Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/444/2025 du 11.06.2025 ( LAA )
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE | ||
A/682/2022 ATAS/444/2025
COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales Ordonnance d’expertise du 11 juin 2025 Chambre 8 |
En la cause
A______ représenté par Me Sara GIARDINA, avocate
| recourant |
contre
SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS
| intimé |
A. a. A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1972, était employé en qualité de décorateur auprès de B______, une société liée à C______, depuis le 1er septembre 1997. À ce titre, il était assuré auprès de la Caisse nationale suisse en cas d’accidents (ci-après : SUVA).
b. Le 6 octobre 2018, l’assuré s’est blessé à l’aine en déplaçant un panneau en plexiglas. Dans son courriel du 12 décembre 2018 à la SUVA, il a précisé qu’il était accroupi, lorsque l’objet qui pesait environ 45 kilos avait glissé et lui était tombé sur l’aine. Pensant que la douleur ressentie dans l’aine était passagère, il avait continué à travailler. Cependant, le soir, la douleur s’était aggravée et il s’était rendu chez un ostéopathe. Le docteur D______, spécialiste FMH en médecine interne générale, l’avait néanmoins considéré apte au travail, de sorte qu’il avait continué à travailler à 100%. Après une semaine, la douleur persistait et s’intensifiait, si bien qu’il avait dû se rendre aux urgences de la Clinique E______ le 2 novembre 2018.
c. Dans son rapport du 5 novembre 2018, la docteure F______, spécialiste FMH en médecine interne, de la consultation des urgences de la Clinique E______, a posé les diagnostics de contusion du pli inguinal gauche sans complication.
d. Le 15 novembre 2018, l’assuré a repris le travail.
e. Une imagerie par résonance magnétique (ci-après : IRM) lombaire du 16 avril 2019 a conclu à un pincement discal et dessiccation avec fissurations de l’anneau postérieur L4-L5, sans conflit disco-radiculaire, ni rétrécissement canalaire significatif. Il y avait aussi des signes de surcharge interapophysaire postérieure à ce même étage et un hypersignal du ligament interépineux.
f. À partir du 6 mai 2019, l’assuré a été de nouveau mis en arrêt de travail.
g. Une IRM du 9 mai 2019 a conclu à l’absence d’anomalie osseuse du sacrum et des branches ilio- ou ischio-pubienne. Il n’y avait pas de signe d’une fracture à ce niveau, ni de lésion dégénérative au niveau des hanches des deux côtés, ni kyste arthro- ou ténosynovial antérieur de la hanche gauche, ni tendinopathie de la cuisse proximale, ni amyotrophie fessière intra-pelvienne ou proximale des deux cuisses, ni œdème évoquant une pathologie musculaire. Il est indiqué dans le rapport relatif à cet examen que, si les douleurs devaient persister, une arthro-IRM de la hanche gauche pourrait être nécessaire afin d’exclure une pathologie du labrum.
h. Dans son rapport du 10 mai 2019, le docteur G______, spécialiste FMH en neurologie, a constaté que l’assuré présentait des douleurs irradiantes sacrées en relation avec la pression inguinale. Il n’y avait pas d’arguments pour une atteinte de type radiculaire, mais une étonnante corrélation avec la douleur inguinale gauche et l’irradiation sacrée. Il n’y avait pas d’explication à l’heure actuelle pour ces douleurs, mais celles-ci étaient clairement en relation avec le traumatisme.
i. Le 13 juin 2019, le Dr D______ a posé les diagnostics de diastasis de la symphyse pubienne traumatique.
j. Du 30 septembre au 2 octobre 2019, l’assuré a séjourné à la Clinique romande de réadaptation (ci-après : CRR). Dans leur rapport du 7 octobre 2019, les médecins de cette clinique ont posé le diagnostic de diastasis de la symphyse avec douleurs de la région inguinale gauche depuis le 6 octobre 2018. Ils ont fait état de la réception d'un panneau pesant entre 20-30 kg dans la région de l'aine gauche. L’assuré avait repris son travail depuis le 9 septembre 2019 à 50% dans un poste adapté (dispense de voyages et montage des vitrines auprès des clients). Le pronostic de retour au travail était bon, le diastasis de symphyse post-traumatique était en cours de cicatrisation, dès lors que la symptomatologie douloureuse était au décours, et l’examen clinique était rassurant, même si l’assuré s’autolimitait passablement. L’assuré a estimé la récupération entre 60 et 70% depuis l’accident.
k. Dans son rapport du 19 novembre 2019, le docteur H______ de l’Institut I______ a posé le diagnostic de diastasis symphysaire post-traumatique en progrès constant avec un bon pronostic.
l. À partir du 13 décembre 2019, une incapacité de travail à 100% est attestée.
m. Le 26 décembre 2019, une IRM lombaire et une neuro-IRM abdominopelvienne sont réalisées. Ces examens ont notamment mis en évidence une lombarthrose L4-L5 et une lipomatose au même étage entraînant un canal lombaire diminué. Il n'y avait pas d'anomalie de signal à l'étude du trajet des nerfs fémoro-cutané, génito-fémoraux, obturateur externe, ilio-inguinaux et ilio-hypogastriques.
n. Dans son rapport du 24 janvier 2020, le docteur J______, neurochirurgien FMH, a fait état de ce que l'assuré avait reçu un panneau sur le haut de la cuisse gauche tout proche de l'aine avec des douleurs consécutives au niveau du bassin, de la fesse gauche et la racine du membre inférieur. L'IRM ne montrait aucune compression claire des structures neurologiques. Un bilan par un électromyogramme (EMG) des membres inférieurs était nécessaire.
o. Selon le rapport du 4 février 2020 du docteur K______, spécialiste FMH en neurologie, un bilan neurologique et électroneuromyographique a été réalisé en raison de douleurs au niveau du pli inguinal et de la fesse gauche dans les suites immédiates du traumatisme du 6 octobre 2018. Cet examen neurologique n’a pas montré de syndrome lombaire aigu, ni amyotrophie, ni fasciculation. Les réflexes ostéotendineux étaient présents et il n’y avait pas de signe pyramidal.
p. Du 10 juin au 29 juillet 2020, l’assuré a de nouveau séjourné à la CRR. Dans leur rapport du 30 juillet 2020, les médecins de cette clinique ont maintenu le diagnostic de contusion de l’aine gauche et du pubis lors de l'accident avec un diastasis de la symphyse pubienne accompagnée de douleurs de la région inguinale gauche. La capacité de travail était de 50% à partir du 30 juillet 2020.
q. Selon le certificat du docteur L______ de la CRR, les limitations provisoires du rachis concernaient le port de charges lourdes de manière répétitive, les activités répétitives ou maintenues avec le tronc en position fléchie et les positions prolongées assise et debout statique. Afin de permettre une reprise du travail à 100% dans l’activité habituelle, l'assuré pourrait bénéficier de l’aide d’une table réglable en hauteur et d’un tabouret semi-assis.
r. Selon l’IRM lombo-sacrée et sacro-iliaques du 14 septembre 2020, il y avait une légère progression des remaniements dégénératifs par rapport à l’IRM du 16 avril 2019 avec une légère progression d’une petite hernie discale L4-L5 sur rupture de l’anneau fibreux, au contact de l’émergence des racines L5 des deux côtés au niveau récessal.
s. Dans son rapport du 26 octobre 2020, le Dr H______ a mentionné que cinq semaines après son retour de la CRR, l’assuré avait subi une forte rechute avec des douleurs localisées principalement sur l’aspect dorsal du sacrum au niveau des épines iliaques supérieures et sur le joint lombosacré. Depuis lors, il se déplaçait avec des cannes et le périmètre n’excédait pas 100 m. Il a été obligé de remettre deux ceintures de contention pelviennes et de reprendre de la morphine en plus des anti-inflammatoires. La rechute était probablement due au traitement par ondes sonores entre novembre 2019 et janvier 2020 et l’abandon durant le séjour à la CRR des ceintures de contention de la ceinture pelvienne qui était toujours instable.
t. Dans son expertise du 15 juin 2021, le docteur M______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, a posé les diagnostics de discopathies L4-L5 et L5-S1 avec une inégalité de longueur des membres inférieurs en défaveur du côté gauche. Cette pathologie n’était pas en rapport avec l’accident, ni la symptomatologie douloureuse permanente en zone symphysaire et inguinale gauche, sans explication anatomopathologique caractérisée. En rapport avec les séquelles de l’accident, il n’y avait aucune limitation et la capacité de travail était totale à partir du 9 mai 2019.
u. Par courrier du 7 juillet 2021, le Dr D______ a contesté les conclusions de l’expertise, tout en reconnaissant qu’aucune imagerie n’avait mis en évidence de lésion ligamentaire, osseuse ou articulaire. Il a également reconnu que les lésions du bassin étaient la plupart du temps induites par des accidents à haute ou très haute énergie. Toutefois, il y avait peu de connaissances sur les lésions du bassin sur un point précis avec une certaine énergie. Il n’y avait pas non plus d’explication pour le fait que la contention de l’anneau pelvien avait pu, dès les premiers essais, amender quasiment complètement les douleurs et que celles-ci étaient réapparues après le retrait de cette contention. Ce médecin restait convaincu qu’une instabilité de l’anneau pelvien était la cause des douleurs persistantes, lesquelles étaient secondaires à l’accident.
v. Dans un rapport du 17 août 2021, le docteur N______, médecin-conseil de la SUVA, a relevé que la disjonction symphyse pubienne n’avait jamais été objectivée à l’imagerie. Les bilans étaient exhaustifs et n’avaient pas permis de mettre en évidence un élément diagnostique organique. L’admission d’un statu quo sine à six mois de l’évènement était pertinente du fait de l’atteinte préexistante mise en évidence lors des différentes imageries. Quant aux explications du Dr D______, elles étaient de l’ordre du trouble somatoforme.
w. Par décision du 2 septembre 2021, la SUVA a mis fin aux prestations d’assurance (indemnités journalières et frais de traitement) au 5 septembre 2021, en considérant que le statu quo sine avait été atteint six mois au plus tard après l’accident.
B. a. L’assuré a formé opposition à cette décision en date du 1er octobre 2021.
b. Dans son appréciation médicale du 15 octobre 2021, le Dr N______ s’est rallié aux conclusions de l’expert. Il a par ailleurs rappelé que l’assuré avait pu reprendre son travail en janvier 2019 et que, lorsqu’il a consulté en urgence le 15 avril 2019 en raison de lombalgies aigues, il y avait une description précise du rachis et de la région lombaire, mais non une description du pli de l’aine gauche. En fait, cette consultation était demandée pour un autre problème, une lombalgie aiguë sur discarthrose. En ce qui concerne la symphyse pubienne, une instabilité n’était pas objectivée, les images montrant un écart symphysien strictement identique.
c. Par décision du 28 janvier 2022, la SUVA a rejeté l’opposition, en se fondant sur l’expertise et les appréciations de son médecin d’arrondissement.
C. a. Par acte du 28 février 2022, l’assuré a interjeté recours contre cette décision en concluant à son annulation et à l’octroi des prestations au-delà du 5 septembre 2021. Il a fait valoir que s’il était vrai qu’il avait pu reprendre rapidement le travail après l’accident, les douleurs n’avaient jamais cessé et que, du fait d’un diagnostic initial erroné, les douleurs s’étaient exacerbées par une physiothérapie non adaptée. Aucun examen n’avait été par ailleurs pratiqué pour déceler des séquelles d’hématomes éventuels en zone inguinale. Par ailleurs, l’expertise était contestable, notamment en ce qui concernait la mobilité de la symphyse. Au demeurant, l’expert n’était pas en mesure d’expliquer l’origine de la symptomatologie douloureuse. Il n’avait jamais été tenu compte au demeurant de la lésion du labrum et aucune arthro-IRM de la hanche gauche n’avait été effectuée. Enfin, selon le recourant, l’accident devait être qualifié de traumatisme à haute énergie (réception d’un objet sur un point donné du corps à une vitesse de 92 km/h).
b. Selon une arthro-IRM du 2 mars 2022, une lésion du labrum supérolatéral et antérieur avec une petite structure kystique à proximité du labrum antéro-inférieur était mise en évidence. Il y avait par ailleurs une discrète tendinopathie insertionnelle de la lame latérale du moyen fessier.
c. Dans son appréciation médicale du 11 mai 2022, le docteur O______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie et médecin-conseil à la SUVA, a indiqué que la lésion du labrum mise en évidence sur l’IRM du 2 mars 2022 n’était pas, au degré de la vraisemblance prépondérante, en lien avec l’évènement accidentel, dès lors que cette lésion ne se situait pas au même endroit que l’aine. Au demeurant, en cas d’atteinte du labrum, on aurait trouvé des dégâts cutanés viscéraux vasculonerveux musculaires et osseux sur la tête fémorale, ce qui n’était pas le cas. La lésion du labrum était ainsi dégénérative.
d. Dans sa réponse datée du 2 juin 2022, l’intimée a conclu au rejet du recours, par l’intermédiaire de son conseil, sous suite de dépens. Ce faisant, elle s’est fondée sur l’expertise et la dernière appréciation médicale de son médecin-conseil. En ce qui concerne l’éventuel trouble somatoforme douloureux sans substrat organique, elle en a nié le lien de causalité adéquate avec l'accident.
e. Dans sa réplique du 30 août 2022, le recourant a persisté dans ses conclusions. Il a reproché à l’intimée d’avoir fait fi des résultats de l’arthro-IRM du 2 mars 2022. Au demeurant, le Dr D______ avait admis l’erreur du diagnostic initial. Depuis l’accident, le recourant avait toujours ressenti des douleurs, même s’il avait pu reprendre le travail. Cela a été confirmé par le rapport du 15 avril 2019 du docteur P______, spécialiste FMH en médecine interne générale. Les séances de physiothérapie n’avaient ainsi pas permis de diminuer les douleurs. Le recourant a également contesté qu’une lésion du labrum ne pouvait pas être provoquée par l’accident tel que décrit.
f. Dans sa duplique du 28 novembre 2022, l’intimée a maintenu ses conclusions. Par ailleurs, le docteur Q______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, avait évoqué des conditions dégénératives au niveau du labrum et du cartilage. Le recourant n’avait enfin corroboré ces allégués par aucun avis médical.
g. Le 31 janvier 2023, le recourant a subi une arthroscopie de la hanche gauche.
h. Par ordonnance du 6 juillet 2023, la chambre de céans a mis en œuvre une expertise orthopédique et l'a confiée au professeur R______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie.
i. L'office cantonal de l'assurance-invalidité (ci-après: OAI) a mandaté le S______ (S______) d'une expertise pluridisciplinaire avec les docteurs T______ pour la chirurgie orthopédique et traumatologie, U______ pour la médecine générale, V______ pour la psychiatrie et W______ pour la rhumatologie. Selon l'évaluation consensuelle dans leur rapport du 19 septembre 2023, le recourant présentait les diagnostics suivants : coxalgies chroniques et douleurs de la région de l'aine du côté gauche; lombalgies chroniques avec discopathies L4-L5 et L5-S1 et arthrose postérieure, somatisation, épisode dépressif moyen avec syndrome somatique et surpoids. Les limitations fonctionnelles étaient les suivantes : difficultés à planifier et à structurer les tâches, pas d'activité spontanée ou demandant de la persévérance, position debout statique, piétinement, marche, montée et descente d'escaliers, porte-à-faux du buste limité dans le temps, absence de charges supérieures à 10kg et de soulèvement de charges à partir du sol de plus de 5kg. La capacité de travail était nulle dans l'activité précédente depuis la date de l'accident. Dans une activité adaptée, elle était de nulle depuis l'accident jusqu'au 9 mai 2019, puis de 100% jusqu'au 30 août 2021 (selon l'expertise du Dr M______) ensuite nulle pour des raisons de dépression. Il y avait des incohérences, dans la mesure où les plaintes du recourant ne pouvaient pas être expliquées par les examens cliniques et les examens radiologiques au niveau du rachis lombaire et du bassin. L'expertise psychiatrique ne montrait aucune incohérence. Toutefois, les limitations fonctionnelles étaient uniformes dans toutes les activités de la vie, le recourant était compliant aux thérapies proposées et prenait les antalgiques prescrits.
j. Dans son rapport du 8 décembre 2023, l'expert judiciaire a posé les diagnostics, en rapport avec l'accident, de contusions des tissus cutanés et sous-cutanés de la région de l'aine gauche, de contusion des nerfs de la région de l'aine et d'instabilité pelvienne post-traumatique d'origine neuromusculaire suite à la contusion de l'aine gauche. Cette contusion a causé une incapacité à porter des charges supérieures à 5 kg et à rester assis ou debout plus de 30 minutes. Le périmètre de marche était restreint à 200 m. En raison de la nécessité de prendre des antidouleurs de type morphinique, l'attention et la concentration étaient diminuées. Les lésions séquellaires traumatiques physiquement objectivables permettraient théoriquement la reprise de l'activité habituelle à 100% avec un rendement complet. En tenant compte des handicaps dus aux douleurs pelviennes et lombosacrées et un ressenti d'une instabilité pelvienne, lesquels constituaient une séquelle de l'accident, la capacité de travail était nulle dans la profession antwérieure et dans une activité adaptée.
k. Dans son rapport du 7 février 2024, le Dr O______ de la SUVA a contesté la valeur probante de l'expertise judiciaire. Les conclusions de l'expert judiciaire ne tenaient pas compte de l'IRM lombaire et de la neuro-IRM abdominale du 26 décembre 2019, lesquelles n'avaient démontré aucune atteinte neurologique objective.
l. Dans ses observations du 16 avril 2024, l'intimée a persisté dans ses conclusions, déniant une valeur probante à l'expertise judiciaire sur la base du rapport de son médecin-conseil.
m. Dans son rapport du 10 juin 2024, le service médical régional pour la Suisse romande de l'assurance-invalidité (ci-après: SMR) retenait « un continuum dans l'évolution du disfonctionnement de l'assuré sur les atteintes à la santé somatiques et psychiques, avec un effet durablement incapacitant ».
n. Dans son complément d'expertise du 8 juillet 2024, le Prof. R______ s'est déterminé sur les griefs soulevés par le Dr O______, tout en maintenant ses conclusions.
o. Par écritures du 25 septembre 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions, en soulignant que l'OAI avait rendu un projet de décision d'octroi d'une rente entière dès la date de l'accident.
p. Dans sa détermination sur le complément d'expertise du 24 octobre 2024, le Dr O______ a mis en exergue que les experts du S______ avaient considéré qu'il y avait des incohérences, dans la mesure où les plaintes du recourant ne pouvaient s'expliquer par les constats de l'examen clinique et les examens radiologiques. Se fondant sur cette dernière expertise, le médecin conseil de l'intimée a persisté à considérer qu'une atteinte d'origine organique orthopédique était exclue et que le diagnostic organique de l'expert judiciaire n'était qu'hypothétique.
q. Dans ses écritures du 28 octobre 2024, l'intimée a persisté dans ses conclusions, sur la base de la détermination du Dr O______ et a sollicité l'apport du dossier de l'OAI.
r. Après la réception du dossier de l'OAI, la chambre de céans a donné aux parties le 25 novembre 2024 un délai pour se déterminer sur celui-ci.
s. Par écritures du 18 décembre 2024, l'intimée s'est déterminée sur l'expertise du S______ du 19 septembre 2023. Les observations cliniques sur le plan somatique des experts de ce centre correspondaient à celles du Dr M______, ainsi qu'aux conclusions des Drs N______ et O______. Les conclusions de l'expert judiciaire apparaissaient comme un avis isolé et ne reposaient pas sur des éléments cliniques objectifs suffisamment probants. Il n'y avait notamment pas de lien de causalité naturelle entre la pathologie du labrum et l'accident, selon les Drs O______ et W______ du S______.
t. Le 24 janvier 2025, le recourant a considéré que l'expertise du S______ était incomplète et superficielle sur le plan neurologique. Ainsi, les conclusions du S______ ne permettaient pas de mettre en doute l'expertise judiciaire. Le SMR avait reconnu au demeurant aux conclusions du Dr R______ une pleine valeur probante. Le statu quo sine vel ante n'était donc pas atteint.
u. Entendu le 19 février 2025 par la chambre de céans, l'expert judiciaire a déclaré ce qui suit:
« Je confirme mon expertise et le complément d'expertise.
L'expertisé a reçu un choc important. Il me paraît compatible avec un tel événement qu'il ait pu continuer à travailler par la suite, comme il l'a déclaré, et rentrer à la maison par ses propres moyens.
Le fait qu'il n'avait pas de fracture explique également qu'il ait pu travailler pendant une certaine durée après son accident. Toutefois, à la suite, les sensations d'instabilité du bassin étaient de plus en plus importantes, de sorte qu'il a dû arrêter de travailler.
J'ai effectivement attesté que l'état de santé du recourant était stabilisé deux ans après l'accident. Cela ne veut cependant pas dire qu'il était guéri. La stabilisation indique uniquement qu'il n'y a plus de traitement médical possible pour améliorer l'état de santé.
Il est possible de se remettre d'une lésion neurologique. Cependant, il est fréquent également qu'une telle lésion influence aussi le cerveau et entraîne une incapacité de travail durable.
Les raisons des handicaps de l'expertisé ne sont pas d'ordre psychologique, mais d'ordre neurophysiologique. On ne comprend pas tous les phénomènes neurophysiologiques. Néanmoins, il est fréquent qu'après une lésion neurologique, les handicaps persistent, même si les tissus mous profonds sont guéris.
Il est certes dommage que des examens approfondis de l'aine avec des examens radiologiques n'aient pas été effectués tout de suite après l'accident. Cela aurait pu documenter la lésion neurologique. Toutefois, cela n'aurait pas changé le cours des choses, dans la mesure où d'autres traitements n'auraient pas pu améliorer son état de santé et les séquelles de l'accident.
Je confirme que les autres pathologies que présente le recourant ne sont pas en rapport avec l'accident, même si certaines se situent dans la même région.
Les autres pathologies n'ont pas eu une influence sur la capacité de travail dans les suites immédiates de l'accident, car elles évoluent lentement et étaient en partie déjà présentes à ce moment.
Un expert neurologue ne pourrait pas non plus expliquer, respectivement objectiver, les limitations fonctionnelles que présente le recourant. À part les zones d'hypoesthésie en haut de la cuisse gauche, il ne trouvera pas grand-chose.
Aucun autre traitement n’aurait pu améliorer les séquelles de l'accident, même si un diagnostic avait été posé au départ. Je ne suis pas en mesure de répondre à la question de savoir si la physiothérapie a empiré l'état de santé du recourant. »
À cette même audience, le recourant a notamment fait la déclaration suivante :
« Je suis aujourd'hui lourdement handicapé et je ne comprends pas ce qui m'arrive.
Avant l'accident, j'avais brillamment réussi des examens, assumé des responsabilités par la suite importantes et travaillé depuis 1997 pour C______. Mon passé est à tous points de vue irréprochable.
Lorsque l'accident est survenu, je n'ai pas dramatisé et pensais pouvoir guérir rapidement. J'ai par ailleurs continué à travailler dans un premier temps.
Malheureusement, les traitements étaient inadéquats et mon état a empiré.
Je ne comprends pas, alors que j'allais bien avant l'accident, l'assurance-accident ne prenne pas en charge mon incapacité de travail. Je prends cependant note qu'une question de preuve se pose quant au lien de causalité entre l'accident et mes séquelles physiques actuelles.
[…] »
D. a. Par courrier du 5 mai 2025, la chambre de céans a informé les parties qu'elle avait l'intention de mettre en œuvre une expertise neurologique et de la confier à la docteure X______, médecin adjointe de l'unité nerf-muscle du service de neurologie du CHUV, avec supervision par un médecin-assistant ou chef de clinique adjoint de ce service, et le docteur Y______, médecin adjoint du service de neuroréhabilitation, comme expert « secondaire ». La chambre de céans a également donné connaissance aux parties de la mission d'expertise.
b. Le 28 mai 2025, l'intimée a accepté les experts proposés et a requis que leur mission soit complétée.
c. À la même date, le recourant a également accepté les experts, ainsi que leur mission.
1. Selon l'expertise judiciaire du 8 décembre 2023 du Prof. R______ et ses explications données lors de son audition, l'incapacité de travail du recourant est liée à des atteintes neurophysiologiques en rapport avec une lésion neurologique provoquée par l'accident au degré de la vraisemblance prépondérante. L'intimée conteste cette conclusion et estime qu'elle ne s'appuie pas sur des éléments objectifs et que l'hypothèse émise par l'expert judiciaire n'est pas étayée en particulier par des examens notamment neurologiques.
Cela étant, dans la mesure où l'expert judiciaire n'est pas un spécialiste en neurologie, il s'avère nécessaire de mettre en œuvre une expertise neurologique.
2. Cette expertise sera confiée à la Dre X______, médecin adjointe de l'unité nerf-muscle du service de neurologie du CHUV, avec supervision par un médecin-assistant ou chef de clinique adjoint de ce service, et le Dr Y______, médecin adjoint du Service de neuroréhabilitation, comme co-expert.
3. L'intimée demande que la mission d'expertise soit complétée. Il en sera tenu compte dans la mesure jugée nécessaire. Il est à cet égard à relever qu'il n'est contesté que le trouble sensitif à l'intérieur de la cuisse n'a pas de répercussion sur la capacité de travail.
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant préparatoirement
I. Ordonne une expertise neurologique judiciaire du recourant.
II. Commet à ces fins la Dre X______, médecin adjointe de l'unité nerf-muscle du service de neurologie du CHUV, avec supervision par un médecin-assistant ou chef de clinique adjoint de ce service, et le Dr Y______, médecin adjoint du Service de neuroréhabilitation, comme co-expert.
III. Dit que la mission d’expertise sera la suivante :
A. Prendre connaissance du dossier de la cause.
B. Examiner l'expertisé et, si nécessaire, ordonner d’autres examens.
C. Charge l’expert d’établir un rapport détaillé comprenant les éléments suivants :
1. Anamnèse
2. Plaintes de l'expertisé
3. Constatations cliniques au niveau neurologique et neuromusculaire
4. Diagnostics au niveau neurologique et neuromusculaire
- Quels sont vos diagnostics? L'expertisé souffre-t-il en particulier d'une atteinte des nerfs périphériques et des muscles?
- Quels diagnostics au niveau neurologique et neuromusculaire sont en rapport de causalité avec l'accident du 6 octobre 2018 au degré de la vraisemblance prépondérante (plus de 50%) ?
- Quels diagnostics neurologiques ne sont pas en rapport avec l'accident?
- Veuillez discuter du résultat de vos examens avec ENMG du pelvis en particulier et de l'impact moteur et sensitif sur les nerfs concernés et sur le sphincter anal, ainsi que de la relevance des résultats obtenus.
- Les plaintes de l'expertisé reposent-elles sur un substrat organique objectivable au niveau neurologique et neuromusculaire?
- Y-a-t-il des états maladifs préexistants ou des prédispositions constitutionnelles ?
- Y-a-t-il une maladie intercurrente qui s'est déclarée après l'accident ?
5. Au niveau neurologique et neuromusculaire, l'état de santé, en rapport avec l'accident, est-il stabilisé et, dans l'affirmative, à quelle date ? Dans la négative, quand le statu quo ante vel sine sera-t-il vraisemblablement atteint?
6. Quelles sont les limitations fonctionnelles en rapport avec les diagnostics neurologiques et neuromusculaires liés à l'accident au degré de la vraisemblance prépondérante ?
Y-a-t-il une diminution de l'attention et de la concentration en raison de la nécessité de prendre des antidouleurs de type morphinique?
7. Quelle est la capacité de travail de l'expertisé dans son activité habituelle pour ce qui concerne les seuls diagnostics en rapport de causalité probable avec l'accident ? Y-a-t-il une diminution de rendement ?
8. Quelle est la capacité de travail de l'expertisé dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, compte tenu des seules atteintes en rapport de causalité avec l'accident ? Y-a-t-il une diminution de rendement ?
9. La capacité de travail est-elle influencée par des facteurs étrangers à l'accident ?
10. L'expertisé a continué à travailler après son accident du 6 octobre 2018 et n'a été mis en arrêt de travail que le 2 novembre 2018. Ensuite, il a repris le travail du 15 novembre 2018 au 5 mai 2019, avec des douleurs et en étant dispensé de certaines tâches, puis à 50% du 9 septembre au 15 décembre 2019. Cette évolution de la capacité de travail de l'expertisé dans les suites de l'accident est-elle compatible avec les éventuels diagnostics au niveau neurologique et neuromusculaire?
11. Comment expliquez-vous que l'état de santé de M. A______ n'a cessé de se péjorer depuis son accident, alors même qu'il avait considéré, lors de son 1er séjour à la CRR du 30 septembre au 2 octobre 2019, avoir récupéré entre 60 à 70% depuis l'accident, et lors de son second séjour à la CRR du 10 juin au 29 juillet 2020, presque deux ans après l'accident, qu'il avait constaté une amélioration au niveau de la marche, de la force des membres inférieurs et dans toutes les activités de la vie quotidienne ?
12. S'il y a un état maladif préexistant, pendant combien de temps l'accident a-t-il aggravé cette maladie ? De quel pourcentage la capacité de travail ou le rendement sont-ils le cas échéant diminués en raison de la décompensation temporaire d'un état maladif antérieur ?
13. Peut-on encore attendre de la poursuite du traitement médical une amélioration de l'état de santé, ou des traitements sont-ils encore nécessaires pour conserver la capacité de gain de l'expertisé en rapport avec les atteintes provoquées au degré de la vraisemblance prépondérante par l'accident ? Dans l'affirmative, pendant combien de temps ?
14. L'expertisé subit-il une atteinte à l'intégrité au niveau neurologique et neuromusculaire et, dans l'affirmative, de quel pourcentage ?
15. Comment vous déterminez-vous sur l'expertise du Prof. R______ du 8 décembre 2023, son complément d'expertise du 8 juillet 2024 et ses déclarations lors de son audition du 19 février 2025 ? Confirmez-vous en particulier son affirmation selon laquelle il est fréquent qu'après une lésion neurologique ou neuromusculaire, les handicaps persistent, même si les tissus mous profonds sont guéris?
16. Formuler un pronostic global.
17. Toute remarque utile
IV. Invite l’expert à déposer à sa meilleure convenance un rapport en trois exemplaires à la chambre de céans ;
V. Réserve le fond.
La greffière
Pascale HUGI |
| La présidente suppléante
Maya CRAMER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties le