Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/1065/2024 du 23.12.2024 ( LAA ) , REJETE
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/86/2024 ATAS/1065/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 23 décembre 2024 Chambre 3 |
En la cause
A______
| recourant |
contre
GROUPE MUTUEL ASSURANCE GMA SA
| intimée |
A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né en 1950, a été engagé en janvier 2015 en qualité de représentant à plein temps par l’entreprise B______ (ci-après : l’employeur). À ce titre, il était assuré contre le risque d’accident, professionnel ou non, auprès de GROUPE MUTUEL ASSURANCE GMA SA (ci-après : l’assureur).
b. Le 21 octobre 2022, l’employeur a établi une déclaration d’accident relative à un événement ayant eu lieu le 13 octobre 2022, décrit en ces termes : « Tombé avec deux lourde[s] valises de collection sur l’épaule gauche ». L’assuré avait reçu les premiers soins à l’Hôpital de la Tour. Son incapacité de travail était totale depuis l’accident.
c. Le 25 octobre 2022, l’assureur a confirmé la prise en charge de cet événement.
d. Dans un rapport du 30 octobre 2022, relatant les premiers soins donnés le 14 octobre 2022 à l’assuré, le docteur C______, médecin interne à l’Hôpital de la Tour, a posé le diagnostic de contusion de l’épaule gauche en précisant que les radiographies n’avaient révélé aucune fracture. L’assuré avait glissé et effectué une chute de sa hauteur avec réception sur cette épaule. L’articulation acromio-claviculaire et la partie proximale de l’humérus étaient douloureuses à la palpation.
e. Dans un rapport du 3 novembre 2022, le docteur D______, spécialiste FMH en radiologie, est parvenu aux conclusions suivantes après une analyse par ultrason (US) de l’épaule gauche, effectuée le jour même :
- luxation et déchirure partielle du tendon du long chef du biceps hors de sa gouttière, secondaire à une déchirure du ligament huméral et à une déchirure partielle du tendon du muscle sous-scapulaire ; épanchement dans sa gaine ;
- déchirure partielle avec une fissuration longitudinale du tendon du muscle sous-scapulaire ;
- déchirure complète du tendon du muscle sus-épineux avec « gap » de ses moignons ;
- tendons des muscles sous-épineux et petit rond sans particularité ;
- épanchement articulaire gléno-huméral et modéré dans la bourse sous-acromio-deltoïdienne ;
- arthrose acromio-claviculaire avec ostéophytose marginale.
f. Dans un rapport du 3 janvier 2023, relatant une consultation donnée le même jour à l’assuré, la docteure E______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, a diagnostiqué une rupture complète de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche dans les suites d’un accident. Une imagerie par résonnance magnétique (IRM) du 6 décembre 2022 avait mis en évidence une rupture transfixiante du tendon supra-épineux avec désinsertion partielle du sous-scapulaire et luxation du tendon bicipital. On notait en outre une dégénérescence graisseuse de stade III au niveau du tendon sous-scapulaire. L’assuré poursuivait la physiothérapie, mais se plaignait toujours d’une douleur évoluant par éclair au niveau de cette épaule « droite » (recte : gauche). La mobilité restait limitée avec une abduction à 45 degrés.
g. Dans un rapport du 10 mars 2023, la Dre E______ a indiqué que les douleurs étaient en nette diminution (évaluées à 2 ou 3/10). La mobilité du membre supérieur gauche s’améliorait correctement mais les mouvements restaient douloureux. L’assuré ne souhaitait pas d’intervention à l’épaule et continuait donc activement ses séances de physiothérapie. Une reprise du travail à 50% était prévue pour le 1er avril 2023.
h. Dans un rapport du 15 mars 2023, le docteur F______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin-conseil de l’assureur, a retenu le diagnostic de déchirure de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche. De son point de vue, l’incapacité de travail actuelle était toujours justifiée pour les seules suites de l’accident du 13 octobre 2022, et ce pour une durée prévisible de six mois à compter de cet événement.
i. Dans un rapport du 13 juin 2023, la Dre E______ a indiqué que la rupture de la coiffe de l’épaule gauche était due à l’accident du 13 octobre 2022. Invitée à se prononcer sur la participation d’un éventuel état antérieur à cet événement, elle a répondu « non ». Suivant l’évolution du cas, une prothèse totale inversée de l’épaule serait à envisager.
j. Dans un rapport du 12 juillet 2023, le Dr F______ a indiqué, sur question de l’assureur, qu’il n’y avait pas de relation de causalité probable pour les troubles persistants. L’événement du 13 octobre 2022 avait occasionné une contusion de l’épaule gauche sur un état antérieur dégénératif/maladif, démontré à l’imagerie sous forme d’une rupture massive de la coiffe des rotateurs avec dégénérescence graisseuse de stade II à III, amyotrophie et rétraction tendineuse de stade II à III, tendinopathie et luxation du long biceps.
Une dégénérescence graisseuse de stade II à III, une amyotrophie et une rétraction tendineuse de stade II à III étaient des éléments objectifs permettant de dire que
la lésion de la coiffe des rotateurs était ancienne (au moins deux à trois ans). L’événement du 13 octobre 2022 avait aggravé passagèrement cet état antérieur et cessé de déployer ses effets six mois plus tard. En effet, le temps habituel de guérison d’une contusion de l’épaule était de trois mois. En présence d’un état antérieur, ce délai pouvait être plus long et se trouver prolongé de trois mois supplémentaires.
k. Par décision du 9 août 2023, l’assureur a informé l’assuré que les soins donnés pour les suites de l’accident du 13 octobre 2022 seraient pris en charge jusqu’au 13 avril 2023. Dans la mesure où cet événement avait cessé de déployer ses effets six mois après sa survenance, les éventuels frais de traitement encourus à partir
du 13 avril 2023 étaient du ressort de l’assurance obligatoire des soins. Pour le surplus, même si des indemnités journalières avaient déjà été versées du 15 avril au 31 mai 2023, il serait renoncé à leur restitution.
l. Le 17 août 2023, l’assuré a formé opposition à cette décision et demandé en substance que l’assureur prenne en charge son incapacité de travail de 50% en août et septembre 2023.
m. Par décision du 1er novembre 2023, l’assureur a rejeté l’opposition. Même s’il ne remettait pas en question la persistance de l’incapacité de travail de l’assuré, il n’en demeurait pas moins que celle-ci n’était plus de son ressort, la causalité avec l’événement du 13 octobre 2022 ayant cessé.
B. a. Le 8 janvier 2023, l’assuré a interjeté recours auprès de la Cour de céans en concluant à ce que l’assureur-accidents soit condamné à lui verser les prestations dues suite à l’accident du 13 octobre 2022.
Le recourant tire argument de l’absence de participation d’un état antérieur mentionnée par la Dre E______ dans son rapport du 13 juin 2023.
Il considère que l’incapacité de travail qui a duré jusqu’au 1er novembre 2023 doit être prise en charge par l’assureur-accidents.
b. Invitée à se déterminer, l’intimée, dans sa réponse du 8 février 2023, a conclu au rejet du recours en faisant valoir qu’aucun avis médical ne venait sérieusement mettre en doute l’avis motivé de son médecin-conseil.
c. Le 1er mars 2024, le recourant a répliqué en faisant valoir que le Dr F______, médecin-conseil de l’intimée, ne l’avait jamais rencontré, ni examiné. Dans ces conditions, il considérait qu’il n’y avait pas lieu de mettre en doute les rapports de la Dre E______ qui l’avait suivi pendant plusieurs mois en effectuant tous les contrôles et traitements requis.
d. Par courrier du 16 avril 2024, l’intimée a renvoyé à ses précédentes écritures et persisté dans ses conclusions.
e. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie « en droit » du présent arrêt.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ – E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA – RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA – RS 832.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 À teneur de l’art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-accidents, à moins que la loi n’y déroge expressément.
1.3 La procédure devant la Cour de céans est régie par les dispositions de la LPGA et de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10).
Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pendant la période du 18 décembre au 2 janvier inclusivement (art. 38 al. 4 let. c LPGA et art. 89C let. c LPA), le recours est recevable.
2. Dans la mesure où l’accident est survenu le 13 octobre 2022, le droit du recourant aux prestations d’assurance est soumis aux dispositions en vigueur depuis le
1er janvier 2017 (cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 2.2).
3. Le litige porte sur le droit du recourant aux prestations d’assurance au-delà du 13 avril 2023.
4.
4.1 Aux termes de l’art. 6 al. 1 LAA, les prestations d’assurance sont allouées en cas d’accident, professionnel ou non, et de maladie professionnelle.
Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA).
Selon l’art. 6 al. 2 LAA, l’assurance alloue aussi ses prestations pour les lésions corporelles suivantes, pour autant qu’elles ne soient pas dues de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie : les fractures (let. a), les déboîtements d’articulations, les déchirures du ménisque (let. c), les déchirures de muscles
(let. d), les élongations de muscles (let. e), les déchirures de tendons (let. f), les lésions de ligaments (let. g), les lésions du tympan (let. h).
4.2 Dans un arrêt 8C_22/2019 du 24 septembre 2019 (publié aux ATF 146 V 51), le Tribunal fédéral a examiné les répercussions de la modification législative relative aux lésions corporelles assimilées à un accident. Il s’est notamment penché sur la question de savoir quelle disposition était désormais applicable lorsque l’assureur-accidents a admis l’existence d’un accident au sens de l’art. 4 LPGA et que l’assuré souffre d’une lésion corporelle au sens de l’art. 6 al. 2 LAA. Le Tribunal fédéral a admis que, dans cette hypothèse, l’assureur-accidents doit prendre en charge les suites de la lésion en cause sur la base de l’art. 6 al. 1 LAA; en revanche, en l’absence d’un accident au sens juridique, le cas doit être examiné sous l’angle de l’art. 6 al. 2 LAA (ATF 146 V 51 consid. 9.1; résumé dans la RSAS 1/2020 p. 33ss.; arrêt du Tribunal fédéral 8C_520/2020 du 3 mai 2021 consid. 5.1).
4.3 En l’espèce, il n’est pas contesté par les parties que l’événement du 13 octobre 2022 est constitutif d’un accident au sens de l’art. 4 LPGA. Partant, il n’est pas nécessaire de déterminer si certaines lésions constatées par les médecins figurent dans la liste de l’art. 6 al. 2 LAA, puisque même dans l’affirmative, la cause devrait être examinée exclusivement sous l’angle de l’art. 6 al. 1 LAA. Cela implique que si une lésion au sens de l’art. 6 al. 2 LAA est due à un accident assuré, l’assureur doit la prendre en charge jusqu’à ce que cet accident n’en constitue plus la cause naturelle et adéquate et que l’atteinte à la santé qui subsiste est due uniquement à des causes étrangères à l’accident considéré (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et 9.1 ; ci-après : consid. 5.2 et 5.3).
5. Il convient ainsi d’examiner, au regard des principes exposés à l’ATF 146 V 51 précité, la question du lien de causalité entre les lésions constatées et l’accident du 13 octobre 2022, étant précisé qu’en relation avec les art. 10 (droit au traitement médical) et 16 (droit à l’indemnité journalière) LAA, l’art. 6 al. 1 LAA implique, pour l’ouverture du droit aux prestations, l’existence d’un rapport de causalité naturelle et adéquate entre l’accident, d’une part, le traitement médical et l’incapacité de travail de la personne assurée, d’autre part (arrêt du Tribunal fédéral 8C_726/2008 du 14 mai 2009 consid. 2.1).
5.1 Le droit à des prestations découlant d’un accident assuré suppose d’abord, entre l’événement dommageable de caractère accidentel et l’atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu’il y a lieu d’admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu’il ne serait pas survenu de la même manière. Il n’est pas nécessaire que l’accident soit la cause unique ou immédiate de l’atteinte à la santé : il suffit qu’associé éventuellement à d’autres facteurs, il ait provoqué l’atteinte à la santé, c’est-à-dire qu’il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).
Le fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu’après la survenance d’un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc » ; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb ; RAMA 1999 n° U 341 p. 408, consid. 3b). Il convient en principe d’en rechercher l’étiologie et de vérifier, sur cette base, l’existence du rapport de causalité avec l’événement assuré.
5.2 Une fois que le lien de causalité naturelle a été établi au degré de la vraisemblance prépondérante, l’obligation de prester de l’assureur cesse lorsque l’accident ne constitue pas (plus) la cause naturelle et adéquate du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l’accident. Tel est le cas lorsque l’état de santé de l’intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l’accident (statu quo ante) ou à celui qui serait survenu tôt ou tard même sans l’accident par suite d’un développement ordinaire (statu quo sine) (RAMA 1994 n° U 206 p. 328 consid. 3b ; RAMA 1992 n° U 142 p. 75 consid. 4b). En principe, on examinera si l’atteinte à la santé est encore imputable à l’accident ou ne l’est plus (statu quo ante ou statu quo sine) selon le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 126 V 360 consid. 5b ; ATF 125 V 195 consid. 2 ; RAMA 2000 n° U 363 p. 46).
5.3 En vertu de l’art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l’atteinte à la santé n’est que partiellement imputable à l’accident. Si un accident n’a fait que déclencher un processus qui serait de toute façon survenu sans cet événement, le lien de causalité naturelle entre les symptômes présentés par l’assuré et l’accident doit être nié lorsque l’état maladif antérieur est revenu au stade où il se trouvait avant l’accident (statu quo ante) ou s’il est parvenu au stade d’évolution qu’il aurait atteint sans l’accident (statu quo sine) (RAMA 1992 n° U 142 p. 75 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_441/2017 du 6 juin 2018 consid. 3.2). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n’est pas rétabli, l’assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l’état maladif préexistant, dans la mesure où il a été causé ou aggravé par l’accident (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1003/2010 du 22 novembre 2011 consid. 1.2 et 8C_552/2007 du 19 février 2008 consid. 2).
5.4 Le droit à des prestations d’assurance suppose en outre l’existence d’un lien de causalité adéquate entre l’accident et l’atteinte à la santé. La causalité est adéquate si, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s’est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2 et ATF 125 V 456 consid. 5a et les références). En présence d’une atteinte à la santé physique, le problème de la causalité adéquate ne se pose toutefois guère, car l’assureur-accidents répond aussi des complications les plus singulières et les plus graves qui ne se produisent habituellement pas selon l’expérience médicale (ATF 118 V 286 consid. 3a et ATF 117 V 359 consid. 5d/bb ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 351/04 du 14 février 2006 consid. 3.2).
6.
6.1 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l’accident, l’incapacité de travail, l’invalidité, l’atteinte à l’intégrité physique ou mentale) supposent l’instruction de faits d’ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l’assuré à des prestations, l’administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).
6.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n’est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).
Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d’apprécier certains types d’expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).
6.2.1 Ainsi, le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d’un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu’aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l’assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l’objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l’égard de l’assuré. Ce n’est qu’en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l’impartialité d’une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l’importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l’impartialité de l’expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).
Dans une procédure portant sur l’octroi ou le refus de prestations d’assurances sociales, lorsqu’une décision administrative s’appuie exclusivement sur l’appréciation d’un médecin interne à l’assureur social et que l’avis d’un médecin traitant ou d’un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes suffisants quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l’un ou sur l’autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l’art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_301/2013 du 4 septembre 2013 consid. 3).
6.2.2 Une appréciation médicale, respectivement une expertise médicale établie sur la base d’un dossier n’est pas en soi sans valeur probante. Une expertise médicale établie sur la base d’un dossier peut avoir valeur probante pour autant que celui-ci contienne suffisamment d’appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel de l’assuré (RAMA 2001 n° U 438 p. 346 consid. 3d). L’importance de l’examen personnel de l’assuré par l’expert n’est reléguée au second plan que lorsqu’il s’agit, pour l’essentiel, de porter un jugement sur des éléments d’ordre médical déjà établis et que des investigations médicales nouvelles s’avèrent superflues. En pareil cas, une expertise médicale effectuée uniquement sur la base d’un dossier peut se voir reconnaître une pleine valeur probante (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_681/2011 du 27 juin 2012 consid. 4.1 et les références).
6.2.3 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l’expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S’il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l’objectivité ou l’impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l’éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l’existence d’éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).
7. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3, ATF 126 V 353 consid. 5b, ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).
8.
8.1 La procédure dans le domaine des assurances sociales est régie par le principe inquisitoire d’après lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d’office par l’assureur (art. 43 al. 1 LPGA) ou, éventuellement, par le juge (art. 61 let. c LPGA). Ce principe n’est cependant pas absolu. Sa portée peut être restreinte par le devoir des parties de collaborer à l’instruction de l’affaire. Celui-ci comprend en particulier l’obligation de ces dernières d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 ; VSI 1994, p. 220 consid. 4).
8.2 Dans le contexte de la suppression du droit à des prestations, la règle selon laquelle le fardeau de la preuve appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (RAMA 2000 n° U 363 p. 46) entre seulement en considération s’il n’est pas possible, dans le cadre du principe inquisitoire, d’établir sur la base d’une appréciation des preuves un état de fait qui au degré de vraisemblance prépondérante corresponde à la réalité (ATF 117 V 261 consid. 3b et les références). La preuve de la disparition du lien de causalité naturelle ne doit pas être apportée par la preuve de facteurs étrangers à l’accident. Il est encore moins question d’exiger de l’assureur-accidents la preuve négative, qu’aucune atteinte à la santé ne subsiste plus ou que la personne assurée est dorénavant en parfaite santé. Est seul décisif le point de savoir si les causes accidentelles d’une atteinte à la santé ne jouent plus de rôle et doivent ainsi être considérées comme ayant disparu (arrêt du Tribunal fédéral 8C_441/2017 du 6 juin 2018 consid. 3.3).
9. Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références ; ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 – Cst; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b, ATF 122 V 157 consid. 1d).
10. L’assureur-accidents a la possibilité de mettre fin avec effet ex nunc et pro futuro à son obligation d’allouer des prestations, qu’il avait initialement reconnue en versant des indemnités journalières et en prenant en charge les frais de traitement, sans devoir se fonder sur un motif de révocation (reconsidération ou révision procédurale), sauf s’il réclame les prestations allouées (ATF 133 V 57 consid. 6.8; arrêt du Tribunal fédéral 8C_3/2010 du 4 août 2010 consid. 4.1). Ainsi, il peut liquider le cas en invoquant le fait que selon une appréciation correcte de l’état de fait, un événement assuré n’est jamais survenu (ATF 130 V 380 consid. 2.3.1). Le Tribunal fédéral des assurances a précisé en outre que les frais de traitement et l’indemnité journalière ne constituent pas des prestations durables au sens de
l’art. 17 al. 2 LPGA, de sorte que les règles présidant à la révision des prestations visées par cette disposition légale (cf. ATF 137 V 424 consid. 3.1 et la référence) ne sont pas applicables (ATF 133 V 57 consid. 6.7). En revanche, l’arrêt des rentes d’invalidité ou d’autres prestations versées pour une longue période est soumis aux conditions d’adaptation, reconsidération et révision procédurale
(ATF 130 V 380 consid. 2.3.1). La jurisprudence réserve les cas dans lesquels le droit à la protection de la bonne foi s’oppose à une suppression immédiate des prestations par l’assureur-accidents (ATF 130 V 380 consid. 2.3.1).
11.
11.1 Faisant siennes les appréciations des 15 mars et 12 juillet 2023 de son médecin-conseil, l’intimée considère que le statu quo sine vel ante était rétabli six mois après l’accident du 13 octobre 2022 et qu’ainsi, elle était en droit de mettre un terme à l’octroi des prestations avec effet le 13 avril 2022 au soir.
Pour sa part, le recourant conteste, en substance, la survenance de ce statu quo six mois après l’accident du 13 octobre 2022. Se fondant sur le rapport du 13 juin 2023 de la Dre E______, il soutient qu’il n’existerait aucune cause autre que cet accident pour expliquer les lésions à son épaule gauche et l’incapacité de travail en découlant. Il ajoute que cette incapacité était toujours d’actualité le
1er novembre 2023, soit bien au-delà de la date du 13 avril 2022 retenue pour l’arrêt des prestations.
11.2 La Cour de céans constate que l’IRM de l’épaule gauche, réalisée à l’Hôpital de la Tour le 6 décembre 2022, objective une dégénérescence graisseuse partielle de stade III selon Goutallier pour le muscle sous-scapulaire et de stade II pour le reste des muscles de la coiffe (cf. pièce 7 intimée). Étant donné que le Dr F______ et la Dre E______ s’en font tous deux l’écho (cf. pièces 9 et 22 intimée), mais avec des avis différents sur l’origine des lésions de la coiffe des rotateurs, il est nécessaire d’examiner si l’avis du Dr F______ peut se voir reconnaître valeur probante.
Dans son rapport du 12 juillet 2023, ce médecin-conseil retient que l’accident du 13 octobre 2022 n’a occasionné qu’une contusion de l’épaule gauche, ayant aggravé passagèrement – durant six mois – un état antérieur. Pour parvenir à cette conclusion, il explique que la dégénérescence graisseuse de stade II à III, l’amyotrophie et la rétraction tendineuse de stade II à III, visualisées par l’IRM du 6 décembre 2022, sont des éléments objectifs permettant de dire que la lésion de la coiffe des rotateurs précédait d’au moins deux à trois ans l’accident.
Pour sa part, la Dre E______ indique dans son rapport du 3 janvier 2023 que le recourant « présente dans les suites d’un accident, une rupture complète de la coiffe gauche ». Elle précise, le 13 juin 2023, que cette affection a pour origine l’accident du 13 octobre 2022, sans qu’un état antérieur ait participé à l’atteinte.
La Cour de céans relève que le seul diagnostic en lien de causalité avec l’accident retenu par le Dr F______, à savoir une contusion de l’épaule gauche, a également été posé par le Dr C______ dans son rapport du 30 octobre 2022. Pour le surplus, les explications du Dr F______ sur l’antériorité de la lésion de la coiffe des rotateurs sont claires et précises et se fondent sur un examen complet du dossier, en particulier des documents d’imagerie.
Pour sa part, la Dre E______, n’explique dans aucun de ses rapports pour quelle raison elle attribue les lésions de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche au seul événement du 13 octobre 2022, bien qu’elle ait rapporté, le 3 janvier 2023, la présence « d’une dégénérescence graisseuse type 3 de Goutallier au niveau du tendon sous-scapulaire » (pièce 9 intimée). On rappellera à cet égard que le fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu’après la survenance d’un accident ne suffit pas en soi à établir un rapport de causalité naturelle avec cet événement (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc » ; ci-dessus : consid. 5.1).
Il s’ensuit qu’en l’absence d’explications plus poussées sur l’étiologie des lésions de l’épaule gauche, les appréciations non motivées de la Dre E______ sont dépourvues de valeur probante. D’autre part, celles-ci ne laissent pas subsister
de doutes suffisants quant à la fiabilité et la pertinence des conclusions du
Dr F______. Ainsi, le rapport du 12 juillet 2023 de ce médecin-conseil, qui est bien motivé, peut se voir reconnaître valeur probante.
11.3 D’avis contraire, le recourant fait valoir que le Dr F______ ne l’a jamais examiné, contrairement à ses médecins traitants.
Cet élément n’a pas le poids que le recourant lui attribue. En effet, les documents d’imagerie versés au dossier sont apparemment suffisamment explicites pour que le Dr F______ puisse porter un jugement sur les éléments qu’il juge pertinents (dégénérescence graisseuse de stade II à III). Puisque les mêmes remaniements dégénératifs sont également relevés par la Dre E______, on peut considérer qu’ils sont bien établis. En conséquence, l’absence d’examen personnel du recourant par le Dr F______ n’est pas de nature à priver le rapport du 12 juillet 2023 de sa valeur probante.
11.4 Compte tenu de ce qui précède, la Cour de céans considère qu’il est établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’accident du 13 octobre 2022 a déstabilisé durant six mois un état dégénératif antérieur à l’épaule gauche et qu’à compter du 14 avril 2023, les troubles résiduels à l’épaule gauche résultaient exclusivement de causes étrangères à cet accident. En conséquence, l’intimée était fondée à mettre un terme à l’octroi des prestations légales (prestations pour soins et indemnités journalières) avec effet le 13 avril 2023 au soir.
12. Il s’ensuit que le recours doit être rejeté.
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).
***
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. Le rejette.
3. Dit que la procédure est gratuite.
4. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Diana ZIERI |
| La présidente
Karine STECK
|
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le