Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/50/2025 du 28.01.2025 ( LAA ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/2378/2024 ATAS/50/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 28 janvier 2025 Chambre 10 |
En la cause
A______
| recourant |
contre
SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS
| intimée |
A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né en 1975, a travaillé en qualité de peintre au sein de l'entreprise B______.
b. À ce titre, il était assuré contre les accidents professionnels et non professionnels auprès de la SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS (ci-après : la SUVA).
c. Selon une déclaration d'accident datée du 29 juin 2023, l'assuré a été victime d'un accident le 23 juin 2023 sur son lieu de travail, décrit de la manière suivante : « en descendant les escaliers, j'ai glissé et je suis tombé en me tapant le bas du dos contre l'angle de la marche. Mon ouvrier, m'a aidé à me relever, en me relevant j'ai senti une forte douleur au bas du dos comme si quelque chose était cassé[e] et puis la douleur s'est propagé[e] dans la hanche côté gauche avec des fourmillements qui descendent le long de la jambe ».
d. En raison de l'accident, l'assuré a été en incapacité de travail à 100% du 26 juin au 17 août 2023, puis du 30 août 2023 au 22 janvier 2024. Depuis lors, il a été mis en arrêt de travail à 50%.
e. Par rapport de radiographie de la colonne lombaire du 25 juin 2023, le
docteur C______, spécialiste FMH en radiologie, a observé une minéralisation osseuse dans la norme, une lombodiscarthrose multi-étagée et une sclérose vasculaire modérée. Il a également fait mention d'un « tassement du plateau supérieur de la troisième vertèbre lombaire : ancien ? Nouveau ? Ad
IRM ».
f. Par rapport d'imagerie par résonnance magnétique (ci-après : IRM) de la colonne lombaire du 26 juin 2023, le Dr C______ a constaté notamment une lombodiscarthrose multi-étagée, marquée par la présence d'une importante ostéochondrose érosive inflammatoire Modic I concernant les segments L1-L2 et surtout les segments L2-L3. Selon le radiologue, « une hernie discale à base large de topographie postéro médiane et latérale gauche : réduction du récessus latéral gauche » pouvant irriter la racine L5 gauche avait été mise en évidence. Compte tenu du signal de cette hernie, celle-ci était probablement « fraîche post-traumatique ». Concernant les corps vertébraux, l’importante ostéochondrose érosive Modic I en L1-L2 et surtout L2-L3 expliquait la symptomatologie douloureuse présentée par l'assuré. Le Dr C______ a précisé qu’il n'y avait pas de fracture-tassement.
g. Par pli du 19 juillet 2023, la SUVA a mis l'assuré au bénéfice d'une indemnité journalière à partir du 26 juin 2023.
h. Lors d'un entretien téléphonique le 19 septembre 2023, l'assuré a expliqué avoir essayé de reprendre le travail à 50%, sans succès, car il avait énormément de douleurs. Son médecin traitant n'était pas d'accord avec cette reprise. L'assuré ne prenait pas de traitement particulier, se reposant principalement.
i. Par rapport du 2 octobre 2023, le docteur D______, spécialiste FMH en pratique du laboratoire au cabinet médical et médecin traitant de l'assuré, a diagnostiqué une contusion de la colonne lombaire, du nerf sciatique et un tassement L3. Selon l'IRM, une hernie discale L5 gauche avait également été mise en évidence, laquelle irritait la racine et était « fraîche post-traumatique ». Il a rappelé le déroulement de l'accident du 23 juin 2023 de la manière suivante : « le patient chute au travail, dans les escaliers. Il s'est tordu et tapé le bas du dos. Depuis, il a toujours mal et suite au choc et à la douleur fourmillement à la jambe gauche ». Il n'y avait pas de circonstances particulières pouvant influencer de manière défavorable le processus de guérison. Il avait prescrit à l'assuré un traitement médicamenteux, du repos et une infiltration L5 gauche. Il a finalement expliqué que bien qu'une reprise à 100% avait été attestée dès le 17 août 2023, l'assuré s'était présenté à nouveau le 30 août 2023 avec une raideur, une boiterie et une douleur. L'assuré avait donc été mis en incapacité de travail à 100% dès le 30 août 2023 et avait été adressé à l'unité de neurochirurgie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG).
Il a notamment joint un rapport relatif à une infiltration lombaire interlaminaire épidurale L4-L5 gauche sous scanner effectuée le 21 juillet 2023.
j. Dans un rapport d'IRM de la colonne lombaire du 5 octobre 2023, le
Dr C______ a conclu à l’existence d’une lombodiscarthrose multi-étagée marquée par la présence d'une importante ostéochondrose érosive inflammatoire Modic I concernant le segment L2-L3. Il n'y avait pas de tassement.
k. Par rapport du 25 octobre 2023, établi suite à sa consultation du 23 octobre 2023, le docteur E______, médecin en neurochirurgie au sein des HUG, a diagnostiqué un hypersignal œdème des plateaux inférieurs de L2 et supérieurs de L3 ainsi qu'à la partie inférieure et supérieure des plateaux L1-L2, mais pas en postérieur, compatible soit avec une fracture A1, soit avec des modifications Modic type I inflammatoires. Il a expliqué que l’assuré présentait des douleurs lombaires mécaniques très invalidantes survenues suite à sa chute du 23 juin 2023. Après cet accident, il avait consulté le centre médical F______ qui avait prescrit une radiographie et une IRM. L'assuré ne se serait jamais plaint de douleurs lombaires auparavant et toute la symptomatologie était apparue depuis la chute. Une fois certains examens complémentaires réalisés, il reverrait l'assuré pour décider de la prise en charge, en fonction de l’existence d'une atteinte dégénérative ou d'une atteinte traumatique avec fracture.
l. Selon un rapport de radiographie de la colonne totale du 27 octobre 2023, les docteurs G______ et H______, médecins en radiologie au sein des HUG, ont constaté sur les examens effectués la veille, une absence de
fracture-tassement vertébral décelable sur cette modalité, la présence d'une image hypodense dans le coin antéro-supérieur de L3 correspondant à une lésion de type Modic 3 sur l'IRM, des troubles dégénératifs lombaires débutants avec arthrose interfacettaire postérieure, un kissing spine ainsi qu’une discrète sclérose du plateau supérieur de L3 et inférieur de L2 pouvant corréler aux images retrouvées sur l'IRM comparative. La statique était équilibrée dans le plan sagittal et une absence de scoliose significative dans le plan frontal et d’anomalie de transition ont été observées.
m. Par rapport du 9 novembre 2023, le Dr E______ a relevé, après avoir rappelé le diagnostic posé dans son rapport du 25 octobre 2023, que le scanner avait mis en évidence un respect de la hauteur des corps vertébraux, sans franche anomalie suspecte de la trame osseuse, avec toutefois une discarthrose avec ostéocondensation des plateaux adjacents et géode sous-chondrale en L2-L3, ainsi qu'une dégénérescence discale gazeuse en L1-L2. Il a constaté que la radiographie avait révélé une cyphose du segment L2-L3 d'environ cinq degrés et que l'IRM du 5 octobre 2023 avait également mis en évidence la persistance d'un hypersignal des plateaux L2-L3 aux séquences STIR et T2, déjà présent en juin 2023. Il a en outre indiqué avoir expliqué à l'assuré qu'il était difficile de « discriminer » entre une atteinte Modic inflammatoire dégénérative arthrosique de ce segment et une conséquence post-traumatique mais que néanmoins, au vu de la présentation clinique après la chute du 23 juin 2023, une suspicion traumatique restait hautement probable. Dans tous les cas, au vu des douleurs invalidantes, une prise en charge chirurgicale par XLIF [fusion intersomatique lombaire latérale] L2-L3 restait une bonne option.
n. Dans une appréciation du 22 décembre 2023, le docteur I______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, médecin conseil de la SUVA, a indiqué que l'accident n'avait pas entraîné, au degré de la vraisemblance prépondérante, de lésions structurelles objectivables et que l'état dégénératif de la colonne vertébrale de l'assuré était ancien. Il a ajouté que les séquelles de l'accident ne jouaient, au degré de la vraisemblance prépondérante, plus aucun rôle au niveau du tableau clinique, au plus tard six mois après la date de l'accident.
o. Par rapport du 26 janvier 2024, le Dr I______ a expliqué que la santé de l'assuré au niveau de la région corporelle affectée par l'accident était déjà, au degré de la vraisemblance prépondérante, altérée avant l'accident de manière asymptomatique ou manifeste au vu des lésions dégénératives constatées par le radiologue.
Après avoir listé les atteintes figurant dans le rapport du Dr C______ du
26 juin 2023, le Dr I______ a relevé qu’aucune de ces lésions n'était traumatique. En outre, l'accident n'avait pas, au degré de la vraisemblance prépondérante, causé d'autres lésions structurelles pouvant être objectivées, aucune fracture ni luxation n'ayant été observée. Les suites de l'accident ne jouaient dès lors plus aucun rôle, au plus tard six mois après la date du sinistre.
B. a. Par décision du 5 février 2024, la SUVA a mis fin au versement des prestations d'assurance (indemnité journalière et frais de traitement) au 5 février 2024. Selon l'appréciation du service médical, les troubles persistants au dos n'avaient plus aucun lien avec l'accident et l'état de santé de l'assuré, tel qu'il aurait été sans l'accident du 23 juin 2023, pouvait être considéré comme atteint depuis le
23 décembre 2023 au plus tard.
b. Le 5 mars 2024, l'assuré a formé opposition contre cette décision. Selon lui, la causalité naturelle entre l'accident du 23 juin 2023 et les douleurs lombaires était établie, car celles-ci étaient de nature traumatique, de sorte que les prestations d'assurance devaient être versées et la décision du 5 février 2024 annulée. Il a tout d'abord rappelé que l'IRM de la colonne lombaire du 26 juin 2023 avait révélé une hernie discale probablement fraîche et post-traumatique. De plus, selon le rapport du 9 novembre 2023 du Dr E______, il ne présentait pas de douleur avant sa chute et toute symptomatologie était apparue depuis. Ce médecin avait également évoqué que la suspicion traumatique restait la plus probable, au vu de la présentation clinique après la chute. Il a également contesté la « brève appréciation médicale » du Dr I______ sur laquelle s'était basée la SUVA pour prendre sa décision, car cet avis n'était pas détaillé, ne faisait référence à aucune source bibliographique pertinente et se limitait à évoquer une absence de lésion traumatique, sans justification. Les deux médecins qu’il avait consultés, soit les
Drs C______ et E______, avaient quant à eux constaté des atteintes à la santé de nature traumatique.
c. Le 29 mai 2024, la SUVA a reçu un rapport de radiographie de la colonne lombaire et un scanner CT de la colonne lombo-sacrée du 30 octobre 2023 du docteur J______, spécialiste FMH en radiologie, lequel a conclu au respect de la hauteur des corps vertébraux sans anomalie suspecte de la trame osseuse, à une discopathie pluri-étagée avec protrusion discale médiane sans rétrécissement canalaire significatif, à une dégénérescence discale gazeuse L1-L2, à une discarthrose avec ostéocondensation des plateaux adjacents, ainsi qu’à des géodes sous-chondrales en L2-L3 et à une protusion discale médiane un peu plus marquée en L1-L2, L3-L4 et L4-L5. Une atteinte dégénérative bilatérale modérée des articulations sacro-iliaques avait notamment été mise en évidence. Il n'y avait cependant aucun argument pour une fracture-tassement.
d. Par rapport du 4 juin 2024, le Dr I______ a confirmé ses précédentes conclusions et diagnostiqué une lombarthrose d'origine dégénérative avec décompensation temporaire à la suite du sinistre du 23 juin 2023. Les effets délétères de la chute annoncée étaient éteints, selon lui, au plus tard six mois après la date de l'accident et ce, de manière définitive.
L’évaluation par IRM réalisée quelques jours après l'accident avait mis en évidence de nombreuses pathologies multi-étagées avec lombodiscarthrose et une hernie discale médiane latérale gauche était évoquée. Le radiologue s'était alors prononcé sur une étiologie post-traumatique, étant précisé que le terme « post-traumatique » n’était qu’un élément temporel et n'impliquait pas un lien de causalité pour le moins probable.
L'évolution clinique de l'assuré avait été plutôt favorable, surtout en l'absence de chirurgie pour la hernie discale dans les premières semaines qui avaient suivi la déclaration du sinistre. Il n'y avait donc pas eu d'aggravation aiguë et déterminante d'un état antérieur dégénératif de la colonne vertébrale découlant d'un accident pour la hernie discale selon les critères de KRAMER. Par conséquent, sachant que les effets délétères d'un traumatisme sans chirurgie étaient généralement éliminés après six à douze mois, il avait proposé une période de six mois, surtout devant les nombreuses anomalies dégénératives de la colonne lombaire.
De plus, le Dr E______ n'apportait aucun argument pour faire la différence entre une fracture et un traumatisme sur des lésions dégénératives, et n’avait donné aucune explication précise quant aux motifs à prendre en compte entre le choix d'une lésion Modic I inflammatoire et une fracture A1. Or, le rapport du
30 octobre 2023 établi par le Dr J______, sur demande du Dr E______, avait confirmé le respect de la hauteur des corps vertébraux sans anomalie suspecte de la trame osseuse, soit une absence de fracture. Il avait constaté une discopathie pluri-étagée et la présence d'ostéocondensation des plateaux adjacents et géodes
sous-chondrales en L2-L3.
Le Dr I______ a également souligné avoir des difficultés à adhérer à la notion évoquée avec certitude par le Dr E______ selon laquelle la « suspicion traumatique reste hautement probable », car ce dernier n'avait pas étayé sa pensée, indiquant simplement un hypersignal, un œdème des plateaux inférieur de L2 et supérieur de L3 mais pas en postérieur. Il avait de plus de la difficulté à accepter les affirmations du Dr E______ évoquant une lésion traumatique, car les radiologues qui avaient évalué la situation médicale de l'assuré ne partageaient pas son avis. Les bilans radiologiques permettaient de confirmer assez clairement l'étiologie dégénérative de la colonne vertébrale. Les éléments dégénératifs, confirmés par les trois radiologues, l'emportaient, d'autant plus qu'il y avait des ostéophytoses antérieures, dont la présence, en L2-L3 en particulier, attestait la nature ancienne de la pathologie dégénérative, puisque les ostéophytes se développaient sur plusieurs années et ne pouvaient être la conséquence de l'accident du 23 juin 2023.
Enfin, même si la notion de fracture était retenue, le Dr I______ estimait que l’intervention chirurgicale recommandée par le Dr E______ n’était pas en lien avec cette fracture.
e. Par décision du 11 juin 2024, la SUVA, suivant l'appréciation du Dr I______ du 4 juin 2024, a rejeté l’opposition formée par l'assuré et a retiré l'effet suspensif à un éventuel recours.
Le Dr I______ avait affirmé que l'accident n'avait occasionné aucune atteinte structurelle et s'était limité à décompenser de manière transitoire l'état antérieur de l'assuré pour une durée n'excédant pas six mois. En effet, les imageries avaient mis en évidence de nombreuses atteintes dégénératives et le Dr I______ avait rappelé les critères devant être réalisés pour pouvoir reconnaître une causalité entre une hernie discale et un événement traumatique. Selon lui, aucun critère n'était réalisé en l'espèce. Il ne partageait pas non plus l'avis du Dr E______ qui évoquait une fracture A1 et la chirurgie proposée par ce dernier était généralement celle à laquelle il était fait recours en présence de discopathies dégénératives. L'appréciation médicale du Dr I______ devait, par ailleurs, se voir reconnaître une pleine valeur probante.
Quant à l'appréciation du Dr E______, ce dernier avait retenu une compatibilité avec une fracture A1 sans toutefois motiver sa conclusion, ou très sommairement, se référant à la présentation clinique après la chute de l'assuré. Son avis était de plus contredit par le rapport du Dr C______ du 26 juin 2023, par les radiographies effectuées par les docteurs K______ (recte : G______) et L______ (recte : H______) le 26 octobre 2023 et par le rapport du 30 octobre 2023 du Dr J______, lesquels avaient exclu l'éventualité d'une fracture. Par conséquent, l'avis du Dr E______ ne pouvait se voir reconnaître une pleine valeur probante, respectivement emporter conviction ou simplement mettre en doute les conclusions du Dr I______.
Concernant le rapport du 26 juin 2023 du Dr C______ évoquant une hernie qui, compte tenu du signal, était probablement fraîche post-traumatique, ce médecin n'avait pas examiné les critères pertinents tel que l'avait fait le
Dr I______. Le terme « post-traumatique » pouvait se référer à l'élément temporel et non à la causalité. Son avis, à l'instar de celui du Dr E______, ne pouvait donc remettre en cause les conclusions du Dr I______.
Enfin, les autres pièces au dossier n'étaient pas contributives à la résolution de la problématique en cause et, en retenant que les suites délétères de l'accident avaient cessé six mois après l'accident, le Dr I______ était en accord avec la présomption jurisprudentielle. Partant, rien n'autorisait à s'écarter des conclusions probantes et convaincantes du médecin d'assurance.
C. a. Le 12 juillet 2024, l’assuré, sous la plume de son conseil, a interjeté recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice contre cette décision, concluant, sous suite de dépens, à son annulation et à l'octroi des prestations légales sous forme de rentes, fondées sur un taux d'invalidité de 50% dès le 5 février 2024. Préalablement, il a conclu à ce que les Drs D______, C______ et E______ soient entendus et à ce qu'une expertise neurologique et orthopédique soit mise en œuvre.
Le recourant a contesté la valeur probante de l'appréciation médicale du
4 juin 2024 du Dr I______, dès lors que les trois médecins qu’il avait consultés avaient estimé que ses atteintes étaient de nature traumatique et étaient en lien avec la chute du 23 juin 2023. Il a rappelé que le Dr C______ avait relevé dans son rapport du 26 juin 2023 qu’il présentait une hernie discale et que compte tenu du signal de cette hernie, celle-ci était probablement fraîche et post-traumatique. Cet avis avait été confirmé par le Dr E______ suite à la consultation du
9 novembre 2023, qui avait retenu que la suspicion traumatique était hautement probable, que la symptomatologie était apparue depuis la chute et qu'il ne présentait pas de douleur avant celle-ci. Enfin, le Dr D______, par rapport du
7 mars 2024, avait confirmé qu’il ne présentait aucune atteinte avant la chute et qu'il partageait dès lors l'avis du Dr E______. Ainsi, un doute concernant ses atteintes existait au vu des avis divergents entre le médecin-conseil et les médecins traitants, de sorte qu'une expertise bi-disciplinaire devait être mise en œuvre. Quoi qu’il en soit, une incapacité de travail de 50% en lien de causalité avec l'accident devait être retenue au vu des avis exprimés par ses trois médecins traitants précités.
Il a produit un courrier du 7 mars 2024 rédigé par le Dr D______ expliquant que le rapport du Dr I______ ne remplissait pas les conditions d'un rapport médical, ayant émis une appréciation sur la base des clichés radiologiques sans procéder à un examen clinique, sans consulter les rapports des HUG et sans contacter le médecin traitant. Le Dr D______ estimait que le Dr I______ ignorait quelle partie spécifique de la colonne lombaire était devenue très problématique après l'accident et que les lésions persistantes nécessitaient une intervention chirurgicale comme indiqué dans le rapport du médecin du service de neurochirurgie des HUG. De plus, le Dr I______ ignorait l'état psychique du recourant qui se dégradait en raison des douleurs et du manque de capacité physique. À cet égard, le Dr D______ a joint un rapport du 19 décembre 2023 établi par le docteur M______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, et psychiatre traitant, selon lequel le recourant présentait un état de stress post-traumatique (F43.1) avec réactivation sur un mode névrotique « phobie » suite à un traumatisme qui était l'accident du 23 juin 2023. Il a expliqué que suite à ce récent accident, une réactivation symptomatique de l'état post-traumatique avait été constatée. Cette réactivation entraînait une phobie multiple issue d'une peur panique de perdre le contrôle : arme, couteau, opération chirurgicale, intervention militaire, armée… Une thérapie intense et un traitement médicamenteux avaient donc débuté.
b. Dans sa réponse du 23 juillet 2024, l’intimée a conclu au rejet du recours.
Le Dr D______, dans son rapport du 7 mars 2024, critiquait abstraitement l'appréciation du 26 janvier 2024 du Dr I______, lequel avait toutefois complété son argumentation de manière circonstanciée lors de son rapport du 4 juin 2024, qui répondait aux réquisits jurisprudentiels en matière de valeur probante. Ainsi, rien n'autorisait à s'écarter de ses conclusions.
Concernant les troubles psychiques allégués par le recourant, ce dernier en faisait mention pour la première fois au stade du recours. Il ressortait de plus du rapport du Dr M______ et du dossier constitué auprès de l'assurance-invalidité que ces troubles étaient liés au passé d'ancien soldat du recourant lors de la guerre en Bosnie-Herzégovine. Aucune facture en lien avec ces troubles n'avait de plus été adressée à l'intimée.
c. Par réplique du 22 août 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions et a produit un rapport du 12 août 2024 établi par le Dr D______, selon lequel il avait clairement mentionné, dans son rapport du 7 mars 2024, les éléments manquants dans l’appréciation du Dr I______.
d. En date du 6 septembre 2024, la chambre de céans a transmis copie de cette écriture à l'intimée.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du
20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.
1.3 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable sous cet angle.
2. Il convient en premier lieu de circonscrire l’objet du litige, le recourant concluant notamment à l’octroi d’une rente d’invalidité.
2.1 Dans la procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent être examinés et jugés, en principe, que les rapports juridiques à propos desquels l’autorité administrative compétente s’est prononcée préalablement d’une manière qui la lie, sous la forme d’une décision. Dans cette mesure, la décision détermine l’objet de la contestation qui peut être déféré en justice par voie de recours. En revanche, dans la mesure où aucune décision n’a été rendue, la contestation n’a pas d’objet, et un
jugement sur le fond ne peut pas être prononcé (ATF 131 V 164 consid. 2.1 ;
125 V 414 consid. 1a ; ATF 119 Ib 36 consid. 1b et les références citées).
2.2 En l’espèce, dans sa décision sur opposition du 11 juin 2024 dont est recours, l’intimée a mis fin au versement des indemnités journalières et à la prise en charge des frais de traitement dès le 5 février 2024, au motif que les atteintes somatiques persistant au-delà de cette date ne sont plus en relation de causalité avec l’accident du 23 juin 2023. Le droit éventuel à une rente d’invalidité n’a jamais été examiné par l’intimée dans une décision, de sorte que la conclusion dans ce sens est exorbitante au présent litige, et partant irrecevable.
Le recours est en revanche recevable en tant qu’il porte sur le droit aux indemnités journalières et à la prise en charge des frais de traitement au-delà du 5 février 2024.
2.3 Le litige porte ainsi exclusivement sur la question du lien de causalité naturelle entre les troubles persistants au-delà de cette date et l’accident du 23 juin 2023.
3. Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle.
Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA ;
ATF 142 V 219 consid. 4.3.1 ; 129 V 402 consid. 2.1).
La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1 ; 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).
Conformément à l’art. 6 al. 2 let. a LAA, l'assurance alloue également ses prestations pour les fractures, pour autant qu'elles ne soient pas dues de manière prépondérante à l'usure ou à une maladie.
Selon la jurisprudence, lorsque l'assureur-accidents a admis l'existence d'un accident au sens de l'art. 4 LPGA et que l'assuré souffre d'une lésion corporelle au sens de l'art. 6 al. 2 LAA, l'assureur-accidents doit prendre en charge les suites de la lésion en cause sur la base de l'art. 6 al. 1 LAA ; en revanche, en l'absence d'un accident au sens juridique, le cas doit être examiné sous l'angle de l'art. 6 al. 2 LAA (ATF 146 V 51 consid. 9.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_520/2020 du 3 mai 2021 consid. 5.1).
3.1 Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière (ATF 148 V 356 consid. 3 ;
148 V 138 consid. 5.1.1). Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé : il suffit qu'associé éventuellement à d'autres
facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).
Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1 ; 119 V 335 consid. 1 et 118 V 286 consid. 1b et les références).
Le fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc » ; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb ; RAMA 1999 n° U 341 p. 408, consid. 3b). Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré.
3.2 En vertu de l'art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l'atteinte à la santé n'est que partiellement imputable à l'accident.
Lorsqu'un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l'assurance-accidents d'allouer des prestations cesse si l'accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui existerait même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n'est pas rétabli, l'assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l'état maladif préexistant, dans la mesure où il s'est manifesté à l'occasion de l'accident ou a été aggravé par ce dernier (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les références). En principe, on examinera si l'atteinte à la santé est encore imputable à l'accident ou ne l'est plus (statu quo ante ou statu quo sine) sur le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 129 V 177 consid. 3.1), étant précisé que le fardeau de la preuve de la disparition du lien de causalité appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (ATF 146 V 51 consid. 5.1 in fine ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_331/2024 du 29 novembre 2024 consid. 4.2 et la référence).
3.3 En cas de lombalgies et lombosciatalgies, la jurisprudence admet qu’un accident a pu décompenser des troubles dégénératifs préexistants au niveau de la
colonne lombaire, auparavant asymptomatiques. En l’absence d’une fracture ou d’une autre lésion structurelle d’origine accidentelle, elle considère toutefois que selon l’expérience médicale, le statu quo sine est atteint, au degré de la vraisemblance prépondérante, en règle générale après six à neuf mois, au plus tard après une année. Il n’en va différemment que si l’accident a entraîné une péjoration déterminante, laquelle doit être établie par des moyens radiologiques et se distinguer d’une évolution ordinaire liée à l’âge (arrêts du Tribunal fédéral 8C_315/2023 du 9 janvier 2014 consid. 6.1 et les références ; 8C_50/2023 du 14 septembre 2023 consid. 7.1 et les références).
Selon l'expérience médicale, pratiquement toutes les hernies discales s'insèrent dans un contexte d'altération des disques intervertébraux d'origine dégénérative, un événement accidentel n'apparaissant qu'exceptionnellement, et pour autant que certaines conditions particulières soient réalisées, comme la cause proprement dite d'une telle atteinte. Une hernie discale peut être considérée comme étant due principalement à un accident, lorsque celui-ci revêt une importance particulière, qu'il est de nature à entraîner une lésion du disque intervertébral et que les symptômes de la hernie discale (syndrome vertébral ou radiculaire) apparaissent immédiatement, entraînant aussitôt une incapacité de travail (arrêt du Tribunal fédéral 8C_256/2023 du 25 janvier 2024 consid. 3 et les références). Dans de telles circonstances, l'assureur-accidents doit, selon la jurisprudence, allouer ses prestations également en cas de rechutes et pour des opérations éventuelles. Si la hernie discale est seulement déclenchée, mais pas provoquée par l'accident, l'assurance-accidents prend en charge le syndrome douloureux lié à l'événement accidentel. En revanche, les conséquences de rechutes éventuelles doivent être prises en charge seulement s'il existe des symptômes évidents attestant d'une relation de continuité entre l'événement accidentel et les rechutes (voir notamment RAMA 2000 n° U 378 p. 190 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_560/2017 du 3 mai 2018 consid. 6.1).
La preuve médicale de la causalité naturelle dans le cas d’une hernie discale, décompensée par l’accident assuré, est remplacée par la présomption jurisprudentielle – qui se fonde sur la littérature médicale – selon laquelle une aggravation traumatique d’un état dégénératif préexistant de la colonne vertébrale cliniquement asymptomatique doit être considérée comme étant terminée, en règle générale, après six à neuf mois, au plus tard après un an (arrêts du Tribunal fédéral 8C_412/2008 du 3 novembre 2008 consid. 5.1.2 et 8C_467/2007 du
25 octobre 2007 consid. 3.1 ; voir également arrêt du Tribunal fédéral U 354/04 du 11 avril 2005 consid. 2.2 et les références). S’il s’agit d’un accident sans lésions structurelles au squelette, il y a lieu de considérer que la chronicisation des plaintes doit être attribuée à d’autres facteurs (étrangers à l’accident). Des plaintes de longue durée consécutives à une simple contusion doivent en effet souvent être imputées à un trouble de l’adaptation ou de graves perturbations psychiques (arrêt du Tribunal
fédéral U 354/04 du 11 avril 2005 consid. 2.2 ; voir également arrêt du Tribunal fédéral U 60/02 du 18 septembre 2002).
Le lien de causalité naturelle entre un accident et une hernie a notamment été nié dans les cas suivants : lorsqu’un assuré est tombé de sa hauteur, une telle chute ne représentant pas un événement à haute énergie, quand bien même le marteau-piqueur qu’il tenait dans ses mains était tombé sur sa poitrine (arrêt du Tribunal fédéral 8C_256/2023 du 25 janvier 2024 consid. 5.2) ; lorsque l’assuré souffrait depuis plusieurs années d’une modification dégénérative du tissu conjonctif de l’anneau extérieur du disque intervertébral et qu’il était pratiquement sûr que la hernie discale puisse être attribuée à ce dommage du disque intervertébral (RAMA 1990 n° K 849 p. 325) ; une chute dans un escalier n’est pas la cause d’une hernie discale lorsque l’assuré souffrait déjà d’une discopathie avant l’accident et que celle-ci avait été aggravée de 15% environ par la chute, dès lors que l’accident ne pouvait être qualifié d’événement sans lequel le dommage ne se serait pas produit (RAMA 1986 n° K 703 p. 473 et ss, consid. 2b).
4. La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables
(ATF 134 V 231 consid 5.1).
Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61
let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre
(ATF 143 V 124 consid. 2.2.2). L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).
Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).
Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).
Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l'art. 44 LPGA, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères : s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 et les références ;
142 V 58 consid. 5.1 et les références ; 139 V 225 consid. 5.2 et les références ;
135 V 465 consid. 4.4 et les références). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon l'art. 44 LPGA
(ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références).
Une appréciation médicale, respectivement une expertise médicale établie sur la base d'un dossier n’est pas en soi sans valeur probante. Une expertise médicale établie sur la base d'un dossier peut avoir valeur probante pour autant que celui-ci contienne suffisamment d'appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel de l'assuré (RAMA 2001 n° U 438 p. 346 consid. 3d). L’importance de l’examen personnel de l’assuré par l’expert n’est reléguée au second plan que lorsqu’il s’agit, pour l’essentiel, de porter un jugement sur des éléments d’ordre médical déjà établis et que des investigations médicales nouvelles s’avèrent superflues. En pareil cas, une expertise médicale effectuée uniquement sur la base d’un dossier peut se voir reconnaître une pleine valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_681/2011 du 27 juin 2012 consid. 4.1 et les références).
En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (ATF 125 V 351 consid. 3a ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).
5. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références ; 126 V 353
consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi
n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré
(ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).
La procédure dans le domaine des assurances sociales est régie par le principe inquisitoire d'après lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par l'assureur (art. 43 al. 1 LPGA) ou, éventuellement, par le juge
(art. 61 let. c LPGA). Ce principe n'est cependant pas absolu. Sa portée peut être restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation de ces dernières d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 ; VSI 1994,
p. 220 consid. 4). Si le principe inquisitoire dispense les parties de l'obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve, dans la mesure où, en cas d'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences, sauf si l'impossibilité de prouver un fait peut être imputée à la partie adverse. Cette règle ne s'applique toutefois que s'il se révèle impossible, dans le cadre de la maxime inquisitoire et en application du principe de la libre appréciation des preuves, d'établir un état de fait qui correspond, au degré de la vraisemblance prépondérante, à la réalité (ATF 139 V 176 consid. 5.2 et les références).
Dans le contexte de la suppression du droit à des prestations d'assurance sociales, le fardeau de la preuve incombe en principe à l'assureur-accidents (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les références). Cette règle selon laquelle le fardeau de la preuve appartient à la partie qui invoque la suppression du droit entre seulement en considération s'il n'est pas possible, dans le cadre du principe inquisitoire, d'établir sur la base d'une appréciation des preuves un état de fait qui au degré de vraisemblance prépondérante corresponde à la réalité (ATF 117 V 261 consid. 3b et les références). La preuve de la disparition du lien de causalité naturelle ne doit pas être apportée par la preuve de facteurs étrangers à l'accident. Il est encore moins question d'exiger de l'assureur-accidents la preuve négative, qu'aucune atteinte à la santé ne subsiste plus ou que la personne assurée est dorénavant en parfaite santé (arrêt du Tribunal fédéral 8C_441/2017 du 6 juin 2018 consid. 3.3). À cet égard, est seul décisif le point de savoir si, au degré de la vraisemblance prépondérante, les causes accidentelles d'une atteinte à la santé ne jouent plus aucun rôle, ne serait-ce même que partiel, et doivent ainsi être considérées comme ayant disparu (arrêt du Tribunal fédéral 8C_343/2022 du 11 octobre 2022 consid. 3.2 et les références).
6. Le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151 consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).
Lorsqu'il existe des doutes sur la fiabilité et la pertinence de l'appréciation du médecin-conseil, il appartient en premier lieu à l'assureur-accidents de procéder à des instructions complémentaires pour établir d'office l'ensemble des faits déterminants et, le cas échéant, d'administrer les preuves nécessaires avant de rendre sa décision (art. 43 al. 1 LPGA ; ATF 132 V 368 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_401/2019 du 9 juin 2020 consid. 5.3.3 et ses références).
7. En l'espèce, dans sa décision du 5 février 2024 confirmée sur opposition le
11 juin 2024, l’intimée a mis fin au versement des indemnités journalières et à la prise en charge des frais de traitement au 5 février 2024. Elle a retenu que l’état de santé tel qu’il aurait été sans l’accident du 23 juin 2023 pouvait être considéré comme atteint depuis le 23 décembre 2023 au plus tard et que les troubles persistants au dos présentés par le recourant n’avaient plus aucun lien avec l’accident.
Cette détermination repose sur les appréciations des 22 décembre 2023, 26 janvier et 4 juin 2024 du Dr I______, lequel a diagnostiqué une lombarthrose d'origine dégénérative avec décompensation temporaire à la suite de l'accident du
23 juin 2023. Selon ce médecin, les effets délétères du sinistre se sont éteints au plus tard six mois après sa survenance, et ce définitivement.
Le recourant conteste cette appréciation, soutenant que les douleurs persistantes sont encore en lien de causalité naturelle avec l'accident du 23 juin 2023, au-delà du 5 février 2024, en se référant aux avis des Drs D______, E______ et C______.
7.1 À titre préalable, la chambre de céans constate que l’existence d’un accident n’est pas remise en cause. L’intimée admet en effet que l’événement du
23 juin 2023 répond à la définition légale de la notion d’accident dans le domaine des assurances sociales, de sorte qu’il lui incombe, conformément à la jurisprudence fédérale, de prendre en charge les suites des atteintes à la santé en cause sur la base de l'art. 6 al. 1 LAA.
L’intimée est tenue de verser des prestations au recourant jusqu’à ce que l’accident ne constitue plus la cause naturelle des troubles présentés par l’intéressé et que les atteintes à la santé qui subsistent sont uniquement et exclusivement dues à des causes étrangères au sinistre.
7.2 En ce qui concerne la valeur probante des appréciations du Dr I______, la chambre de céans rappelle que les conclusions du médecin-conseil ont été établies sur dossier uniquement. Cet élément ne remet toutefois pas en question la valeur probante de ses avis, pour autant qu’ils se fondent sur suffisamment de pièces établies suite à un examen clinique du recourant et qu'ils répondent aux réquisits jurisprudentiels en matière de valeur probante.
La chambre de céans constate cependant que le rapport du 4 juin 2024 du
médecin-conseil, confirmant ses conclusions prises dans ses brefs avis des
22 décembre 2023 et 26 janvier 2024, est critiquable à plusieurs égards.
Tout d’abord, ce document n’a pas été établi en pleine connaissance de cause et il ne se fonde pas sur des examens médicaux complets. En effet, le Dr I______ n’a pas mentionné le rapport relatif à la seconde IRM de la colonne lombaire effectuée le 5 octobre 2023 par le Dr C______, que ce soit dans son résumé des pièces du dossier ou dans son appréciation du cas. Il ne s’est donc pas prononcé sur cet examen. Qui plus est, si le Dr D______ a certes ausculté le recourant, son rapport du 2 octobre 2023 est succinct et peu détaillé, en particulier s’agissant des constatations objectives et des plaintes de l’intéressé, le médecin mentionnant uniquement une raideur et une mobilité limitée, respectivement que son patient avait une douleur et des fourmillements à la jambe gauche. Quant aux rapports des 25 octobre et 9 novembre 2023 du Dr E______, médecin également consulté par le recourant, ils ne comportent pas non plus d’indications quant à un éventuel examen clinique et les doléances du patient sont peu développées, seules des douleurs lombaires mécaniques très invalidantes étant rapportées. La teneur sommaire des rapports établis par les Dr D______ et E______ ne pouvait ainsi suffire au Dr I______, qui n’a pas personnellement examiné le recourant, pour se déterminer sur la question du statu quo sine vel ante.
De surcroît, les conclusions du Dr I______ n’apparaissent ni claires, ni dûment motivées, et ne résultent pas d’une analyse approfondie de l’ensemble des éléments ressortant du dossier. En effet, le médecin-conseil ne s’est pas déterminé sur l’hypersignal, œdème des plateaux inférieur de L2 et supérieur de L3, alors qu’il s’agit du diagnostic principal retenu par le Dr E______, lequel a en outre relevé que l’IRM effectuée le 5 octobre 2023 – que le Dr I______ n’a pas prise en considération – mettait en évidence la persistance de ce diagnostic (rapports des
25 octobre et 9 novembre 2023). En outre, le Dr I______, qui admet que la chute du 23 juin 2023 a entraîné une décompensation d’un état dégénératif préexistant, n’a fourni aucune explication circonstanciée permettant de comprendre pour quels motifs il a retenu un délai de six mois à partir duquel les suites de l’accident ne jouent plus aucun rôle, mentionnant uniquement l’existence de « nombreuses anomalies dégénératives de la colonne lombaire » (rapport du 4 juin 2024, p. 3
ch. 3). Or, la chambre de céans relèvera que le nombre d’atteintes dégénératives préexistantes ne permet en aucun cas de nier tout lien de causalité entre le sinistre assuré et les atteintes persistant au-delà du 5 février 2024.
Pour l’ensemble de ces motifs, la chambre de céans est d’avis que les rapports du Dr I______ ne répondent pas aux réquisits jurisprudentiels pour se voir reconnaître une pleine valeur probante et ne permettent pas de retenir, au degré de la vraisemblance prépondérante, que les troubles persistants au-delà du
5 février 2024 résultent exclusivement de causes étrangères à l’accident.
Partant, en l’absence d’une analyse probante de la situation médicale du recourant, l’intimée ne pouvait se fonder sur les conclusions du Dr I______ pour rendre sa décision litigieuse.
7.3 Par ailleurs, les autres pièces versées au dossier ne permettent pas non plus de se déterminer sur la question litigieuse. En effet, ni le Dr E______, ni le Dr D______ n’ont établi de rapport circonstancié et probant sur l’existence éventuelle d’un lien de causalité naturelle entre les atteintes persistant au-delà du 5 février 2024 et l’événement assuré. S’agissant des avis du Dr E______, il a déjà été constaté que ses rapports des 25 octobre et 9 novembre 2023 sont lacunaires. Tel est le cas également du formulaire rempli par le Dr D______ en date du 2 octobre 2023 et de son rapport du 7 mars 2024, ce dernier renvoyant surtout à d’autres rapports. Enfin, si le Dr C______ a certes indiqué l’existence d’une hernie discale « probablement fraîche et post-traumatique » (rapport du 26 juin 2023), cette simple mention, sans autres explications, ne saurait suffire pour retenir, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’accident a causé cette lésion et que les plaintes du recourant doivent être attribuées, au-delà du 5 février 2024, au sinistre assuré.
Ainsi, à défaut d’une instruction suffisante de la part de l’intimée permettant une appréciation adéquate de la question litigieuse du lien de causalité naturelle entre l’accident du 23 juin 2023 et les atteintes dont souffre le recourant au-delà du 5 février 2024, il se justifie de renvoyer la cause à l’intimée afin qu’elle procède à des investigations complémentaires pour établir l’ensemble des faits déterminants et, le cas échéant, administrer les preuves nécessaires, si besoin par une expertise, avant de rendre une nouvelle décision.
8. Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis, la décision sur opposition du 11 juin 2024 annulée et la cause renvoyée à l’intimée pour instruction complémentaire, puis nouvelle décision, au sens des considérants.
Étant donné que le recourant obtient partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 2'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens, à charge de l’intimée (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable, à l’exception de la conclusion tendant à l’octroi d’une rente d’invalidité, laquelle est irrecevable.
Au fond :
2. L’admet partiellement,
3. Annule la décision sur opposition de l’intimée du 11 juin 2024.
4. Renvoie la cause à l’intimée pour instruction complémentaire, puis nouvelle décision, au sens des considérants.
5. Alloue au recourant une indemnité de dépens de CHF 2'000.-, à charge de l’intimée.
6. Dit que la procédure est gratuite.
7. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Melina CHODYNIECKI |
| La présidente
Joanna JODRY |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le