Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/871/2025 du 14.11.2025 ( LCA ) , REJETE
En droit
| rÉpublique et | canton de genÈve | |
| POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
| A/522/2024 ATAS/871/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
| Arrêt du 14 novembre 2025 Chambre 3 | ||
En la cause
| A______ représenté par Me Thierry STICHER, avocat | demandeur |
contre
| ALLIANZ SUISSE SOCIÉTÉ D’ASSURANCES SA | défenderesse |
A. a. A______ (ci-après : l’assuré), né en 1961, domicilié à Genève, a été engagé en qualité d’employé d’entretien à temps partiel en mai 2018 par la société B______ SA (ci-après : l’employeuse), sise à Genève. Il travaillait en parallèle pour un autre employeur.
b. L’employeuse a conclu avec ALLIANZ SUISSE SOCIÉTÉ D’ASSURANCES SA (ci-après : l’assurance), en faveur de son personnel, un contrat d’assurance collective perte de gain maladie prévoyant une indemnité journalière en cas de maladie fixée à 80% du salaire assuré durant 720 jours, après écoulement d’un délai d’attente de deux jours.
c. L’assuré s’est trouvé en incapacité totale de travail du 1er septembre au 17 décembre 2020 en raison d’un cancer. Il a, à ce titre, reçu de l’assurance des indemnités journalières du 3 septembre au 17 décembre 2020.
Du 6 au 24 janvier 2021, il a été mis en arrêt de travail, pour cause de lombo-cruralgie bilatérale et tendinite ilio tibiale par le docteur C______, médecin praticien.
À compter du 25 janvier 2021, l’oncologue traitant, le docteur D______, spécialiste en radio-oncologie et radiothérapie, a à nouveau attesté d’une incapacité totale de travail, par divers certificats qu’il a renouvelés jusqu’au 7 mai 2021.
d. Par courrier du 14 avril 2021, la CAISSE NATIONALE SUISSE D’ASSURANCE EN CAS D’ACCIDENTS (ci-après : la SUVA), assureur-accidents, a fait savoir qu’elle prenait en charge les frais de traitement pour une rechute annoncée le 7 mars 2021, relative à un accident non professionnel du 21 octobre 2010.
e. Le 6 mai 2021, le docteur E______, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, a délivré un certificat d’arrêt de travail à 100% dès le 19 mai 2021 pour cause d’accident, renouvelé jusqu’au 17 août 2021, puis du 28 septembre au 12 octobre 2021, date à compter de laquelle le médecin a attesté d’une incapacité totale de travail pour cause de maladie jusqu’au 16 août 2022, puis à nouveau pour cause d’accident du 17 août 2022 au 2 mars 2023.
f. Dans un rapport du 7 mai 2021, le Dr D______ a indiqué que le cancer de la prostate causait une fatigue psychologique et physique et que l’assuré était dans l’impossibilité de faire le moindre effort. Sa capacité de travail dans l’activité précédente s’en trouvait diminuée, ainsi qu’en raison de douleurs du dos, de sorte que cette activité n’était plus raisonnable du point de vue médical. Il a par ailleurs répondu par la négative à la question de savoir si l’on pouvait prévoir une reprise de l’activité professionnelle ou une augmentation de la capacité de travail. Des mesures n’étaient pas non plus indiquées sur le plan professionnel. Le traitement allait être poursuivi par le docteur F______, spécialiste en urologie.
g. Du 8 mai au 31 octobre 2021, la docteure G______, spécialiste en médecine générale, a attesté d’une incapacité totale de travail de l’assuré pour cause de maladie.
h. Le 19 mai 2021, l’employeuse a rempli une déclaration de sinistre à l’intention de la SUVA, indiquant que l’assuré se plaignait de douleurs à l’épaule gauche et qu’il se trouvait déjà en arrêt maladie.
i. Par correspondance du 15 juin 2021 adressée à l’employeuse, la SUVA a annoncé qu’elle ne verserait pas d’indemnités journalières, l’assuré étant déjà en incapacité totale de travail pour cause de maladie.
j. S’agissant de l’incapacité de travail dès le 6 janvier 2021, l’assurance a versé des indemnités journalières perte de gain maladie de 35.48 CHF/jour du 8 janvier 2021 au 31 août 2021.
k. Le 10 décembre 2021, le Dr E______ a rempli un rapport à l’intention de l’assurance, dans lequel il a exposé que l’assuré avait été hospitalisé en clinique du 19 au 23 mai 2021 pour traiter une rupture de la coiffe de l’épaule gauche, accidentée le 21 octobre 2010. L’évolution post-opératoire avait été marquée d’une capsulite rétractile avec raideur, douleurs en charge et mobilité très limitée. La capacité de travail dans l’activité précédente avait été diminuée de 100% depuis le 19 mai 2021 et une éventuelle reprise devait être réévaluée durant les mois suivants.
l. En réponse à un courrier de l’assurance du 12 octobre 2021, la Dre G______ a rédigé un rapport, le 7 janvier 2022, dans lequel elle a mentionné que l’assuré souffrait de trois atteintes différentes à la santé. Il présentait un adénocarcinome prostatique diagnostiqué en mai 2020 et traité par une tentative de prostatectomie le 25 novembre 2021 [recte : 2020] n’ayant pas abouti en raison d’un status inflammatoire local et avait ensuite bénéficié d’une radiothérapie conduite par le Dr D______ en février 2021. Il souffrait aussi de lombalgies chroniques et de douleurs des membres inférieurs avec polyarthrose, ainsi que d’une rupture de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche, ayant justifié une arthroscopie pratiquée par le Dr E______ le 19 mai 2021.
S’agissant de l’évolution des pathologies, l’assuré avait noté une diminution des douleurs pelviennes et des symptômes mictionnels depuis la radiothérapie. Il se plaignait de rachialgies diffuses et de douleurs dans les membres inférieurs, sans amélioration notable, malgré de la physiothérapie et l’essai d’introduction de Prégabaline et d’un traitement anti-dépresseur pour tenter de contrôler les douleurs chroniques.
Concernant les limitations dans le domaine professionnel, l’adénocarcinome prostatique n’en entraînait plus du tout, mais des renseignements complémentaires pouvaient être pris auprès du Dr F______. En raison des douleurs chroniques liées à la polyarthrose, des lombalgies et des radiculalgies chroniques, une activité légère pouvait encore être effectuée, mais non un travail physique. La poursuite de l’incapacité de travail dépendait désormais de la rupture traumatique de la coiffe des rotateurs ; il fallait s’adresser au Dr E______ pour cette question. Sur le plan thérapeutique, il était important de poursuivre les antalgiques et une physiothérapie au long cours. Une évaluation de gonarthrose et une éventuelle indication chirurgicale devaient par la suite être effectuées.
m. Le 27 janvier 2022, le docteur H______, médecin-conseil de l’assurance, spécialiste en hématologie et médecine interne générale, a émis l’avis que l’incapacité de travail actuelle était liée aux suites de l’opération du Dr E______ avec une évolution en capsulite rétractile qui pouvait durer de nombreux mois. L’incapacité de travail pour cette pathologie était justifiée depuis la date de l’opération, le 19 mai 2021. Quant au cancer de la prostate, le médecin a estimé qu’il « ne devrait plus interférer avec la capacité de travail ».
n. À la question de l’administration de savoir depuis quand le cas ne relevait plus de la maladie (cancer de la prostate), mais uniquement de l’accident, le Dr H______ a retenu la date du 7 mai 2021, correspondant au jour où le Dr D______ avait délivré un certificat médical mettant fin à l’arrêt de travail. Ensuite, le cas avait relevé de l’accident, l’assuré ayant été opéré le 19 mai 2021 par le Dr E______ (courriel du 25 février 2022).
B. a. Par lettre du 28 mars 2022, l’assurance a informé l’employeuse qu’elle considérait que la couverture maladie s’était terminée le 7 mai 2021, le cas relevant par la suite d’un accident. Le remboursement des prestations versées du 8 mai au 31 octobre 2021 [recte : 31 août 2021] allait être demandé et il fallait solliciter de la SUVA la réouverture du dossier.
b. La SUVA a versé une indemnité journalière de CHF 36.60 du 7 octobre 2022 au 2 mars 2023 en raison de l’incapacité totale de travail de l’assuré.
c. Le 24 février 2023, l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI) a adressé à l’assuré un projet de décision dont il ressortait qu’il envisageait de lui reconnaître le droit à une rente entière d’invalidité à partir du 1er mai 2022, pour incapacité de travail totale dans toute activité depuis le 19 mai 2021.
d. Interpellée par l’assuré quant au versement des prestations de l’assurance-accidents en lien avec la rechute de mars 2021 et un nouvel évènement accidentel du 10 janvier 2022, la SUVA a répondu, par courrier du 1er septembre 2023, qu’en vertu de la recommandation n°13/85 de la Commission ad hoc sinistres LAA, tant et aussi longtemps qu’il existait avant l’accident une incapacité de travail causée par une maladie, l’accident ne pouvait pas déclencher le versement d’indemnités journalières. Selon les informations qu’elle avait reçues, l’assuré était en incapacité de travail pour cause de maladie depuis septembre 2020, avec un droit aux indemnités journalières perte de gain maladie depuis le 1er septembre 2020. Elle n’avait jamais reçu la preuve formelle, par la remise d’un certificat ou d’un rapport médical, qu’il était apte à reprendre ses activités professionnelles pour les suites de la maladie et ce, même au-delà de la fin des prestations d’assurance-maladie perte de gain. Une reprise à 100% pour les suites de la maladie n’était pas possible, vu l’octroi d’une rente d’invalidité par l’OAI, qui reconnaissait une incapacité de travail durable et totale dans toute activité dès le 19 mai 2021. Elle avait donc versé à tort des indemnités journalières du 7 octobre 2022 au 2 mars 2023, mais renonçait à en réclamer la restitution. L’assuré ne s’était par ailleurs pas manifesté dans les délais utiles et n’avait pas demandé de décision attaquable à la suite des décisions informelles rendues les 15 juin 2021 et 28 janvier 2022 en procédure simplifiée, si bien que celles-ci, notifiées plus d’une année auparavant, étaient entrées en force.
e. Le 27 septembre 2023, se prévalant du courrier précité de la SUVA, l’assuré a réclamé que l’assurance reprenne le versement des indemnités journalières perte de gain maladie avec effet à la date à laquelle elles avaient été supprimées.
f. Le 16 novembre 2023, l’assuré a adressé à l’office des poursuites de Wallisellen une réquisition de poursuite contre l’assurance, portant sur la somme de CHF 20’000.- avec intérêts à 5% dès le 1er octobre 2021, invoquant comme cause de sa créance des indemnités journalières maladie d’octobre 2021 à octobre 2022.
g. Le 11 décembre 2023, l’assurance a formé opposition totale au commandement de payer, poursuite n° 1______.
C. a. Le 14 février 2024, l’assuré a saisi la Cour de céans d’une demande en paiement dirigée contre l’assurance, en concluant, sous suite de dépens, à ce que cette dernière soit condamnée à lui verser la somme de CHF 18’320.90 avec intérêts à 5% l’an dès les 23 septembre 2023 et à ce que la mainlevée de l’opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, soit prononcée à hauteur du montant précité.
Ne disposant pas des documents contractuels d’assurance, il sollicite le paiement d’indemnités pour une période de 730 jours, sous déduction des montants déjà versés par la défenderesse, étant précisé que ne sont pas pris en compte à titre de déduction les montants dont la défenderesse a indiqué réclamer le remboursement par courrier du 28 mars 2022 (soit ceux concernant la période du 8 mai au 31 octobre 2021).
b. Dans sa réponse du 16 août 2024, la défenderesse a conclu au rejet de la demande, sous suite de dépens.
La défenderesse indique avoir versé des indemnités journalières à l’employeuse du 1er septembre 2020 au 31 août 2021, date à laquelle elle a cessé de prester en raison de l’avis de son médecin-conseil, selon lequel l’arrêt de travail induit par le cancer s’était terminé le 7 mai 2021. La suite de l’incapacité de travail relevait de l’accident, et donc de la SUVA.
c. Dans sa réplique du 27 août 2024, le demandeur a persisté dans ses conclusions, en soulignant que la question déterminante est de savoir qui, de l’assureur perte de gain maladie ou de l’assureur-accidents, doit prendre le cas en charge, personne ne contestant son incapacité de travail durant la période litigieuse.
Au vu des motifs figurant dans le courrier de la SUVA du 1er septembre 2023, le demandeur considère que c’est à la défenderesse de prester. L’avis de son médecin-conseil est peu probant et fait uniquement état du fait que le cancer de la prostate n’avait plus d’influence sur sa capacité de travail lorsque cet avis a été émis.
Le demandeur requiert au surplus que la SUVA soit appelée en cause, afin d’éviter le risque de décisions contradictoires.
d. Par écriture du 12 septembre 2024, la défenderesse s’est opposée à l’appel en cause de la SUVA, en rappelant que cela est impossible en procédure simplifiée. En cas de rejet de sa demande, il appartiendra au demandeur de requérir le réexamen de la décision de refus de la SUVA, subsidiairement une décision de prise en charge rétroactive de son accident.
e. Le 26 juin 2025, la Cour de céans a tenu une audience de débats d’instruction et de débats principaux et a procédé à l’audition des parties.
Le demandeur a déclaré être toujours resté en arrêt maladie à 100% en raison de sa prostate, le Dr F______ n’ayant quant à lui délivré des arrêts de travail que pour des causes strictement urologiques. L’OAI n’a pas mis en œuvre de mesures d’instruction et a reconnu le droit à une rente entière principalement en raison du problème urologique, mais aussi pour l’atteinte à l’épaule.
Le demandeur a renoncé à l’appel en cause de la SUVA et à une dénonciation d’instance et sollicité l’audition des Drs D______ et F______, voire une expertise judiciaire, si leur audition ne devait pas suffire.
La défenderesse a précisé ne pas avoir demandé à l’employeuse la restitution des indemnités journalières versées du 8 mai au 31 août 2021 et y renoncer également à l’égard du demandeur.
f. Le 18 septembre 2025, la Cour de céans a entendu les Drs D______ et F______ en qualité de témoins.
Le Dr D______ a indiqué avoir assuré le suivi médical oncologique du demandeur depuis le 17 décembre 2020. De la radiothérapie a été effectuée du 1er février au 1er mars 2021, traitement qui induit des effets secondaires pouvant durer quatre à six semaines. En l’occurrence, le demandeur a été suivi jusqu’au 26 avril 2021 en raison de ces effets, de sorte que des arrêts de travail ont été délivrés jusqu’en mai 2021. Par la suite, un suivi oncologique a été assuré, pour vérifier que la maladie était sous contrôle, à raison d’une consultation tous les six mois les deux premières années, puis une fois par année jusqu’à cinq ans, en alternance avec l’urologue.
Questionné sur une éventuelle incapacité de travail après le 7 mai 2021 pour des raisons strictement oncologiques, le médecin a déclaré que cela était possible, mais qu’il s’en rapportait sur ce point à l’avis de l’urologue qui avait continué le suivi. Pour sa part, il passe rarement d’un arrêt de travail à 100% à une reprise brutale et préconise plutôt une reprise progressive à temps partiel. Comme le mentionnait la Dre G______ dans son rapport du 7 janvier 2022, il était fort possible qu’à cette date, il n’y ait plus eu de limitations fonctionnelles d’un point de vue oncologique, les douleurs locales ayant en tous les cas disparu. Restait la question d’éventuelles conséquences psychologiques, le demandeur ayant été perturbé par la survenance brutale du cancer. Une reprise à temps partiel devait en tous les cas être possible à ce moment-là, mais il valait mieux s’en rapporter à l’avis de l’urologue.
Les douleurs dorsales évoquées dans son rapport du 7 mai 2021 constituaient plutôt des douleurs pelviennes, effets secondaires aigus consécutifs à la radiothérapie qui disparaissent en général après six semaines.
Le Dr F______ a quant à lui confirmé que le cancer de la prostate avait été diagnostiqué le 19 mai 2020. Une opération de prostatectomie a eu lieu le 25 novembre 2020, mais a dû être avortée en raison d’antécédents médicaux et il a donc été opté pour de la radiothérapie. Après ce traitement, une surveillance s’est exercée régulièrement, en alternance avec le radiologue.
La maladie a induit de grandes difficultés chez le demandeur, notamment sur le plan psychologique. Le témoin n’a pas su dire exactement jusqu’à quand a duré l’incapacité de travail. De manière générale, cela dure trois à six mois après la fin du traitement. Il ressort de ses notes que le demandeur allait enfin mieux le 14 décembre 2021, date à laquelle il l’a revu pour la première fois depuis avril 2021. Le témoin a indiqué n’avoir délivré des arrêts de travail qu’en lien avec l’opération ; par la suite, cela incombait au radiothérapeute. En tant qu’urologue, selon la procédure, il voit le patient lorsque le radiothérapeute le lui adresse, en général six mois après la fin du traitement, car il faut laisser le temps agir. Ensuite, le patient est vu une fois par an et, en l’occurrence, il a vu le demandeur tous les six mois. Le témoin a indiqué partager le point de vue de la Dre G______ selon laquelle il n’y a plus eu de limitations professionnelles en date du 7 janvier 2022.
g. Les parties ont déposé leurs plaidoiries finales écrites en dates des 30 septembre et 3 octobre 2025 et ont persisté dans leurs conclusions.
1.
1.1 Conformément à l’art. 7 du Code de procédure civile suisse du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) et à l’art. 134 al. 1 let. c de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations relatives aux assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale prévue par la LAMal, relevant de la loi fédérale sur le contrat d’assurance, du 2 avril 1908 (loi sur le contrat d’assurance, LCA - RS 221.229.1).
Selon les conditions générales pour l’assurance-maladie collective auxquelles renvoie la police d’assurance, le contrat est régi par la LCA.
Par ailleurs, selon la jurisprudence, toute assurance d’indemnités journalières en cas de maladie, soumise à la LCA, doit être considérée comme une assurance complémentaire à l’assurance-maladie sociale (arrêts du Tribunal fédéral 4A_47/2012 du 12 mars 2021 consid. 2 et 4A_118/2011 du 11 octobre 2011 consid. 1.3 et les références).
La compétence de la Cour de céans à raison de la matière pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Selon l’art. 31 CPC, le tribunal du domicile ou du siège du défendeur ou celui du lieu où la prestation caractéristique doit être exécutée est compétent pour statuer sur les actions découlant d’un contrat. L’art. 17 al. 1 CPC consacre par ailleurs la possibilité d’une élection de for écrite.
En l’occurrence, la prestation caractéristique vise le versement d’indemnités journalières. Il s’agit d’une dette portable qui doit être exécutée au domicile de l’ayant droit, soit à Genève. L’art. 20 des conditions générales d’assurance énonce par ailleurs que le lieu de travail en Suisse est également reconnu comme for juridique en cas de litiges dans le cadre de l’assurance collective d’indemnité journalière en cas de maladie souscrite par un employeur pour ses employés.
La Cour de céans est par conséquent également compétente à raison du lieu.
1.3 Les litiges relatifs aux assurances complémentaires à l’assurance-maladie ne sont pas soumis à la procédure de conciliation préalable de l’art. 197 CPC lorsque les cantons ont prévu une instance cantonale unique selon l’art. 7 CPC (ATF 138 III 558 consid. 4.5 et 4.6 ; ATAS/577/2011 du 31 mai 2011), étant précisé que le législateur genevois a fait usage de cette possibilité (art. 134 al. 1 let. c LOJ).
1.4 La demande, qui répond par ailleurs aux exigences légales et de forme (art. 130 et 244 CPC), est par conséquent recevable.
2. Le litige porte sur le point de savoir si la défenderesse est tenue de verser des indemnités journalières au demandeur au-delà du moment où elle a cessé de prester, singulièrement sur la question de savoir si l’incapacité de travail de ce dernier dès le 7 mai 2021 en raison d’une maladie est démontrée.
3.
3.1 La procédure simplifiée s’applique aux litiges portant sur des assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale au sens de la LAMal (art. 243 al. 2 let. f CPC) et la Cour de céans établit les faits d’office (art. 247 al. 2 let. a CPC).
La maxime inquisitoire sociale ne modifie pas la répartition du fardeau de la preuve (arrêt du Tribunal fédéral 4C.185/2003 du 14 octobre 2003 consid. 2.1).
En l’absence de disposition spéciale contraire, l’art. 8 du code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) répartit le fardeau de la preuve pour toutes les prétentions fondées sur le droit privé fédéral et détermine, sur cette base, laquelle des parties doit assumer les conséquences d’un échec de la preuve. En conséquence, l’ayant droit est tenu de prouver les faits relatifs à la « justification de ses prétentions » (selon la note marginale de l’art. 39 LCA), à savoir l’existence d’un contrat d’assurance, la survenance du cas d’assurance et l’étendue de ses prétentions, tandis que le fardeau de la preuve relatif aux faits supprimant le droit, respectivement l’empêchant, incombe à la partie qui affirme la perte du droit ou qui conteste son existence ou son étendue. Ces principes, qui sont également applicables dans le domaine du contrat d’assurance, impliquent qu’il incombe à l’ayant droit d’alléguer et de prouver notamment la survenance du sinistre (cf. ATF 148 III 105 consid. 3.3.1 ; 130 III 321 consid. 3.1).
Le degré de preuve ordinaire s’applique à l’incapacité de travail alléguée en lien avec la survenance du cas d’assurance. Par conséquent, la preuve est apportée lorsque le tribunal, en se fondant sur des éléments objectifs, est convaincu de l’exactitude d’une allégation de fait. Il suffit qu’il n’y ait plus de doutes sérieux quant à l’existence du fait allégué ou que les doutes qui subsistent éventuellement paraissent légers (ATF 148 III 105 consid. 3.3.1).
3.2 Le principe de la libre appréciation des preuves s’applique lorsqu’il s’agit de se prononcer sur des prestations en matière d’assurance sociale. Rien ne justifie de ne pas s’y référer également lorsqu’une prétention découlant d’une assurance complémentaire à l’assurance sociale est en jeu (arrêt du Tribunal fédéral 4A_5/2011 du 24 mars 2011 consid. 4.2). Le principe de la libre appréciation des preuves signifie que le juge apprécie librement les preuves, sans être lié par des règles formelles, en procédant à une appréciation complète et rigoureuse des preuves. Dès lors, le juge doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de statuer sur le droit litigieux (arrêt du Tribunal fédéral 4A_253/2007 du 13 novembre 2007 consid. 4.2).
3.3 Le droit à la preuve est une composante du droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution (Cst. - RS 101) ; il se déduit également de l’art. 8 CC et trouve désormais une consécration expresse à l’art. 152 CPC. Il implique que toute partie a le droit, pour établir un fait pertinent contesté, de faire administrer les moyens de preuves adéquats, pour autant qu’ils aient été proposés régulièrement et en temps utile selon la loi de procédure applicable. Les art. 8 CC et 152 CPC ne régissent pas l’appréciation des preuves et ne disent pas quelles mesures probatoires doivent être ordonnées, ni ne dictent au juge civil comment forger sa conviction. En outre, le droit à la preuve n’interdit pas au juge de mettre un terme à l’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis d’acquérir une conviction et qu’à l’issue d’une appréciation anticipée des moyens de preuves qui lui sont encore proposés, il a la certitude que ceux-ci ne pourraient pas l’amener à modifier son opinion (arrêt du Tribunal fédéral 4A_42/2017 du 29 janvier 2018 consid. 3.2 et les références). La maxime inquisitoire sociale ne permet pas d’étendre à bien plaire l’administration des preuves et de recueillir toutes les preuves possibles (ATF 125 III 231 consid. 4a).
3.4 La LCA ne contenant aucune disposition spécifique à l’indemnité journalière en cas de maladie, le droit aux prestations se détermine d’après la convention des parties (ATF 133 III 185 consid. 2).
4.
4.1 En l’occurrence, aux termes de la police d’assurance, la défenderesse prend en charge le versement d’indemnités journalières en cas de maladie correspondant à 80% du salaire assuré durant 720 jours dans une période de 900 jours avec imputation du délai d’attente de deux jours.
Selon l’art. 3 § 1 des conditions générales, est réputée maladie toute atteinte à la santé physique, mentale ou psychique qui n’est pas due à un accident et qui exige un examen ou un traitement médical ou provoque une incapacité de travail.
Est réputée incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l’aptitude de l’assuré à accomplir tant dans sa profession actuelle que dans une autre profession ou domaine d’activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d’une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique. Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de travail. De plus, il n’y a incapacité de travail que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable.
4.2 Il n’est en l’espèce pas contesté que le demandeur a été en incapacité de travail en raison d’un cancer de la prostate du 1er septembre au 17 décembre 2020, puis du 25 janvier au 7 mai 2021, périodes durant lesquelles la défenderesse a versé ses prestations. À teneur des pièces produites, les indemnités journalières ont de plus continué à être versées jusqu’au 31 août 2021 et, bien que la défenderesse soutienne que le demandeur n’a plus été en incapacité de travail pour cause de maladie après le 7 mai 2021, elle a renoncé à exiger le remboursement des prestations allouées jusqu’au 31 août 2021.
Dans ces circonstances, la question litigieuse se limite à examiner si le demandeur a été en incapacité de travail pour cause de maladie après le 31 août 2021, singulièrement à dire si les effets du cancer de la prostate continuaient alors à déployer leurs effets.
4.3 Plusieurs médecins ont participé au suivi médical du demandeur et se sont prononcés sur le cas.
À la lecture du rapport rédigé le 7 mai 2021 par le Dr D______, il paraît de prime abord possible d’inférer que l’incapacité de travail du demandeur en raison du cancer avait perduré après le 7 mai 2021, puisque l’oncologue n’envisageait alors pas une reprise de travail. Néanmoins, entendu en audience, ce médecin a précisé que les effets secondaires de la radiothérapie se sont manifestés jusqu’en mai 2021, douleurs pelviennes comprises. L’oncologue n’a ainsi pu attester d’une incapacité de travail postérieure à cette date. Il s’est contenté de la qualifier de « possible », préférant s’en rapporter à l’avis de son confrère urologue sur ce point.
Or, force est de constater que ce dernier n’a pas délivré de certificats d’arrêt de travail après la tentative de prostatectomie ou après la radiothérapie, expliquant que cela incombait au radiothérapeute. Il n’a par ailleurs pas vu le demandeur en consultation entre avril et décembre 2021. S’il est certes vrai qu’il a indiqué que la maladie avait induit de grandes difficultés pour le demandeur et que celui-ci se sentait enfin mieux lors de la consultation du 14 décembre 2021 seulement, cet élément, fondé sur le ressenti subjectif de son patient, à défaut de constatations cliniques du médecin en temps voulu, ne constitue pas une évaluation médicale objective et ne saurait à lui seul attester d’une incapacité de travail antérieure. L’urologue a d’ailleurs admis ne pouvoir dire jusqu’à quand l’incapacité de travail avait duré, celle-ci s’étendant de manière générale de trois à six mois après la fin du traitement. Au vu du fait que le traitement par radiothérapie a, dans le cas d’espèce, pris fin le 1er mars 2021, il en découlerait tout au plus une potentielle incapacité de travail jusqu’au 31 août 2021, période pour laquelle la défenderesse a versé des indemnités journalières dont elle ne demande pas le remboursement.
Quant à une éventuelle incapacité de travail en raison de difficultés psychiques, le Dr D______ a relevé que le demandeur avait été ébranlé par la survenue brutale d’un cancer et le Dr F______ a précisé que la maladie avait induit de grandes difficultés, notamment sur le plan psychologique. Cela étant, aucun des deux médecins n’a fait état d’une incapacité de travail découlant de ces difficultés et le radiothérapeute s’en est au surplus référé à son confrère urologue. Sans vouloir minimiser l’impact que l’annonce d’une maladie grave peut avoir eu sur le demandeur, la Cour de céans constate qu’un suivi auprès d’un spécialiste psychiatre n’a pas été instauré, ni un traitement médicamenteux en raison d’une fragilité psychique. La Dre G______, médecin généraliste, n’a d’ailleurs pas allégué qu’un traitement psychiatrique aurait été prodigué pour aider l’assuré sur le plan psychique, mais a uniquement cité l’essai d’introduction de Prégabaline et d’un traitement anti-dépresseur ayant pour objectif le contrôle des douleurs chroniques. Dans ces circonstances, pour autant déstabilisante qu’ait pu être la découverte du cancer, aucun élément ne permet de conclure que cette situation aurait eu une influence sur la capacité de travail du demandeur.
L’allégation du demandeur selon laquelle il a continué à être en incapacité de travail pour cause de maladie après le 7 mai 2021 n’est pas non plus prouvée par les certificats d’arrêts de travail délivrés par la Dre G______ du 8 mai au 31 octobre 2021. Il s’agit en effet de simples attestations d’arrêts de travail, dépourvues de toute motivation et la médecin, dans son rapport du 7 janvier 2022, n’a pas mentionné d’incapacité de travail postérieure au traitement de radiothérapie. Elle ne se prononce pas sur l’évolution de la capacité de travail avant la rédaction de son rapport, notant uniquement qu’à ce moment-là, l’adénocarcinome prostatique n’entraînait plus de limitations, et que l’incapacité de travail était due à la rupture traumatique de la coiffe des rotateurs. Dans la mesure où les spécialistes chargés du suivi du demandeur pour le traitement du cancer n’ont pas réalisé des consultations rapprochées et n’ont pas attesté d’une incapacité de travail après le 7 mai 2021, des doutes sérieux subsistent à cet égard, qui ne permettent pas de considérer ce fait comme prouvé.
Les certificats d’arrêts de travail établis par le Dr E______ mentionnant une origine maladive du 12 octobre 2021 au 16 août 2022 apparaissent eux aussi dépourvus de force probante, dès lors qu’ils ne sont pas motivés, font suite à de précédents certificats d’arrêts fondés sur une cause accidentelle et une intervention chirurgicale pour rechute d’un ancien accident, et sont suivis de nouveaux certificats d’incapacité de travail pour cause d’accident.
Quant à l’éventualité que les lombalgies aient été la cause d’une incapacité de travail pour la période déterminante, il sied de constater que, non seulement, le demandeur ne l’allègue pas, mais encore qu’il n’a plus fourni de certificats d’arrêts de travail en raison de cette maladie après le 24 janvier 2021, alors qu’il avait en début d’année consulté un médecin praticien à cet effet. En outre, selon les déclarations du Dr D______ lors de son audition, les douleurs dorsales mentionnées dans son rapport du 7 mai 2021 s’avéraient être en réalité des douleurs pelviennes, effets secondaires aigus consécutifs à la radiothérapie, disparaissant en règle générale après six semaines.
Enfin, l’appréciation de la SUVA fondée sur la recommandation n° 13/85 de la Commission ad hoc sinistres LAA ne saurait, sur le principe, lier la Cour de céans. L’assurance-accidents a pour le surplus motivé son point de vue par le fait qu’elle n’avait jamais reçu la « preuve formelle » que le demandeur était apte à reprendre ses activités professionnelles, ce qui va à l’encontre de la répartition du fardeau de la preuve dans les procédures soumises à la LCA. L’affirmation qu’une reprise à 100% n’était pas possible en raison de l’octroi d’une rente d’invalidité par l’OAI se heurte par ailleurs au fait que cette assurance a reconnu une incapacité de travail durable et totale dans toute activité dès le 19 mai 2021, soit dès la date de l’opération de l’épaule. À défaut d’autres éléments, une cause accidentelle à l’origine de la reconnaissance de l’incapacité de travail semble ainsi plus probable.
4.4 Compte tenu de ce qui précède, force est de constater que le demandeur n’a pas apporté la preuve que son incapacité de travail pour cause de maladie a perduré au-delà du 7 mai 2021, respectivement du 31 août 2021.
Par appréciation anticipée des preuves, il n’y a pas lieu de procéder à une expertise judiciaire, les prestations litigieuses couvrant une période révolue sur laquelle un expert devrait se prononcer en tenant essentiellement compte des éléments médicaux établis à l’époque, lesquels ont été soumis à l’examen de la Cour de céans.
5. Partant, la demande est rejetée.
Pour le surplus, il n’est pas alloué de dépens à la charge du demandeur (art. 22 al. 3 let. b de la loi d’application du code civil suisse et d’autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 [LaCC - E 1 05]), ni perçu de frais judiciaires (art. 114 let. e CPC).
***
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare la demande recevable.
Au fond :
2. La rejette.
3. Dit que la procédure est gratuite.
4. Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (Tribunal fédéral suisse, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14), sans égard à sa valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoqués comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.
| La greffière
Diana ZIERI |
| La présidente
Karine STECK
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Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) par le greffe le