ce que prévoient les art. 272 ss CO. L'ajournement ne saurait être que relativement bref et ne doit pas équivaloir en fait à une nouvelle prolongation de bail; il doit être limité dans le temps. Un renvoi sine die n'est pas admissible (ATF 117 Ia 336 consid. 2; SJ 1992 237 s.).

3.2. En l'espèce, le Tribunal des baux et loyers s'est fondé sur des allégués, non prouvés, de l'intimée ressortant de son courrier du 1er avril 2011, qu'il n'a pas entendue, alors pourtant que celle-ci avait sollicité une convocation à une autre audience. Il a retenu que le fait que l'intimée serait en recherche d'emploi et aurait à sa charge ses deux enfants commanderait, pour des raisons humanitaires, de surseoir sine die à la requête d'exécution de la recourante.

Ce faisant, il a méconnu les principes jurisprudentiels précités développés en relation avec l'art. 474A aLPC, qui demeurent applicables à l'art. 26 al. 4 LaCC. Ceux-ci supposent que, si des raisons humanitaires établies - ce qui, en l'état de l'instruction du dossier, n'est pas le cas en l'espèce - commandent de surseoir à l'exécution immédiate de l'évacuation, un délai soit fixé. En n'en déterminant aucun, le Tribunal n'a, en réalité, pas statué sur le chef de conclusions en exécution qui lui était soumis par la recourante, ce qui relève du déni de justice.

Le recours devra donc être admis; les points 2 et 3 de la décision entreprise seront annulés.

La cause sera renvoyée au Tribunal des baux et loyers pour nouvelle décision après avoir entendu l'intimée et auditionné les représentants des services sociaux et du département chargé du logement, comme le prescrit l'art. 26 LaCC. La cause n'est en effet pas en état d'être jugée par la Cour de justice.

4. La procédure est gratuite (art. 17 al. 1 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A_______ contre le jugement JTBL/395/2011 rendu le 4 avril 2011 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/4042/2011-6-E.

Au fond :

Admet ce recours.

Annule les points 2 et 3 du jugement précité.

Renvoie la cause au Tribunal des baux et loyers pour instruction au sens des considérants et nouvelle décision.

Déboute les parties de toute autre conclusion.

Siégeant :

Monsieur Jean RUFFIEUX, président; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Blaise PAGAN, juges; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

Le président :

Jean RUFFIEUX

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

Indication des voies de recours :

Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF : RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure à 15'000 fr.