Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/536/2025 du 01.07.2025 ( AI ) , ADMIS
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/1936/2024 ATAS/536/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 1er juillet 2025 Chambre 10 |
En la cause
A______ Représentée par Me Sarah BRAUNSCHMIDT SCHEIDEGGER, avocate | recourante |
contre
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE |
intimé |
A. a. A______ (ci-après : l'assurée), née le ______ 1976, originaire de Bolivie, est arrivée en Suisse le 20 avril 2007, date de son mariage à Genève avec un ressortissant espagnol, né le ______ 1954 et établi à Genève depuis 1982, selon les données de la base Calvin de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM). Les époux ont eu une fille le 2 avril 2009, avec laquelle l’assurée est partie en Bolivie le 8 juin 2009, puis est revenue à Genève le 22 février 2013. Elle est aidée financièrement par l'Hospice général depuis le 1er mars 2013. Divorcée depuis le 27 juin 2019, elle est au bénéfice d'un livret B, arrivé à échéance le 21 février 2025 selon la base de données Calvin.
b. Le 1er novembre 2022, l'assurée a déposé une demande de prestations auprès de l'office de l'assurance invalidité (ci-après : l'OAI), mentionnant être en incapacité totale de travail depuis le 15 juillet 2022 en raison d'une fracture du poignet survenue en 2020, d'arthrose et d’un trouble dépressif récurrent. Elle a indiqué avoir travaillé comme femme de ménage.
c. Il ressort du curriculum vitae de l'assurée qu’elle a suivi sa scolarité obligatoire en Bolivie jusqu’en 1994 et y a effectué diverses missions intérimaires dans la restauration entre 1995 et 2004, puis a été mère au foyer entre 2005 et 2006, avant de travailler en tant qu’employée de maison chez des particuliers à Genève de 2007 à 2009. Elle était à la recherche d'un poste dans la garderie d'enfant.
d. Selon son extrait de compte individuel, l'assurée a perçu des revenus de
CHF 30'450.- en 2008 (de janvier à décembre), CHF 7'612.- en 2009 (de janvier à mars), CHF 650.- en 2014 (de septembre à décembre), CHF 1'164.- en 2014
(CHF 515.- de janvier à mars et CHF 649.- d’octobre à décembre), CHF 3'091.- en 2016 (de janvier à décembre), CHF 2'957.- en 2017 (de janvier à décembre), CHF 2'419.- en 2018 (de novembre à décembre), CHF 4'943.- en 2019
(CHF 1'915.- pour l’année et CHF 3'038.- de septembre à novembre), et
CHF 246.- en 2020 (janvier). Elle a en outre cotisé en qualité de personne sans activité lucrative en 2015, 2016, 2017 et 2018.
e. Par rapport du 9 novembre 2022, la docteure B______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, a indiqué que le diagnostic d’épisode dépressif sévère avec symptômes psychotiques (F32.3) avait été posé par les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) à une date inconnue, qu’elle suivait l’assurée à raison de deux fois par semaine depuis le 1er septembre 2022 et que l’intéressée était capable de travailler sur le plan psychiatrique.
f. Le 22 novembre 2022, l’Hospice général a fourni des informations complémentaires à l’OAI, mentionnant que la dernière activité exercée était celle d’employée de maison.
g. Dans un rapport du 28 novembre 2022, le docteur C______, spécialiste en médecine interne, a diagnostiqué, avec répercussion sur la capacité de travail, un trouble dépressif récurrent sévère sans symptôme psychotique (F33.2), évoluant depuis 2013, une obésité morbide évoluant depuis 2009, un syndrome d'apnées du sommeil depuis 2021 et une atopie avec asthme bronchique et rhinite depuis 2005. Les restrictions fonctionnelles étaient essentiellement psychiatriques en relation avec le syndrome dépressif sévère et les limitations physiques résultaient de l’obésité morbide. Une chirurgie bariatrique (by-pass gastrique) était prévue en février 2023. Depuis la séparation conjugale, la patiente présentait un trouble dépressif progressivement sévère depuis 2013, avec en tout cas trois tentatives de suicide, traité entre autres aux Centres ambulatoires de psychiatrie et de psychothérapie intégrées (ci-après : CAPPI) D______ et récemment auprès de la Dre B______. Il a également noté des gonalgies régulières et des coxalgies sur des chutes.
h. Le 9 décembre 2022, le Dr C______ a confirmé les diagnostics précédemment posés, y ajoutant celui de kyste synovial au poignet droit en novembre 2022. L'incapacité de travail était due aux troubles dépressifs récurrents, à l'obésité morbide et au kyste synovial.
i. Par rapport du 21 février 2023, la Dre B______ a retenu les diagnostics de trouble dépressif récurrent actuellement en rémission (F33.4) et d'obésité (E66.9). Elle a précisé que sa patiente avait précédemment été suivie par le CAPPI jusqu'à la fin de l'été 2022 dans le contexte d'un trouble dépressif récurrent avec des épisodes dépressifs sévères et des éléments psychotiques, mais que depuis qu'elle avait repris le suivi et changé certains traitements, l'état de santé de la patiente s'était stabilisé. Il n'y avait notamment pas de trouble de la concentration ni de l'attention, pas d'idées noires suicidaires, pas d'élément psychotique ni de trouble des fonctions instinctuelles évoquées, au-delà d'une certaine hyperphagie. Les journées étaient peu structurées, car l’assurée n’avait pas d'emploi en ce moment. Elle passait beaucoup de temps seule dans son appartement, s'occupait de sa fille ou sortait voir des amis ou son compagnon. Elle avait besoin d'être soutenue par des professionnels et par des personnes dans sa vie, car elle pouvait facilement se montrer découragée lors de moments d'adversité et il lui était parfois compliqué de mobiliser son réseau social. Elle avait néanmoins beaucoup de connaissances linguistiques et était apte à travailler dans une fonction non excessivement exigeante sur le plan physique.
j. Le 22 mars 2023, les HUG ont transmis à l’OAI les documents suivants :
- un rapport du 10 juillet 2014 établi par le docteur E______, médecin chef de clinique au département de santé mentale et psychiatrie des HUG, retenant les diagnostics de trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère avec symptômes psychotiques (F33.3) et de trouble de la personnalité sans précision (F60.9) ; l'assurée avait été hospitalisée du 9 au 14 mai 2014 en raison d'une décompensation dépressive avec une idéation suicidaire active ; elle avait déclaré avoir eu le projet de mettre fin à ses jours la veille de son admission, en voulant se couper les veines avec un couteau, expliquant avoir été sous l’emprise d’une détresse psychique intense et avoir entendu des ordres venant d’une voix malveillante qui l’incitait à se tuer et une voix bienveillante qui l’aurait retenue de passer à l’acte ;
- un rapport du 5 septembre 2022 du docteur F______, médecin interne au département de psychiatrie des HUG, suite à une consultation du
19 août 2022, diagnostiquant un trouble dépressif récurrent avec épisode actuel sévère et symptômes psychotiques, ainsi qu'un trouble de la personnalité non spécifié ; l'assurée rapportait une symptomatologie dépressive depuis son adolescence, surtout en lien avec le conflit constant avec sa mère, puis après le décès de son premier mari ; elle présentait des anciennes scarifications aux bras et avant-bras et aurait fait deux tentatives de suicide par abus médicamenteux lorsqu'elle vivait en Bolivie ; elle avait été hospitalisée en 2014 puis s’était rendue au CAPPI, car elle présentait une baisse de l’humeur depuis le décès de sa mère une année auparavant, mais elle ne remplissait pas les critères pour une prise en charge de crise, de sorte qu’elle avait été adressée au pôle communautaire des HUG ; elle avait fait l’objet de trois évaluations au CAPPI.
k. Le 28 mars 2023, le Professeur G______, spécialiste en médecine interne, endocrinologie et diabétologie, a indiqué à l’OAI qu’il ne pouvait pas remplir le formulaire demandé, car il n’avait vu l’assurée qu’une seule fois, le
5 octobre 2022, pour une obésité morbide.
Il a annexé son rapport établi le jour de cette consultation, dans lequel il avait posé les diagnostics d'obésité morbide, de syndrome d'apnées du sommeil depuis février 2022, de dépression avec des éléments psychotiques, d'hypertension artérielle et d'asthme. La patiente avait progressivement pris du poids depuis 2008, pour atteindre 120 kg. Elle présentait une obésité morbide avec une forte composante génétique. Une chirurgie métabolique était suggérée pour améliorer sa mobilité et sa qualité de vie, ainsi que son risque cardio-vasculaire, de diabète et de cancer.
l. Par rapport du 7 juin 2023, le Dr C______ a confirmé les diagnostics précédemment posés et les restrictions évoquées.
m. Le 12 juin 2023, l'assurée a rempli le questionnaire de l'OAI relatif au statut. Elle a indiqué qu'elle n'exerçait actuellement aucune activité professionnelle et qu'elle n'en n'exerçait pas non plus avant son atteinte à la santé. Elle n'avait pas envisagé de réduire ou d'augmenter le taux de son activité professionnelle. Elle pratiquait la marche à titre de loisir. Ses revenus étaient composés des aides financières versées par l'Hospice général et ses dépenses comprenaient le paiement de son loyer, de l'assurance-maladie et elle avait des dettes à hauteur de CHF 7'800.-.
n. Le 29 septembre 2023, l'OAI a reçu en retour son courrier du 20 juin 2023 annoté par l'assurée. À la question de savoir si elle avait exercé une activité professionnelle avant son atteinte à la santé, elle a répondu « non », et à celle de savoir si en bonne santé elle exercerait une activité professionnelle, et si oui à quel taux et dans quel domaine, elle a écrit « non ».
o. Dans une note relative au choix de la méthode de l'évaluation de l'invalidité datée du 4 octobre 2023, l'OAI a relevé que l'absence d'activité professionnelle avant l'atteinte à la santé correspondait à la volonté hypothétique de l'assurée. Elle était divorcée depuis 2013, avait travaillé dans le nettoyage professionnel et était assistée par l'Hospice général depuis 2014. En bonne santé, l'assurée n'exercerait pas d'activité, étant relevé qu'elle n'avait entrepris aucune démarche de recherche d'emploi et semblait se contenter du revenu de l'aide sociale.
p. Par rapport du 19 octobre 2023, le docteur H______, médecin au service médical régional de l'OAI (ci-après : SMR), a retenu à titre d'atteintes à la santé incapacitantes, une obésité morbide et un trouble dépressif récurrent actuellement en rémission. L'assurée était en totale incapacité de travail durable depuis le 15 juillet 2022 et aucune activité adaptée n'était exigible depuis cette date. Les limitations fonctionnelles comprenaient le port de charge supérieur à
5 kg, les positions debout ou assise prolongées sans possibilité d'alternance, la marche prolongée ou en terrain irrégulier, le travail baissé ou penché en avant, le travail en rotation du tronc, les positions à genoux et accroupies, les activités impliquant des échelles, échafaudages et escaliers. L'assurée présentait une obésité morbide à la limite de la super-obésité, stade massif, qui avait une forte composante génétique selon le spécialiste. Compte tenu de cette atteinte, la capacité de travail était nulle pour toute activité sur le premier marché. Au niveau psychiatrique, la psychiatre traitant avait considéré que l’assurée était capable de travailler.
q. L'OAI a mis en œuvre une enquête économique sur le ménage. Dans le rapport y relatif du 23 février 2024, l’enquêtrice a notamment rappelé, au point 2 « Détermination de l’activité lucrative », que l’assurée avait par le passé travaillé dans le nettoyage et la cuisine, qu’elle était à l’Hospice général depuis 2014 et qu’elle avait un statut de ménagère. À la question 2.2, « Sant atteinte à la santé, une activité lucrative serait-elle exercée à ce jour selon l'assuré(e), la case « Non » a été cochée. À la question 2.3 « L’activité exercée serait-elle poursuivie au même tôt ? », aucune case n’a été cochée et rien n’a été inscrit sous « Motivation ». Au point 2.6 « Statut », a été apposée l’inscription « A déterminer par le case manager au vu des éléments apportés ». S'agissant de l'aide exigible, il a été retenu que l'assurée vivait avec sa fille de 14 ans, en bonne santé générale, qui était au cycle d'orientation. L’enquêtrice a retenu les taux suivants de pondération, d’empêchements sans aide exigible de la famille et d’empêchements avec aide exigible des membres de la famille : pour le poste alimentation 29%, 31% et 23%, pour l'entretien du logement ou de la maison 16%, 70% et 47%, pour les achats et courses diverses, tâches administratives 10%, 73% et 61%, pour la lessive et l'entretien des vêtements 12%, 50% et 29%, pour les soins et assistance aux enfants et aux proches 33%, 25% et 25%, et pour le soin du jardin ou de l'extérieur et la garde des animaux 0%, 0% et 0%. Il en résultait un taux d'invalidité de 6.8%, 7.5%, 6.4%, 3.4%, 8.2% pour ces différents postes. Pour cette constitution familiale, le nombre d'heures retenues par semaine pour la tenue du ménage était de 41.06 heures. Les empêchements avant l'obligation de réduire le dommage s'élevaient à 17.10 heures, soit 41.8%. L'obligation de réduire le dommage exigible des membres de la famille se montait à 3.56 heures, correspondant à 9.6%. Ainsi les empêchements après obligation de réduire le dommage étaient de 13.13 heures, soit 32.2%. Il a été conclu que les déclarations de l'assurée étaient conformes aux limitations fonctionnelles retenues.
B. a. Le 27 février 2024, l'OAI a informé l'assurée qu'il envisageait de rejeter sa demande de prestations, au motif que les constats effectués lors de l'enquête ménagère révélaient un taux d'invalidité de 32%, compte tenu de l'obligation de réduire le dommage exigible des membres de la famille.
b. Le 25 mars 2024, l'assurée a contesté la méthode d'évaluation retenue. Elle a souligné qu'elle avait toujours travaillé à plein temps dans son pays d'origine comme femme de ménage. Lorsqu'elle était arrivée en Suisse elle avait également travaillé auprès de divers employeurs, malheureusement toujours « au noir ». Elle a souligné qu'elle avait quatre enfants, dont trois qui vivaient en Bolivie et étaient à sa charge. Elle ne pouvait dès lors faire le choix d'être femme au foyer. Elle avait toujours souhaité travailler pour trouver une vie meilleure et pouvoir faire bénéficier sa famille de ses revenus. Elle devait gagner sa vie pour survivre et ne pouvait avoir recours à l'aide sociale, à défaut de quoi elle n'aurait eu aucune chance de se voir attribuer un permis de séjour. Il convenait donc d'appliquer la méthode d'évaluation ordinaire, dès lors qu'elle aurait, en bonne santé, exercé une activité professionnelle à temps plein.
c. Par décision du 7 mai 2024, l'OAI a refusé d'accorder à l'assurée une rente d'invalidité. Il reconnaissait la présence d'une atteinte à la santé invalidante dès le mois de juillet 2022. S'agissant de l'évaluation des empêchements dans les travaux habituels, l'enquête ménagère avait révélé un taux d'invalidité de 32%, qui n'ouvrait pas le droit à des prestations d'assurances. Les éléments apportés par l'assurée dans sa correspondance du 25 mars 2024 ne permettaient pas de modifier son appréciation du cas.
C. a. Par acte du 7 juin 2024, l'assurée, représentée par une avocate, a interjeté recours contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice. Elle a conclu, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision entreprise et à l'octroi d'une rente d'invalidité entière. En substance, la recourante a contesté la méthode d'évaluation retenue. Elle avait eu trois enfants en Bolivie, nés en 1995, 1997 et 1998, et avait commencé à travailler dans la restauration dès l'âge de 18 ans. Le père de ses enfants était décédé lorsqu'elle était enceinte du troisième et elle avait été rejetée par sa belle-famille et contrainte de retourner vivre chez sa mère. Elle avait quitté la Bolivie dans l'espoir de trouver une meilleure situation financière pour sa famille et avait dû se résoudre à laisser derrière elle ses trois enfants. Elle était arrivée en Suisse en 2005 et avait obtenu une autorisation de séjour en « 2017 ». Dès son arrivée, elle avait travaillé dans l'économie domestique « au noir ». Elle avait toujours dû travailler pour subvenir à ses besoins et à ceux de ses enfants, et n'avait pas pu demander l'aide de l'Hospice général sauf à voir ses chances d'obtenir une régularisation refusée et d'être expulsée. Ses trois enfants dépendaient entièrement de l'argent qu'elle gagnait en Suisse. Selon son extrait de compte individuel, elle avait cotisé chaque année depuis 2008 jusqu'en 2020, sauf entre 2010 et 2013, car elle était retournée en Bolivie suite à la naissance de sa fille cadette pour retrouver ses autres enfants. Une ordonnance du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant de 2016, qui figurait au dossier, avait relevé ses difficultés financières et psychologiques, ses états dépressifs, ses idées suicidaires et ses problèmes de nervosité, au point d’altérer ses compétences parentales. Lorsqu'elle avait été psychiquement en mesure de chercher ou d'exercer un travail, elle l'avait fait. Elle avait rempli le questionnaire de statut dans le cadre de sa demande de prestations, mais n'avait pas du tout saisi la teneur de ce document. D'ailleurs, sa réponse à la question 3.3 montrait qu'elle n'avait pas compris ce questionnaire, étant souligné que d'autres documents qu'elle avait remplis l'avaient été de manière partielle ou avec des réponses erronées. Elle avait toujours dû et voulu travailler, et aurait continué à le faire en bonne santé. On ne pouvait raisonnablement retenir qu'une jeune mère célibataire, immigrée, sans papier devant entretenir trois enfants en âge scolaire dans un pays dépourvu de filet social, pouvait choisir de ne pas travailler, alors qu'elle avait précisément quitté ses trois enfants pour des raisons économiques. De même on ne pouvait considérer qu'une femme atteinte dans sa santé psychique au point d'être internée pour risque suicidaire ou de se voir retirer la garde de sa fille choisissait de ne pas travailler. En bonne santé, elle aurait continué à exercer une activité pour offrir à ses enfants une vie convenable, pour financer leurs études et pour être indépendante.
b. Dans sa réponse du 8 juillet 2024, l'intimé a conclu au rejet du recours. Il avait adressé à la recourante un questionnaire sur le statut auquel elle avait répondu par la négative pour les questions afférentes à une activité lucrative. Afin de clarifier ces réponses, il avait encore sollicité une position explicite sur les questions pertinentes par courrier du 20 juin 2024, auquel la recourante avait également répondu par la négative. Les médecins traitants avaient rapporté dans l'anamnèse qu'elle ne travaillait plus depuis 2014 à part quelques heures de ménage par mois. En outre, ces médecins ne retenaient plus une quelconque incapacité de travail en lien avec l'état psychique de la recourante, mais l'incapacité avait été admise en lien avec l'obésité actuellement morbide. Hormis les déclarations de la recourante dans le cadre du mémoire de recours, aucun élément objectivable ne permettait de retenir une activité à plein temps sur les quinze dernières années.
c. Par décision du 10 août 2024, la recourante a été mise au bénéfice de l’assurance juridique.
d. Par réplique du 16 septembre 2024, la recourante a persisté dans les termes de son recours. L'intimé se fondait exclusivement sur ce qu'il considérait être les « déclarations de la première heure », alors qu'elle n'avait pas compris ce qui lui était demandé. Il ne pouvait être considéré qu'elle avait affirmé de façon claire qu'elle avait choisi de ne pas travailler et d'être femme au foyer. L'intimé devait également tenir compte des circonstances personnelles et sociales, qui étaient manifestement déterminantes dans son cas. Elle a rappelé qu'elle était atteinte dans sa santé de longue date avec des périodes critiques d'hospitalisations psychiatriques en 2014 notamment. Il ressortait du rapport du Dr I______ (recte : C______) qu'elle avait présenté un trouble dépressif progressivement sévère depuis 2013 avec en tous cas trois tentatives de suicide. Elle avait donc cessé de travailler dix ans auparavant en raison de son état de santé psychique et non pas par choix. D'ailleurs, dans le questionnaire rempli par l'Hospice général, il était précisé que sa dernière activité professionnelle était « employée de maison » et que la cessation de cette activité était due à son état de santé. Elle avait répondu dans le questionnaire sur le statut qu'elle ne travaillait pas actuellement, qu'elle ne travaillait pas avant l'atteinte à la santé et qu'elle n’avait pas envisagé d'augmenter ou de réduire son taux, puisqu'elle n'avait précisément pas d'activité professionnelle. S'agissant des courriers dans lesquels elle avait répondu par « non » aux questions relatives au statut, elle n'avait pas compris ce qui lui était demandé. La note de choix du statut de l'intimé contenait une appréciation pour le moins sommaire, dont la motivation laissait à désirer. Le gestionnaire auteur de cet avis n'avait même pas pris contact avec elle pour la questionner oralement clairement à ce propos et vérifier l'exactitude de son appréciation.
e. Par duplique du 15 octobre 2024, l'intimé a également persisté dans ses conclusions, relevant des divergences dans les déclarations de la recourante. Il s'était basé sur les informations livrées par l'intéressée, mais également sur l'absence d'éléments de recherches d'emplois. Aucun élément du dossier n'indiquait que l'incapacité de travail survenue en 2013 aurait persisté sur les
dix dernières années de manière continue. Au contraire, une amélioration de l'état de la recourante, qui avait pu retrouver une certaine stabilité en 2018, paraissait vraisemblable. Par ailleurs, l’intéressée n'avait fourni aucun élément permettant de retenir qu'elle aurait procédé à des recherches d'emploi, ni récemment, ni pendant la période antérieure. Le compte individuel ne permettait pas de retenir qu'une activité à plein temps aurait été effectuée en Suisse. En l'absence d'élément objectivable, hormis les déclarations divergentes de l’intéressée en procédure de recours, il ne pouvait modifier sa propre appréciation.
f. La chambre de céans a convoqué les parties à une audience de comparution personnelle le 15 avril 2025.
La recourante ne s’est pas présentée. Son avocate a expliqué ne pas avoir de ses nouvelles depuis le mois de février 2025, lorsqu'elle lui avait indiqué qu'elle devait se rendre en Bolivie pour des motifs familiaux. Elle n'arrivait pas à l'atteindre sur son numéro de téléphone suisse. Elle a précisé ne pas avoir représenté la recourante dans le cadre d'autres procédures, avoir toujours eu des difficultés à la joindre et ne pas savoir si sa fille était toujours à Genève. Elle n’avait pas d’autres pièces que celles qui étaient au dossier de l’intimé, notamment pas de document en lien avec les procédures civiles.
Elle avait discuté en espagnol avec sa cliente, mais cette dernière était en mesure de s'exprimer en français, ce qu’elle avait fait avec son secrétariat. Elle pensait que sa cliente était aidée par sa fille ou son compagnon pour les tâches administratives.
Le représentant de l’intimé a indiqué que la recourante, à son souvenir, n’avait pas été reçue dans les locaux de l'OAI et qu’elle n'avait pas été interrogée oralement sur la question de son statut. Il a cependant rappelé qu’elle avait répondu à deux reprises aux questionnaires de l’intimé. Ce dernier avait retenu, conformément aux indications de la recourante, qu'elle avait un statut de personne non active, car elle n'avait plus travaillé depuis longtemps.
Interpellé sur les revenus figurant dans l'extrait de compte individuel, il a répondu que l’intimé s’était montré réaliste en tenant compte des informations données et confirmées par la recourante, dépourvues de toute ambiguïté.
L’avocate de la recourante a relevé que les questionnaires n’étaient pas nécessairement très compréhensibles, même pour des personnes francophones.
Un délai a été accordé à l’intimé pour exposer les raisons pour lesquelles le SMR avait retenu la date du 15 juillet 2022 comme étant celle du début de l'incapacité de travail durable, et à la recourante pour transmettre toutes pièces utiles pouvant être communiquée par l'assistante sociale.
g. Le 13 mai 2025, l’intimé a produit un rapport du 23 avril 2025 du SMR, relevant que la date du 15 juillet 2022 était celle annoncée par la recourante dans le formulaire de demande du 1er novembre 2022. Cette date apparaissait cohérente au vu des rapports du 5 septembre 2022 du Dr F______, mentionnant une consultation au CAPPI le 19 août 2022, et du 21 février 2023 du Dr B______, indiquant suivre la patiente depuis la fin de l’été 2022. Concernant le diagnostic d’obésité, les pièces du dossier attestaient du début d’une prise de poids dès 2009, mais le poids de 120 kg n’avait été que récemment atteint. Enfin, il avait pu analyser un rapport du CAPPI résumant le suivi de l’intéressée, à savoir le rapport du 19 août 2022 du Dr F______.
h. Par écriture du 2 juin 2025, l’avocate de la recourante a informé la chambre de céans qu’elle n’avait pas pu obtenir de documents complémentaires, le Centre d’action sociale ayant suivi sa cliente n’ayant répondu ni à ses appels téléphoniques, ni à son courrier.
i. Le 4 juin 2025, ces documents ont été transmis aux parties adverses.
j. Sur ce, la cause a été gardée à juger.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du
6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur
l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.
1.3 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.
2.
2.1 Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du
19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du
3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961
(RAI – RS 831.201 ; RO 2021 706).
En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).
2.2 En l’espèce, la recourante a déposé sa demande de prestations en
novembre 2022, de sorte que son éventuel droit à une rente naîtrait après le
1er janvier 2022. Partant, le nouveau droit est applicable.
3. Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente, singulièrement sur le choix de la méthode d'évaluation de l'invalidité.
4. À teneur de l’art. 8 LPGA, est réputée invalidité l’incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée. L’art. 4 LAI précise en outre que l’invalidité peut résulter d’une infirmité congénitale, d’une maladie ou d’un accident.
Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable
(al. 2).
4.1 En vertu de l’art 28 al. 1 LAI, l’assuré a droit à une rente aux conditions
suivantes : sa capacité de gain ou sa capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles (let. a) ; il a présenté une incapacité de travail
(art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable (let. b) ; au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (let. c).
Selon l’art. 28b LAI, la quotité de la rente est fixée en pourcentage d’une rente entière (al. 1). Pour un taux d’invalidité compris entre 50 et 69%, la quotité de la rente correspond au taux d’invalidité (al. 2) ; pour un taux d’invalidité supérieur ou égal à 70%, l’assuré a droit à une rente entière (al. 3). Pour les taux d’invalidité compris entre 40 et 49%, la quotité de la rente s’échelonne de 25 à 47.5% (al. 4).
Conformément à l’art. 29 al. 1 LAI, le droit à la rente naît au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré à fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA, mais pas avant le mois qui suit le 18e anniversaire de l’assuré.
4.2 À teneur de l’art. 28a LAI, l’évaluation du taux d’invalidité des assurés exerçant une activité lucrative est régie par l’art. 16 LPGA. Le Conseil fédéral fixe les revenus déterminants pour l’évaluation du taux d’invalidité ainsi que les facteurs de correction applicables (al. 1). Le taux d’invalidité de l’assuré qui n’exerce pas d’activité lucrative, qui accomplit ses travaux habituels et dont on ne peut raisonnablement exiger qu’il entreprenne une activité lucrative est évalué, en dérogation à l’art. 16 LPGA, en fonction de son incapacité à accomplir ses travaux habituels (al. 2). Lorsque l’assuré exerce une activité lucrative à temps partiel ou travaille sans être rémunéré dans l’entreprise de son conjoint, le taux d’invalidité pour cette activité est évalué selon l’art. 16 LPGA. S’il accomplit ses travaux habituels, le taux d’invalidité pour cette activité est fixé selon l’al. 2. Dans ce cas, les parts respectives de l’activité lucrative ou du travail dans l’entreprise du conjoint et de l’accomplissement des travaux habituels sont déterminées ; le taux d’invalidité est calculé dans les deux domaines d’activité (al. 3).
L’art. 24septies RAI stipule que le statut d’un assuré est déterminé en fonction de la situation professionnelle dans laquelle il se trouverait s’il n’était pas atteint dans sa santé (al. 1). L’assuré est réputé (al. 2) : exercer une activité lucrative au sens de l’art. 28a al. 1 LAI dès lors qu’en bonne santé, il exercerait une activité lucrative à un taux d’occupation de 100% ou plus (let. a) ; ne pas exercer d’activité lucrative au sens de l’art. 28a al. 2 LAI dès lors qu’en bonne santé, il n’exercerait pas d’activité lucrative (let. b) ; exercer une activité lucrative à temps partiel au sens de l’art. 28a al. 3 LAI dès lors qu’en bonne santé, il exercerait une activité lucrative à un taux d’occupation de moins de 100% (let. c).
L’art. 27 RAI dispose que par travaux habituels, visés à l’art. 7 al. 2 de la loi, des assurés travaillant dans le ménage, il faut entendre l’activité usuelle dans le ménage, ainsi que les soins et l’assistance apportés aux proches.
Selon l’art. 27bis RAI, le taux d’invalidité des personnes qui exercent une activité lucrative à temps partiel est déterminé par l’addition des taux suivants : le taux d’invalidité en lien avec l’activité lucrative (let. a) ; le taux d’invalidité en lien avec les travaux habituels (let. b). Le taux d’invalidité en lien avec l’activité lucrative est déterminé (al. 2) : en extrapolant le revenu sans invalidité pour une activité lucrative correspondant à un taux d’occupation de 100% (let. a) ; en calculant le revenu avec invalidité sur la base d’une activité lucrative correspondant à un taux d’occupation de 100% et en l’adaptant selon la capacité fonctionnelle déterminante (let. b) ; en pondérant la perte de gain exprimée en pourcentage en fonction du taux d’occupation qu’aurait l’assuré s’il n’était pas invalide (let. c). Le taux d’invalidité en lien avec les travaux habituels est calculé (al. 3) : en déterminant le pourcentage que représentent les limitations dans les travaux habituels par rapport à la situation dans laquelle l’assuré serait sans invalidité (let. a) ; en pondérant le pourcentage déterminé à la let. a en fonction de la différence entre le taux d’occupation visé à l’al. 2, let. c, et une activité lucrative exercée à plein temps (let. b).
4.2.1 Pour déterminer la méthode d'évaluation de l'invalidité applicable dans un cas particulier, il faut à chaque fois se demander ce que l'assuré aurait fait si l'atteinte à la santé n'était pas survenue (ATF 137 V 334 consid. 3.2). Il convient par conséquent de procéder à une évaluation hypothétique incluant la prise en compte des choix également hypothétiques que l'assuré aurait faits (ATF 144 I 28
consid. 2.4).
Lorsque l'assuré accomplit ses travaux habituels, il convient d'examiner, à la lumière de sa situation personnelle, familiale, sociale et professionnelle, si, étant valide il aurait consacré l'essentiel de son activité à son ménage ou s'il aurait exercé une activité lucrative. Pour déterminer le champ d'activité probable de l'assuré, il faut notamment prendre en considération la situation financière du ménage, l'éducation des enfants, l'âge de l'assuré, ses qualifications professionnelles, sa formation ainsi que ses affinités et talents personnels
(ATF 144 I 28 consid. 2.3 ; 137 V 334 consid. 3.2 ; 117 V 194 consid. 3b ; Pratique VSI 1997 p. 301 ss consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2016 du 17 février 2017 consid. 2.2). Cette évaluation tiendra également compte de la volonté hypothétique de l'assurée, qui comme fait interne ne peut être l'objet d'une administration directe de la preuve et doit être déduite d'indices extérieurs (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2015 du 11 mai 2015 consid. 2.3 et l'arrêt cité) établis au degré de la vraisemblance prépondérante tel que requis en droit des assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b).
Selon la pratique, la question du statut doit être tranchée sur la base de l'évolution de la situation jusqu'au prononcé de la décision administrative litigieuse, encore que, pour admettre l'éventualité de la reprise d'une activité lucrative partielle ou complète, il faut que la force probatoire reconnue habituellement en droit des assurances sociales atteigne le degré de vraisemblance prépondérante
(ATF 144 I 28 consid. 2.3 et les références ; 141 V 15 consid. 3.1 ; 137 V 334 consid. 3.2 ; 125 V 146 consid. 2c et les références).
4.2.2 Chez les assurés travaillant dans le ménage, le degré d'invalidité se détermine, en règle générale, au moyen d'une enquête économique sur place, alors que l'incapacité de travail correspond à la diminution - attestée médicalement - du rendement fonctionnel dans l'accomplissement des travaux habituels
(ATF 130 V 97).
L'évaluation de l'invalidité des assurés pour la part qu'ils consacrent à leurs travaux habituels nécessite l'établissement d'une liste des activités que la personne assurée exerçait avant la survenance de son invalidité, ou qu'elle exercerait sans elle, qu'il y a lieu de comparer ensuite à l'ensemble des tâches que l'on peut encore raisonnablement exiger d'elle, malgré son invalidité, après d'éventuelles mesures de réadaptation. Pour ce faire, l'administration procède à une enquête sur place et fixe l'ampleur de la limitation dans chaque domaine entrant en considération. En vertu du principe général de l'obligation de diminuer le dommage, l'assuré qui n'accomplit plus que difficilement ou avec un investissement temporel beaucoup plus important certains travaux ménagers en raison de son handicap doit en premier lieu organiser son travail et demander l'aide de ses proches dans une mesure convenable. La jurisprudence pose comme critère que l'aide ne saurait constituer une charge excessive du seul fait qu'elle va au-delà du soutien que l'on peut attendre de manière habituelle sans atteinte à la santé. En ce sens, la reconnaissance d'une atteinte à la santé invalidante n'entre en ligne de compte que dans la mesure où les tâches qui ne peuvent plus être accomplies le sont par des tiers contre rémunération ou par des proches et qu'elles constituent à l'égard de ces derniers un manque à gagner ou une charge disproportionnée
(ATF 133 V 504 consid. 4.2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_191/2021 du 25 novembre 2021 consid. 6.2.2 et les références).
5. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).
Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 - Cst ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable
(ATF 124 V 90 consid. 4b ; 122 V 157 consid. 1d).
En présence de deux versions différentes et contradictoires d'un état de fait, la préférence doit être accordée en général à celle que l'assuré a donnée alors qu'il en ignorait peut-être les conséquences juridiques (règle dite des « premières déclarations » ou déclarations de la première heure), les explications nouvelles pouvant être consciemment ou non le fruit de réflexions ultérieures
(ATF 142 V 590 consid. 5.2 ; 121 V 45 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_238/2018 du 22 octobre 2018 consid. 6).
6. En l’espèce, dans sa décision litigieuse du 7 mai 2024, l’intimé a retenu un statut de personne non active et considéré, sur la base de l’enquête économique du
23 février 2024, que le degré d’invalidité de la recourante s’élevait à 32%, insuffisant pour ouvrir le droit à une rente.
La recourante conteste la méthode d’évaluation appliquée. Elle fait valoir qu’elle n’a pas compris les questions qui lui avaient été posées à cet égard et que si elle avait été en bonne santé, elle aurait nécessairement travaillé, compte tenu de ses situations familiale, personnelle, financière et sociale, déterminantes dans son cas. Elle soutient avoir travaillé à plein temps dans son pays d’origine puis illégalement en Suisse à son arrivée en 2005, avoir obtenu une autorisation de séjour en « 2017 » (recte : 2007), avoir cotisé chaque année depuis 2008 jusqu’en 2020, à l’exception des années durant lesquelles elle était en Bolivie, soit entre 2010 et 2013. Elle prétend avoir arrêté de travailler en raison de ses problèmes de santé, et en aucun cas par choix personnel.
6.1 La chambre de céans relève que les allégations de la recourante, selon lesquelles elle aurait toujours travaillé à 100% dans son pays d’origine, sont contredites par son curriculum vitae dans lequel elle a indiqué qu’elle avait effectué « diverses missions intérimaires » dans la restauration en Bolivie entre 1995 et 2005, et qu’elle avait ensuite été « mère au foyer » en 2005 et 2006.
L’extrait de la base de données de l'OCPM mentionne que la recourante est arrivée en Suisse le 20 avril 2007. L’intéressée n’a fourni aucun élément permettant de retenir, au degré de la vraisemblance prépondérante, qu’elle aurait vécu et travaillé « au noir » à Genève en 2005 et 2006 déjà. Au contraire, comme relevé ci-dessus, son curriculum vitae mentionne qu’elle a été mère au foyer entre 2005 et 2006, ce qui implique qu'elle se trouvait alors en Bolivie où vivaient ses trois enfants.
6.2 La chambre de céans observe ensuite que, selon l’extrait de compte individuel de la recourante, cette dernière a travaillé à Genève à partir de janvier 2008 seulement, alors qu’elle était en droit d’exercer une activité lucrative dès son arrivée en Suisse, le 20 avril 2007, puisqu’elle s’est mariée à cette date avec un titulaire d’un livret C. Elle aurait d’ailleurs également pu obtenir un permis de séjour avant ce mariage, en vue de préparer ce dernier, au titre de regroupement familial, si elle avait déjà résidé en Suisse.
L’extrait de compte individuel de la recourante atteste qu’elle a été au service d’une personne privée de janvier 2008 jusqu’à la naissance de sa fille. Elle a perçu des revenus à hauteur de CHF 30'450.- pour 2008 et CHF 7'612.- pour les mois de janvier à mars 2009, ce qui correspond à un salaire mensuel de CHF 2'537.50. Selon les données statistiques, le salaire d’une femme exerçant des tâches simples et répétitives dans l’économie domestique s’élevait, en 2008, à CHF 3'851.- (tableau T7S de l’Enquête suisse sur la structure des salaires, 2008, ligne 37 « Activités de l’hôtellerie-restauration, économie domestique », pour une femme, niveau de compétences 1), ce qui permet de retenir que la recourante a travaillé au taux de 65.89%, arrondi à 66%, durant quinze mois sans interruption.
L’intéressée est ensuite retournée avec sa fille dans son pays d’origine, du
8 juin 2009 au 22 février 2013. La chambre de céans ne dispose d’aucune information sur les ressources et activités de la recourante durant cette période.
Entre la date de son retour en Suisse et le mois de septembre 2014, soit durant une période de 18 mois, aucun revenu n’a été enregistré dans l’extrait de compte individuel. Cela étant, il ressort des pièces produites que la recourante présentait déjà, à cette époque, d’importantes atteintes à la santé, puisqu’elle a été hospitalisée au mois de mai 2014 en raison d’un trouble dépressif récurrent d’intensité sévère, avec une idéation suicidaire active et une détresse psychique intense (rapport du 10 juillet 2014 du Dr E______). Le Dr C______ a indiqué que le trouble dépressif sévère évoluait depuis 2013 et a fait état de trois tentatives de suicide au minimum (rapport du 28 novembre 2022). Le
Dr F______ a également attesté de la sévérité du trouble dépressif récurrent, retenu deux tentatives de suicide et constaté des scarifications aux bras et
avant-bras (rapport du 5 septembre 2022). Il ressort en outre du jugement du Tribunal de première instance du 23 mai 2019 (JTPI/7628/2019 ; page 55 dossier de l’intimé) que la recourante s’est vu retirer le droit de garde sur sa fille en 2016 en raison de ses états dépressifs, idées suicidaires et problèmes de nervosité, la rendant inapte à s’occuper de son enfant. Ces éléments permettent de retenir, au degré de la vraisemblance prépondérante requis, que la recourante présentait un trouble psychique en 2013 qui avait des répercussions sur sa capacité de travail. L’intimé ne pouvait pas écarter l’existence d’une telle atteinte au motif que la
Dre B______ avait indiqué que sa patiente était capable de travailler sur le plan psychiatrique, cette affirmation ne portant pas sur la période ici déterminante (rapport du 9 novembre 2022). Il est d’ailleurs relevé que cette psychiatre a clairement expliqué que l’état de santé de sa patiente s’était amélioré et stabilisé depuis qu’elle avait repris le suivi en septembre 2022, mais que l’intéressée avec présenté, par le passé, des épisodes dépressifs récurrents sévères avec des éléments psychotiques (rapport du 21 février 2023). De surcroît, sur le plan somatique, les pièces du dossier ne permettent pas de savoir à quelle période la recourante a atteint un poids la limitant dans l’exercice d’une activité professionnelle.
Par la suite, l’extrait de compte individuel de la recourante rapporte des montants de CHF 650.- pour les mois de septembre à décembre 2014, CHF 1'164.-, pour 2015, CHF 3'091.- pour 2016, CHF 2'957.- pour 2017, CHF 2'419.- pour 2018, CHF 4'943.- pour 2019 et CHF 246.- pour 2020. Ainsi, le salaire annuel le plus élevé correspond à un gain mensuel de CHF 411.90 et le plus bas à CHF 97.-. Si ces revenus sont certes très modiques, leur perception plaide sans aucun doute en faveur d’une volonté de travailler, et ce en dépit des troubles psychiques présentés.
C’est encore le lieu de relever que de nombreuses pièces du dossier attestent de l’exercice d’une activité lucrative ou d’une telle intention. Ainsi, le jugement du Tribunal de première instance indique que la recourante travaille « actuellement » comme femme de ménage trois fois par semaine (JTPI/7628/2019). Le
Dr C______ a mentionné que la patiente était en « recherche d’emploi (rapport du 9 novembre 2022), qu’elle avait travaillé dans le nettoyage professionnel (rapport du 28 novembre 2022) et avait effectué quelques heures de ménage par mois jusqu’en 2019 (rapport du 9 décembre 2022). Le Dr F______ a aussi écrit que la recourante avait travaillé en tant que femme de ménage et qu’elle avait perdu son emploi suite à sa fracture du poignet en 2020 « environ » (rapport du
5 septembre 2022). L’hospice général a noté que l’intéressée avait cessé son emploi d’employée de maison pour des motifs de santé (page 41 dossier intimé).
Dès lors qu’il est établi que la recourante a effectivement exercé plusieurs activités lucratives depuis qu’elle dispose d’un permis de travail en Suisse, les réponses apportées dans les questionnaires portant sur son statut s’avèrent manifestement erronées. Pour rappel, dans le premier document signé le
12 juin 2023, les cases « non » ont été cochées s’agissant des questions portant sur l’exercice actuel d’une activité professionnelle, l’exercice d’une activité professionnelle avant l’atteinte à la santé, et sur l’intention de réduire ou d’augmenter le taux de l’activité professionnelle. Dans le second document, reçu par l’intimé le 29 septembre 2023, la recourante a répondu au courrier de l'intimé du 20 juin 2023 qui lui demandait à nouveau des informations quant à son statut. Elle a écrit « non » aux questions de savoir si elle exerçait une activité professionnelle avant son atteinte à la santé et si elle exercerait une activité professionnelle en bonne santé. De même, la case « Non » a été cochée dans le rapport d’enquête ménagère concernant l’exercice d’une activité lucrative sans atteinte à la santé.
Compte tenu de ces éléments, les déclarations de la recourante, qui soutient ne pas avoir compris les questions qui lui étaient posées, emportent la conviction de la chambre de céans.
6.3 Il y a donc lieu de retenir un statut mixte, comprenant une part professionnelle de 66% et une part ménagère de 34%, puisqu’aucun élément tangible ne permet de conclure que l’intéressée aurait travaillé à 100%. Ses déclarations quant à la situation difficile de ses enfants restés en Bolivie et quant à sa propre précarité ne sauraient suffire, au vu de l’activité stable exercée de janvier 2008 à mars 2009, alors qu’elle était en bonne santé et en droit de travailler à Genève.
L’intimé a admis, conformément à l’avis du SMR du 19 octobre 2023, que la recourante ne disposait d’aucune capacité de travail lorsqu’elle a déposé sa demande de prestations, enregistrée le 1er novembre 2022. Il s’ensuit qu’elle présente un degré d’invalidité de 66% dans la sphère professionnelle (66% x 100%).
Selon les conclusions de l’enquête ménagère, reprises par l’intimé, le degré d’invalidité est de 32% pour les travaux habituels. Rien ne justifie de s’en écarter. Le degré d’invalidité est donc de 10.88% (34% x 32%).
Le degré d’invalidité total s’élève donc à 76.88%, arrondi à 77%, ce qui ouvre le droit à une rente entière, dès le 1er mai 2023.
7. Au vu de ce qui précède, le recours est admis, la décision litigieuse annulée et il sera dit que la recourante a droit à une rente entière d’invalidité, dès le
1er mai 2023.
La recourante, qui obtient gain de cause et est assistée d’une avocate, a droit à des dépens, fixés en l'espèce à CHF 3'000.- (art. 61 let. g LPGA et art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du
30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).
Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet.
3. Annule la décision de l’intimé du 7 mai 2024.
4. Dit que la recourante a droit à une rente entière d’invalidité dès le 1er mai 2023.
5. Alloue à la recourante une indemnité de CHF 3'000.- à titre de dépens, à la charge de l'intimé.
6. Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.
7. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Adriana MALANGA |
| La présidente
Joanna JODRY |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le