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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3488/2023

ATAS/473/2025 du 23.06.2025 ( AI )

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3488/2023 ATAS/473/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Ordonnance d’expertise du 23 juin 2025

Chambre 4

 

En la cause

 

A______

représentée par Me Thierry STICHER, avocat

 

recourante

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

 

intimé

 


 

EN FAIT

A. a. A______ (ci-après l’assurée ou la recourante) est née le ______ 1970 et ressortissante du Portugal. Elle est entrée en Suisse en 1990.

b. Elle s’est mariée une première fois en 1989, a divorcé en 2002 et s’est remariée en 2004. Elle est mère d’un enfant né en 1992.

B. a. Elle a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité le 16 janvier 2019, indiquant avoir fréquenté l’école primaire et le cycle d’orientation, avoir travaillé comme gouvernante à 100% du 1er mai 1994 au 30 mai 2018 et être en incapacité de travail totale dès le 30 mai 2018 en raison d’une fibromyalgie.

b. Dans un rapport du 15 novembre 2018, la docteure A______, spécialiste en médecine interne, membre FMH, a posé les diagnostics de syndrome de burnout, épuisement physique et psychique, dépression réactionnelle et fibromyalgie. La thérapie actuelle de l’assurée consistait en une prise en charge multidisciplinaire sous la forme d’un soutien psychologique par une psychologue, une psychiatre et la Dre A______, avec un traitement d’antidépresseurs et des anxiolytiques en réserve.

c. Dans un rapport établi le 24 janvier 2019, la docteure C______, spécialiste en médecine interne et rhumatologie, membre FMH, a indiqué que l’assurée présentait depuis 2014 environ des douleurs migrantes articulaires, musculaires et rachidiennes, associées à des plaintes somatoformes (troubles de la concentration et de la mémoire, douleurs abdominales, troubles du sommeil, syndrome sec oculaire et buccal). Le diagnostic de fibromyalgie avait été retenu en février 2016. Un probable état anxio-dépressif associé contribuait à la chronicisation des douleurs. L’arrêt de travail actuel était en relation avec un état anxio-dépressif actuellement sévère. L’assurée pouvait reprendre son activité professionnelle d’employée de maison à 50%, du point de vue strictement rhumatologique, mais elle était totalement incapable de travailler sur le plan psychiatrique pour une durée indéterminée.

d. Dans un rapport du 27 février 2019, le docteur D______, spécialiste en neurologie, psychiatrie et psychothérapie, membre FMH, a posé les diagnostics sans répercussion sur la capacité de travail de trouble douloureux somatoforme persistant et de personnalité avec des traits émotionnellement immatures, instables, anxieux et histrioniques accentués existant depuis l’adolescence.

e. Le 4 avril 2019, la Dre A______ a indiqué que l’assurée souffrait de fibromyalgie ainsi que d’un syndrome anxio-dépressif et qu’elle pouvait travailler dans son activité habituelle six à sept heures par jour.

f. Le 15 avril 2019, l’office cantonal de l’emploi a informé l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI ou l’intimé) que l’assurée avait bénéficié d’un délai cadre du 15 mars 2019 au 14 mars 2021 et qu’elle recherchait alors une activité à 100%.

g. Le 29 mai 2019, le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR) a considéré que l’assurée n’avait pas présenté d’atteinte à la santé pouvant jouer un rôle sur sa capacité de travail.

h. Par décision du 21 août 2019, l’OAI a rejeté la demande de prestations de l’assurée, retenant qu’elle n’avait pas d’atteinte à la santé invalidante au sens de la loi.

C. a. L’assurée a formé une nouvelle demande de prestations à l’OAI le 29 novembre 2021, faisant valoir qu’elle avait été totalement incapable de travailler du 3 septembre au 17 septembre 2020 à 100% et du 19 janvier au 31 décembre 2021 à 100%.

b. Dans un rapport établi le 14 décembre 2021, la docteure E______, spécialiste en neurologie, psychiatrie et psychothérapie, membre FMH, a indiqué que l’assurée souffrait d’un trouble dépressif récurrent, dernier épisode moyen à sévère, d’un syndrome de douleurs chroniques, qui influait négativement sa thymie lors des poussées douloureuses, et de pathologies somatiques multiples qui avaient également un impact sur sa thymie. L’évolution était globalement fluctuante en fonction des douleurs et des pathologies somatiques. Depuis quelques jours, il y avait une recrudescence des douleurs, de sorte que la thymie se péjorait à nouveau. L’assurée rapportait des idées suicidaires lors de douleurs intenses. Elle était plus irritable, l’énergie et le plaisir diminuaient et elle présentait des troubles du sommeil avec des ruminations anxieuses. Elle prenait des antidépresseurs (Fluoxétine 20 mg) depuis le début de l’année 2021, ce qui correspondait au début de la prise en charge. Elle bénéficiait également d’une thérapie cognitive comportementale avec une activation comportementale et un travail d’acceptation des douleurs. Des nodules cancéreux thyroïdiens avaient été découverts sur elle en août 2020 et elle avait mis du temps à se décider pour se faire opérer. Un travail motivationnel et sur l’anxiété liée à l’intervention avait été fait et elle avait subi une intervention au printemps 2021. Les limitations étaient une baisse de la thymie et de l’énergie, une irritabilité lors des épisodes dépressifs et des périodes où les douleurs s’intensifiaient, avec des difficultés dans les relations interpersonnelles. La capacité de travail était nulle à ce jour du point de vue psychiatrique dans toute activité.

c. Le SMR a considéré, le 20 janvier 2022, que l’assurée avait rendu plausible une aggravation de son état de santé et qu’il fallait instruire son cas.

d. Le 2 février 2022, la Dre A______ a indiqué que l’assurée n’était plus capable de s’occuper de son propre ménage comme elle le faisait auparavant.

e. Le 29 novembre 2022, la Dre E______ a indiqué que le premier mari de l’assurée avait été violent avec l’assurée, verbalement et physiquement. Elle avait des relations conflictuelles avec son mari actuel, qui l’avait trompée et avait demandé le divorce trois ans auparavant. La procédure était actuellement en suspens à cause des problèmes de santé de l’assurée, qui habitait encore avec son mari. Elle avait un petit fils âgé d’un an, de bonnes relations avec son fils et quelques bons amis sur Genève. Certains s’étaient éloignés d’elle depuis qu’elle était malade, car elle ne pouvait plus sortir pour manger dehors ou aller au cinéma. Rarement, ses amis venaient à la maison. Elle disait préférer rester seule. Actuellement, elle ne sortait de chez elle que pour se rendre à ses rendez-vous médicaux. Elle avait fait son premier épisode dépressif vingt ans auparavant suite à l’accouchement de son fils par césarienne. À la même période, elle était très angoissée, en raison du comportement violent de son mari sous l’influence de l’alcool. Elle n’osait pas se confier à son entourage familial à ce sujet et avait fait plusieurs tentatives de suicide.

Elle avait déjà présenté un épisode dépressif dix ans auparavant, dans le contexte de l’apparition des douleurs multiples et de relations compliquées avec son employeur. À peu près à la même époque, le diagnostic de fibromyalgie avait été posé par la Dre C______. L’assurée disait avoir accepté un peu plus ses douleurs et ne plus faire des crises de nerfs lorsqu’elle n’arrivait plus à faire les choses comme avant. Selon l’anamnèse, elle n’avait pas eu de période sans symptômes de dépression depuis dix ans, mais il semblait que sa symptomatologie s’était aggravée pour constituer un troisième épisode dépressif d’intensité sévère quatre ans auparavant, en raison de ses problèmes somatiques, de son licenciement abusif, d’un sentiment d’injustice à cause du refus de son employeur de faire les bons certificats de travail avec la durée complète de son travail et du fait qu’il n’avait cotisé à l’AVS et au 2ème pilier que pour dix de ses vingt ans de travail pour lui.

Actuellement elle souffrait d’un trouble dépressif récurrent épisode sévère (F33.2), d’un trouble mixte de la personnalité (F61), d’un syndrome douloureux chronique (F45.4), d’un trouble panique avec agoraphobie (F40.01) et de fibromyalgie. Elle n’était pas capable de travailler en raison de l’épisode dépressif sévère et du syndrome douloureux chronique. Elle prenait de la Fluctine (40 mg) et suivait une psychothérapie de soutien et une thérapie cognitivo-comportementale, avec notamment un travail d’acceptation des douleurs, de pleine conscience, de cohérence cardiaque, etc. Elle avait une très bonne compliance aux différents traitements.

f. L’OAI a confié une expertise pluridisciplinaire aux docteurs F______, spécialiste en endocrinologie et diabétologie, membre FMH, G______, spécialiste en médecine interne générale, membre FMH, H______, spécialiste en rhumatologie, membre FMH, et I______, spécialiste en psychiatrie, membre FMH, du J______.

Dans leur rapport du 20 juin 2023, les experts ont retenu les diagnostics de :

-          goitre multinodulaire bilatéral, conduisant à une thyroïdectomie totale en mai 2021 et découverte d’un micro carcinome papillaire, sans signe d’invasion lymphovasculaire ;

-         obésité ;

-         pré-diabète ;

-         dysthymie (F34.1) ;

-         syndrome douloureux somatoforme persistant (F45.4) ;

-         asthme allergique ;

-         status après thrombose veineuse profonde du membre inférieur droit et embolie pulmonaire en 1992 ;

-         fibromyalgie (M 79.7) ;

-         cervicalgies chroniques, troubles dégénératifs, trouble statique ;

-         lombalgies chroniques, trouble statique, troubles dégénératifs ;

-         signes cliniques en faveur d’une rhizarthrose bilatérale ;

-         gonalgies bilatérales, à droite sur syndrome fémoro-patellaire ;

-         métatarsalgies, fasciite plantaire du pied gauche ;

-         et status post DMMO (Distal Metatarsal Mini) pour métatarsalgies dans un contexte d’équin gastrocnémien du pied droit.

Les experts n’ont retenu aucun diagnostic ayant un impact sur la capacité de travail et considéré qu’il n’y avait pas de limitation fonctionnelle.

g. Par projet de décision du 7 août 2023, l’OAI a rejeté la demande de l’assurée, considérant qu’elle n’avait pas d’atteinte à la santé invalidante.

h. L’assurée a formé opposition à ce projet de décision le 25 août 2023, en produisant un certificat médical établi le 7 août 2023 par la Dre B______, qui attestait qu’elle était incapable de travailler pour cause de maladie à 100% du 9 août au 9 septembre 2023.

i. Par décision du 2 octobre 2023, l’OAI a rejeté la demande de l’assurée, au motif qu’il ne pouvait retenir une atteinte à la santé invalidante au sens de la loi, malgré le contenu de son opposition et du rapport médical produit.

D. a. Le 23 octobre 2023, l’assurée a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, concluant, préalablement à ce qu’une expertise judiciaire psychiatrique et rhumatologique soit ordonnée afin de déterminer les diagnostics, les limitations fonctionnelles, la baisse de rendement et sa capacité de travail ainsi qu’à la mise en place de mesures d’observation professionnelle afin de déterminer sa capacité de travail dans son activité habituelle et dans une éventuelle activité adaptée. Principalement, elle concluait à l’annulation de la décision du 2 octobre 2023 et à l’octroi d’une rente entière d’invalidité dès le 1er mars 2022.

Elle a produit plusieurs pièces dont un rapport établi le 17 octobre 2023 par la Dre E______, qui critiquait l’expertise de juin 2023.

b. Le 22 novembre 2023, l’intimé a conclu au rejet du recours, considérant que l’expertise du J______ avait une pleine valeur probante.

c. La recourante a été entendue par la chambre de céans lors d’une audience du 15 mai 2024.

d. Le 21 octobre 2024, la recourante a fait des observations complémentaires à la suite de l’audience.

e. Le 4 décembre 2024, l’intimé a persisté dans ses conclusions.

f. Par courrier du 20 mai 2025, la chambre de céans a informé les parties de son intention de mettre en œuvre une expertise psychiatrique et leur a communiqué le nom de l’experte pressentie, ainsi que les questions qu’elle avait l’intention de lui poser, en leur impartissant un délai pour faire valoir une éventuelle cause de récusation et se déterminer sur les questions posées.

g. La recourante a indiqué qu’elle n’avait pas de motif de récusation à faire valoir à l’encontre de l’experte et ni questions complémentaires.

h. L’intimé s’est opposé au principe de l’expertise estimant qu’elle n’était pas nécessaire et indiqué que si celle-ci-était maintenue, elle n’avait pas motif de récusation de l’expertise et souhaitait l’ajout de deux questions à la mission d’expertise.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

1.3 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente entière d’invalidité.

3.              

3.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

Dans les cas de révision selon l'art. 17 LPGA, conformément aux principes généraux du droit intertemporel (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1), il convient d’évaluer, selon la situation juridique en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, si une modification déterminante est intervenue jusqu’à cette date. Si tel est le cas, les dispositions de la LAI et celles du RAI dans leur version valable jusqu'au 31 décembre 2021 sont applicables. Si la modification déterminante est intervenue après cette date, les dispositions de la LAI et du RAI dans leur version en vigueur à partir du 1er janvier 2022 sont applicables. La date pertinente de la modification est déterminée par l'art. 88a RAI (arrêts du Tribunal fédéral 8C_55/2023 du 11 juillet 2023 consid. 2.2 ; 8C_644/2022 du 8 février 2023 consid. 2.2.3).

La réglementation légale concernant la révision et le réexamen de décisions ou de décisions sur opposition entrées en force (art. 53 LPGA) n'a pas été modifiée dans le cadre du développement de l'AI susmentionné, raison pour laquelle aucune question de droit intertemporel ne se pose à cet égard (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_644/2022 du 8 février 2023 consid. 2.2.2).

En l’occurrence, la décision litigieuse a certes été rendue après le 1er janvier 2022. Toutefois, la modification des circonstances alléguée est survenue avant cette date, conformément à l’art. 88a RAI. Par conséquent, les dispositions applicables seront citées dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021.

3.2 Lorsque l’administration entre en matière sur une nouvelle demande, après avoir nié le droit à une prestation, l’examen matériel doit être effectué de manière analogue à celui d'un cas de révision au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA (ATF 133 V 108 consid. 5 et les références ; 130 V 343 consid. 3.5.2 et les références ; 130 V 71 consid. 3.2 et les références ; cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_899/2015 du 4 mars 2016 consid. 4.1 et les références). 

Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 144 I 103 consid. 2.1 ; 134 V 131 consid. 3 ; 130 V 343 consid. 3.5). Tel est le cas lorsque la capacité de travail s'améliore grâce à une accoutumance ou à une adaptation au handicap (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_622/2015 consid. 4.1). Il n'y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; 112 V 371 consid. 2b ; 112 V 387 consid. 1b). Un motif de révision au sens de l'art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier. La réglementation sur la révision ne saurait en effet constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral I 111/07 du 17 décembre 2007 consid. 3 et les références). Un changement de jurisprudence n'est pas un motif de révision (ATF 129 V 200 consid. 1.2).

Le point de savoir si un changement notable des circonstances s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière révision de la rente entrée en force et les circonstances qui régnaient à l’époque de la décision litigieuse. En effet, la base de comparaison déterminante dans le temps pour l'examen d'une modification du degré d'invalidité lors d'une révision de la rente est constituée par la dernière décision entrée en force qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit (ATF 147 V 167 consid. 4.1 et la référence).

Lorsque les faits déterminants pour le droit à la rente se sont modifiés au point de faire apparaître un changement important de l'état de santé motivant une révision, le degré d'invalidité doit être fixé à nouveau sur la base d'un état de fait établi de manière correcte et complète, sans référence à des évaluations antérieures de l'invalidité (ATF 141 V 9).

3.3 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.Selon la jurisprudence, si l'assuré peut prétendre à des prestations de l'assurance-invalidité, l'allocation d'une rente d'invalidité à l'issue du délai d'attente (cf. art. 28 al. 1 LAI) n'entre en considération que si l'intéressé n'est pas, ou pas encore, susceptible d'être réadapté professionnellement en raison de son état de santé (principe dit de la priorité de la réadaptation sur la rente ; ATF 121 V 190 consid. 4c). La preuve de l'absence de capacité de réadaptation comme condition à l'octroi d'une rente d'invalidité doit présenter un degré de vraisemblance prépondérante. Dans les autres cas, une rente de l'assurance-invalidité ne peut être allouée avec effet rétroactif que si les mesures d'instruction destinées à démontrer que l'assuré est susceptible d'être réadapté ont révélé que celui-ci ne l'était pas (ATF 121 V 190 consid. 4d ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_559/2021 du 14 juillet 2022 consid. 2.2 et les références). 

3.4 L'évaluation des syndromes sans pathogenèse ni étiologie claires et sans constat de déficit organique ne fait pas l'objet d'un consensus médical (arrêt du Tribunal fédéral 9C_619/2012 du 9 juillet 2013 consid. 4.1).

Dans un arrêt du 3 juin 2015 (ATF 141 V 281), le Tribunal fédéral a jugé que la capacité de travail réellement exigible des personnes souffrant d’une symptomatologie douloureuse sans substrat organique doit être évaluée dans le cadre d’une procédure d’établissement des faits structurée et sur la base d’une vision d’ensemble, à la lumière des circonstances du cas particulier et sans résultat prédéfini. L’évaluation doit être effectuée sur la base d’un catalogue d’indicateurs de gravité et de cohérence. Les principes jurisprudentiels développés en matière de troubles somatoformes douloureux sont également applicables à la fibromyalgie (ATF 132 V 65 consid. 4.1).

La reconnaissance de l'existence de troubles somatoformes douloureux persistants suppose d'abord la présence d'un diagnostic émanant d'un expert (psychiatre) et s'appuyant lege artis sur les critères d'un système de classification reconnu (ATF 130 V 396 consid. 5.3). Le diagnostic de fibromyalgie, qui est d’abord le fait d’un médecin rhumatologue, doit s’appuyer lege artis sur les critères d’un système de classification reconnu (ATF 132 V 65 consid. 3.4 et 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_430/2009 du 27 novembre 2009 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 134/05 du 13 mars 2006 consid. 3.2.1.3 et 3.2.2.3).

Une expertise psychiatrique est, en principe, nécessaire quand il s'agit de se prononcer sur l'incapacité de travail que les troubles somatoformes douloureux sont susceptibles d'entraîner (ATF 130 V 352 consid. 2.2.2 et 5.3.2).

Les principes jurisprudentiels développés en matière de troubles somatoformes douloureux sont également applicables à la fibromyalgie.

Le Tribunal fédéral a développé dans sa jurisprudence relative à l’établissement de la capacité de travail exigible des personnes souffrant d’une symptomatologie douloureuse sans substrat organique les indicateurs suivants, qui s’appliquent également pour déterminer la capacité de travail exigible des personnes souffrant de troubles psychiques.

Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l’étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic. Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l’atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par l'atteinte de celles dues à des facteurs non assurés.

Il convient encore d'examiner le succès du traitement et de la réadaptation ou la résistance à ces derniers. Ce critère est un indicateur important pour apprécier le degré de gravité. L’échec définitif d’un traitement indiqué, réalisé lege artis sur un assuré qui coopère de manière optimale, permet de conclure à un pronostic négatif. Si le traitement ne correspond pas ou plus aux connaissances médicales actuelles ou paraît inapproprié dans le cas d’espèce, on ne peut rien en déduire s’agissant du degré de gravité de la pathologie. Les troubles psychiques sont invalidants lorsqu'ils sont graves et ne peuvent pas ou plus être traités médicalement. Des déductions sur le degré de gravité d’une atteinte à la santé peuvent être tirées non seulement du traitement médical mais aussi de la réadaptation.

La comorbidité psychique ne doit être prise en considération qu’en fonction de son importance concrète dans le cas d’espèce, par exemple pour juger si elle prive l’assuré de ressources. Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l’influence du trouble psychique avec l’ensemble des pathologies concomitantes. Un trouble qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidant en tant que tel n’est pas une comorbidité, mais doit à la rigueur être pris en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité.

le Tribunal fédéral a examiné dans quelle mesure des troubles psychiques en tant que comorbidités d'un TSD, doivent être pris en considération pour examiner le caractère invalidant du TSD. Il a précisé que même si ces troubles psychiques, pris séparément, ne sont pas invalidants en application de la nouvelle jurisprudence publiée aux ATF 141 V 281, ils sont relevants dans l'appréciation globale de la capacité de travail d'une personne atteinte d'un TSD. En effet, cette appréciation doit tenir compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418).

Il convient ensuite d'accorder une importance accrue au complexe de personnalité de l’assuré (développement et structure de la personnalité, fonctions psychiques fondamentales). Le concept de ce qu’on appelle les « fonctions complexes du Moi » (conscience de soi et de l’autre, appréhension de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation) entre aussi en considération. Comme les diagnostics relevant des troubles de la personnalité sont, plus que d’autres indicateurs, dépendants du médecin examinateur, les exigences de motivation sont particulièrement élevées.

Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l’assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut toujours s’assurer qu’une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d’autres difficultés de vie.

Il s’agit, encore, de se demander si l’atteinte à la santé limite l’assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l’exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l’assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d’activité sociale de l’assuré avant et après la survenance de l’atteinte à la santé.

Il faut examiner en suite la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, pour évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n’est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l’absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d’une incapacité (inévitable) de l’assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s’appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d’autres raisons que l'atteinte à la santé assurée.

3.5 Le juge vérifie librement si l’expert médical a exclusivement tenu compte des déficits fonctionnels résultant de l’atteinte à la santé et si son évaluation de l’exigibilité repose sur une base objective.

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; 125 V 351 consid. 3b/bb).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion distincte. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_458/2023 du 18 décembre 2023 consid. 3.2 et la référence). 

4.             La recourante estime que le rapport d’expertise du J______ n’est pas probant.

4.1 Elle conteste le diagnostic de dysthymie posé par l’expert psychiatre, qui n’indiquait pas pour quels motifs il s’écartait du diagnostic de trouble dépressif moyen à grave posé par son médecin traitant.

La chambre de céans constate que le diagnostic de dysthymie retenu par l’expert – qui est une dépression plus chronique et moins intense que la dépression majeure, qui est caractérisée par des épisodes plus intenses et de plus courte durée, selon la DSM-5 – paraît peu compatible avec le fait qu’il ressort du dossier, et notamment du rapport de l’expert psychiatre, que la recourante a bénéficié d’un traitement de Fluoxétine de 20 mg par jour en 2021, puis de 40 mg (rapport de la Dre E______ du 29 novembre 2022), avant de redescendre à 20 mg. Cette modification dans le traitement médicamenteux tend à confirmer que, comme le soutient la Dre E______, l’état dépressif de la recourante s’est aggravé après 2021, de sorte qu’il paraît contradictoire de retenir une dysthymie et une capacité de travail sur le plan psychiatrique de 100% depuis toujours, comme l’a fait l’expert psychiatre. En outre, selon le rapport établi par la Dre E______ le 29 novembre 2022, la recourante avait déjà connu des épisodes dépressifs, un premier vingt ans auparavant, un deuxième dix ans auparavant et un troisième quatre ans auparavant, ce qui corrobore les doutes sur le diagnostic de dysthymie retenu par l’expert. De plus, celui-ci n’a pas motivé de façon convaincante ses divergences de diagnostics avec la Dre E______, se contentant de rappeler la teneur des rapports de celle-ci.

L’expert psychiatre a également retenu un syndrome douloureux somatoforme persistant (F45.4) en raison de l’existence d’une douleur importante, variable en intensité dans le temps et non entièrement expliquée par un processus physiologique, et d’un isolement progressif avec une peine à gérer les activités de la vie quotidienne. La Dre E______ a également retenu ce diagnostic.

Comme la relevé cette dernière le 17 octobre 2023, les experts se contredisaient, en p. 4 de leur évaluation consensuelle, en retenant un syndrome douloureux somatoforme persistant et en indiquant, en p. 5, que les répercussions du ressenti douloureux étaient peu importantes, contrairement à ce qu’avait retenu l’expert psychiatre, qui admettait que la recourante ressentait une douleur importante et une peine à gérer les activités quotidiennes, raison pour laquelle il retenait ce diagnostic.

Sur la base de ces constats, la chambre de céans estime que le rapport d’expertise du J______ ne peut se voir reconnaître une pleine valeur probante, en particulier ce qui concerne le volet psychiatrique.

4.2 L’experte rhumatologue du J______ a posé le diagnostic de fibromyalgie, ce qui n’est pas contesté par la recourante et est confirmé par le rapport établi le 18 septembre 2023 par la Dre C______.

S’agissant des atteintes psychiatriques, de la fibromyalgie et du syndrome douloureux somatoforme persistant, la capacité de travail exigible de la recourante doit être déterminée sur la base des indicateurs de gravité développés par le Tribunal fédéral. C’est à l’expert psychiatre qu’il revient de se déterminer à ce sujet. Vu les critiques formulées sur son rapport, ses conclusions sur la capacité de travail ne sont pas probantes. La chambre de céans émet en particulier des doutes sur l’indicateur de la gravité de l’atteinte, qui semble avoir été minimisée par l’expert, de même que sur les ressources, qui apparaissent plus limitées qu’il ne l’a retenu. Il apparait en effet que la recourante ne fait plus grand-chose de ses journées, si ce n’est se rendre chez ses médecins et qu’elle s’isole de plus en plus. Ses contacts sont limités. Ses sources de plaisir sont également très limitées. Elle a précisé à la chambre de céans qu’elle avait certes du plaisir à voir son petit-fils, mais ce plaisir était limité par le fait qu’elle ne pouvait pas s’en occuper. Le fait qu’elle regarde la télévision en fin d’après-midi, notamment les informations, et qu’aille faire les courses le samedi avec son mari ne suffit pas à retenir des ressources préservées. La recourante a déclaré à la chambre de céans qu’elle n’avait plus de loisirs alors qu’avant ses problèmes de santé, elle faisait du sport et allait voir des expositions et des pièces de théâtre. Il apparaît ainsi que sa capacité à prendre du plaisir est sérieusement diminuée ainsi que ses ressources.

Dans son rapport du 18 septembre 2023, la Dre C______ a également estimé que la recourante n’avait que peu de ressources internes pour faire face à la fibromyalgie et à ses douleurs chroniques et précisé que ses seules ressources externes, soit son mari et une amie, s’épuisaient.

Il ressort du rapport d’expertise que la recourante est compliante à son traitement, sans que celui-ci lui permette de se sentir mieux, ce qui est un indicateur de gravité de l’atteinte.

S’agissant du critère de la comorbidité, la capacité de travail entière retenue par l’expert paraît peu compatible avec les effets cumulés de ses atteintes somatiques, des douleurs liées au trouble somatoforme douloureux et à la fibromyalgie et de son état dépressif. Il faut également prendre en compte le diagnostic de trouble panique avec agoraphobie ainsi qu’un trouble de la personnalité, de nature à influer sur sa capacité de travail. Le trouble panique avec agoraphobie est rendu vraisemblable par les rapports de la Dre E______ (notamment celui du 19 mars 2022), les déclarations de la recourante, selon laquelle les sorties l’angoissent, et le fait que 0.25 g par jour de Xanax lui est prescrit.

La chambre de céans estime en conséquence nécessaire qu’une nouvelle analyse des indicateurs de gravité soit faite par un psychiatre.

4.3 En conclusion, il y a lieu d’ordonner une nouvelle expertise psychiatrique.

4.4 La mission d’expertise sera complétée avec les deux questions suggérées par l’intimé.


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant préparatoirement

1.      Ordonne une expertise psychiatrique de A______.

2.      Commet à cette fin la docteure K______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, membre FMH.

3.      Dit que la mission d’expertise sera la suivante :

A)      prendre connaissance du dossier de la cause ;

B)       si nécessaire, prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité l’assurée ;

C)       examiner et entendre l’assurée, après s’être entouré de tous les éléments utiles, au besoin d’avis d’autres spécialistes ;

D)      si nécessaire, ordonner d’autres examens, par exemple un examen neuropsychologique.

4.      Charge l’expert d’établir un rapport détaillé et de répondre aux questions suivantes :

1.         Quelle est l’anamnèse détaillée du cas ?

2.         Quelles sont les plaintes et données subjectives de l’assurée ?

3.         Quels sont le status clinique et les constatations objectives ?

4.         Quels sont les diagnostics selon la classification internationale ?

Précisez quels critères de classification sont remplis et de quelle manière (notamment l’étiologie et la pathogénèse) :

4.1         Avec répercussion sur la capacité de travail (en mentionnant les dates d'apparition)

4.2         Sans répercussion sur la capacité de travail (en mentionnant les dates d'apparition)

4.3         Quel est le degré de gravité de chacun des troubles diagnostiqués (faible, moyen, grave) ?

4.4         Depuis quand les différentes atteintes sont-elles présentes ?

4.5         Les plaintes sont-elles objectivées ?

4.6         Y a-t-il exagération des symptômes ou constellation semblable (discordance substantielle entre les douleurs décrites et le comportement observé ou l’anamnèse, allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, absence de demande de soins médicaux, plaintes très démonstratives laissant insensible l'expert, allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact) ?

4.7         Dans l’affirmative, considérez-vous que cela suffise à exclure une atteinte à la santé significative ?

4.8         Dans l’ensemble, le comportement de l’assuré vous semble-t-il cohérent ?

5.         Ressources

5.1         De quelles ressources mobilisables l’assurée dispose-t-elle ?

5.2         Est-ce que l’assurée présente un trouble de la personnalité selon les critères diagnostiques des ouvrages de référence ou une altération des capacités inhérentes à la personnalité ?

5.3         Si oui, quelles sont ses répercussions fonctionnelles (conscience de soi et de l’autre, appréhension de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité, motivation, notamment) sur la capacité à gérer le quotidien, à travailler et/ou en termes d’adaptation (motivez votre position) ?

5.4         Quel est le contexte social ? L’assurée peut-elle compter sur le soutien de ses proches ?

5.5         En tenant compte du diagnostic de fibromyalgie et diagnostics somatiques retenus par les experts du J______ dans le rapport d’expertise du 20 juin 2023, entrant en interaction, privent-ils l'assurée de certaines ressources ?

6.         Quelles sont les limitations fonctionnelles ?

Indiquer les limitations fonctionnelles en relation avec chaque diagnostic psychiatrique (en mentionnant leur date d’apparition) :

6.1         Dans l’activité habituelle,

6.2         Dans une activité adaptée.

6.3         Dans quelle mesure les atteintes diagnostiquées limitent-elles les fonctions nécessaires à la gestion du quotidien ? (N’inclure que les déficits fonctionnels émanant des observations qui ont été déterminantes pour le diagnostic de l’atteinte à la santé, en confirmant ou en rejetant des limitations fonctionnelles alléguées par l’assuré).

6.4         Les limitations du niveau d’activité sont-elles uniformes dans tous les domaines (professionnel mais aussi personnel) ? Quel est le niveau d’activité sociale et comment a-t-il évolué depuis la survenance de l’atteinte à la santé ?

7.         Traitement

7.1 Quels ont été les traitements entrepris et avec quel succès (évolution et résultats des thérapies) ?

7.2 L’assurée a-t-elle fait preuve de résistance à l’égard des traitements proposés ? Qualifier la compliance ?

7.3 En cas de prise d’un traitement psychotrope, effectuer un dosage sanguin pour évaluer la compliance.

7.4 Dans quelle mesure les traitements ont-ils été mis à profit ou négligés ?

7.5 Les troubles psychiques constatés nécessitent-ils une prise en charge spécialisée ?

7.6 Nécessitent-ils un traitement psychotrope ?

7.7 Pour le cas où il y aurait refus ou mauvaise acceptation d’une thérapie recommandée et accessible : cette attitude doit-elle être attribuée à une incapacité de l’assurée à reconnaître sa maladie ou à une autre raison ?

8.         Capacité de travail

8.1         Mentionner les conséquences des diagnostics retenus sur la capacité de travail de l’assuré du point de vue psychiatrique, en pourcent :

a)             dans l’activité habituelle,

b)            dans une activité adaptée.

8.2 Dater la survenance de l’incapacité de travail durable, indiquer l'évolution de son taux depuis le 21 août 2019 (date de la dernière décision entrée en force), en datant les changements.

8.3 Évaluer l’exigibilité, en pourcent, d’une activité lucrative adaptée, indiquer depuis quand une telle activité est exigible et quel est le domaine d’activité adapté. Dire s'il y a une diminution de rendement et la chiffrer.

8.4         Si une diminution de rendement est retenue, celle-ci est-elle déjà incluse dans une éventuelle réduction de la capacité de travail ou vient-elle en sus ?

8.5         Serait-il possible d’améliorer la capacité de travail par des mesures médicales ? Indiquer quelles seraient les propositions thérapeutiques et leur influence sur la capacité de travail.

8.6         Quelle est la capacité de travail globale de l’assurée ?

a)        dans l’activité habituelle,

b)        dans une activité adaptée.

9.         Appréciation des avis médicaux du dossier

9.1 Êtes-vous d'accord avec les diagnostics et la capacité de travail retenus par le Dr I______, du J______, dans son rapport du 20 juin 2023 ? pour quels motifs ?

 

9.2 Êtes-vous d’accord avec les conclusions consensuelles des experts du J______ du 20 juin 2023 ? Pour quels motifs ?

9.2 Êtes-vous d’accord avec les diagnostics et la capacité de travail retenus par la Dre E______ dans ses rapports (des 14 décembre 2021, 19 mars 2022, 29 novembre 2022 et 17 octobre 2023) ? Pour quels motifs ?

10.     Faire toute remarque et proposition utiles.

5.      Invite l’expert à déposer, dans les trois mois dès réception de la mission d’expertise, un rapport en trois exemplaires à la chambre de céans.

6.      Réserve le fond ainsi que le sort des frais jusqu’à droit jugé au fond.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie de la présente ordonnance est notifiée aux parties par le greffe le