Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/796/2025 du 20.10.2025 ( AI ) , ADMIS
En droit
| rÉpublique et | canton de genÈve | |
| POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
| A/3518/2024 ATAS/796/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
| Arrêt du 20 octobre 2025 Chambre 6 | ||
En la cause
| A______ Représenté par Me Émilie CONTI MOREL, avocate
| recourant |
contre
|
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE |
intimé |
A. a. A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1975, de nationalité suisse, célibataire, est titulaire d’un CFC de peintre en automobile.
b. Il a travaillé comme militaire contractuel pour les forces terrestres du 1er août 2005 au 31 janvier 2006, et pour les forces aériennes du 1er août au 15 septembre 2006, puis comme polisseur du 4 décembre 2006 jusqu’au 9 mars 2007 et comme manutentionnaire du 1er octobre au 2 décembre 2007, pour B______SA.
B. a. Le 9 juillet 2004, l’assuré, en soulevant de grandes barres en aluminium, a fait un faux mouvement et a ressenti un craquement et une douleur à l’épaule gauche (probable microdéchirure dans la région du long chef du biceps).
b. Le 10 janvier 2006, la docteure C______, spécialiste en médecine interne générale, a attesté de troubles du caractère probablement de type borderline. Le 14 mars 2007, elle a indiqué une consultation de l’assuré pour une décompensation anxio-dépressive réactionnelle à des problèmes de couple et signalé une forte crainte d’une évolution vers une décompensation psychique sévère.
c. Le 18 octobre 2007, l’assuré a chuté d’une échelle et une poutre métallique de 100 kg a pivoté et heurté son épaule gauche (suspicion d’une lésion SLAP [Superior Labral Antero-Posterior Lesion]).
d. Le 29 mars 2008, dans le cadre d’une présélection à un engagement de militaire sportif, l’assuré s’est blessé à l’épaule gauche (saut sur une barre avec les deux mains et chute sur l’épaule gauche).
e. Le 30 octobre 2008, l’assuré a subi une intervention (résection de la clavicule) pour un diagnostic d’arthrose acromio-claviculaire débutante post-traumatique.
f. La SUVA (assurance militaire) a pris le cas en charge jusqu’au 31 janvier 2009 (décision de la SUVA du 12 février 2009).
g. Le 19 juin 2009, l’assuré a formé une demande de prestations d’invalidité, auprès de l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI) de Fribourg.
h. Par décision du 1er avril 2009, confirmée sur opposition le 11 août 2009, la SUVA Fribourg a refusé la prise en charge des troubles de l’épaule gauche de l’assuré, en excluant leur causalité avec l’accident du 18 octobre 2007.
i. Le 30 octobre 2009, la Dre C______ a relevé que du point de vue psychique l’assuré avait un fort caractère et menait une vie chaotique.
j. Un stage auprès de l’Organisation romande pour l’intégration et la formation (ci-après : ORIF) du 20 septembre au 17 décembre 2010 a été proposé à l’assuré, qui ne s’y est pas présenté.
k. Par décision du 30 juin 2011, l’OAI du canton de Vaud a rejeté la demande de rente et dit que le droit à des mesures d’ordre professionnel avait été reconnu.
l. Le 16 novembre 2011, l’assuré a déposé auprès de l’OAI du canton de Genève une nouvelle demande de prestations.
m. Dès le 15 janvier 2015, le docteur D______, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, a attesté d’une incapacité de travail totale de l’assuré.
n. Par décision du 5 décembre 2011, l’OAI a refusé d’entrer en matière sur la nouvelle demande de prestations.
o. Le 21 novembre 2014, le Dr D______ a pratiqué une intervention de stabilisation selon Latarjet en raison d’une instabilité glénohumérale antéro-inférieure récurrente gauche.
p. Le 18 janvier 2016, l’assuré a été à nouveau opéré par le Dr D______ (ténodèse du long chef du biceps et réparation de la coiffe des rotateurs antérieure).
C. a. Le 26 janvier 2017, l’assuré a déposé une nouvelle demande de prestations d’invalidité.
b. Le 26 septembre 2017, la docteure E______, spécialiste en médecine générale, a attesté d’une instabilité glénohumérale droite et gauche depuis 2014 et d’une capacité de travail dans une activité sédentaire, sans mobilisation, sollicitation des membres supérieurs.
c. Le 30 août 2019, la Dre E______ a attesté d’une capacité de travail nulle dans toute activité pour des raisons physiques et psychiques, soit une instabilité des épaules, des vomissements itératifs et un stress post-traumatique.
d. Le 5 décembre 2019, le Dr D______ a attesté d’une capacité de travail de 100% dans l’activité habituelle et dans toute activité adaptée.
e. Le 30 décembre 2019, la Dre E______ a attesté de nausées et vomissements, sans pouvoir se prononcer sur la capacité de travail.
f. Le 20 février 2020, le service médical régional (ci-après : SMR) a conclu à une capacité de travail totale de l’assuré dans une activité adaptée.
g. L’OAI a pris en charge une orientation professionnelle auprès de l’ORIF du 2 juin au 13 septembre 2020, laquelle a été interrompue le 12 juin 2020, sur la base d’un certificat médical, et reprise du 10 août au 18 octobre 2020.
h. Le 22 octobre 2020, l’ORIF a conclu à des pistes professionnelles d’instructeur ou d’agent de contrôle d’alarme, de commis administratif ou d’agent de stationnement.
i. Le 19 janvier 2021, l’assuré a chuté et s’est fracturé le 5e métacarpien à droite, opéré le 17 janvier 2021 par le docteur F______, spécialiste en chirurgie de la main.
j. Par décision du 27 avril 2021, l’OAI a rejeté la demande de prestations, compte tenu d’une pleine capacité de travail dans une activité adaptée.
k. Suite au recours de l’assuré à l’encontre de la décision précitée, l’OAI a conclu au renvoi du dossier pour instruction complémentaire.
l. Le 13 juin 2022, la Dre E______ a attesté d’une entorse simple de la cheville droite en janvier 2022, d’une instabilité glénohumérale de l’épaule gauche, d’hyperalgie sur une épaule multi opérée et d’une fracture du 5e métacarpien droit en janvier 2021 avec tendinopathie du carpe persistante.
m. Le 28 juillet 2022, le SMR a estimé qu’il n’y avait pas d’élément en faveur d’une aggravation de l’atteinte de l’épaule gauche mais une instruction complémentaire était nécessaire.
n. Le 25 octobre 2022, le docteur G______, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, a programmé une IRM à la recherche d’une lésion de la cheville et le 11 juillet 2023, il a attesté, après une arthroscopie de la cheville droite le 16 mai 2023, d’un conflit antéro-externe post entorse de la cheville droite le 15 janvier 2022, avec des limitations à la marche, à la station debout prolongée et des douleurs.
o. Le 28 novembre 2022, la Dre E______ a attesté d’une incapacité de travail totale de l’assuré, car il était en attente de consultations du chirurgien et de l’anesthésiste (pour la douleur).
p. Le 7 février 2023, l’assuré a subi un bloc nerf supra scapulaire. Le docteur H______, spécialiste en neurologie, a mentionné une hypoesthésie légère à modérée des 4e et 5e doigts droits, une neuropathie sensitivomotrice axonale myélinique du nerf ulnaire droit au coude d’intensité modérée et de neuropathie asymptomatique des nerfs médian au carpe et ulnaire au coude gauche.
q. Le 4 juillet 2023, le service de neurologie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) a indiqué une possible maladie de Charcot-Marie-Tooth (CMT).
r. Du 15 août au 22 août 2023, l’assuré a séjourné au service de neuro-rééducation (rééducation à la marche, désensibilisation des pieds, bilan d’indépendance) des HUG pour un probable syndrome de Guillain-Barré à minima, avec évolution favorable. La lettre de sortie du 29 août 2023 mentionne une composante d’anxiété, voire de syndrome fonctionnel, et un suivi psychiatrique serait proposé et discuté.
s. À la demande de l’OAI, le BUREAU D’EXPERTISES MÉDICALES (ci‑après : BEM ; docteurs I______, spécialiste en orthopédie et traumatologie de l’appareil locomoteur, et J______, spécialiste en neurologie) a rendu le 15 avril 2024 une expertise neurologique et orthopédique, concluant à des diagnostics de limitation de la mobilité de l’épaule gauche, de limitation douloureuse de la déviation cubitale droite et de la flexion dorsale du poignet droit, d’instabilité externe persistante de la cheville droite, de neuropathie sensitive du nerf ulnaire droit post-traumatique et de paresthésies douloureuses aux membres inférieurs en distalité, séquellaires d’un syndrome de Guillain-Barré, survenu en 2023.
La capacité de travail était nulle dans l’activité habituelle depuis janvier 2012 et de 100%, avec une baisse de rendement de 30% depuis août 2023, dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles (activité sédentaire permettant les changements de position, pas de marche en terrain inégal [lésion de Chopart], pas de mouvement du membre supérieur gauche au-dessus de la ceinture des mamelons, pas de charge du membre supérieur gauche dépassant 3 kg, pas d’utilisation en adduction / abduction du poignet droit, pas de charge dépassant 3 kg, absence de tâches fines et de précision avec la main droite et absence d’activité en partie debout et marche prolongée).
Les experts ont relevé que l’aspect psychiatrique était peu instruit dans le dossier, l’assuré étant suivi sur le plan psychiatrique et traité par des antidépresseurs, somnifères, benzodiazépine et dont le parcours professionnel était relativement chaotique.
t. Le 23 avril 2024, le SMR a retenu une capacité de travail nulle dès le 29 mars 2008 dans l’activité habituelle de militaire contractuel (selon un avis du SMR du 8 octobre 2009) et, dans une activité adaptée, nulle dès le 26 janvier 2016, de 100% dès le 26 avril 2016, nulle dès le 15 janvier 2022 et de 100% avec une baisse de rendement de 30% dès le 22 août 2023. Les limitations fonctionnelles étaient les suivantes : port de >3 kg avec chacun des membres supérieurs, mouvement du membre supérieur gauche au-dessus du plan des épaules prolongé / répété, activité en force et/ou répétée du poignet droit, tâche fine et/ou de précision avec la main droite, marche prolongée ou en terrain irrégulier, position debout et assise prolongée, possibilité d’alternance des positions (assise et debout), marche prolongée ou en terrain irrégulier.
u. Le 14 juin 2024, la division de la réadaptation de l’OAI a fixé le degré d’invalidité de l’assuré à 30% en 2023 (revenu d’invalide selon l’ESS 2020, TA1, homme, total niveau 1, pour 41,7 heures de travail par semaine, à un taux de 70%, et un revenu sans invalidité de CHF 65'969.-) et 37% en 2024 (calcul similaire avec un abattement de 10% sur le revenu d’invalide) et par projet de décision du 1er juillet 2024, l’OAI a alloué à l’assuré une rente entière d’invalidité du 1er janvier 2023 au 30 novembre 2023.
v. Les 5 et 9 juillet 2024, l’assuré s’est opposé au projet de décision, s’estimant incapable de travailler et le 16 juillet 2024, l’assuré a indiqué par téléphone à l’OAI qu’il ne pouvait plus rien faire tant physiquement que psychologiquement.
w. Le 12 août 2024, le SMR, après avoir pris connaissance des rapports de consultations d’orthopédie des HUG des 3 juin et 20 juin 2024, a maintenu son avis du 23 avril 2024.
x. Le 28 août 2024, la docteure K______, spécialiste en psychiatrie, a rendu un rapport. L’assuré l’avait consultée en psychiatrie en 2023 ; il présentait un trouble dépressif dû à une autre affection médicale et une anxiété sociale ; la capacité de travail était nulle.
y. Le 17 septembre 2024, le SMR, après avoir pris connaissance du rapport de la Dre K______, a estimé que l’état de santé ne s’était pas modifié depuis son avis du 23 avril 2024.
z. Par décision du 14 octobre 2024, l’OAI a alloué à l’assuré une rente entière d’invalidité du 1er janvier au 30 novembre 2023. Conformément au principe de « la réadaptation prime la rente », le droit à la rente ne pouvait naitre avant la mesure d’orientation professionnelle (qui s’était déroulée du 3 juin au 18 octobre 2020). Dès le 15 janvier 2022, un nouveau délai d’attente débutait.
D. a. Le 23 octobre 2024, l’assuré a recouru auprès de la chambre des assurances sociale de la Cour de justice à l’encontre de la décision précitée, en faisant valoir qu’il était atteint dans sa santé.
Il a ensuite produit :
- Une attestation de la Dre E______ du 18 novembre 2024, selon laquelle il était en incapacité de travail pour un syndrome de Guillain-Barré, pour lequel il était traité au service de médecine de la douleur aux HUG.
- Des rapports de la consultation d’antalgie ambulatoire des 3 juin, 22 août, 8 novembre et 11 novembre 2024, attestant de douleurs chroniques et d’un probable syndrome de Guillain-Barré.
b. Le 18 novembre 2024, la Dre K______ a rendu un rapport. L’assuré était suivi depuis février 2023 par L______, psychologue, et par elle-même. L’assuré avait depuis son jeune âge subi des violences physiques et psychologiques de la part de sa mère, souvent alcoolisée. Il présentait des difficultés à apprendre ou à utiliser ses compétences scolaires, à écrire et à lire, ainsi que des idées suicidaires depuis la dernière décision de l’OAI ; une hospitalisation en milieu psychiatrique était envisagée. Les diagnostics étaient ceux de trouble dépressif dû à une autre affection médiale, épisode actuel grave, anxiété sociale, trouble spécifique de l’apprentissage avec déficit de la lecture et de l’expression écrite, d’intensité moyenne. L’assuré n’était pas apte à retravailler.
c. Le 28 novembre 2024, le SMR, après avoir pris en compte les rapports précités, a confirmé son avis du 23 avril 2024.
d. Le 3 décembre 2024, l’OAI a conclu au rejet du recours.
e. Le 4 décembre 2024, la Dre E______ a attesté de plusieurs limitations physiques incapacitantes.
f. Le 9 décembre 2024, l’assuré a relevé que ses différentes atteintes à la santé n’avaient pas été dûment prises en compte par l’intimé.
g. Le 30 janvier 2025, l’assuré, représenté par une avocate, a répliqué, en concluant à l’octroi d’une rente entière d’invalidité au-delà du 30 novembre 2023.
Il avait été suivi par la Dre C______ en 2006 et celle-ci avait relevé un risque de décompensation psychique sévère. L’intimé n’avait, à tort, pas instruit l’aspect psychique. Par ailleurs, la capacité de travail somatique retenue par les experts n’était pas cohérente, dès lors qu’il présentait une capacité de travail orthopédique de 80% et une diminution de rendement neurologique de 30%. Sa capacité de travail était bien inférieure à 70%. Enfin, un abattement sur le revenu d’invalide devait être appliqué également en 2023. Cela dit, un abattement maximal de 25% était justifié, compte tenu de ses troubles de l’apprentissage et de ses limitations fonctionnelles, de sorte que le degré d’invalidité était, à tout le moins, de 48%.
h. Le 10 mars 2025, la chambre de céans a entendu les parties en audience de comparution personnelle.
Le recourant a communiqué les pièces suivantes :
- Un rapport du 6 mars 2025 du service de médecine de premier recours des HUG, attestant d’une évaluation aux urgences de l’assuré le 21 février 2025.
- Un rapport d’examen électroneuromyographique du 21 février 2025 aux HUG, concluant à une situation superposable à celle du 3 novembre 2023, avec une persistance des plaintes sensitives et des douleurs neuropathiques (syndrome de Guillain-Barré) et une méralgie paresthésique, justifiant une éventuelle infiltration.
i. Le 17 mars 2025, le SMR a rendu un avis selon lequel, du point de vue somatique, la situation restait inchangée, l’apparition de fourmillements / diminution de la sensibilité sur la face antéro-externe de la cuisse ne constituant pas une atteinte incapacitante. Du point de vue psychiatrique, la Dre K______, dans son rapport du 28 août 2024, ne quantifiait pas la sévérité du trouble dépressif, n’indiquait pas les détails de son suivi, les médicaments psychotropes étaient inchangés et la spécialiste invoquait des limitations physiques ; dans son rapport du 18 novembre 2024, elle indiquait un status identique et des limitations physiques invoquées de la même façon ; malgré l’aggravation rapportée, le traitement était identique et les consultations seulement une fois chaque trois semaines. L’assuré ne bénéficiait pas d’un traitement psychotrope bien dosé ni d’un suivi médical serré, ce qui était la norme en présence d’un épisode dépressif en aggravation. En conséquence, le SMR a maintenu ses précédentes conclusions.
j. Le 27 mars 2025, l’OAI a précisé que l’absence d’abattement sur le revenu d’invalide, avant l’année 2024, n’était pas critiquable et que, selon l’avis du SMR du 17 mars 2025, les rapports de la psychiatre traitante ne parlaient pas en faveur d’un trouble psychiatrique incapacitant, de sorte qu’une expertise psychiatrique ne se justifiait pas.
k. Le 8 avril 2025, la chambre de céans a informé les parties qu'elle entendait confier une mission d'expertise judiciaire à la docteure M______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, et leur a communiqué les questions qu’elle soumettrait à l’expert, en considérant ce qui suit :
En l’espèce, l’intimé s’est fondé sur l’expertise bidisciplinaire du BEM du 15 avril 2024 et l’avis du SMR du 23 avril 2024 pour retenir une capacité de travail du recourant nulle dans l’activité habituelle depuis le 29 mars 2008 et une capacité de travail dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles de 100% dès le 26 avril 2016, nulle dès le 15 janvier 2022 et de 100%, avec une baisse de rendement de 30%, dès le 12 août 2023.
Le recourant conteste la valeur probante de l’expertise du BEM, tant du point de vue somatique que psychiatrique.
S’agissant de l’aspect psychiatrique, l’intimé ne l’a pas investigué du tout et s’est rallié aux avis du SMR des 17 septembre 2024 et 17 mars 2025, selon lesquels la Dre K______ ne relevait pas de modification objective notable et durable de l’état de santé du recourant.
Or, le rapport de la Dre K______ du 18 novembre 2024 fait état d’affections psychiques importantes, soit en particulier un trouble dépressif, épisode actuel grave, avec idées suicidaires et une capacité de travail nulle. En outre, l’évaluation consensuelle des experts du BEM relève que l’aspect psychiatrique est peu instruit chez le recourant, qui est suivi sur le plan psychiatrique, qui est traité par antidépresseur, somnifère, benzodiazépine, et dont le parcours professionnel est relativement chaotique (expertise du BEM, p 10).
Cette remarque suggère qu’une instruction psychiatrique parait opportune, voire nécessaire.
Dans ces conditions, c’est à tort que l’intimé a renoncé à instruire l’aspect psychiatrique et il sera en conséquence ordonné une expertise judiciaire psychiatrique, laquelle sera confiée à la docteure M______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie.
Comme sollicité par l’intimé, un volet neuropsychologique, confié à N______, MAS en neuropsychologie clinique, est ajouté à la mission d’expertise.
L’aspect somatique restait réservé.
l. Le 10 avril 2025, l’OAI s’est rallié à un avis du SMR du même jour, selon lequel un bilan neuropsychologique paraissait déterminant.
m. Le 11 avril 2025, le recourant a contesté l’absence d’abattement pour l’année 2023 et a indiqué qu’il acceptait l’experte désignée et la mission d’expertise.
n. Le 15 avril 2025, la chambre de céans a informé les parties qu’elle entendait confier la réalisation du bilan neuropsychologique à N______, MAS en neuropsychologie clinique.
o. Les 17 et 24 avril 2025, les parties ont indiqué qu’elles n’avaient pas de motif de récusation à l’encontre de la neuropsychologue.
p. Le 9 juillet 2025, la Dre M______ a rendu son rapport d’expertise. Elle a posé les diagnostics de trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen et une anxiété sociale (non incapacitante). Les limitations fonctionnelles apparues dès 2023 étaient les suivantes : des difficultés de concentration, une anhédonie, des ruminations anxio-dépressives concernant ses douleurs, une tristesse, une tension interne, une apathie, la perte d’intérêt, le manque de motivation, le sentiment de désespoir, la culpabilité et le sentiment d’échec, les idées noires et suicidaires et les troubles du sommeil. Tous ces symptômes limitaient largement les fonctions nécessaires à la gestion du quotidien et créaient une incapacité de travail partielle du recourant.
Le recourant était à la limite du retard mental selon l’évaluation neuropsychologique de N______ du 27 mai 2025 (rapport du 17 juin 2025). Ses faibles compétences cognitives devaient être prises en compte dans les limitations fonctionnelles globales. Tous ces symptômes liés aux limitations fonctionnelles pouvaient générer une difficulté à se rendre au travail, à s’y investir de façon durable et, parfois, selon le contexte et le niveau de stress et la complexité des tâches, à exécuter le travail demandé.
La capacité de travail était de 40%, avec une baisse de rendement de 20%, dans un milieu protégé.
q. Le 12 août 2025, le recourant a estimé que l’expertise judiciaire psychiatrique ainsi que l’examen neuropsychologique étaient probants.
Son droit à une rente entière d’invalidité devait perdurer au-delà du 30 novembre 2023. Un milieu protégé tel qu’évoqué par l’experte ne correspondait pas au marché primaire du travail, de sorte que sa capacité de travail était nulle.
r. Le 12 août 2025, le SMR a estimé que, selon le rapport d’examen neuropsychologique, les troubles évoqués n’avaient pas empêché l’assuré d’exercer par le passé des activités lucratives.
Les symptômes constatés par l’experte étaient au plus modérés et sans impact majeur sur le fonctionnement psychique du recourant, celui-ci présentant des affects modulables, un élan vital conservé, une absence d’aboulie et quelques difficultés de concentration. La gravité de l’état dépressif était fondée sur le score MADRS alors qu’elle aurait dû se fonder sur les critères de la CIM-10.
Les limitations fonctionnelles exprimées par le recourant étaient majorées par rapport au status. Il n’y avait, selon l’examen neuropsychologique, pas de retard mental et une activité adaptée aux compétences cognitives était exigible, avec une diminution de rendement de 20%.
Finalement, le SMR admettait le diagnostic de trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen depuis 2023 avec les limitations fonctionnelles suivantes : activité adaptée au niveau d’acquisition dans un environnement avec routines claires et structurées, sans multi tâche, nécessitant une planification ou une structuration complexe. Le SMR constatait qu’une baisse de rendement de 30% avait déjà été admise.
s. Le 14 août 2025, l’OAI s’est rallié à l’avis du SMR précité.
t. Le 29 août 2025, le recourant a observé que le médecin du SMR n’était pas un spécialiste en psychiatrie. L’experte avait établi à satisfaction le diagnostic posé. Le traitement était suivi correctement, compte tenu des importantes interactions médicamenteuses, une absence d’hospitalisation n’était pas un critère déterminant et il était erroné de prétendre qu’il disposait de ressources personnelles préservées. La capacité de travail de 100% avec une baisse de rendement de 30% précédemment retenue par le SMR faisait abstraction de l’atteinte psychique, que le SMR admettait dorénavant, de sorte qu’une baisse de rendement d’au moins 50% devait être reconnue.
u. À la demande de la chambre de céans, la Dre M______ a rendu le 2 septembre 2025 un complément d’expertise.
Une activité dans le marché ordinaire de l’emploi était impossible pour le recourant qui présentait un trouble dépressif récurrent, qui était à la limite du retard mental et qui ne travaillait plus depuis 10 ans. Les troubles neuropsychologiques diminuaient le rendement et l’efficacité à effectuer des tâches. Le recourant présentait une diminution de l’intérêt et du plaisir et une humeur dépressive, une diminution de la concentration et de l’attention, des idées de culpabilité, une attitude pessimiste face à l’avenir, des idées suicidaires et des troubles du sommeil, critères qui permettaient de retenir un épisode dépressif moyen. La gestion des idées suicidaires avait pu être faite en dehors d’une hospitalisation. Il n’y avait pas d’amélioration du niveau d’activités sociales et ménagères depuis l’installation du trouble dépressif.
v. Le 23 septembre 2025, le SMR a rendu un avis selon lequel le complément d’expertise de la Dre M______ n’apportait pas de nouvel élément clinique objectif modifiant ses précédents avis.
Le trouble dépressif récurrent n’était pas en soi incapacitant et l’éloignement du marché du travail n’appartenait pas au domaine médical. L’experte dépréciait les compétences cognitives objectivées par la neuropsychologue. Le recourant n’était pas à la limite du retard mental selon les valeurs attribuées au QI.
Le recourant avait pu exercer auprès d’un même employeur de 2012 à 2016, et les arrêts de travail l’avaient été pour des raisons somatiques.
w. Le 29 septembre 2025, l’intimé s’est rallié à l’avis du SMR précité, en relevant que les facteurs psychosociaux ou socioculturels n’étaient pas incapacitants, tout comme les troubles neuropsychologiques retenus.
x. Le 25 septembre 2025, le recourant a persisté dans ses conclusions, en considérant que l’experte judiciaire avait donné des réponses convaincantes aux critiques du SMR.
y. Le 13 octobre 2025, le recourant a observé que le nom « O______» figurant dans l’extrait de compte individuel (CI) correspondait à son propre nom.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA).
2.
2.1 Le litige porte sur le droit du recourant à une rente d’invalidité au-delà du 30 novembre 2023.
2.2 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.
En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Est déterminant le moment de la naissance du droit à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).
En l’occurrence, le litige porte sur la suppression de la rente entière d’invalidité dont le droit est né le 1er janvier 2023, soit postérieurement au 31 décembre 2021, de sorte que les dispositions légales applicables sont citées dans leur nouvelle teneur.
3.
3.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).
3.2 A droit à une rente d’invalidité, l’assuré dont la capacité de gain ou la capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles, qui a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable et qui, au terme de cette année, est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (art. 28 al. 1 LAI).
Une rente n'est pas octroyée tant que toutes les possibilités de réadaptation au sens de l'art. 8 al. 1bis et 1ter n'ont pas été épuisées (art. 28 al. 1bis LAI).
Selon l’art. 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29, al. 1, LPGA, mais pas avant le mois qui suit le 18e anniversaire de l’assuré.
La notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).
3.3 Le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques ou psychosomatiques et aux syndromes de dépendance (ATF 148 V 49 ; 145 V 215 ; 143 V 418 ; 143 V 409). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_265/2023 du 19 août 2024 consid. 3.2).
3.4 Le point de départ de l'évaluation prévue pour les troubles somatoformes douloureux (ATF 141 V 281), les troubles dépressifs (ATF 143 V 409), les autres troubles psychiques (ATF 143 V 418) et les troubles mentaux du comportement liés à l’utilisation de substances psychoactives (ATF 145 V 215) est l'ensemble des éléments médicaux et constatations y relatives. Les experts doivent motiver le diagnostic psychique de telle manière que l'organe d'application du droit puisse comprendre non seulement si les critères de classification sont remplis, mais également si la pathologie diagnostiquée présente un degré de gravité susceptible d'occasionner des limitations dans les fonctions de la vie courante. Á ce stade, ladite autorité doit encore s'assurer que l'atteinte à la santé résiste aux motifs d'exclusion, tels que l'exagération des symptômes ou d'autres manifestations analogues, qui conduiraient d'emblée à nier le droit à la rente (ATF 141 V 281 consid. 2.1.1, 2.1.2, 2.2 et 2.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.1.1).
3.5 Une fois le diagnostic posé par un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2), la capacité de travail réellement exigible doit être examinée, sans résultat prédéfini, au moyen d’un catalogue d’indicateurs, appliqué en fonction des circonstances du cas particulier (cf. ATF 141 V 281 consid. 4.1.1). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence).
La grille d’évaluation de la capacité résiduelle de travail comprend tout d’abord un examen des indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel », lesquels forment le socle de base pour l'évaluation des troubles psychiques. Les déductions qui en sont tirées devront, dans un second temps, résister à l’examen sous l’angle de la catégorie « cohérence ». Ces indicateurs comportent une analyse du complexe « atteinte à la santé », lequel comprend la prise en considération des éléments pertinents pour le diagnostic, du succès ou de l’échec d’un traitement effectué dans les règles de l’art, du succès ou de l’échec d’une éventuelle réadaptation, et enfin de l’existence d’une éventuelle comorbidité physique ou psychique. Il s’agit également d’effectuer une analyse du complexe « personnalité », soit un diagnostic de la personnalité de l’assuré et de ses ressources personnelles, et du complexe « contexte social » (cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3 et les références).
Il y a lieu ensuite d’effectuer un examen des indicateurs en lien avec la catégorie « cohérence », à savoir examiner notamment si l’atteinte à la santé se manifeste de la même manière dans l’activité professionnelle (pour les personnes sans activité lucrative, dans l’exercice des tâches habituelles) et dans les autres domaines de la vie ; si des traitements sont mis à profit ou, au contraire, négligés et prendre en compte le comportement de la personne assurée dans le cadre de sa réadaptation professionnelle (cf. ATF 141 V 281 consid. 4.4 et les références).
3.6
3.6.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).
Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).
3.6.2 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; 125 V 351 consid. 3b/bb).
3.6.3 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).
3.6.4 Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).
Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l'art. 44 LPGA, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères : s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 et les références ; 142 V 58 consid. 5.1 et les références ; 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4 et les références). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon l'art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références).
Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4)
3.6.5 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).
3.6.6 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut‑il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).
3.6.7 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV n. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).
3.7 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).
3.8 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).
4. En l’occurrence, la chambre de céans a estimé qu’une instruction médicale psychiatrique était nécessaire et a confié une mission d’expertise à la Dre M______.
4.1 Fondés sur toutes les pièces du dossier, comprenant une anamnèse complète, les plaintes du recourant, la description d’une journée-type, un status clinique, des informations de la psychiatre traitante et de la psychologue, ainsi que deux échelles d’évaluation, posant des diagnostics clairs et évaluant la capacité de travail de façon convaincante, après analyse des indicateurs jurisprudentiels de gravité, le rapport d’expertise de la Dre M______ du 9 juillet 2025 et son complément du 2 septembre 2025 répondent aux réquisits jurisprudentiels précités pour qu’il leur soit reconnu une pleine valeur probante.
L’experte pose le diagnostic de trouble dépressif récurrent depuis 2023, totalement incapacitant. Seule une activité en milieu protégé à un taux de 40%, avec une baisse de rendement de 20%, est exigible.
4.2 L’intimé déclare se rallier intégralement aux deux avis du SMR des 12 août et 23 septembre 2023.
Le SMR admet, dans ses deux avis, le diagnostic de trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen depuis 2023 posé par l’experte judiciaire, et retient les limitations fonctionnelles complémentaires suivantes : activité adaptée au niveau d’acquisition dans un environnement avec routines claires et structurées, sans multi tâche, sans tâche nécessitant une attention ou une concentration optimale / soutenue, sans tâche nécessitant une planification ou une structuration complexe. En revanche, le SMR conteste l’évaluation faite par l’experte judiciaire de la capacité de travail du recourant et confirme une capacité de travail dans l’activité habituelle, nulle depuis mars 2008, et dans une activité adaptée, nulle dès le 15 janvier 2022 et de 100% avec une baisse de rendement de 30%, dès le 22 août 2023, en relevant que la diminution de rendement de 30% « correspond au degré moyen de l’état dépressif ».
4.2.1 L’intimé, dans son écriture du 14 août 2025, tout en se ralliant aux avis du SMR précités, conteste la présence du diagnostic posé par l’experte, alors même que celui-ci a été confirmé par le SMR et relève que l’expertise judiciaire n’est pas probante.
S’agissant du diagnostic posé, et compte tenu de l’appréciation du SMR, il y a lieu d’admettre qu’il est établi, contrairement à l’avis de l’intimé, ce d’autant que l’experte a souligné, dans son complément d’expertise du 2 septembre 2025, les symptômes typiques présents chez le recourant et qui permettaient de caractériser un épisode dépressif moyen.
4.2.2 Le SMR conteste le caractère incapacitant du trouble dépressif moyen, dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles. Il relève que les symptômes sont, au plus, modérés, sans impact majeur sur le fonctionnement psychique du recourant.
Le SMR mentionne en particulier que le diagnostic de trouble dépressif récurrent n’est pas, en soi, incapacitant.
À cet égard, le SMR admet cependant que ce diagnostic entraine des limitations fonctionnelles psychiques, justifiant que seule une activité adaptée est exigible, soit « une activité adaptée au niveau d’acquisition dans un environnement avec routines claires et structurées, sans multi tâche, sans tâche nécessitant une attention ou une concentration optimale / soutenue, sans tâche nécessitant une planification ou une structuration complexe ».
Ces limitations fonctionnelles ont ainsi, selon le SMR lui-même, un certain caractère incapacitant, ce d’autant qu’il précise que la diminution de rendement de 30% « correspond au degré moyen de l’état dépressif », admettant par là même que l’état dépressif moyen est incapacitant à hauteur de 30% dans toute activité.
Quant à l’experte psychiatre, elle relève les limitations fonctionnelles suivantes : difficultés de concentration, une anhédonie, des ruminations anxio-dépressives concernant les douleurs du recourant, une tristesse, une tension interne, une apathie, la perte d’intérêt, le manque de motivation, le sentiment de désespoir, la culpabilité et le sentiment d’échec, des idées noires et suicidaires et des troubles du sommeil. Tous ces symptômes limitent largement les fonctions nécessaires à la gestion du quotidien et créent une incapacité de travail partielle du recourant. En sus, le recourant est, selon le bilan neuropsychologique, à la limite du retard mental, avec de faibles compétences cognitives. Ces symptômes peuvent générer une difficulté à se rendre au travail, à s’y investir de façon durable et, selon le contexte, à exécuter le travail demandé.
Ces limitations fonctionnelles ont été considérées par l’experte judiciaire, contrairement à l’avis du SMR, comme ayant un impact important sur la capacité du recourant à se réinsérer dans le marché du travail ordinaire puisque seule une activité en milieu protégé est considérée comme exigible, après analyse des indicateurs jurisprudentiels de gravité.
S’agissant de ceux-ci, l’experte judiciaire considère, au vu des limitations fonctionnelles relevées, qu’il existe un important degré de gravité fonctionnelle. En effet, l’atteinte à la santé a une influence sur la capacité de travail dans le marché ordinaire de l’emploi, en tenant compte de la symptomatologie liée à l’état dépressif moyen ainsi que le fonctionnement limité cognitivement du recourant ; l’experte souligne également que la chronicisation du trouble dépressif est favorisée par l’atteinte somatique (expertise judiciaire, point 6.2) - étant relevé que celle-ci est reconnue par l’intimé comme totalement incapacitante dans l’activité habituelle et comme incapacitante à un taux de 30% dans une activité adaptée (expertise du BEM du 15 avril 2024) - soulignant le caractère prononcé de tous les symptômes.
En particulier, elle relève que les limitations fonctionnelles exprimées par le recourant ont été confirmées tant par le status lors de l’expertise que par les différents rapports de la psychiatre traitante (expertise judiciaire, point 4.4). Au status, l’experte relève, en effet, une difficulté à répondre aux questions, à en comprendre le sens, des réponses parfois « à côté », quelques difficultés de concentration, de la tristesse, une tension interne importante, une anhédonie et parfois une apathie, moins d’intérêt pour son environnement et son entourage, un discours peu clair, des difficultés à s’exprimer et à être compris. L’experte judiciaire précise que, sur le plan de l’humeur, le tableau décrit par le recourant est également observé en entretien (expertise judiciaire, point 3). Contrairement à l’avis du SMR, les limitations fonctionnelles ont ainsi bien été constatées par l’experte judiciaire lors de l’entretien et ne sont pas majorées.
Enfin, s’agissant des idées suicidaires, l’experte judiciaire explique de façon convaincante que la psychiatre et la psychologue traitantes ont pu accompagner le recourant dans ses acutisations d’idées suicidaires, ce qui explique l’absence d’hospitalisation. S’agissant du traitement, l’experte judiciaire relève que le recourant est compliant et qu’il suit un traitement psychothérapeutique et médicamenteux adapté, avec investissement, ce qui plaide pour la reconnaissance d’une part importante de sa souffrance. Il y a ainsi lieu de retenir une coopération optimale du recourant, lequel est authentique et sans signes d’exagération.
Le recourant présente enfin des comorbidités somatiques et peu de ressources sur le plan social, le tableau est cohérent, sans atypies, sans discordances entre les plaintes et le comportement, ni entre les limitations alléguées et les activités de la vie quotidienne.
Au vu de l’analyse des indicateurs de gravité, l’experte judiciaire pouvait retenir à une symptomatologie totalement incapacitante.
4.2.3 Le SMR conteste l’analyse, faite par l’experte judiciaire, du bilan neuropsychologique, en relevant que le recourant n’est pas à la limite du retard mental, celui-ci étant reconnu lorsque le QI est de 69.
À cet égard et selon le rapport de N______ du 17 juin 2025, les tests de validation des performances sont dans la norme et le recourant présente un fonctionnement intellectuel global situé dans la limite inférieure de la norme avec un profil relativement homogène et un QI total compris entre 71 et 80, un trouble spécifique des apprentissages persistant à l’âge adulte et un trouble déficitaire de l’attention, présent depuis l’enfance. La psychologue a souligné un contexte d’anxiété sociale marqué lequel, combiné au trouble dépressif et aux douleurs chroniques, est susceptible de limiter les ressources attentionnelles disponibles, d’entraver la mobilisation cognitive et de perturber la qualité de l’engagement au cours de l’évaluation. Le profil est en adéquation avec les plaintes exprimées par le recourant, notamment en lien avec la compréhension de documents écrits, l’instabilité attentionnelle, la régulation émotionnelle et les limitations dans les interactions sociales et s’inscrit dans un fonctionnement globalement vulnérable, avec une dépendance manifeste au soutien extérieur dans les activités de la vie quotidienne.
On constate ainsi que l’experte judiciaire mentionne que le recourant est à la limite du retard mental, alors que la psychologue évoque un fonctionnement intellectuel global situé dans la limite inférieure de la norme. Cependant, cette qualification par l’experte judiciaire n’a pas la portée que lui prête le SMR. En effet, celle-ci conclut finalement à de faibles compétences cognitives du recourant lesquelles doivent être prises en compte dans les limitations fonctionnelles et que celles-ci, dans leur globalité, peuvent générer une difficulté à se rendre au travail, à s’y investir et à exécuter le travail demandé (expertise judiciaire, point 9.1.1). Or, ces limitations fonctionnelles sont cohérentes avec les conclusions du rapport de N______, laquelle a souligné le fonctionnement globalement vulnérable du recourant, des ressources attentionnelles limitées, une mobilisation cognitive entravée et des limitations dans les interactions sociales. Ainsi, même si la notion « à la limite du retard mental » devait être erronée, elle n’a pas eu d’incidence sur l’analyse et les conclusions de l’experte judiciaire, étant au surplus relevé que l’experte judiciaire a finalement évoqué un fonctionnement limité cognitivement dû à un faible QI et non pas un état à la limite du retard mental (expertise judiciaire, point 11.2).
4.2.4 Le SMR conteste aussi l’analyse de l’experte judiciaire qui suggère que l’absence d’emploi stable dans le parcours professionnel du recourant pourrait témoigner de difficultés au niveau du rendement, de longue date (complément d’expertise du 2 septembre 2025).
À cet égard, selon N______, le recourant a obtenu un CFC de peintre en automobile en 1996, a travaillé comme militaire, polisseur et manutentionnaire et a cessé toute activité professionnelle en 2007, pour n’effectuer ensuite que quelques emplois de courte durée, puis aucune activité stable depuis 2012.
Ces faits sont corroborés par l’extrait du compte individuel du recourant (pièce intimé n° 261), selon lequel le recourant a présenté une longue période de chômage dès 2007, entrecoupée de courts emplois, soit un emploi pour B______SA en 2007 (CHF 9'860.-), un emploi pour P______ en 2009 (septembre à novembre ; CHF 4'733.-), un emploi pour Q______SA en 2011 (septembre à novembre ; CHF 4'733.-) et un emploi pour R______ Sàrl en 2011 (juin à août ; CHF 4'396.-). Dès 2012, il est enregistré comme personne sans activité lucrative.
Contrairement aux affirmations du SMR, lequel prétend que le recourant a exercé une activité lucrative stable de 2012 à 2016 pour « O______», le recourant n’a exercé aucune activité durant cette période. En effet, « O______ » correspond à l’ancien nom du recourant, changé par la suite en A______, ce qui ressort également du dossier de l’intimé, le recourant apparaissant d’abord sous le nom O______.
Dans le même sens, le constat de l’experte judiciaire selon laquelle, entre 2003 et 2009, le recourant a eu plusieurs emplois dont aucun n’a duré plus de deux ans (expertise judiciaire, point 1, anamnèse professionnelle), puis le constat que la plupart des emplois n’ont pas duré plus de deux ans (complément d’expertise judiciaire du 2 septembre 2025) sont corroborés par l’extrait des CI, étant relevé que l’objection du SMR quant à l’existence d’un emploi stable entre 2012 et 2016 n'est, comme on l’a vu, pas pertinente.
À cet égard, si le fait d’avoir été en mesure d’exercer une activité lucrative pendant de nombreuses années sans problème majeur est un élément important à prendre en considération dans la situation médicale de la personne assurée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020), le fait, comme en l’occurrence, de ne pas avoir été en mesure d’exercer un emploi stable peut être le signe, comme relevé par l’experte judiciaire, d’un problème de rendement, lequel aggrave le tableau psychique. En conséquence, l’hypothèse de l’experte judiciaire quant à de probables importantes difficultés de rendement du recourant n’est pas critiquable, ce d’autant que même si, comme le relève le SMR, des arrêts de travail ont eu lieu pour des raisons somatiques, cela ne suffit pas à exclure une courte durée des emplois en raison de troubles psychiques ayant pu engendrer des difficultés de rendement.
Enfin, le SMR estime que la mention d’une absence d’activité depuis dix ans n’est pas un argument pertinent. Or, l’experte judiciaire, si elle mentionne ce fait dans son complément d’expertise, ne l’a pas retenu comme élément aggravant lors de l’évaluation des limitations fonctionnelles et de la capacité de travail dans son rapport d’expertise initial.
4.3 Au vu de ce qui précède, il convient de retenir que le recourant a présenté, sur la base du rapport d’expertise judiciaire psychiatrique, une incapacité de travail totale depuis janvier 2023.
En conséquence, c’est à tort que l’intimé a considéré que dès le mois d’août 2023, le recourant avait recouvré une capacité de travail de 100%, avec une baisse de rendement de 30%.
Enfin, l’incapacité de travail pour raisons psychiatriques étant survenue dans le cadre de la demande de prestations du 26 janvier 2017, il ne s’agit pas d’un nouveau cas d’assurance (ATF 136 V 369 ; 140 V 2).
Partant, l’incapacité de travail totale ayant perduré au-delà d’août 2023, le droit à la rente entière d’invalidité doit lui-même perdurer au-delà du 30 novembre 2023.
5. Au vu de ce qui précède, le recours sera admis, la décision litigieuse réformée dans le sens que le recourant a droit à une rente entière d’invalidité dès le 1er janvier 2023.
Le recourant obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 4'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émolument et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA – E 5 10.03]).
Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l’intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1 bis LAI).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant préparatoirement
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet.
3. Dit que la décision litigieuse sera réformée dans le sens que le recourant a droit à une rente entière d’invalidité dès le 1er janvier 2023.
4. Octroie au recourant une indemnité de CHF 4'000.- à charge de l’intimé.
5. Met un émolument de CHF 200.- à charge de l’intimé.
6. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
| La greffière
Adriana MALANGA |
| La présidente
Valérie MONTANI |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le