Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/912/2025 du 06.11.2025 ( ARBIT ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
Par ces motifs
| rÉpublique et | canton de genÈve | |
| POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
| A/2282/2021 ATAS/912/2025 ARRÊT DU TRIBUNAL ARBITRAL DES ASSURANCES | ||
| du 6 novembre 2025 | ||
En la cause
| KPT KRANKENKASSE AG CSS KRANKEN-VERSICHERUNG AG AQUILANA VERSICHERUNGEN AG MOOVE SYMPANY AG SUPRA-1846 SA CONCORDIA SCHWEIZ, KRANKEN- UND UNFALLVERSICHERUNG AG ATUPRI GESUNDHEITSVERSICHERUNG AVENIR ASSURANCE MALADIE SA EASY SANA ASSURANCE MALADIE SA SWICA KRANKENVERSICHERUNG AG MUTUEL ASSURANCE MALADIE SA SANITAS GRUNDVERSICHERUNGEN AG PHILOS ASSURANCE MALADIE SA ASSURA-BASIS SA VISANA AG HELSANA VERSICHERUNGEN AG SANA24 AG VIVACARE AG SANAGATE AG Toutes représentées par SANTÉSUISSE, elle-même représentée par Me Julien CHAPPUIS, avocat
| demanderesses |
contre
| A______ représenté par Me Marc BALAVOINE, avocat
| défendeur |
A. a. A______ (ci-après : le médecin ou le défendeur), médecin praticien, est au bénéfice d'une formation postgrade de médecine interne générale, ainsi que titulaire des certificats de capacité de médecin-conseil (ci-après : SSMC) et de pratique du laboratoire au cabinet médical (ci-après : CMPR). Il exploite depuis le 1er décembre 2004 un cabinet médical dans le canton de Genève.
b. Depuis 2012, SANTÉSUISSE, organe faîtier de plusieurs assurances-maladie, a interpellé régulièrement le médecin en raison de ses indices statistiques élevés qui dépassaient la moyenne des coûts par patient de son groupe de comparaison, en l'invitant à expliquer les particularités de sa pratique.
c. Suite à une entrevue entre SANTÉSUISSE et le médecin en date du 31 janvier 2014 concernant sa pratique médicale, cette fédération lui a fait savoir, par courrier du 13 février 2014, que les renseignements fournis ne l'avaient pas convaincue et ne reflétaient pas des particularités susceptibles de justifier le dépassement de l'indice du coût total par malade constaté. Elle lui a rappelé le principe de l'économicité. Par ailleurs, l'entretien avait permis de mettre en évidence que les coûts directs, en particulier la durée des consultations, avaient la plus forte influence sur ses indices, que la position Tarmed 00.0140 (consultation en l'absence du patient) représentait 13.5% de sa facturation contre 7.3% pour le groupe de comparaison et que son activité de garde pour les urgences était de nature à baisser fortement ses indices.
d. Par courrier du 3 juin 2021, le médecin a expliqué à SANTÉSUISSE que 25 à 30% de ses consultations concernaient le Syndrome d'Ehlers-Danlos (ci-après : SED) et les troubles musculo-squelettiques (ci-après : TMS). Suite aux modifications du Tarmed qui avaient limité l'utilisation de la position de consultation à 20 min, il avait facturé ses prestations sous la position tarifaire 00.0520, conformément à différents conseils pour la facturation du temps passé avec les patients. Il avait facturé la position 00.1520 pour les traitements de thérapie manuelle jusqu'en 2019. Les thérapies manuelles associées au niveau des épaules étaient associées à un enseignement des exercices de réhabilitation ou des exercices simples pour le renforcement musculaire. Ce temps d'enseignement était facturé par la position 00.0050 ou éventuellement 0.0610. Il en allait de même pour les patients diabétiques ou les personnes avec traitements multiples. Outre des formations pour la thérapie manuelle, il avait suivi des formations pour la thérapie neurale et la thérapie avec aiguille sèche. Les actes relatifs à ces thérapies étaient facturés sous les codes d'anesthésie 00.0180, 00.190, 00.1210 et 00.1230. Il avait par ailleurs entamé une formation auprès de la Société Suisse de Thérapie Neurale (ci-après : SANTH) en 2020, formation qui se terminera en 2022. Pour la prise en charge des patients avec un SED, il avait commencé une formation auprès du professeur B______ à Paris et poursuivait des formations avec l'International Society Ehlers-Danlos. Il était aussi membre du Groupe de Recherche Étude sur le SED (ci-après : GERSED). Des spécialistes rhumatologues ou orthopédistes le mandataient pour confirmer ou infirmer la suspicion d'un SED. Il avait enfin complété sa formation à la SWISS PAIN SOCIETY (SPS) dont il était devenu un médecin référent.
e. Selon la méthode d'analyse de régression, le médecin présentait pour l'année 2019 un indice des coûts totaux (coûts directs et indirects) de 191 points (moyenne = 100) et un indice des coûts directs de 171.
B. a. Le 2 juillet 2021, les assurances-maladie figurant dans le rubrum, ainsi que PROGRÈS ASSURANCE SA qui a fusionné en janvier 2023 avec HELSANA VERSICHERUNGEN, INTRAS ASSURANCE-MALADIE SA et ARCOSANA AG qui ont fusionné avec CSS ASSURANCE-MALADIE SA, représentées par SANTÉSUISSE, ont saisi le Tribunal arbitral des assurances (ci‑après : le Tribunal arbitral ou le tribunal de céans) d'une requête de conciliation pour une demande en restitution de CHF 117'518.-, subsidiairement de CHF 81'293.-, à titre de fourniture de prestations non économiques pour l'année statistique 2019, sous suite de dépens. Ce faisant, Elles se sont fondées sur le dépassement des indices du groupe de comparaison, marge de tolérance en sus, de la méthode d'analyse de régression et subsidiairement sur la méthode ANOVA.
b. Lors de l'audience du 24 septembre 2021, le tribunal de céans a constaté l'échec de la tentative obligatoire de conciliation.
c. Par écritures du 31 août 2022, le défendeur a conclu au rejet de la demande, sous suite de frais et dépens. Il s'est opposé à l'utilisation des statistiques, considérant que sa pratique ne pouvait être comparée à celle des autres médecins de son groupe de comparaison. Préalablement, il a requis la mise en œuvre d'une expertise analytique, ainsi que la production des statistiques-factureurs RSS et d'autres documents. Il disposait de compétences professionnelles reconnues en médecine de la douleur, ce qui était attesté par l'obtention du titre « Spécialiste douleur SPS » et par ses multiples formations continues dans le traitement de la douleur (formations relatives au SED, formations continues dans le domaine de la médecine de l'épaule et en thérapie neurale). Il avait ainsi été comparé à tort au groupe des médecins praticiens sans tenir compte de sa spécialisation en médecine de la douleur. 20 à 30% de sa patientèle souffraient d'un SED ou de TMS et requéraient un soutien médical important, d'autant plus que le SED était souvent associé à d'autres maladies. Il fallait également déterminer le nombre de patients dont la prise en charge physiothérapeutique avait duré plus de 36 séances, ce qui avait dû être avalisé par le médecin-conseil selon la loi. Les demanderesses avaient par ailleurs violé le principe de la bonne foi, en renonçant à se prévaloir d'un dépassement des indices statistiques pendant presque huit ans et en modifiant leur pratique sur la base des données de 2019, sans aucune justification de leur nouvelle appréciation. Au vu du comportement des demanderesses, il avait cru, de bonne foi, que sa pratique était conforme au principe de l'économicité. En effet, il n'avait pas changé sa pratique par rapport aux années précédentes.
d. Sur proposition des parties, le tribunal de céans a nommé le 6 septembre 2022 Monsieur C______ comme arbitre pour les demanderesses et Monsieur Jacques-Alain WITZIG pour le défendeur.
e. Dans leur réplique du 11 novembre 2022, les demanderesses ont persisté dans leurs conclusions et se sont opposées à la mise en œuvre d'une expertise analytique, ainsi qu'aux réquisitions de preuve. L'attention du défendeur ayant été attirée dès 2012 sur ses indices trop élevés par rapport au groupe de comparaison, le principe de bonne foi n'avait pas été violé. Les demanderesses ont notamment relevé que les prestations, en l'absence du patient, représentaient proportionnellement le double de la facturation observée au sein de son groupe de comparaison et que la durée de ses consultations était excessive. Par ailleurs, les coûts totaux du défendeur, ainsi que son indice de régression avaient augmenté significativement ces dernières années, ce qui contredisait son affirmation selon laquelle sa pratique n'aurait pas changé. Les certifications et compétences supplémentaires du défendeur ne justifiaient pas qu'il facture davantage que ses confrères. Il avait en outre ajouté systématiquement la position Tarmed 00.0520 « Consultation psychothérapeutique ou psychosociale par le spécialiste de premier recours » à toutes les consultations de base, si bien que sa facturation de cette position était dix fois supérieure à celle de son groupe de comparaison. À cet égard, il avait reconnu facturer des actes qui ne correspondaient pas exactement à la position Tarmed 00.0520, ce qui violait la loi. Au demeurant, la marge de tolérance de 30% permettait de tenir compte des particularités et différences entre les cabinets médicaux. Les groupes de comparaison devant être déterminés en fonction du titre FMH et non des sous-spécialités, il a aussi été comparé au bon groupe de contrôle, à savoir celui des médecins praticiens. Quoi qu'il en soit, les coûts engendrés par les patients souffrant d'un SED constituaient moins de 2% des coûts du défendeur et ne sauraient dès lors justifier l'importance des surcoûts de sa pratique.
f. Dans sa duplique du 23 décembre 2022, le défendeur a persisté dans ses conclusions. Sur la base de ses statistiques internes pour 2019 portant sur la totalité de sa patientèle, il a déterminé le coût moyen annuel direct par patient SED à CHF 1'469.10 et à CHF 1'608.13 pour les patients TMS, étant précisé que le coût moyen direct par patient ressortant de la statistique de régression était de CHF 690.-. Il y avait par ailleurs une grande différence entre le chiffre d'affaires 2019 résultant de ses statistiques internes et celui figurant dans la méthode d'analyse de régression. Sur un total de 399 patients, selon ses statistiques internes, 55 souffraient d'un SED et 17 d'un TMS. De surcroît, son taux d'hospitalisation, un des critères de morbidité de la méthode de régression, était nettement plus faible que la moyenne suisse. Ces chiffres rendaient vraisemblable que sa pratique comportait des spécificités que la méthode statistique n'arrivait pas à appréhender. S'agissant de la position tarifaire 00.0520, il était notoire que les patients souffrant de douleurs chroniques présentaient plus de problèmes psychiques et requéraient plus de soins dans ce domaine. Cette position comprenait également les affections psychosomatiques. La patientèle affectée de douleurs chroniques nécessitait un travail psychosomatique important (accompagnement du patient dans la compréhension de la maladie, recherche de nouveaux modes de vie dans le respect des limitations fonctionnelles, adhésion au diagnostic etc.). La durée des consultations n'était par ailleurs pas excessive au vu de sa spécialité. Le défendeur a contesté que seulement 2% de sa patientèle étaient affectés d'un SED ou d'un TMS. Les demanderesses n'ont pas non plus indiqué si les prescriptions de physiothérapie de longue durée avaient été avalisées par leurs médecins-conseil.
C. a. Par ordonnance du 1er mars 2023, le tribunal de céans a ordonné une expertise de la pratique médicale du défendeur et l'a confiée au docteur D______, spécialiste en médecine générale.
b. Dans son rapport du 20 juin 2023, l'expert judiciaire a constaté que le défendeur traitait plus de 50% des patients diagnostiqués d'un SED dans le canton de Genève. Il prodiguait très régulièrement la thérapie neurale et un peu de médecine manuelle à ces patients, en plus des soins de base et de l'accompagnement psychologique. La moyenne du coût par patient pour le groupe SED était de CHF 1'488.50. Dans le groupe des TMS, il y avait presque pour tous une prise en charge par thérapie neurale et médecine manuelle. Le coût moyen par patient du groupe TMS était de CHF 1'642.-. Les coûts totaux du défendeur pour les hommes étaient alignés sur le groupe de contrôle, ce qui était un indice qu'il avait probablement un coût identique à ce groupe pour la médecine générale. Les coûts totaux étaient nettement plus chers chez les femmes. Or, la majorité des patients souffrant d'un SED ou de TMS étaient des femmes. Il avait reçu un droit acquis pour les positions Tarmed 00.0520 et 00.0510, mais pas pour d'autres positions. Il n'y avait pas d'irrégularités de facturation. La thérapie neurale étant à la charge de l'AOS, ce traitement, qui était beaucoup pratiqué par le défendeur, devait être considéré comme adéquat et économique. Un médecin pouvait facturer jusqu'à six heures par patient la thérapie neurale, ce qui représentait pour le défendeur CHF 1'235.52 par patient traité par cette thérapie. Les 72 patients affectés d'un SED ou d'un TMS pesaient de façon disproportionnée dans les statistiques du défendeur et il ne pouvait dès lors être comparé aux autres médecins praticiens de son groupe. L'examen de la pratique montrait une activité adéquate, des examens justifiés et des consultations en nombre et durée normales.
c. Dans sa détermination sur expertise du 2 octobre 2023, le défendeur a persisté dans ses conclusions. Il a relevé que l'expertise confirmait l'existence, l'importance et le coût de sa patientèle souffrant d'un SED ou de TMS, de sorte qu'il ne pouvait être comparé aux médecins de son groupe. Sa pratique médicale était adéquate et économique, compte tenu des particularités de pratique liées à la médecine de la douleur, et la facturation de ses prestations conforme au Tarmed.
d. Dans leur détermination sur expertise du 2 octobre 2023, les demanderesses ont requis la production par le défendeur des attestations de valeurs intrinsèques liées à la thérapie neurale et à la thérapie manuelle, ainsi que celles liées à la médecine générale. Elles ont allégué que le rapport d'expertise manquait de clarté et de précision. Il n'y avait pas d'attestations de valeurs intrinsèques pour les thérapies neurale et manuelle (positions Tarmed 00.1740, 00.1750 et 00.1760 pour la thérapie neurale et positions 00.1510 et 00.1520 pour la thérapie manuelle). L'expert ne précisait pas les positions Tarmed permettant d'identifier les prestations de thérapie neurale et de thérapie manuelle dans la facturation du défendeur. Celui-ci semblait se limiter uniquement aux positions 00.1190, 00.1210 et 00.1230 (prestations de base spéciales, anesthésie par injection) et ne pas utiliser les positions spécifiques du Tarmed pour ces thérapies. Le défendeur facturait ainsi apparemment par analogie, ce qui était contraire à la loi. Le défendeur facturait par ailleurs excessivement la position 00.0520. Il s'avérait ainsi qu'il facturait les prestations de thérapies neurale et manuelle au temps et non à l'acte. Il ne ressortait pas non plus de sa facturation s'il avait facturé la thérapie neurale selon HUNEKE, laquelle n'était pas remboursée par l'AOS. La marge de tolérance appliquée dans le cadre de la méthode statistique tenait en outre déjà compte des particularités de la pratique d'un médecin.
e. Le 4 octobre 2023, le tribunal de céans a invité le défendeur à produire les attestations de valeurs intrinsèques liées aux thérapies neurale et manuelle.
f. Par écritures du 19 octobre 2023, le défendeur a persisté dans ses conclusions et a produit l'attestation de formation continue en médecine interne générale. Il a confirmé qu'en 2019, il n'était pas titulaire d'un AFC Médecine manuelle SAMM et d'un AFC Thérapie neurale. Toutefois, il n'avait pas facturé ces thérapies sous les positions Tarmed y relatives. Par ailleurs, dans la version actuellement en vigueur du Tarmed, la facturation par analogie n'était plus interdite. Les attestations de formation continue ne concernaient pas exclusivement la thérapie neurale selon HUNEKE. S'agissant de l'utilisation fréquente de la position 00.0520 (consultation psychiatrique ou psychosociale par le spécialiste de premier recours, par période de 5 min), le travail psychosomatique était une composante du traitement de la douleur chronique. Les demanderesses n'indiquaient par ailleurs pas en quoi l'utilisation de cette position serait erronée dans des cas concrets.
g. Par écritures du 14 novembre 2023, les demanderesses ont persisté dans leurs conclusions, dès lors que le défendeur n'avait pas la valeur intrinsèque pour facturer les thérapies en cause. Elles ont relevé à cet égard que le nombre de points tarifaires de la prestation facturée par le défendeur sous la position Tarmed 00.0520 était identique pour les positions correspondant aux thérapies neurale et manuelle. La facturation par analogie du défendeur ne permettait pas aux assureurs de vérifier si les prestations constituaient en réalité des prestations spécifiques non à charge de l'assurance obligatoire des soins.
h. Le 4 décembre 2023, le défendeur a produit des attestations pour justifier qu’il disposait de la valeur intrinsèque.
i. Par écritures du 15 janvier 2024, les demanderesses ont persisté à dire que le défendeur n'avait pas le droit de facturer les thérapies en cause par analogie.
j. Dans son rapport du 17 janvier 2024, le médecin-conseil des demanderesses, le docteur E______, a constaté que le nombre élevé de patients affectés d'un SED constituait une particularité de la pratique médicale du défendeur. Cependant, le nombre de patients souffrant de TMS (0.45%) n'était pas exceptionnel. Ce médecin a relevé en outre que les positions Tarmed relatives aux thérapies en cause comportaient une limitation de quantité. Toutefois, le défendeur ne disposait pas de la valeur intrinsèque pour facturer ces positions et facturait par analogie. De ce fait, les assureurs-maladie n'étaient pas en mesure de contrôler ni l'obligation de la prise en charge de la thérapie neurale par le défendeur ni la valeur intrinsèque qualitative et quantitative requise. Le médecin-conseil a recommandé de poser à l'expert des questions complémentaires sur la distinction entre la thérapie neurale/segmentaire et la thérapie neurale selon HUNEKE administrée par le défendeur et sur la documentation des consultations psychothérapeutiques ou psychosociales par celui-ci.
k. Par écritures du 6 février 2024, les demanderesses ont constaté, sur la base du rapport précité de leur médecin-conseil, que l'expertise ne permettait pas de distinguer entre la thérapie neurale locale/segmentaire et la thérapie neurale selon HUNEKE pratiquées par le défendeur, tout en relevant que celui-ci n'était pas autorisé à facturer la thérapie neurale locale/segmentaire. Elles ont requis de poser à l'expert la question de savoir dans quelle proportion le défendeur facturait la positon 00.0520 en comparaison aux autres positions tarifaires et s'il était possible de documenter les prestations concrètement fournies lorsque celui-ci utilisait la position 00.0520.
l. Le 1er mars 2024, le défendeur a contesté la recevabilité des dernières écritures des demanderesses, celles-ci n'ayant allégué ni faits nouveaux ni faits pertinents. Quoi qu'il en soit, le rapport de leur médecin-conseil constituait une expertise privée qui devait être qualifiée de simple allégation de partie, selon la jurisprudence. Le défendeur ne pratiquait par ailleurs pas la thérapie neurale selon HUNEKE et ne facturait pas la thérapie à l'aiguille sèche.
m. Lors de l'audition de comparution personnelle du 8 mai 2024, le défendeur a déclaré ce qui suit :
« Je n'ai pas encore obtenu le certificat me permettant de facturer à la charge de l'AOS la thérapie neurale. Je me présenterai à l'examen fin 2024.
Cette formation comprend des cours et d'autres formations annexes. Je ne me suis pas présenté aux examens plus tôt, dès lors que j'avais donné la priorité à d'autres formations utiles pour ma pratique médicale. Je n'avais pas le temps de faire en plus le certificat pour la thérapie neurale.
En tant que médecin conseil, je sais bien sûr que j'ai besoin du certificat « thérapie neurale » pour facturer ce traitement à la charge de l'AOS. Toutefois, les positions tarifaires concernant la thérapie neurale ne comprennent que les consultations. Je n'ai pas utilisé ces positions, mais celles relatives à l'anesthésie et aux injections.
En 2019, je ne connaissais pas la méthode neurale selon HUNEKE. Je n'utilise d'ailleurs pas cette méthode, car je suis critique à son égard. Il s'agit d'un traitement qui est utilisé en bout de course, c'est-à-dire lorsque tous les autres traitements ont échoué. Il n'y a aucun moyen de prouver si j'ai utilisé la méthode neurale locale ou selon HUNEKE, si ce n'est que les témoignages des patients.
La hausse du coût moyen par patient dont santésuisse fait état dans son courrier du 11 mars 2020 peut s'expliquer éventuellement par le fait que j'ai de plus en plus de patients affectés d'un SED ou de TMS.
Sauf erreur, je pratique la thérapie neurale dans mon cabinet depuis 2015 ».
« Je n'ai pas changé ma pratique médicale, mais uniquement la facturation. J'utilise d'autres codes que la position 00.0520. J'ai augmenté le nombre de consultations. Cela a changé les statistiques ».
SANTÉSUISSE a exposé ce qui suit :
« La thérapie neurale est remboursée par l'AOS depuis 2012. Elle est facturée par les positions tarifaires 00.1740 et 00.1750.
Nous ignorons pourquoi l'IG 38 a été abolie. Toutefois cela ne signifie pas qu'une facturation par analogie est désormais admise. La facturation doit être transparente et détaillée, selon la LAMal [loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 - LAMal - RS 832.10].
Nous observons que, depuis l'intervention de SANTÉSUISSE, soit notamment la présente procédure, l'indice de régression a baissé, alors la patientèle est restée la même. La fréquence des consultations a également baissé ».
À l'issue de cette audience, les demanderesses ont été invitées à actualiser leurs conclusions et moyens de preuve à la lumière de la récente jurisprudence du Tribunal fédéral en la matière.
n. Par écritures du 2 septembre 2024, les demanderesses ont persisté dans leurs conclusions. Elles avaient procédé à une analyse individuelle de la pratique du défendeur. Il ressortait de cette analyse que celui-ci facturait plus de consultations par patient que la moyenne du groupe de comparaison (5.4 consultations/an contre 4 pour le groupe de référence) et des consultations plus longues que la durée moyenne de ses confrères. Cela se reflétait dans les points tarifaires par prestation de base (133 points contre 94 points pour le groupe de référence) et par malade (718 points contre 373 points pour le groupe de référence). Il facturait par ailleurs essentiellement des positions Tarmed du chapitre « Prestations de base ». La prestation de base étant limitée à 20 minutes par la structure tarifaire, le défendeur avait en plus facturé la position Tarmed 00.0520 (Consultation psychothérapeutique ou psychosociale par le spécialiste de premier recours, par période de 5 min), dans des proportions plus importantes que le groupe de référence des médecins praticiens. À cela s'ajoutait, que le défendeur avait facturé plus souvent que ses confrères les positions Tarmed 00.0415 (Petit examen par le spécialiste de premier recours, pour les personnes au-dessus de 6 ans et de moins de 75 ans, par période de 5 min), 00.0510 (Consultation spécifique par le spécialiste de premier recours, pour les personnes au-dessus de 6 ans et de moins de 75 ans, par période de 5 min), 00.0050 (Entretien d'information du spécialiste avec le patient ou ses proches ayant une intervention diagnostique ou thérapeutique pour les personnes au-dessus de 6 ans et de moins de 75 ans, par période de 5 min), 00.0146 (Établissement d'ordonnance ou prescriptions en dehors des consultations, visites et consultations téléphoniques, en l'absence du patient, pour les personnes au-dessus de 6 ans et de moins de 75 ans, par période de 5 min), 00.1370 (Prise en charge, suivi et surveillance au cabinet médical, pour les personnes au-dessus de 6 ans et de moins de 75 ans, par période de 5 min) et 00.045 (Examen complet par le spécialiste de premier recours, par période de 5 min).
Les positions Tarmed 00.1210 et 00.1230, les plus adaptées à la facturation de la thérapie neurale en dehors des positions Tarmed spécifiques nécessitant la valeur intrinsèque, ne représentaient que 0.47% du total de la facturation du défendeur, soit CHF 1'004.-. Les coûts directs relatifs aux patients atteints d'un SED ou TMS étaient de 39.28% du total des coûts directs. Même en admettant que le nombre des patients souffrant d'un SED ou TMS constituait une particularité du défendeur, il y aurait lieu de considérer que le pourcentage de leur représentation par rapport aux coûts directs était compris déjà dans la marge de tolérance qui englobait la liberté thérapeutique du médecin.
Le défendeur ne disposait en outre pas de la valeur intrinsèque pour pratiquer et facturer les thérapies neurale et manuelle qu'il prodiguait à ses patients. Il indiquait à cet égard de les facturer par analogie. La position Tarmed 00.1520 (Médecine manuelle par le spécialiste, thérapie, par période de 5 min.) avait toutefois été utilisée pour CHF 3'006.- en 2019.
Concernant la position Tarmed 00.0050, le défendeur a admis l'avoir facturée lors de la prise en charge en médecine manuelle pour l'enseignement d'exercices de réhabilitation ou de musculation. Or, selon l'interprétation du Tarmed, cette position servait à facturer les discussions et informations sur une intervention prévue, à savoir son déroulement, chances et risques. Le défendeur avait aussi utilisé à tort la position Tarmed 00.0610 (Instruction du patient par le spécialiste pour lui apprendre à effectuer lui-même les mesures ou des soins, pour les personnes au-dessus de 6 ans et de moins de 75 ans, par période de 5 min) pour l'enseignement des exercices précités.
o. Suite à la démission de M. C______ en qualité d'arbitre, les demanderesses ont choisi le 16 septembre 2024 Madame Marie-Luce VON SIEBENTHAL comme arbitre.
p. Par écritures du 14 octobre 2024, le défendeur a persisté dans ses conclusions, tout en constatant que les demanderesses avaient omis d'actualiser leurs conclusions. Elles avaient par ailleurs échoué dans la preuve de la non-économicité de sa pratique. Au contraire, selon l'expertise judiciaire, sa facturation était conforme au Tarmed et sa pratique adéquate et économique. Les demanderesses reconnaissaient en outre que les positions Tarmed 00.1210 et 00.1230 étaient adaptées à la facturation de la thérapie neurale et la thérapie manuelle. Enfin, les demanderesses avaient omis de chiffrer leurs prétentions concernant les facturations non conformes au Tarmed.
q. Le défendeur n'ayant pas fourni les informations complémentaires pour calculer les sommes facturées pour les thérapies neurale et manuelle en 2019, le tribunal de céans a mis en œuvre une expertise complémentaire sur cette question et l'a confiée à nouveau au Dr D______, par ordonnance du 21 février 2025.
r. Par écritures du 4 mars 2025, le défendeur a contesté avoir reconnu l'utilisation de la thérapie neurale sans disposer de droits acquis, et allégué, par la bouche de son conseil, qu'il « pratiqu[ait] exclusivement des injections de lidocaïne, ou trigger point therapy, qu'il nomm[ait] "thérapie neurale", car il s'agit de l'injection d'un anesthésiant ». SANTÉSUISSE avait par ailleurs admis lors de l'audience du 5 mai 2024, que le médecin pouvait facturer l'anesthésie et les injections.
s. Dans son expertise complémentaire du 29 avril 2025, l'expert judiciaire a établi que le défendeur avait facturé CHF 6'430.69 pour les thérapies neurale et manuelle en 2019. En admettant qu'il pouvait néanmoins facturer la rapidocaïne, le set d'injection et l'anesthésie, les prestations facturées pour ces thérapies devaient être ramenées à CHF 4'895.69. L'expert a par ailleurs confirmé que la particularité du défendeur consistait dans le traitement de beaucoup de patients atteints de TMS ou d'un SED avec un coût moyen dépassant largement celui du collectif de comparaison. Cette patientèle représentait 18% de ses patients et avait un impact considérable sur l'indice de régression.
t. Par écritures du 16 juin 2025, le défendeur s'est déterminé sur le complément d'expertise et a persisté dans ses conclusions. Il a relevé que l'expert avait constaté que la thérapie neurale a été facturée pour les 18 patients atteints d'un TMS sous les positions d'injection 00.1190 et 00.1370 accessibles à tous les praticiens et ainsi conformes au Tarmed. Quant à la thérapie manuelle facturée sous la position 00.1520, il n'avai utilisé cette position en 2019 que pour la somme de CHF 2'952.23. Il a par ailleurs produit les garanties de prise en charge de physiothérapie pour certains de ses patients.
u. Dans son rapport du 4 juillet 2025, le médecin-conseil de SANTÉSUISSE a répondu à un questionnaire de celle-ci. La thérapie neurale et la thérapie manuelle ne pouvaient pas être facturées avec la position supplémentaire Tarmed 00.0015 (« prestation spéciale »). Les positions Tarmed relatives à la thérapie neurale comprenaient l'injection, le matériel et les éventuels traitements préalables et postérieurs. Le calcul de l'expert judiciaire n'était ainsi pas correct. Il n'y avait pas de nécessité de suivi non médical pendant et après la thérapie neurale. Une augmentation du temps consacré aux consultations suivantes après une thérapie neurale n'était pas justifiée.
v. Par écritures du 18 août 2025, SANTÉSUISSE a reproché à l'expert judiciaire d'avoir mélangé, de façon contraire à la jurisprudence en la matière, contrôle statistique et analytique. En outre, dans le groupe « médecine générale », l'expert semble n'avoir examiné que 17 sur les 72 dossiers sélectionnés. Il en allait de même dans le groupe de la patientèle SED. Le calcul de l'expert n'était par ailleurs pas correct, selon son médecin-conseil. Le défendeur ne pouvait pas non plus facturer la position Tarmed 00.0015. Contrairement à l'avis de l'expert, la facturation de la position de surveillance (00.1370) n'était pas admise lors d'une thérapie neurale ou manuelle. Compte tenu des faibles montants relatifs à ces thérapies, il y avait lieu de constater au demeurant que ces coûts n'avaient pas un impact significatif sur la pratique du défendeur. Quoi qu'il en soit, du fait de la facturation irrégulière, le contrôle d'économicité était compromis. Quant à la physiothérapie, elle représentait 25.8% des coûts prescrits. La durée moyenne des consultations restait anormalement longue, même si quelques assureurs avaient validé certaines séances.
w. Par écriture du 30 septembre 2025, le défendeur a persisté dans ses conclusions. L'expert avait exécuté la mission d'expertise conformément à sa mission et notamment examiné tous les dossiers sélectionnés lors de la première expertise. La thérapie neurale pouvait être facturée sous d'autres positions Tarmed que celles prévues par ce tarif. À cet égard, il a relevé qu'il facturait cette thérapie sous les positions 00.0010, 00.0015 et 00.0020 qui n'incluaient pas la position d'injection 00.1190.
x. Sur ce, la cause a été gardée à juger.
1.
1.1 Selon l’art. 89 al. 1 LAMal, les litiges entre assureurs et fournisseurs de prestations sont jugés par le Tribunal arbitral. Est compétent le Tribunal arbitral du canton dont le tarif est appliqué ou dans lequel le fournisseur de prestations est installé à titre permanent (art. 89 al. 2 LAMal). Le Tribunal arbitral est aussi compétent si le débiteur de la rémunération est l’assuré (système du tiers garant, art. 42 al. 1 LAMal) ; en pareil cas, l’assureur représente, à ses frais, l’assuré au procès (art. 89 al. 3 LAMal). La procédure est régie par le droit cantonal (art. 89 al. 5 LAMal).
1.2 La notion de litige susceptible d'être soumis au Tribunal arbitral doit être interprétée au sens large. Il faut toutefois que des rapports juridiques résultent de la LAMal ou ont été établis en vertu de cette loi. Il s'agit en particulier des contestations portant sur des questions relatives aux honoraires ou aux tarifs. Le litige doit opposer un assureur-maladie à la personne appelée à fournir des prestations, ce qui se détermine en fonction des parties qui s'opposent en réalité. En d'autres termes, le litige doit concerner la position particulière de l'assureur ou du fournisseur de prestations dans le cadre de la LAMal. La compétence du Tribunal arbitral se détermine au regard des prétentions que fait valoir la partie demanderesse et de leur fondement (ATF 141 V 557 consid. 2.1 p. 260 et arrêts cités).
2. En l'occurrence la compétence en raison de la matière et du lieu est donnée, dans la mesure où le litige oppose un fournisseur de prestations aux assureurs-maladie et où le tarif du canton de Genève est appliqué, canton dans lequel le défendeur est établi à titre permanent.
3. La demande respecte les conditions de forme prescrites par les art. 64 al. 1 et 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA ‑ E 5 10) et est dès lors recevable.
4. Le défendeur conclut à l'irrecevabilité de l'écriture spontanée du 6 février 2024 des demanderesses.
4.1
4.1.1 Les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 8 avril 1999 (Cst. - RS 101) ) et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) garantissent un droit inconditionnel à la réplique (Stéphane GRODECKI / Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 244 ch. 924 ss).
4.1.2 Le Tribunal établit par ailleurs les faits d'office et apprécie librement les preuves (art. 45 al. 3 LaLAMal). L’autorité peut aussi inviter les parties à la renseigner, notamment à se prononcer sur les faits constatés ou allégués, selon l’art. 24 al. 1 LPA. La maxime d’office n’implique ainsi pas que l’autorité saisie doive établir seule les faits. L'instruction repose aussi sur la coopération des parties, lesquelles sont tenues, de leur côté, conformément à leur devoir de collaborer, de produire tout document se trouvant en leur possession en lien avec des faits déterminants pour la décision (arrêt du Tribunal fédéral K 148/2004 du 2 décembre 2005 consid. 5.4.2).
Selon la maxime inquisitoire qui régit la procédure devant le Tribunal arbitral, il appartient au Tribunal arbitral d'établir les faits déterminants pour la solution du litige et d'administrer, le cas échéant, les preuves nécessaires (art. 89 al. 5 LAMal). Cette maxime doit être relativisée par son corollaire, soit le devoir de collaborer des parties, lequel comprend l'obligation d'apporter, dans la mesure où cela est raisonnablement exigible, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, autrement dit d'étayer leurs propres thèses en renseignant le juge sur les faits de la cause et en lui indiquant les moyens de preuve disponibles, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'elles sont le mieux à même de connaître. Si le principe inquisitoire dispense les parties de l'obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve, dans la mesure où, en cas d'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences, sauf si l'impossibilité de prouver un fait peut être imputée à la partie adverse. Cette règle ne s'applique toutefois que s'il se révèle impossible, dans le cadre de la maxime inquisitoire et en application du principe de la libre appréciation des preuves, d'établir un état de fait qui correspond, au degré de la vraisemblance prépondérante, à la réalité (ATF 139 V 176 consid. 5.2).
Le degré de preuve dans les actions selon la LAMal, en particulier celle pour la polypragmasie, est celui de la vraisemblance prépondérante. Ce standard est plus élevé que la simple vraisemblance, mais nettement moins élevé que la preuve exigée en matière civile et a fortiori pénale (Valérie JUNOD, Polypragmasie, analyse d'une procédure controversée in Cahiers genevois et romands de sécurité sociale n. 40-2008, p. 33).
4.2 En l'occurrence, les demanderesses ont spontanément produit le 6 février 2024 le rapport de leur médecin-conseil, tout en le commentant. Ce rapport doit être considéré comme un moyen de preuve, à savoir une appréciation de l'expertise judiciaire par un spécialiste. Un tel moyen de preuve peut être produit spontanément et en tout temps, lorsque la procédure est régie par la maxime inquisitoire.
Au demeurant, les demanderesses n'ont pas pris de nouvelles conclusions sur le fond. Tout au plus, elles ont changé la motivation de leurs conclusions, sur la base des nouveaux éléments mis en évidence par l'expertise, soit l'absence de la valeur intrinsèque exigée pour la facturation des thérapies neurale et manuelle. Quoi qu'il en soit, elles ont déjà contesté le droit du défendeur de facturer les thérapies neurale et manuelle dans leurs observations sur expertise du 2 octobre 2023.
La production du rapport du médecin-conseil et les écritures s'y rapportant sont par conséquent admissibles.
5. Le litige porte sur le bien-fondé de la prétention en restitution de CHF 117'518.- des demanderesses fondée sur la violation du principe de l'économicité par le défendeur en 2019, d'une part, et sur une facturation non conforme au Tarmed, d'autre part.
6. Les prestations facturées à la charge de l'assurance obligatoire des soins doivent être efficaces, appropriées et économiques (art. 32 al. 1 LAMal). Aux termes de l’art. 56 al. 1 et 2 LAMal, le fournisseur de prestations doit limiter ses prestations à la mesure exigée par l’intérêt de l’assuré et le but du traitement. La rémunération des prestations qui dépasse cette limite peut être refusée et le fournisseur de prestations peut être tenu de restituer les sommes reçues à tort au sens de cette loi. L'obligation de restitution est applicable par analogie à d'autres situations où des prestations de l'assurance-maladie obligatoire ont été touchées de manière indue (arrêt du Tribunal fédéral 9C_258/2010 du 30 novembre 2011 consid. 5.4 et la référence).
7.
7.1 Selon cette disposition ont qualité pour demander la restitution les assureurs dans le système du tiers-payant. La jurisprudence a précisé qu'il s'agit de l'assureur qui a effectivement pris en charge la facture. Par ailleurs, les assureurs, représentés le cas échéant par leur fédération, sont habilités à introduire une action collective à l'encontre du fournisseur de prestations, sans spécifier pour chaque assureur les montants remboursés. Ainsi, il ne saurait être question, dans le cadre de l'art. 56 al. 2 let. a LAMal, d'exiger de chaque assureur-maladie séparément qu'il entame une action en restitution du trop-perçu contre le fournisseur de prestations en cause ; les assureurs – représentés cas échéant par SANTÉSUISSE – peuvent introduire une demande globale de restitution à l'encontre d'un fournisseur de prestations et, à l'issue de la procédure, se partager le montant obtenu au titre de restitution de rétributions perçues sans droit (ATF 127 V 281 consid. 5d). Le fait d'agir collectivement, par l'intermédiaire d'un représentant commun et de réclamer une somme globale qui sera répartie à la fin de la procédure ne contrevient donc pas au droit fédéral (ATF 136 V 415 consid. 3.2).
Néanmoins, la prétention en remboursement appartient à chaque assureur maladie, raison pour laquelle son nom doit figurer dans la demande, ainsi que dans l'intitulé de l'arrêt. Lorsqu'un groupe d'assureurs introduit une demande globale, il peut dès lors seulement réclamer le montant que les membres de ce groupe ont payé en trop, mais non la restitution de montants payés par d'autres assureurs ne faisant pas partie du groupe, à moins d'être au bénéfice d'une procuration ou d'une cession de créance de la part de ces derniers. Dans l'hypothèse où une violation du principe d'économicité est retenue, seuls devraient être restitués par le médecin recherché les montants effectivement remboursés par les caisses-maladie parties à la procédure (arrêts du Tribunal fédéral non publiés 9C_260/2010 du 27 décembre 2011 consid. 4.7 ; 9C_167/2010 du 14 janvier 2011 consid. 2.2).
7.2 En l’occurrence, l'action en justice est conduite par SANTÉSUISSE, représentant plusieurs caisses-maladie agréées pour la Suisse.
Les demanderesses ont produit le document nommé « Datenpool» pour l'année 2019, lequel décompose les montants pris en charge par chaque assureur pour l'année en cause. Il résulte de ce document, lequel a valeur probante (cf. notamment ATAS/27/2020), que les demanderesses mentionnées dans le rubrum ont toutes remboursé des prestations en 2019. Les demanderesses sont en outre soit membres de SANTÉSUISSE soit ont donné procuration à cette fédération pour les représenter dans la présente procédure.
Par conséquent, la qualité pour agir des demanderesses figurant dans le rubrum du présent arrêt doit être admise.
8.
8.1 Aux termes de l'art. 25 al. 2 LPGA, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020, le droit de demander la restitution s'éteint un an après le moment où l'institution d'assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Le même délai s'applique aux prétentions en restitution fondées sur l'art. 56 al. 2 LAMal (ATF 133 V 579 consid. 4.1).
Depuis le 1er janvier 2021, le délai de péremption a été porté à trois ans (art. 25 al. 2 LPGA). L’application du nouveau délai de péremption aux créances déjà nées et devenues exigibles sous l’empire de l’ancien droit est admise, dans la mesure où la péremption était déjà prévue sous l’ancien droit et où les créances n'étaient pas encore périmées au moment de l’entrée en vigueur du nouveau droit (ATF 134 V 353 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_540/2014 du 5 janvier 2015 consid. 3.1). Si, au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, le délai de péremption relative ou absolue en vertu de l’ancien art. 25 al. 2 LPGA a déjà expiré et que la créance est déjà périmée, celle-ci reste périmée.
La question de la péremption doit être examinée d'office par le juge saisi d'une demande de restitution (ATF 140 V 521 consid. 2.1).
Le délai commence à courir au moment où les statistiques déterminantes sont portées à la connaissance des assureurs suisses (ATFA non publié du 16 juin 2004, cause K 124/03, consid. 5.2). Selon le Tribunal fédéral, il n'est pas arbitraire, faute d'éléments établissant le contraire, de retenir comme point de départ du délai de péremption, la date figurant sur les documents intitulés « préparation des données » et correspondant à la prise de connaissance par les caisses-maladie des statistiques légitimant leurs réclamations (arrêts du Tribunal fédéral 9C_593/2021 du 6 septembre 2022 consid. 3.3.3 et 9C_968/2009 du 15 décembre 2010 consid. 2.3).
8.2 En l'occurrence, F______ SA a attesté le 20 juillet 2020 avoir contrôlé, avec effet à cette même date, les calculs de SANTÉSUISSE concernant les indices de la méthode de screening pour l'année statistique 2019. Cela étant, il doit être admis que les demanderesses ont eu connaissances des indices de régression à cette date, à défaut d'éléments établissant le contraire (ATF 150 V 129 consid. 2.2). Partant, leur demande du 2 juillet 2021 respecte aussi bien l'ancien que le nouveau délai de prescription, de sorte que leurs prétentions ne sont pas prescrites.
9.
9.1 Avant l'introduction de l'analyse de régression, le Tribunal fédéral admettait le recours à trois méthodes : la méthode statistique, la méthode analytique ou une combinaison des deux méthodes (consid. 6.1 non publié de l’ATF 130 V 377 ; 119 V 453 consid. 4).
Conformément au mandat légal de l'art. 56 al. 6 LAMal, les fournisseurs de prestations, par l'intermédiaire de la Fédération des médecins suisses (ci-après : FMH), et les assureurs-maladie, représentés par SANTÉSUISSE et CURAFUTURA, ont signé un accord les 27 décembre 2013 et 16 janvier 2014, aux termes duquel le contrôle de l'économicité de la pratique médicale est effectué sur la base de la méthode ANOVA.
La FMH, SANTÉSUISSE et CURAFUTURA ont ensuite perfectionné la méthode ANOVA, en collaboration avec F______ SA, en une analyse de régression en deux étapes (méthode de screening). Par convention signée les 10 juillet, 15 et 23 août 2018, les parties contractantes se sont engagées à adopter et appliquer cette nouvelle méthode. De ce fait, la méthode ANOVA a été remplacée par l’analyse de régression en deux étapes qui s’applique désormais comme nouvelle méthode au sens de l’art. 56 al. 6 LAMal, la première fois pour l’année statistique 2017.
Les partenaires tarifaires ont adopté début 2023 une nouvelle convention relative à l'art. 56 al. 6 LAMal. Aux termes de cette convention, les médecins dont l'indice est sensiblement supérieur à la moyenne sont considérés comme statistiquement « hors norme ». Ils doivent être soumis à un examen individuel incluant une analyse de leur manière d'appliquer le tarif et de prescrire les médicaments en tenant compte du collectif de patients. La nécessité d'un examen individuel, auquel doivent procéder l'assureur et/ou SANTÉSUISSE est ainsi désormais inscrite dans la convention.
Dans son arrêt du 12 décembre 2023 (ATF 150 V 129), le Tribunal fédéral l'a confirmé. L'examen de l'économicité de la pratique médicale d'un fournisseur de prestations doit se faire en deux étapes. L'établissement de l'indice de régression constitue la première étape et a uniquement pour but de détecter les cas « hors norme ». Dans une deuxième étape, une analyse individuelle, soit une analyse au cas par cas, doit être effectuée (ATF 150 V 129 consid. 4.3.2 et 4.4.1). Il faut analyser d'une manière globale la portée effective des caractéristiques individuelles de la pratique qui ont une incidence sur les coûts. Le fournisseur de prestations doit présenter de manière objective et compréhensible les particularités de sa pratique, non prises en compte dans le cadre de l'analyse de régression, qui distinguent son cabinet du collectif de comparaison et qui entraînent une valeur d'indice plus élevé. Dans cette seconde étape, il faut contrôler la plausibilité de l'indice plus élevé, en se fondant sur l'analyse de régression (ATF 150 V 129 consid. 5.5.1 et 5.5.3). Cette analyse ne saurait ainsi être assimilée à la méthode analytique traditionnelle (ATF 150 V 129 consid. 5.2.4). Néanmoins, selon la situation particulière et en cas de besoin, des dossiers de patients choisis peuvent être pris en considération. Ainsi, lorsque les effets des particularités médicales ne peuvent pas être chiffrés par le biais des statistiques, il est possible de les analyser au moyen d'un échantillon d'un nombre représentatif de factures concrètes (ATF 150 V 129 consid. 5.2.4).
9.2 Comme sous l'ancienne jurisprudence avant l'introduction de la méthode de régression (ATF 137 V 43 consid. 2.2), le seul dépassement de la moyenne des coûts par patient du groupe de comparaison ne permet pas encore de soupçonner une violation du principe de l'économicité, il faut ajouter une marge de tolérance de 20 à 30%. Cette marge a pour but de respecter le principe de la liberté de traitement du médecin et de tenir compte de ce que la guérison peut être obtenue de différentes manières (ATF 150 V 129 consid. 5.4). La marge définitive ne peut être déterminée que dans la seconde étape d'analyse de l'économicité. À cet égard, pourrait être déterminant le fait que le fournisseur de prestations est spécialisé dans des maladies et formes de thérapies particulières qui ne peuvent être considérées comme particularités de la pratique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_199/2022 du 29 avril 2025 consid. 4.4.2 et 4.5.1).
9.3 Seuls les coûts directs (y compris, par exemple, les médicaments délivrés par le médecin concerné lui-même) font l'objet de la demande de remboursement, car seule la restitution des rémunérations « indûment versées au fournisseur de prestations » est prévue par la loi (cf. art. 56, al. 2, 2e phr., LAMal ; ATF 137 V 43 consid. 2.5). En revanche, le calcul de la demande de remboursement s'effectue à nouveau sur la base de l'indice des coûts totaux, ajusté (arrêt du Tribunal fédéral 9C_130/2022 du 25 juin 2025 consid 5.6.2).
9.4 L'analyse individuelle du cas particulier ne doit en principe pas être portée devant le Tribunal arbitral et la demande de restitution doit reposer sur les résultats d'un examen complet du cas individuel (ATF 150 V 129 consid. 5.6). S'il n'est pas possible d'attendre les résultats d'un examen complet du cas individuel, il faut demander au Tribunal arbitral de suspendre la procédure jusqu'au terme de l'examen du cas individuel (ATF 150 V 129 consid. 5.8.1). Le Tribunal fédéral a à cet égard précisé que l'analyse du cas particulier par les caisses-maladie, ou par l'association faîtière qu'elles ont mandatée, a été conçue de manière participative, dans le but de parvenir à un accord à l'amiable dans le cadre d'un dialogue avec le fournisseur de prestations. La tâche du Tribunal arbitral consiste à analyser les conclusions contestées de l'examen au cas par cas et, si possible, de régler le litige par une procédure de conciliation ou, à défaut, de statuer (cf. 150 V 129 consid. 5.6).
10. En l'espèce, en ce qui concerne la conformité de la pratique médicale du défendeur au principe de l'économicité, il y a lieu de constater que ses indices des coûts totaux (191) et directs (171) ressortant de la méthode de régression concernant l'année statistique 2019 dépassent incontestablement de plus de 20% la moyenne des indices de son groupe de comparaison. Une polypragmasie est ainsi soupçonnée et rend nécessaire l'examen de la pratique médicale du défendeur en analysant des cas particuliers.
10.1 Selon la jurisprudence constante, les particularités suivantes liées à la pratique médicale du médecin peuvent justifier un coût moyen plus élevé : une clientèle composée d'un nombre plus élevé que la moyenne de patients nécessitant souvent des soins médicaux, un nombre plus élevé que la moyenne de visites à domicile, un pourcentage très élevé de patients étrangers, une clientèle composée d'un nombre plus élevé de patients consultant le praticien depuis de nombreuses années et étant âgés. Une particularité de la pratique peut également consister dans une spécialisation dans certains traitements en médecine interne ou lorsqu'un cabinet assure la fonction d'une permanence, en raison de sa disponibilité temporelle qui tend à élargir le spectre de soins médicaux prodigués aux patients. Lorsqu'une particularité alléguée constitue une caractéristique typique ses soins médicaux de base (par ex. une orientation psychosociale ou socio-médicale), elle ne peut être reconnue comme telle que si elle a pour conséquence d'augmenter la part des patients coûteux en raison de leur morbidité. Cette caractéristique pourrait également être prise en compte dans la détermination de la marge de tolérance définitive. Les offres médicales spécialisées qui vont au-delà des soins médicaux de base, doivent éventuellement être analysées à part. Des particularités de la pratique définies par la demande découlent notamment du type, de la gravité et la fréquence des maladies dans le collectif de patients (morbidité). Il est ainsi possible que l'analyse de régression n'arrive pas à neutraliser les effets coûteux d'une morbidité, de sorte qu'ils doivent être pris en compte en tant que particularité. Tel peut être le cas de maladies dont l'ampleur du traitement spécifique ne se reflète pas dans la médication prise en considération dans l'analyse de régression. Afin d'établir la morbidité, il faut se fonder en particulier sur les indications du fournisseur de prestations sur la survenance et la répartition des diagnostics dans le collectif de patients (arrêt du Tribunal fédéral 9C_199/2022 du 29 avril 2025 consid. 4.5.2).
10.2 L'analyse de régression prend déjà en compte un certain nombre de facteurs de morbidité, afin de tenir compte de l'influence d'une caractéristique spécifique de la patientèle sur les coûts du cabinet. Dans la majorité des groupes des médecins, ces facteurs ont une influence statistiquement significative sur les coûts. Ces facteurs de morbidité comprennent l'âge et le sexe de la patientèle, les « Pharmaceutical Cost Groups » (PCG ; il s'agit de la prescription de certains médicaments pour des maladies lourdes), les franchises et les séjours dans des établissements hospitaliers ou de convalescence durant l'année précédente (arrêt du Tribunal fédéral 9C_199/2022 du 29 avril 2025 consid. 6.5.2).
11. En l'espèce, SANTÉSUISSE n'a pas procédé à l'examen au cas par cas avant de saisir le Tribunal de céans, contrairement à ce qu'elle affirme dans ses écritures du 2 septembre 2024. En effet, il ne suffit pas d'énumérer les positions Tarmed que le défendeur a facturées plus souvent que la moyenne de ses confrères. Il faut au contraire analyser si l'utilisation des positions incriminées est conforme au principe de l'économicité. Or, cette analyse fait défaut.
Par conséquent, le Tribunal arbitral devrait suspendre la procédure et donner la possibilité aux demanderesses, en collaboration avec le défendeur, de mettre en œuvre cette seconde étape.
Toutefois, l'arrêt de principe sur la façon de procéder dans les demandes en restitution fondées sur la méthode de régression n'a été rendu que le 12 décembre 2023, soit largement après le dépôt de la présente demande en date du 2 juillet 2021. Ainsi, le tribunal de céans a procédé lui-même à l'analyse au cas par cas et mis en œuvre à cette fin une expertise judiciaire. Il appert pour le surplus que les parties ne sont pas disposées à s'arranger, SANTÉSUISSE persistant à considérer que les particularités du défendeur ne justifient aucune diminution de l'indice de régression. Une suspension à ce stade de la procédure n'aurait dès lors aucun sens et serait contraire au principe de l’économie de la procédure, dans la mesure où l'analyse des cas particuliers est avancée, les positions des parties connues et très éloignées, de sorte qu'une conciliation ne paraît pas envisageable.
12. Il y a lieu de distinguer la prétention des demanderesses fondée sur l'indice de régression hors norme du défendeur et celle fondée sur une facturation irrégulière, à savoir en particulier la facturation des thérapies neurale et manuelle sans bénéficier de la valeur intrinsèque. Le fondement de ces prétentions est différent, dans la mesure où l'évaluation d'une facturation irrégulière ne peut être établie par des statistiques. Le Tribunal fédéral admet à cet égard que des particularités dont les effets sur les coûts ne peuvent pas être chiffrés par le biais des statistiques, puissent être analysées au moyen d'une évaluation par échantillon d'un nombre représentatif de factures concrètes (ATF 150 V 129 consid. 5.2.4), comme relevé ci-dessus.
Ainsi, le reproche de SANTÉSUISSE que l'expert a mélangé contrôle statistique et analytique, est sans fondement.
Cela étant, le tribunal de céans examinera dans un premier temps si le défendeur a violé le principe de l'économicité, en se fondant sur l'analyse de régression. Puis, il examinera si le défendeur a facturé certaines prestations de façon non conforme au Tarmed et déterminera, dans l'affirmative, le montant de la facturation irrégulière soumise à restitution.
13. Considérant que les particularités alléguées par le défendeur rendent difficile la comparaison avec les médecins de son groupe de comparaison, le tribunal de céans a ordonné un examen analytique de sa pratique médicale par une expertise judiciaire. Il a en outre mis en œuvre une expertise complémentaire pour déterminer en particulier le coût relatif aux thérapies neurale et manuelle pour lesquelles le défendeur ne dispose pas de la valeur intrinsèque. Dans cette expertise complémentaire, l'expert a également été invité à évaluer l'impact des particularités du cabinet du défendeur sur l'indice de régression, conformément à la jurisprudence précitée.
13.1 Dans son expertise du 20 juin 2023, l'expert judiciaire constate que le défendeur traite probablement plus de 50% des patients diagnostiqués d'un SED dans le canton de Genève. Il est parfois un médecin consultant pour ces patients, mais également souvent leur médecin traitant. Il collabore avec d'autres médecins spécialistes, les soins à domicile, les physiothérapeutes et ergothérapeutes. La polymorbidité est importante dans ce groupe, presque tous les patients souffrant d’un état anxio-dépressif. Plusieurs de ces patients présentent de lourds handicaps et se déplacent avec des moyens auxiliaires. Il pratique très régulièrement la thérapie neurale et un peu de médecine manuelle, en plus des soins de base et de l'accompagnement psychologique. La moyenne du coût par patient pour le groupe SED est de CHF 1'488.50.
Le groupe des TMS est assez hétéroclite avec des patients souffrant de problèmes inflammatoires chroniques ou dégénératifs, ainsi que probablement aussi de fibromyalgie. Il y a presque pour tous une prise en charge par thérapie neurale et/ou médecine manuelle. Le coût moyen par patient du groupe TMS est de CHF 1'642.-.
Dans le groupe de médecine générale, on retrouve une activité de généraliste normale avec des patients polymorbides, mais aussi des patients jeunes avec, sur l'année, un problème infectieux ou de petite traumatologie nécessitant un traitement unique. Les consultations sont plus courtes dans ce groupe. La position Tarmed 00.00520 est peu utilisée. Il en va de même de la position Tarmed 00.0415 (petit examen par le spécialiste de premier recours pour les personnes au‑dessus de 6 ans et de moins de 75 ans, par période de 5 min.). Le défendeur a aussi pratiqué parfois dans ce groupe des traitements de médecine manuelle et neurale. Sur les 72 dossiers examinés, il y a 29 hommes et 43 femmes, ainsi qu'un enfant de moins de 16 ans. Le défendeur a facturé entre CHF 86.- et CHF 3'159.- par an, ce qui est normal chez un généraliste, selon l'expert.
En analysant les statistiques, l'expert constate par ailleurs que le défendeur traite 43% de patients en moins que son groupe de comparaison. Les patients SED et TMS représentent 18% de sa patientèle. Le graphique des coûts totaux par malade montre que le défendeur est grosso modo aligné sur le groupe de contrôle pour les hommes. Cela est un indice que, pour les hommes, il a probablement un coût identique au groupe de comparaison en médecine générale. Les coûts sont nettement plus élevés chez les femmes. Or, la majorité des patients souffrant d'un SED ou de TMS sont des femmes.
Le défendeur dispose d'un droit acquis pour facturer les positions Tarmed 00.0520 et 00.0510, mais pas pour d'autres positions, ce que l'expert attribue à un oubli. Il n'y a pas d'irrégularités de facturation. La thérapie neurale étant à la charge de l'AOS, ce traitement qui est beaucoup pratiqué par le défendeur, doit être considéré comme adéquat et économique. Les 72 patients affectés d'un SED ou d'un TMS pèsent de façon disproportionnée dans les statistiques du défendeur, de sorte qu'il ne peut être comparé aux autres médecins praticiens de son groupe. Enfin, l'examen de la pratique montre une activité adéquate, des examens justifiés et des consultations en nombre et durée normales.
Dans son expertise complémentaire, le Dr D______ juge que le coût moyen annuel des groupes SED et TMS n'est pas exceptionnel pour un médecin généraliste. Il n'est pas rare chez un généraliste qu'un patient nécessite une prise en charge lourde et un suivi particulier durant deux à trois mois, puis qu'il va mieux ou décède. La facture annuelle n'atteindra jamais CHF 7'000.-, comme c'est le cas de certains patients TMS et SED, puisque le suivi exceptionnel n'aura duré que quelques mois. Les cas chroniques et polymorbides que l'expert suit toute l'année dans son cabinet peuvent coûter jusqu'à CHF 3'000.- par an. Ces factures sont noyées dans la masse, dans la mesure où les patients chroniques et chers ne représentent que 5 à 6% de sa patientèle et non 18%. La particularité du défendeur est ainsi la prise en charge de cas hors norme sur une année entière et dans une proportion très importante. En constatant que l'indice de régression pour les patients de médecine générale se situe presque dans la moyenne, il conclut que l'impact des sous-groupes TMS et SED explique que l'indice global des coûts directs passe à 171 en 2019.
L'expert constate par ailleurs que le défendeur utilise la position Tarmed 00.0520 de façon importante chez les patients TMS et SED. Il considère que cela est justifié, dès lors que ces patients ont presque tous des problèmes sociaux, assécurologiques et psychologiques. La prise de notes de ces consultations, lesquelles peuvent durer une heure voire parfois plus, peut prendre plus d'une page A4. Cela montre que la discussion et le soutien psychologique ont bien eu lieu et que l'usage de cette position 5 à 10 fois par séance est justifié. Il n'y a pas d'indice que cette position est utilisée pour facturer plus cher les thérapies neurale et manuelle.
L'expert constate en outre que le défendeur a facturé CHF 6'430.69 pour les thérapies neurale et manuelle en 2019. En admettant qu'il peut néanmoins facturer la rapidocaïne, le set d'injection et l'anesthésie, le montant facturé pour ses prestations devrait être ramené à CHF 4'895.69.
13.2 Dans son rapport du 17 janvier 2024, le médecin-conseil des demanderesses, le Dr E______, admet que le nombre élevé de patients affectés d'un SED constitue une particularité de la pratique médicale du défendeur. Cependant, le nombre de patients souffrant de TMS (0.45%) n'est pas exceptionnel.
13.3 Les demanderesses dénient à ces expertises une valeur probante, essentiellement au motif que le défendeur ne dispose pas d'attestations de valeurs intrinsèques pour pratiquer les thérapies neurale et manuelle (positions Tarmed 00.1740, 00.1750 et 00.1760 pour la thérapie neurale et positions 00.1510 et 00.1520 pour la thérapie manuelle). Elles critiquent également le montant établi par l'expert pour le coût de ces thérapies. Le défendeur facture les mauvaises positions Tarmed, respectivement les facture par analogie, ce qui est contraire à la loi. En effet, selon les interprétations générales du Tarmed, les prestations ne peuvent être facturées que par des spécialistes répondant aux exigences de la valeur intrinsèque qualitative et quantitative liées à ces prestations. La facturation par analogie est proscrite. Le défendeur utilise par ailleurs excessivement la position Tarmed 00.0520. Il s'avère ainsi qu'il facture les prestations de thérapies neurale et manuelle au temps et non à l'acte. Il ne ressort pas non plus de sa facturation s'il a facturé la thérapie neurale selon HUNEKE, laquelle n'est pas remboursée par l'AOS. Concernant le fait que le défendeur traite beaucoup de patients atteint de TMS ou SED, elles considèrent que cette particularité est déjà comprise dans la marge de tolérance sans entrer dans les détails de l'analyse par l'expert. Le groupe de patients relevant de la médecine générale comporte également des patients ayant bénéficié de ces traitements.
13.4 Dans ses observations du 19 octobre 2023, le défendeur explique qu'il n'a pas facturé la thérapie neurale en utilisant les positions Tarmed y relatives. Par ailleurs, dans la version actuellement vigueur du Tarmed, la facturation par analogie n'est plus interdite. Les attestations de formation continue produites ne concernent pas exclusivement la thérapie neurale selon HUNEKE, comme le font valoir les demanderesses.
13.5 Dans son rapport du 17 janvier 2024, le médecin-conseil des demanderesses, le Dr E______, constate que le nombre élevé de patients affectés d'un SED constitue une particularité de la pratique médicale du défendeur. Cependant, le nombre de patients souffrant de TMS (0,45%) n'est pas exceptionnel. Ce médecin relève en outre que les positions Tarmed relatives aux thérapies en cause comportent une limitation de quantité. Toutefois, le défendeur ne dispose pas de la valeur intrinsèque pour facturer ces positions et facture par analogie. De ce fait, les assureurs-maladie ne sont pas en mesure de contrôler ni l'obligation de la prise en charge de la thérapie neurale par le défendeur ni la valeur intrinsèque qualitative et quantitative requise. Le médecin-conseil recommande de poser à l'expert des questions complémentaires sur la distinction entre la thérapie neurale/segmentaire et la thérapie neurale selon HUNEKE administrée par le défendeur et sur la documentation des consultations psychothérapeutiques ou psychosociales.
14. Au vu de ce qui précède, il doit être admis que le traitement de patients SED constitue assurément une particularité du défendeur. Tel est également l'avis du médecin-conseil de SANTÉSUISSE. Quant au groupe TMS, ce dernier médecin ne considère pas que le traitement de cette patientèle puisse être considéré comme une particularité, le nombre de patients, de 0.45%, n'étant pas exceptionnel. Toutefois, il s'est manifestement trompé dans ses calculs. En effet, ce groupe représente 4.5% de la patientèle du défendeur (18 patients sur 399). Ce groupe n'est ainsi pas négligeable. Au demeurant, le médecin-conseil ne met pas en cause le coût relatif à ce groupe. Par conséquent, le traitement de patients TMS doit également être reconnu comme particularité. À cet égard, le Tribunal fédéral a expressément reconnu qu'une particularité puisse consister dans une spécialisation dans certains traitements en médecine interne, comme relevé ci-dessus. Or, il s'avère que le défendeur est précisément spécialisé pour le traitement de la douleur, en particulier pour les patients SED et TMS, raison pour laquelle d'autres médecins lui adressent des patients souffrant de ces pathologies.
Les coûts élevés pour ces patients sont justifiés selon l'expert, sous réserve des thérapies neurale et manuelle. Il n'y a notamment pas de facturation abusive de la position 00.00520 pour renchérir le coût de ces thérapies. Par rapport à l'indice de régression, l'expert relève que les patients TMS et SED aux coûts importants, représentant 18% de la patientèle, expliquent l'indice de régression élevé.
L'expert explique également dans son expertise du 20 juin 2023 (p. 15) que la preuve que les 72 patients aux coûts importants du défendeur pèsent de manière disproportionnée dans les statistiques de régression, est le fait que les frais de la liste des moyens et appareils (LiMA ; annexe 2 de l'ordonnance du DFI sur les prestations dans l’assurance obligatoire des soins en cas de maladie du 29 septembre 1995 - ordonnance sur les prestations de l’assurance des soins, OPAS - RS 832.112.31) sont de CHF 23.- par patient pour la moyenne des médecins praticiens et de CHF 230.- pour le défendeur. Or aucun patient ne tient à se faire prescrire des moyens auxiliaires, tels que notamment une orthèse ou de l'oxygène, s'il n'en a pas besoin.
S'agissant du groupe de médecine générale, l'expert ne constate pas non plus une violation du principe de l'économicité, les coûts moyens par patient du défendeur étant proches des coûts moyens du groupe de comparaison.
Quant aux coûts élevés de la physiothérapie, elle est également justifiée par la nature des pathologies dont sont affectés 18% de la patientèle du défendeur, selon l'expert. Elle est prescrite à pratiquement tous les patients SED ou TMS, mais il s'agit de traitements justifiés et adéquats, probablement économiques, dans la mesure où ils évitent vraisemblablement des hospitalisations, décompensations ou accidents.
En ce qui concerne les physiothérapies pour lesquelles le défendeur n'aurait pas obtenu les garanties de prolongation, il s'agit de coûts indirects dont la restitution ne peut quoi qu'il en soit pas être demandée, selon la jurisprudence, de sorte que cette question peut rester ouverte.
15. Une violation du principe de l'économicité n'étant pas établie, la demande de restitution fondée sur ce motif doit être rejetée. Ainsi, la question de savoir si cette demande viole le principe de la bonne foi peut rester ouverte.
16. Reste à examiner si le défendeur a facturé ses prestations conformément au Tarmed.
16.1 Les prestations médicales à la charge de l'AOS doivent être prodiguées par des fournisseurs qui remplissent les conditions des art. 36 à 40 LAMal.
Les fournisseurs de prestations établissent leurs factures sur la base de tarifs ou de prix (art. 43 al. 1 LAMal).
Selon l’art. 43 al. 2 LAMal, dans sa teneur jusqu’au 31 décembre 2021, le tarif est une base de calcul de la rémunération ; il peut notamment :
a. se fonder sur le temps consacré à la prestation (tarif au temps consacré) ;
b. attribuer des points à chacune des prestations et fixer la valeur du point (tarif à la prestation) ;
c. prévoir un mode de rémunération forfaitaire (tarif forfaitaire) ;
d. soumettre, à titre exceptionnel, en vue de garantir leur qualité, la rémunération de certaines prestations à des conditions supérieures à celles prévues par les art. 36 à 40, notamment à celles qui prévoient que les fournisseurs disposent de l’infrastructure, de la formation de base, de la formation postgraduée ou de la formation continue nécessaires (exclusion tarifaire).
16.2 La facturation des médecins est fondée sur un tarif à la prestation et repose sur une structure tarifaire uniforme, le Tarmed.
Le Tarmed prévoit dans son interprétation générale (IG) 10 que les prestations ne peuvent être facturées que par les spécialistes répondant aux exigences de valeur intrinsèque qualitative liées à ces prestations (exigences de formation postgraduée et continue, notamment titre de spécialiste et formations approfondies, attestations de formation complémentaire et certificats d'aptitude technique).
L’art. 7 al. 1 de la Convention-cadre Tarmed (ci-après : CCT) du 5 juin 2002 stipule que les parties conviennent que le concept pour la reconnaissance des unités fonctionnelles et le concept « valeur intrinsèque » Tarmed 9.0 (ci‑après : Concept, version 9) servent de base pour la reconnaissance des infrastructures et des valeurs intrinsèques.
Tout médecin adhérant à ladite convention, qu'il soit membre ou non de la FMH, doit satisfaire aux critères de reconnaissance. Le respect de ces critères est une condition pour obtenir l'autorisation de facturation (art. 7 al. 2 CCT).
La valeur intrinsèque qualitative indique quels titres de formation postgraduée (titre de spécialiste, formation approfondie, attestation de formation complémentaire ou certificat d’aptitude technique selon la RFP) donnent le droit de facturer une prestation à la charge de l’assurance-maladie sociale (ch. 1.1.2 du Concept « valeur intrinsèque » TARMED).
Les médecins sont en droit de facturer des prestations selon la structure tarifaire Tarmed pour autant qu’elles correspondent notamment à leur valeur intrinsèque (titre de FP) ou à la garantie des droits acquis. La FMH crée et gère une banque de données où figurent, pour chaque médecin exerçant en Suisse, les prestations qu'il est autorisé à facturer. Cette banque de données est accessible aux membres et aux non-membres de la FMH. L'enregistrement et les mutations sont effectués sur mandat du médecin ayant droit et contre paiement (ch. 2.1 Concept).
17. En l'occurrence, il est essentiellement reproché au défendeur de pratiquer et facturer les thérapies neurale et manuelle sans être en possession des titres de formation postgraduée nécessaires pour lui faire reconnaître la valeur intrinsèque. Il n'est à cet égard pas contesté que le défendeur ne remplit formellement pas les exigences prescrites par le Tarmed pour cette spécialisation.
Certes, tout médecin qui a régulièrement fourni des prestations depuis 2001, trois ans avant l'entrée en vigueur du TARMED, sans être au bénéfice du titre de formation post-graduée requis, peut faire valoir lesdites prestations dans le cadre des droits acquis, s'il atteste d'une formation continue adéquate (cf. fiche d’information de TARMED SUISSE du 23 juin 2009 ; ATAS/235/2021 du 17 mars 2021 ; ATAS/643/2022 du 4 juillet 2022). Toutefois, en l'espèce, le défendeur n'a ouvert son cabinet qu'en 2004, de sorte qu'il ne peut bénéficier d'un droit acquis, en dépit des multiples formations qu'il a suivies pour effectuer les thérapies en cause.
17.1 Dans un premier moyen, le défendeur conteste avoir effectué la thérapie neurale dans ses écritures du 4 mars 2024 et allègue qu'il pratique exclusivement des injections de lidocaïne, ou trigger point therapy, qu'il nomme thérapie neurale, car il s'agit de l'injection d'un anesthésiant.
Cela est contredit par les expertises et les dires du défendeur. En effet, dans son expertise du 20 juin 2023, le Dr D______ constate que le défendeur pratique régulièrement la thérapie neurale. Dans ses écritures du 19 octobre 2023, le défendeur admet qu'il facture les thérapies neurale et manuelle et précise quelles positions Tarmed il utilise pour ce faire. Lors de son audition du 8 mai 2024, le défendeur reconnaît expressément qu'il pratique la thérapie neurale, en déclarant « Sauf erreur, je pratique la thérapie neurale dans mon cabinet depuis 2015 ». Dans ses dernières écritures du 16 juin 2023, il ne conteste pas la conclusion de l'expert, dans son complément d'expertise, que la thérapie neurale a été facturée.
Au vu de ce qui précède, le tribunal de céans tient pour établi que le défendeur a pratiqué et facturé la thérapie neurale.
17.2 Le défendeur fait valoir qu'il a le droit de facturer la thérapie neurale en utilisant d'autres positions Tarmed que celles prévues à cet effet (positions Tarmed 00.1740, 00.1750 et 00.1760).
Selon les interprétations générales du Tarmed, dans sa version 0.08 du 1er juillet 2012, chapitre GI-10 « Valeur intrinsèque », l'emploi de positions tarifaires dites analogiques est strictement interdit (art. IG-38).
Dans la version 01.09 du 1er janvier 2018 des interprétations générales, la disposition IG-38 a toutefois été supprimée. Interrogée à ce sujet lors de la séance de comparution personnelle du 8 mai 2024, SANTÉSUISSE a déclaré qu'elle ignorait pourquoi cette disposition a été abolie.
Il n'en demeure pas moins que certaines prestations, comme les thérapies neurale et manuelle, ne peuvent être facturées que par des spécialistes disposant d'une attestation de valeur intrinsèque. Permettre de facturer d'autres positions à la place de celles prévues par le Tarmed pour les prestations requérant une attestation de valeur intrinsèque viderait l'obligation de disposer d'une telle attestation de sens et permettrait de contourner cette convention, ce qui ne peut correspondre à la volonté des parties tarifaires.
Nonobstant l'abolition de la disposition IG-38, il sied donc d'admettre que la facturation par analogie demeure toujours proscrite.
18. Dans la mesure où le défendeur n'a ni l'autorisation de facturer la thérapie neurale/segmentaire ni la thérapie neurale selon HUNEKE, la question de savoir laquelle de ces thérapies neurales il a effectuée peut rester ouverte. Quoi qu'il en soit, le défendeur allègue ne pas utiliser la thérapie selon HUNEKE.
19. Partant, il convient d'établir quel est le montant approximatif que le défendeur a facturé sans droit pour les thérapies neurale et manuelle.
19.1 Dans son expertise du 29 avril 2025, l'expert a identifié dans le groupe TMS que le défendeur a effectué des thérapies neurale et manuelle pour 11 patients. Au total, il a facturé 25 séances de thérapie neurale et 8 séances de thérapie manuelle.
Parmi les patients SED, 14 patients ont bénéficié d'une thérapie neurale et 10 d'une thérapie manuelle. Certains patients ont eu les deux thérapies. Au total, le défendeur a pratiqué 64 séances de thérapie neurale et 17 séances de thérapie manuelle.
En médecine générale, dans les 72 dossiers examinés, 8 patients ont bénéficié d'une thérapie neurale et 11 d'une thérapie manuelle, dont certains des deux thérapies. Dans ces dossiers, le défendeur a facturé 11 thérapies neurales et 18 thérapies manuelles.
Selon l'expert, la thérapie neurale a été facturée par les positions Tarmed 00.1190 (anesthésie), CHF 7.50, et 00.1370 surveillance du patient, CHF 30.61. À cela s'ajoute la rapidocaïne, 1 ampoule à CHF 4.10, et le set d'injection, CHF 3.75. Le total d'une séance de thérapie neurale s'élève à CHF 45.76.
Pour la thérapie manuelle, le défendeur a utilisé la position 00.1520 (thérapie manuelle, CHF 17.17) prévue par le Tarmed, à raison d'une à trois fois pour chaque séance.
Le total des facturations pour les trois sous-groupes est de CHF 6'430.69. Cependant, selon l'expert, la rapidocaïne, le set d'injection et l'anesthésie devraient être remboursés, ce qui ramènerait le coût total à CHF 4'895.69.
19.2 Dans ses écritures du 2 septembre 2024, SANTÉSUISSE indique que le défendeur a facturé la position Tarmed 00.1520 pour la thérapie manuelle pour CHF 3'006.-.
19.3 Dans son rapport du 4 juillet 2025, le médecin-conseil de SANTÉSUISSE relève que la thérapie neurale et la thérapie manuelle ne peuvent pas être facturées par la position supplémentaire Tarmed 00.0015 (« prestation spéciale »). Les positions Tarmed relatives à la thérapie neurale comprennent l'injection, le matériel et les éventuels traitements préalables et postérieurs. Le calcul de l'expert judiciaire n'est ainsi pas correct. Il n'y a pas de nécessité de suivi non médical pendant et après la thérapie neurale. Une augmentation du temps consacré aux consultations suivantes après une thérapie neurale n'est pas justifiée.
19.4 Dans ses observations sur expertise, le défendeur ne met pas en cause les constatations de l'expert concernant la thérapie manuelle, tout en précisant qu'il avait utilisé brièvement la position 00.1520 pour la thérapie manuelle en 2019 pour la somme de CHF 2'952.23.
19.5 SANTÉSUISSE relève que l'expert ne semble avoir examiné que 17 dossiers dans le groupe médecine générale et n'avoir ainsi pas respecté l'ordonnance d'expertise. Pour les autres groupes, il n'a apparemment pas non plus examiné tous les dossiers. Elle conteste le calcul du montant facturé pour les thérapies litigieuses, en se fondant sur l'avis son médecin-conseil. Le défendeur ne peut facturer la position 00.0015 (prestation spéciale) pour les thérapies litigieuses, cette position devant être utilisée que dans le cadre des prestations de médecine de famille et si aucune prestation de médecine spécialisée n'est facturée le même jour. Elle produit en outre un tableau récapitulatif des thérapies en cause effectuées par le défendeur en 2019. L'expert a par ailleurs admis à tort la position de surveillance 00.1370 lorsque la thérapie neurale a été pratiquée. Le défendeur n'est pas non plus en droit de facturer la position 00.1190 (anesthésie locale par injection dans la peau, le tissu sous-cutané ou la muqueuse) en sus.
20.
20.1 L'expert a bel et bien examiné tous les dossiers des patients SED et TMS, ainsi que les 72 dossiers sélectionnés de médecine générale. Il nomme cependant dans son expertise seulement les patients qui ont bénéficié d'une thérapie neurale et/ou manuelle et l'indique pour les patients TMS expressément, en mentionnant que « Seuls les patients ayant eu ces thérapies seront nommés » (p. 3 expertise complémentaire). Cela vaut également pour les autres groupes examinés, même si l'expert ne l'a pas répété.
20.2 En ce qui concerne la position 00.1370, il n'est pas contesté par l'expert qu'elle fait partie de la facturation de la thérapie neurale et ainsi qu'elle a été facturée à tort. Cette position est mentionnée expressément à la p. 29 de l'expertise complémentaire et donc comprise dans le calcul du coût de la thérapie neurale.
Il en va de même de la position 00.1190.
20.3 Quant à la position 00.0015, elle fait également partie de la facturation de la thérapie neurale. Cette question et le coût y relatif seront examinés sous le considérant 20.5.
20.4 L'expert considère que, même si le défendeur n'était pas en droit de facturer les thérapies neurales, il devrait être remboursé de la rapidocaïne, du set d'injection et de l'anesthésie.
La position Tarmed 00.1740 correspond à une « Thérapie neurale, consultation par le spécialiste, première période de 5 min ». Cette position inclut les prestations médicales (ci-après : PM) et les prestations techniques (ci-après : PT), ainsi que le matériel nécessaire, mais exclut les activités postérieures de préparation et de remise en état. La position Tarmed 00.1750 correspond à la « Thérapie neurale, consultation par un spécialiste, par période de 5 minutes en plus ». Elle s'ajoute à une première consultation (00.1740) pour facturer des périodes supplémentaires de 5 minutes de ce type de consultation spécialisée. Quant à la position Tarmed 00.1760, elle correspond à la « Thérapie neurale, consultation par un spécialiste, dernière période de 5 min ».
Cela étant, les position 00.1740, 00.1750 et 00.1760 incluent déjà le médicament, le set d'injection et l'anesthésie. Il s'avère ainsi que SANTÉSUISSE a déclaré à tort lors de l'audience de comparution personnelle que les frais y relatifs pouvaient être facturés en plus de la thérapie neurale. Il n'y a donc pas lieu de les déduire de la somme à restituer pour la facturation des thérapies neurales.
20.5 L'expert établit le coût à CHF 45.76 par séance de thérapie neurale dans l'expertise complémentaire.
Toutefois, dans son premier rapport, l'expert indique, après avoir expliqué qu'un médecin peut facturer jusqu'à 6 heures par patient et par année la thérapie neurale, que « Le [défendeur] utilise le Tarmed, les 5 minutes de consultations sont facturés CHF 17.16 soit CHF 205.92 pour 1 heure donc CHF 1'235.52 pour 6 heures annuelles. Donc les assureurs pourraient s'attendre à une facture annuelle de CHF 1'235.52 pour chaque patient ayant été traité par la thérapie neurale » (p. 13). Au demeurant, le défendeur admet dans ses dernières écritures avoir facturé la thérapie neurale sous les position 00.0010, 00.0015 et 00.0020. Il s'avère ainsi que l'expert n'a pas pris en considération, dans son expertise complémentaire, la consultation afférente à cette thérapie. Par conséquent, il faut l'ajouter au coût de CHF 45.76.
Certes, on ignore la durée moyenne facturée par le défendeur à ce titre. L'expert indique à cet égard pour la patiente n° 2515 "… on a 7 consultations avec thérapie neurale facturées 00.0010, 00.0015, 00.0020, 1 ou 2x 00.0030, 00.0520 1 à 4x ou pas, 1x 00.0415, 00.1210 anesthésie locale et 00.1370 surveillance au cabinet médical par tranche de 5min 1x, coût total si pas de 00.0520, CHF 133.27 plus matériel d'injection CHF 11.60" (p. 4).
Cela étant, la consultation relative à la thérapie neurale est facturée selon toute vraisemblance par les positions 00.0010, 00.0015 et 00.0020, en plus de l'anesthésie, de la surveillance au cabinet et du matériel d'injection.
Par ailleurs, l'utilisation de la thérapie neurale n'a été examinée que dans 72 dossiers du groupe de médecine générale et non dans les 255 dossiers restant (399 dossiers - 18 - 54 -72). Il faut par conséquent établir le nombre de séances dans les dossiers non examinés par extrapolation. Le défendeur a pratiqué 11 thérapies neurales dans les 72 dossiers de médecine générale. Par conséquent, 38.95 séances de thérapies neurales (11 : 72 = 38.95 : 255) effectuées en médecine générale doivent être ajoutées au nombre des 11 thérapies répertoriées par l'expert. En chiffres ronds, le défendeur a facturé ainsi 50 thérapies neurales sans droit dans le groupe de médecine générale.
À cela s'ajoute les séances de thérapie neurale dans les groupes SED (64) et TMS (25), ce qui porte le total des séances à 139.
La valeur du point était à Genève en 2019 de 0.96, selon l'art. 2 al. 2 let. a du règlement fixant la valeur du point TARMED pour les prestations médicales ambulatoires à charge de l'assurance obligatoire des soins du 28 juin 2006
(RTarmed J 3 05.08), avant que ce point soit fixé provisoirement à 0.94 dès le 19 février 2024 par le Tribunal administratif fédéral.
Le calcul de la consultation liée à la thérapie neurale est ainsi le suivant :
| positions | PM (médecin praticien) | PT |
|
| 0.0010 | 9.69 | 8.19 |
|
| 0.0015 | 10.12 | 0 |
|
| 0.0020 | 9.69 | 8.19 |
|
| 0.1210 | 7.75 | 7.47 |
|
| 0.1370 | 3.88 | 28.01 |
|
| Totaux des points | 41.13 | 51.86 | 92.99 |
| vpt | 0.96 |
|
|
| soit | 89.2704 |
|
|
Il faut encore ajouter CHF 15.30 par séance pour la rapidocaïne (CHF 4.10), le set d'injection (CHF 3.75) et l'anesthésie (5.70). Le total facturé pour une thérapie neurale est par conséquent de CHF 104.57.
La facturation pour la thérapie neurale en 2019 s'élève ainsi à CHF 14'535.23 (139 x 104.57), selon l'estimation du tribunal de céans.
20.6 Quant à la thérapie manuelle, le défendeur admet avoir utilisé la position 00.1520 en 2019 pour la somme totale de CHF 2'952.23. SANTÉSUISSE établit ce montant à CHF 3'006.-, sur la base du rapport de comparaison graphique du Tarifpool de SASIS. Il sied par conséquent de se tenir à ce dernier montant.
SANTÉSUISSE critique également dans ses écritures du 2 septembre 2024 que le défendeur a facturé pour la thérapie manuelle les positions 00.0050 et 00.0610, comme il l'admet dans son courrier qu'il lui a adressé le 3 juin 2021.
La position Tarmed 00.0050 « Entretien d'information du spécialiste avec le patient ou ses proches avant une intervention diagnostique ou thérapeutique pour les personnes au-dessus de 6 ans et de moins de 75 ans, par période de 5 min » ne semble effectivement pas être adaptée pour l'enseignement d'exercices de réhabilitation ou de musculation.
Il en va de même pour la position 00.0610, laquelle correspond à l'instruction du patient pour lui apprendre à s'auto-administrer des soins ou des moyens techniques tels qu'une seringue, un inhalateur, une sonde gastrique ou un cathéter. Cependant, selon le rapport de comparaison graphique, le défendeur a facturé cette position moins souvent que son groupe de comparaison. En effet, la somme facturée de CHF 481.- par le défendeur pour cette position représente seulement 0.18% de ses coûts contre 1.15% du groupe de comparaison.
La facturation de la position Tarmed 00.0050 correspond à 2.44% du total des prestations facturées par le défendeur, alors qu’elle ne représente que 1.83% de celles-ci dans le groupe de comparaison. Partant, cette position a été facturée 0.61% de trop (2.44% - 1.83%), ce qui correspond à CHF 1'614.21 du total des prestations de base de CHF 264'625.- facturées en 2019.
Partant, le total des prestations facturées de façon non conforme au Tarmed pour la thérapie manuelle s’élève à CHF 4'610.21.
20.7 Le total de la facturation non conforme au Tarmed pour avoir facturé les thérapies neurale et manuelle s'élève ainsi à CHF 19'155.44 (CHF 14'535.23 + CHF 4'610.21).
21. SANTÉSUISSE allègue que le défendeur a également utilisé d'autres positions Tarmed plus souvent que ses consœurs et confrères de son groupe de comparaison.
Dans ses écritures du 2 septembre 2024, elle mentionne que le défendeur facture plus souvent que ses confrères les positions Tarmed 00.0415 (Petit examen par le spécialiste de premier recours, pour les personnes au-dessus de 6 ans et de moins de 75 ans, par période de 5 min), 00.0510 (Consultation spécifique par le spécialiste de premier recours, pour les personnes au-dessus de 6 ans et de moins de 75 ans, par période de 5 min), 00.0146 (Établissement d'ordonnance ou prescriptions en dehors des consultations, visites et consultations téléphoniques, en l'absence du patient, pour les personnes au-dessus de 6 ans et de moins de 75 ans, par période de 5 min) et 00.045 (Examen complet par le spécialiste de premier recours, par période de 5 min).
Cependant, rien ne permet de considérer que ces positions ont été facturées de façon non conforme au Tarmed ou en violation du principe de l’économicité, et les demanderesses ne chiffrent pas le trop‑perçu par le défendeur du fait de la facturation de ces positions.
22. Au vu de ce qui précède, la demande sera partiellement admise et le défendeur condamné à la restitution de CHF 19'155.- en chiffres ronds.
23.
23.1 La procédure devant le Tribunal arbitral n’est pas gratuite. Conformément à l’art. 46 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 29 mai 1997 (LaLAMal - J 3 05), les frais du tribunal et de son greffe sont à la charge des parties. Ils comprennent les débours divers (notamment indemnités de témoins, port, émolument d’écriture), ainsi qu’un émolument global n’excédant pas CHF 15'000.-. Le tribunal fixe le montant des frais et décide quelle partie doit les supporter (art. 46 al. 2 LaLAMAL).
Les demanderesses, représentées par SANTÉSUISSE, obtiennent partiellement gain de cause, à savoir CHF 19'155.- sur leurs conclusions totales de CHF 117'518.-, soit 16.3% de celles-ci en chiffres ronds. Par conséquent, les frais du Tribunal, par CHF 52’630.-, dont un émolument de CHF 3'000.- et les frais d'expertises de CHF 24'785.- et de CHF 15'555.-, seront mis à la charge des parties à raison de 83.7% (CHF 44’051.- en chiffres ronds) pour les demanderesses, prises conjointement et solidairement, et de 16.3% pour le défendeur, sous déduction de l'avance de frais de CHF 2'000.- effectuée pour la seconde expertise (CHF 8'578.- en chiffres ronds – CHF 2'000.- = 6’578.-).
23.2 Dans la mesure où le défendeur a obtenu partiellement gain de cause, les demanderesses seront condamnées à lui verser une indemnité à titre de dépens de CHF 3'000.-.
23.3 Quant aux demanderesses qui obtiennent partiellement gain de cause dans une moindre mesure, l'art. 87 al. 2 LPA prévoit que la juridiction administrative peut, sur requête, allouer à la partie ayant obtenu entièrement ou partiellement gain de cause, une indemnité pour les frais indispensables causés par le recours. L'art 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03) prescrit que la juridiction peut allouer à une partie pour les frais indispensables occasionnés par la procédure, y compris les honoraires éventuels d’un mandataire, une indemnité de CHF 200.- à 10’000.-. Toutefois, selon la jurisprudence constante de la chambre administrative de la Cour de justice de Genève, seuls les plaideurs privés ou les entités publiques pas suffisamment importantes pour se défendre par eux-mêmes (par ex. les communes en-dessous de 10'000 habitants) ont droit à une indemnité. Les collectivités publiques qui possèdent un service juridique et sont susceptibles d'être couramment confrontées à des problèmes, sont considérées être capables de traiter elles-mêmes les procédures (Stéphane GRODECKI / Romain JORDAN, op.cit., ch. 1041, p. 272 s. et références citées). Or, comme le Tribunal fédéral l'a confirmé encore récemment, les assurances qui pratiquent l'assurance obligatoire des soins sont considérées comme des organisations chargées de tâches de droit public. À ce titre, elles ne peuvent prétendre à une participation à leurs honoraires d'avocat (ATF 149 II 381 consid. 7.3 p. 382 ss).
LE TRIBUNAL ARBITRAL DES ASSURANCES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare la demande recevable.
Au fond :
2. L'admet partiellement.
3. Condamne le défendeur à restituer aux demanderesses, en mains de SANTÉSUISSE, la somme de CHF 19'155.-.
4. Condamne les parties au paiement des frais du Tribunal arbitral, dont un émolument de CHF 3'000.-, les frais d'expertises de CHF 24'785.- et CHF 15'555.-, à raison de CHF 44’051.- à la charge des demanderesses, prises conjointement et solidairement, et de CHF 6’578.- à la charge du défendeur.
5. Condamne les demanderesses à verser au défendeur la somme de CHF 3'000.- à titre de participation à ses frais et dépens.
6. Déboute les parties de toutes autres ou contraires conclusions.
7. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
| La greffière
Christine RAVIER |
| La présidente suppléante
Maya CRAMER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Office fédéral de la santé publique par le greffe le