Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/270/2025 du 17.04.2025 ( LAA ) , REJETE
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/3628/2024 ATAS/270/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 17 avril 2025 Chambre 5 |
En la cause
A______
| recourant |
contre
HELSANA ACCIDENTS SA
| intimée |
A. a. A______ (ci-après : l’assuré), né en 1954, est associé gérant de la société B______, à parts égales, aux côtés de son épouse, Madame C______. Il est également lié à son entreprise par un contrat de travail et assuré, à ce titre, auprès de HELSANA ACCIDENTS SA (ci-après : HELSANA).
b. Par courrier du 3 décembre 2014, l’assuré a sollicité la prise en charge, par l’assurance-accidents, au titre de maladie professionnelle, d’une atteinte à la santé de type dermatologique. Il a notamment produit un courrier du 12 novembre 2014 du docteur D______, spécialiste FMH en médecine interne et médecin traitant de l’assuré, dont il ressort que ce dernier souffrait d’une allergie, sous la forme d’une dermatite de contact aux métaux des montures de lunettes, induisant une invalidité de 45%. Pour le médecin précité, il s’agissait d’une maladie professionnelle relevant de la compétence de l’assurance-accidents.
c. Suite à cette annonce, HELSANA a interpelé, par courrier du 4 février 2015, la division de médecine du travail de la caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (SUVA), afin qu’elle se détermine sur l’existence – ou non – d’une maladie professionnelle.
d. Après plusieurs échanges de courriers, la docteure E______, médecin du travail auprès de la SUVA, a qualifié, dans des courriers datés des 24 février et 12 décembre 2016, l’atteinte de l’assuré comme résultant d’une maladie professionnelle.
e. Parallèlement à ses échanges avec la SUVA, l’assurance-accidents a mandaté la Fiduciaire F______ pour une expertise comptable. Il ressortait notamment de son rapport du 24 mai 2018, que le revenu de l’assuré, de CHF 72'000.- par année, n’avait pas fluctué. L’aggravation de la maladie dès 2012 n’avait pas eu de conséquences directement perceptibles dans les résultats de l’entreprise, dès lors que ceux-ci s’étaient détériorés, dans un premier temps, pour la partie « Photo » et non pas « Optique », étant précisé que l’assuré travaillait dans ce dernier secteur uniquement.
B. a. Par décision du 8 janvier 2021, l’assurance-accidents a implicitement laissé ouverte la question de la qualification de maladie professionnelle de l’atteinte dermatologique. Elle a en revanche refusé de prester, au motif que l’assuré ne pouvait justifier d’une perte de gain. En effet, il avait continué à travailler à 100% en tant que responsable du magasin. Il pouvait exécuter ses tâches de manière relativement indépendante. Enfin, les pièces comptables ne permettaient pas de déterminer si et quand ses troubles auraient eu un impact sur la marche financière de son commerce et, le cas échéant, de le quantifier.
b. Les 8 février et 29 mars 2021, l’assuré, sous la plume de son conseil, s’est opposé à la décision précitée, concluant exclusivement à la qualification de maladie professionnelle de l’atteinte dermatologique.
c. Par décision sur opposition du 29 avril 2021, HELSANA a confirmé sa décision du 8 janvier 2021, relevant, d’une part, qu’une maladie professionnelle avait été reconnue du point de vue médical et qu’afin d’en établir les conséquences économiques, une enquête économique avait été confiée à la fiduciaire susmentionnée et d’autre part que, comme elle l’avait déjà relevé dans sa décision querellée, le droit aux prestations d’assurance avait été nié, faute de preuve de pertes économiques.
C. a. Le 31 mai 2021, sous la plume de son conseil, l’assuré a interjeté recours contre la décision sur opposition du 29 avril 2021, auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans). Il a conclu, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à l’allocation, dès la date que la chambre de céans établirait, d’une part, d’une rente d’invalidité de 100% calculée sur le salaire assuré de CHF 72'000.-, avec intérêts à 5% dès l’échéance de chacune des rentes et, d’autre part, d’une indemnité pour atteinte à l’intégrité (ci-après : IPAI) de 20%. À l’appui de ses conclusions, le recourant a principalement invoqué une perte de gain due à son atteinte dermatologique.
b. HELSANA a répondu en date du 15 juillet 2021 et a conclu, sous suite de frais et dépens, au rejet du recours, considérant en substance que le recourant n’avait pas démontré que sa baisse de rendement et de chiffre d’affaires serait en relation de causalité avec la maladie professionnelle, à savoir l’atteinte dermatologique. Quant au taux de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité, il n’avait aucun fondement médical et résultait de simples spéculations personnelles.
c. Au niveau de la réplique et de la duplique, les parties ont persisté dans leurs conclusions.
d. Par arrêt du 9 août 2022 (ATAS/694/2022), la chambre de céans a rejeté le recours, considérant que c’était à juste titre que l’intimée avait refusé de prester, tout en rappelant qu’HELSANA était invitée à rendre une décision sur opposition dûment motivée sur la question de l’IPAI.
e. Donnant suite à l’invitation de la chambre de céans, HELSANA a rendu, en date du 3 octobre 2024, une décision sur opposition sur la question de l’IPAI. HELSANA considérait avoir déjà répondu à cette question, lorsqu’elle avait nié tout droit à des prestations dans le cadre de sa décision du 8 janvier 2021 ; elle alléguait que le refus de toutes prestations englobait le refus du droit à une IPAI. Néanmoins, au vu du considérant de l’arrêt du 9 août 2022 qui l’invitait à rendre une décision sur opposition sur ce point, elle confirmait que le recourant n’avait aucun droit à une IPAI. Selon HELSANA, le dossier de l’assuré avait fait l’objet d’une instruction médicale complète et il ressortait clairement des conclusions de la Dre E______, dans son rapport du 24 février 2016, que les conditions d’octroi d’une IPAI n’étaient pas remplies « car il s’agit d’une dermatose qui s’aggrave ou s’améliore selon qu’il y a ou pas des expositions à des produits chimiques irritants ou à des agressions mécaniques répétitives », raison pour laquelle « nous ne sommes pas dans le cadre juridique correspondant à cette indemnité ».
D. a. Par acte posté par son conseil en date du 31 octobre 2024, le recourant a interjeté recours contre la décision sur opposition du 3 octobre 2024 auprès de la chambre de céans. Il a conclu à ce que la décision sur opposition soit réformée, en ce sens que le recourant avait droit à une IPAI de 20%, subsidiairement d’un pourcentage devant être fixé par la chambre de céans. Selon le recourant, l’atteinte cutanée persisterait vraisemblablement dans la même mesure durant toute sa vie, raison pour laquelle il avait droit à une IPAI.
b. Par réponse du 21 novembre 2024, HELSANA a conclu au rejet du recours, au motif, notamment, que le rapport médical de la Dre E______ présentait une entière valeur probante, ce qui n’avait été contredit par aucun autre rapport médical, étant précisé que celui auquel se référait le recourant n’avait pas été produit.
c. Par réplique du 28 janvier 2025, le recourant a produit un certificat médical daté du 26 novembre 2024 et délivré par le Dr D______. Ce dernier certifiait que l’assuré présentait une dermatite allergique des deux mains, particulièrement marquée au niveau des doigts et de leurs extrémités, probablement de contact, chez un patient opticien manipulant toute la journée des lunettes métalliques. Les lésions dermatologiques étaient douloureuses et peu esthétiques, ce qui le handicapait dans sa profession. De fait, il s’agissait d’une maladie professionnelle qui perdurait aussi bien pendant les périodes de travail que durant les vacances, avec des hauts et des bas. Le médecin confirmait l’avoir vu dans des périodes différentes, avec ou sans activité, avec ses lésions, ajoutant qu’il pourrait effectivement prendre des photos lors des différentes périodes actives ou inactives de sa vie quotidienne. Il était encore mentionné que le certificat était fait à la demande du patient.
d. Par duplique du 18 février 2025, l’intimée a relevé que selon l’appréciation médicale datée du 17 février 2025, de son propre médecin-conseil, le docteur G______, ni le certificat médical du Dr D______ du 26 novembre 2024, ni celui du Dr H______ du 21 février 2021 n’apportaient des éléments probants et convaincants, de telle sorte que les appréciations médicales de la Dre E______ conservaient toute leur valeur probante. Dès lors, HELSANA concluait au rejet du recours.
e. Par observations spontanées du 3 mars 2025, le recourant a persisté dans ses conclusions, relevant notamment que le Dr G______ n’était pas dermatologue.
f. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.
g. Les autres faits seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56ss LPGA).
2. L’objet du litige porte uniquement sur le refus de l’intimée d’allouer une IPAI à l’assuré, en rapport avec les troubles dermatologiques.
3. Le 1er janvier 2017 est entrée en vigueur la modification du 25 septembre 2015 de la LAA. Dans la mesure où la maladie professionnelle est survenue avant cette date, le droit du recourant aux prestations d'assurance est soumis à l'ancien droit (cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 2.2). Les dispositions légales seront citées, ci-après, dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2016.
4.
4.1. Aux termes de l'art. 6 al. 1 LAA, et sous réserve de dispositions spéciales de la loi, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle.
Selon l'art. 9 al. 1 LAA, sont réputées maladies professionnelles les maladies (art. 3 LPGA) dues exclusivement ou de manière prépondérante, dans l'exercice de l'activité professionnelle, à des substances nocives ou à certains travaux. Le Conseil fédéral établit la liste de ces substances ainsi que celle de ces travaux et des affections qu'ils provoquent.
4.2 Aux termes de l'art. 24 LAA, si par suite d'un accident, l'assuré souffre d'une atteinte importante et durable à son intégrité physique, mentale ou psychique, il a droit à une indemnité équitable pour atteinte à l'intégrité (al. 1). L'indemnité est fixée en même temps que la rente d'invalidité ou, si l'assuré ne peut prétendre une rente, lorsque le traitement médical est terminé (al. 2). D'après l'art. 25 LAA, l'indemnité pour atteinte à l'intégrité est allouée sous forme de prestation en capital (al. 1, 1ère phr.) ; elle ne doit pas excéder le montant maximum du gain annuel assuré à l'époque de l'accident et elle est échelonnée selon la gravité de l'atteinte à l'intégrité (al. 1, 2ème phr.). Le Conseil fédéral édicte des prescriptions détaillées sur le calcul de l'indemnité (al. 2).
L'indemnité pour atteinte à l'intégrité est une forme de réparation morale pour le préjudice immatériel (douleurs, souffrances, diminution de la joie de vivre, limitation des jouissances offertes par l'existence, etc.) subi par la personne atteinte, qui perdure au-delà de la phase du traitement médical et dont il y a lieu d'admettre qu'il subsistera la vie durant. Elle n'a pas pour but d'indemniser les souffrances physiques ou psychiques de l'assuré pendant le traitement, ni le tort moral subi par les proches en cas de décès. L'indemnité pour atteinte à l'intégrité se caractérise par le fait qu'elle est exclusivement fixée en fonction de facteurs médicaux objectifs, valables pour tous les assurés, et sans égard à des considérations d'ordre subjectif ou personnel (arrêt du Tribunal fédéral 8C_703/2008 du 25 septembre 2009 consid. 5.1 et les références). En cela, l'indemnité pour atteinte à l'intégrité se distingue de la réparation morale selon le droit civil, qui n'implique pas une atteinte durable et qui vise toutes les souffrances graves liées à une lésion corporelle (ATF 133 V 224 consid. 5.1 et les références).
4.3 Selon l’art. 36 OLAA édicté conformément à la délégation de compétence de l’art. 25 al. 2 LAA, une atteinte à l'intégrité est réputée durable lorsqu'il est prévisible qu'elle subsistera avec au moins la même gravité pendant toute la vie (al. 1, 1ère phr.) ; elle est réputée importante lorsque l'intégrité physique ou mentale subit, indépendamment de la diminution de la capacité de gain, une altération évidente ou grave (al. 1, 2ème phr.). L’indemnité pour atteinte à l'intégrité est calculée selon les directives figurant à l'annexe 3 à l'OLAA (al. 2). En cas de concours de plusieurs atteintes à l'intégrité physique ou mentale, dues à un ou plusieurs accidents, l'indemnité pour atteinte à l'intégrité est fixée d'après l'ensemble du dommage (al. 3, 1ère phr.).
L'atteinte à l'intégrité au sens de l'art. 24 al. 1 LAA consiste généralement en un déficit corporel (anatomique ou fonctionnel) mental ou psychique. La gravité de l'atteinte, dont dépend le montant de l'indemnité, se détermine uniquement d'après les constatations médicales. L'évaluation incombe donc avant tout aux médecins qui doivent, d'une part, constater objectivement quelles limitations subit l'assuré et, d'autre part, estimer l'atteinte à l'intégrité en résultant (arrêt du Tribunal fédéral 8C_656/2022 du 5 juin 2023 consid. 3.4 et les références).
Contrairement à l’évaluation du tort moral, la fixation de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité peut se fonder sur des critères médicaux d’ordre général, résultant de la comparaison de séquelles similaires d’origine accidentelle, sans qu’il soit nécessaire de tenir compte des inconvénients spécifiques qu’une atteinte entraîne pour l’assuré concerné. En d’autres termes, le montant de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité ne dépend pas des circonstances particulières du cas concret, mais d’une évaluation médico-théorique de l’atteinte physique ou mentale, abstraction faite des facteurs subjectifs (ATF 115 V 147 consid. 1 ; 113 V 218 consid. 4b et les références ; voir aussi 125 II 169 consid. 2d).
Cette disposition a été jugée conforme à la loi en tant qu'elle définit le caractère durable de l'atteinte (ATF 133 V 224 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral U 401/06 du 12 janvier 2007 consid. 2.2). Le caractère durable de l'atteinte doit être à tout le moins établi au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 124 V 29 consid. 4b/cc). Quant au caractère important de l'atteinte, le ch. 1 de l'annexe 3 à l'OLAA précise que les atteintes à l'intégrité qui sont inférieures à 5% selon le barème ne donnent droit à aucune indemnité. Il faut en conclure qu'une atteinte est réputée importante si elle atteint au moins ce pourcentage (Thomas FREI / Juerg P. BLEUER, Évaluation d'atteintes à l'intégrité multiples, in SUVA Medical 2012, p. 202).
Le taux d'une atteinte à l'intégrité doit être évalué exclusivement sur la base de constatations médicales (ATF 115 V 147 consid. 1 ; 113 V 218 consid. 4b ; RAMA 2004 p. 415 ; arrêt du Tribunal fédéral U 134/03 du 12 janvier 2004 consid. 5.2).
L'évaluation de l'atteinte à l'intégrité se fonde sur les constats médicaux, de sorte qu'il incombe, dans un premier temps, au médecin de se prononcer, en tenant compte des atteintes énumérées à l'annexe 3 de l'OLAA et dans les tables de la SUVA, sur la question de savoir si, et dans quelle mesure, il existe un dommage. Il appartient toutefois à l'administration ou au tribunal de procéder à l'évaluation juridique, sur la base des constatations médicales, de l'existence d'une atteinte à l'intégrité, de déterminer si le seuil de gravité est atteint et, dans l'affirmative, l'étendue de l'atteinte. Bien que l’administration et le tribunal doivent s'en tenir aux données médicales, l'évaluation de l'atteinte à l'intégrité, en tant que fondement du droit aux prestations, relève, en fin de compte, de leur domaine de compétence (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_746/2022 du 18 octobre 2023 consid. 4.2 et les références ; sur la répartition des tâches entre le médecin et l'administration ou le tribunal, cf. également ATF 140 V 193 consid. 3.2).
4.4 L’annexe 3 à l'OLAA comporte un barème – reconnu conforme à la loi et non exhaustif (ATF 124 V 29 consid. 1b et les références ; 124 V 209 consid. 4a/bb et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_745/2022 du 29 juin 2023 consid. 3.2 et la référence) – des lésions fréquentes et caractéristiques, évaluées en pour cent (ATF 124 V 209 consid. 4bb).
L'indemnité allouée pour les atteintes à l'intégrité énumérées à cette annexe est fixée, en règle générale, en pour cent du montant maximum du gain assuré (ch. 1 al. 1 de l'annexe 3).
Pour les atteintes à l'intégrité spéciales ou qui ne figurent pas dans la liste, le barème est appliqué par analogie, en fonction de la gravité de l'atteinte (ch. 1 al. 2 annexe 3 OLAA). On procédera de même lorsque l’assuré présente simultanément plusieurs atteintes à l’intégrité physique, mentale ou psychique. Les atteintes à l’intégrité pour lesquelles un taux inférieur à 5% serait appliqué selon le barème ne donnent droit à aucune indemnité. Les atteintes à l’intégrité sont évaluées sans les moyens auxiliaires – à l’exception des moyens servant à la vision (ch. 1 al. 2 de l'annexe 3). La perte totale de l’usage d’un organe est assimilée à la perte de celui‑ci. En cas de perte partielle d’un organe ou de son usage, l’indemnité pour atteinte à l’intégrité est réduite en conséquence ; toutefois aucune indemnité ne sera versée dans les cas où un taux inférieur à 5% du montant maximum du gain assuré serait appliqué (ch. 2 de l'annexe 3).
La Division médicale de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA) a établi plusieurs tables d'indemnisation des atteintes à l'intégrité selon la LAA (disponibles sur www.suva.ch). Ces tables n'ont pas valeur de règles de droit et ne sauraient lier le juge. Toutefois, dans la mesure où il s'agit de valeurs indicatives, destinées à assurer autant que faire se peut l'égalité de traitement entre les assurés, elles sont compatibles avec l'annexe 3 à l'OLAA (ATF 132 II 117 consid. 2.2.3 ; 124 V 209 consid. 4a/cc ; 116 V 156 consid. 3a).
5. La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 132 V 93 consid. 4 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).
Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre (ATF 143 V 124 consid. 2.2.2). L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).
Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).
5.1 Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).
Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l'art. 44 LPGA, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères : s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 ; 142 V 58 consid. 5.1 ; 139 V 225 consid. 5.2 ; 135 V 465 consid. 4.4). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon l'art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_691/2021 du 24 février 2022 consid. 3.4).
5.2 Dans une procédure portant sur l’octroi ou le refus de prestations d’assurances sociales, lorsqu’une décision administrative s’appuie exclusivement sur l’appréciation d’un médecin interne à l’assureur social et que l’avis d’un médecin traitant ou d’un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes mêmes faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l’un ou sur l’autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l’art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.6).
5.3 Selon une jurisprudence constante, les médecins d'arrondissement ainsi que les spécialistes du centre de compétence de la médecine des assurances de la SUVA sont considérés, de par leur fonction et leur position professionnelle, comme étant des spécialistes en matière de traumatologie, indépendamment de leur spécialisation médicale (arrêt du Tribunal fédéral 8C_626/2021 du 19 janvier 2022 consid. 4.3.1 et les références).
5.4 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 135 V 465 consid. 4.5 et les références ; 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).
6. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 142 V 435 consid. 1 et les références ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6. 1 et la référence).
7. Le recourant considère que l’atteinte cutanée dont il fait l’objet subsiste même en dehors de l’activité professionnelle. Il se fonde, notamment, sur l’attestation datée du 26 novembre 2024, de son médecin traitant, le Dr D______, qui confirme que la maladie professionnelle perdure autant pendant les périodes de travail que durant les vacances, avec des hauts et des bas et confirme avoir vu son patient dans des périodes différentes, avec ou sans activité, avec ses lésions.
De son côté, l’intimée se fonde sur le rapport de la Dre E______, ainsi que sur le dernier rapport médical daté du 17 février 2025 et rédigé par son médecin-conseil, le Dr G______ pour contester les appréciations du Dr D______.
7.1 Dans le mémoire de recours de son conseil page 4, le recourant n’allègue pas que la situation s’est aggravée sur le plan dermatologique, mais considère que « la question juridique est de déterminer si l’affection s’atténue ou disparaît en cas de non exposition professionnelle ou si, au contraire, elle subsiste pratiquement avec la même intensité en dehors d’une telle activité ».
Dans sa réplique du 28 janvier 2025, le recourant ajoute que, selon lui, « le terrain psoriasique préexistant n’est pas formellement établi ». De plus, il conclut, en p. 3 de la même réplique, que les appréciations anciennes de la Dre E______ sont « aujourd’hui dépassées par l’aggravation des atteintes dermatologiques », ce qui serait établi par le certificat du Dr D______ du 26 novembre 2024.
7.2 Il sied d’examiner, au vu des pièces médicales, si le recourant est parvenu à administrer la preuve que son atteinte cutanée subsiste avec la même intensité, de manière durable, soit pendant et en dehors de son activité professionnelle.
Dans son rapport médical du 24 février 2016, la Dre E______, dont il convient de rappeler qu’elle est spécialiste en médecine du travail auprès de la SUVA, déclare que toutes les interventions fines, répétées et agressives pour le derme, telles qu’elles résultent de l’exercice de la profession d’opticien de l’assuré, « sont à l’origine d’une dermatose des mains et surtout des doigts, qui s’est développée progressivement sur un état préexistant, en l’espèce un psoriasis, qui fragilise l’ensemble du revêtement cutané du patient ». En d’autres termes, le médecin du travail confirme que la dermatose s’est développée sur un psoriasis préexistant, ce que conteste le recourant en prétendant que le terrain psoriasique préexistant n’est pas formellement établi (réplique, p. 2) tout en n’apportant aucun élément médical qui confirmerait cette thèse.
S’agissant de la persistance du trouble dermatologique, la Dre E______ s’est clairement déterminée dans le même rapport du 24 février 2016 (dernier paragraphe), considérant que « Pour la question d’une éventuelle indemnité pour atteinte à l’intégrité, je note une nette amélioration au niveau cutané de la diminution des activités à risque, comme cela été le cas lors de ma visite. (…) Dans le cas présent, il s’agit d’une dermatose qui s’aggrave ou s’améliore selon qu’il y a ou pas des expositions à des produits chimiques irritants ou à des agressions mécaniques répétitives. Nous ne sommes donc pas dans le cadre juridique correspondant à cette indemnité ».
Ainsi et contrairement à ce qu’affirme le recourant, la spécialiste en médecine du travail a clairement affirmé que lorsque l’exposition aux produits chimiques et aux agressions mécaniques dans le cadre professionnel cessait, elle constatait une nette amélioration au niveau cutané.
On ajoutera que le Dr I______, du service de dermatologie des HUG, dans son rapport médical du 15 octobre 2015, a procédé à des tests épicutanés à l’issue desquels il a considéré que l’assuré souffrait clairement d’une dermatose chronique des mains, dont la nature était très probablement d’origine mixte, contexte psoriasique et dermite de contact imitative associée. Il a notamment conseillé à l’assuré de faire davantage de tâches administratives que manuelles, car ces dernières pouvaient être de nature irritatives, dans le domaine de l’optique.
En se fondant sur ces deux certificats, déjà produits dans le cadre de procédures antérieures, il est patent que les problèmes dermatologiques de l’assuré sont en rapport avec son activité professionnelle, cette dernière ayant un effet irritatif sur un terrain psoriasistique existant, ce qui déclenche une dermite de contact.
Compte tenu du fait que lesdits certificats proviennent de spécialistes, l’une en médecine du travail auprès de la SUVA, la Dre E______, et l’autre, dermatologue auprès des HUG, le Dr I______, il convient de leur accorder une valeur probante plus élevée que celle d’un médecin généraliste, le Dr D______, qui n’est pas un spécialiste dans le domaine.
7.3 En ce qui concerne l’argument selon lequel une aggravation aurait eu lieu, qui rendrait les appréciations de la Dre E______ « dépassées » selon les termes du recourant, celui-ci n’en apporte pas la preuve, étant précisé qu’à la lecture du certificat médical du Dr D______ du 26 novembre 2024, il n’est à aucun moment fait état d’une aggravation, le médecin traitant se contentant de déclarer qu’il a vu l’assuré dans des périodes différentes avec ou sans activité, « avec ses lésions ».
Étant rappelé que dans son arrêt du 9 août 2022 (ATAS/696/2022) portant sur les prétentions de l’assuré à l’encontre de l’office de l’assurance invalidité (ci-après : OAI), la chambre de céans a considéré, ch. 10.5, p. 18, que « la situation médicale du point de vue dermatologique ne s’est pas aggravée entre 2001 et 2021. Même s’il a été fait état de crises plus fréquentes, les médecins consultés notamment le Dr I______ ont évoqué une incapacité à effectuer certains gestes, ce qui avait déjà été retenu en 2006. Partant, on ne peut pas considérer qu’il y a eu aggravation sur le plan dermatologique ».
Selon le Dr G______, médecin-conseil de l’intimée, le rapport du Dr D______ « n’apporte aucun élément médical nouveau et pertinent et ne fait que relater des éléments connus ». S’agissant des affirmations du médecin traitant selon lesquelles la maladie se manifesterait aussi bien pendant le travail que durant les vacances, avec des hauts et des bas, il s’étonne qu’il n’y ait pas de consultations, de constatations, ou de preuves de traitement prodiguées par ledit médecin qui pourrait éventuellement renforcer ces allégations et considère que l’appréciation du Dr D______ n’est pas probante. S’agissant de l’avis du Dr H______, qui aurait observé le patient en date du 19 janvier 2021 et n’aurait à cette occasion vu aucune lésion cutanée évocatrice d’un psoriasis vulgaire, le Dr G______ relève que cette affirmation isolée n’est pas de nature à remettre en doute les appréciations détaillées des Drs E______ et I______.
Pour le surplus, il sera rappelé que le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 135 V 465 consid. 4.5 et les références ; 125 V 351 consid. 3b/cc).
Compte tenu de ce qui précède, la chambre de céans considère qu’il est établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que les troubles dermatologiques du recourant ne se manifestent pas de manière durable et avec la même intensité dans le domaine professionnel et privé, de telle sorte que les conditions donnant droit à une IPAI ne sont pas remplies.
8.
8.1 Partant, c’est à juste titre que l’intimée a refusé d’allouer une IPAI à l’assuré et le recours sera donc rejeté.
8.2 Pour le surplus, en l’absence de loi spéciale prévoyant des frais judiciaires, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. Le rejette.
3. Dit que la procédure est gratuite.
4. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Christine RAVIER |
| Le président
Philippe KNUPFER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le