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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2821/2024

ATAS/8/2025 du 14.01.2025 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2821/2024 ATAS/8/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 14 janvier 2025

Chambre 2

 

En la cause

A______

 

 

recourant

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Le 16 mai 2022, l’entreprise individuelle B______ (ci-après : l’entreprise) a adressé à la CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS (ci-après : la SUVA ou l’intimée) une déclaration de sinistre concernant Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né en 1990, indiquant que celui-ci s’était entaillé la main en utilisant une disqueuse et était en incapacité de travail dès ce jour.

b. La SUVA a versé des indemnités journalières de CHF 245.05 à l’assuré pour les suites de cet événement.

c. Par courriel du 11 janvier 2023, le service pénitentiaire du canton de Vaud a informé la SUVA que l’assuré était incarcéré et que son état de santé avait requis des soins en lien avec son accident.

d. Le 31 janvier 2023, la SUVA a annoncé à l’assuré la suspension des prestations en raison de son incarcération.

e. Selon une attestation du service pénitentiaire vaudois adressée à la SUVA par l’assuré en avril 2023, celui-ci a été incarcéré du 12 octobre 2022 au 8 février 2023. Il ressort de l’extrait d’un jugement qu’il a également transmis à la SUVA que cette incarcération a eu lieu en vue de l’exécution de la peine privative de liberté de 130 jours prononcée le 3 mai 2022 par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne.

f. Le 15 mai 2023, l’assuré a transmis à la SUVA une attestation de couverture d’assurance-maladie depuis septembre 2022 concernant C______, née en 2012, dont il a dit qu’il s’agissait de sa fille.

g. Par décision du 2 février 2024, la SUVA a indiqué qu’au vu du fait que l’assuré avait un enfant à charge, elle suspendait le paiement des indemnités journalières à hauteur de 50% durant l'exécution de la peine, soit du 12 octobre 2022 au 8 février 2023.

Elle a écarté l’opposition de l’assuré par décision du 2 juillet 2024. Relevant que celui-ci avait soutenu dans son opposition avoir droit aux indemnités journalières durant son incarcération, dès lors qu’il n’aurait pas pu exercer une activité avec rétribution en prison puisqu’il était alors en incapacité de travail, la SUVA s’est référée à un courriel du 28 juin 2024 du service pénitentiaire du canton de Vaud, aux termes duquel l’assuré percevait une rémunération pour son activité au sein de la prison, laquelle n’était pas un salaire et n’était pas soumise aux cotisations sociales selon une directive interne de l’office fédéral des assurances sociales. La SUVA en a déduit que l’assuré n’était pas en mesure de réaliser un gain durant son incarcération, celle-ci étant une peine privative de liberté sans possibilité de travail.

B. a. Par écriture du 3 septembre 2024, l’assuré, par sa mandataire, a interjeté recours contre la décision de la SUVA du 2 juillet 2024 auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales). Il a conclu, sous suite de dépens, préalablement à l’octroi d’un délai de 30 jours pour compléter son recours, affirmant ne pas encore être en possession de tous les éléments permettant de le motiver, à ce qu’il soit autorisé à modifier, voire amplifier ses conclusions, à son audition, à l’apport du dossier de l’intimée ; principalement à l’annulation de la décision de l’intimée, et au renvoi de la cause à cette autorité pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

b. Le 20 septembre 2024, l’avocate du recourant a informé la chambre de céans qu’elle avait cessé d’occuper.

c. Le 23 septembre 2024, la chambre de céans a imparti un délai au 14 octobre 2024 au recourant pour compléter son recours lui-même.

Ce courrier a été adressé par plis simple et recommandé au recourant. L’envoi recommandé a été retourné à la chambre de céans avec la mention « Le destinataire est introuvable à l'adresse indiquée ».

d. Le recourant ne s’étant pas manifesté, la cause a été gardée à juger à l’expiration de ce délai.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA ‑ RS 832.20).

2.             Selon l’art. 61 let. b LPGA, l’acte de recours doit contenir un exposé succinct des faits et des motifs invoqués, ainsi que les conclusions ; si l’acte n’est pas conforme à ces règles, le tribunal impartit un délai convenable au recourant pour combler les lacunes, en l’avertissant qu’en cas d’inobservation le recours sera écarté.

Dans le cas d’espèce, on peut s’interroger sur la recevabilité du recours, nullement motivé, alors que l’avocate du recourant disposait du dossier constitué par l’intimée et était ainsi en mesure de motiver son recours.

Cette question peut cependant rester ouverte, dès lors que le recours doit être rejeté.

3.             Le litige porte sur le point de savoir si c'est à bon droit que l'intimée a suspendu le versement de la moitié des indemnités journalières durant l’incarcération du recourant.

4.             Aux termes de l'art. 21 al. 5 LPGA, si l'assuré subit une mesure ou une peine privative de liberté, le paiement des prestations pour perte de gain peut être partiellement ou totalement suspendu à l'exception des prestations destinées à l'entretien des proches visées à l'al. 3. Selon cet alinéa, dans la mesure où des assurances sociales ayant le caractère d’assurance de perte de gain ne prévoient aucune prestation en espèces pour les proches, les prestations en espèces ne peuvent être réduites en vertu de l’al. 1 que de moitié. Pour l’autre moitié, la réduction prévue à l’al. 2 est réservée.

L'art. 21 al. 5 LPGA est l'expression d'un principe juridique général. L'entrée en vigueur de cette disposition n'a pas modifié la jurisprudence développée antérieurement (arrêt du Tribunal fédéral I 540/05 du 5 décembre 2005 consid. 4.1), selon laquelle la suspension des prestations est justifiée principalement par le fait qu'un détenu invalide ne doit pas tirer d'avantage économique de l'exécution de la peine, dès lors qu'un détenu non invalide perd généralement son revenu dans une telle situation (arrêt du Tribunal fédéral I 540/05 du 5 décembre 2005 consid. 4.1). En effet, le détenu, qui est entretenu par la collectivité publique, perd en règle générale son salaire ou ses revenus professionnels durant l'exécution de sa peine, qu'il soit ou non invalide (ATF 129 V 119 consid. 3.1).

La ratio legis de cette disposition est ainsi de traiter de manière égale les détenus invalides et les détenus valides qui perdent leur revenu pendant une peine privative de liberté. Il est déterminant que la personne soit empêchée de poursuivre une activité lucrative en raison de l'exécution d'une peine. Ce n'est que lorsque le type d'exécution de la peine offre la possibilité à l'assuré d'exercer une activité lucrative et de pourvoir à ses besoins que la rente ne doit pas être suspendue. Ainsi, il est décisif pour une suspension de savoir si une personne non invalide subirait dans la même situation une perte de gain en raison de la privation de liberté (ATF 138 V 281 consid.3.2 et 3.3) Cette disposition est également applicable aux indemnités journalières de l’assurance-accidents (ATF 138 V 140 consid. 3.2).

L'art. 21 al. 5 LPGA est formulé comme une disposition potestative permettant de tenir compte de circonstances particulières, par exemple du fait que l'assuré pourrait exercer une activité lucrative malgré l'exécution d'une peine ou d'une mesure s'il était valide (Ueli KIESER, ATSG-Kommentar, 4ème éd. 2020, n. 169 ad art. 21 LPGA ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_176/2007 du 25 octobre 2007 consid. 4.2), ou encore de la possibilité d'exercer une activité lucrative qui prévaut dans les régimes de la semi-détention ou de la semi-liberté (ATF 141 V 466 consid. 4.3).

5.             Selon l’art. 83 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937(CP - RS 311.0), le détenu reçoit pour son travail une rémunération en rapport avec ses prestations et adaptée aux circonstances. Cette disposition est en lien avec l’art. 81 al. 1 CP, qui prévoit que le détenu est astreint au travail. Ce travail doit correspondre, autant que possible, à ses aptitudes, à sa formation et à ses intérêts.

Selon la jurisprudence, cette obligation de travail ne relève pas d’une activité lucrative. Partant, la suspension de la rente d’un assuré invalide qui ne peut pas, pour des raisons de santé, se conformer à cette obligation, est conforme avec le principe d’égalité de traitement avec les prisonniers valides (arrêt du Tribunal fédéral 8C_176/2007 du 25 octobre 2007 consid. 4.2).

Partant, force est de constater que le recourant n’aurait pas pu exercer une activité lucrative durant l’exécution de sa peine privative de liberté s’il avait été en bonne santé.

La suspension du versement de la moitié des indemnités journalières est ainsi parfaitement conforme au droit, et la décision de l’intimé doit être confirmée.

Force est au demeurant de relever que dès lors que le courriel du 28 juin 2024 du service pénitentiaire du canton de Vaud cité par l’intimée semble indiquer que le recourant, malgré l’incapacité de travail alléguée, a été en mesure de se plier à l’astreinte au travail prévue à l’art. 81 al. 1 CP et a perçu une rémunération, celui‑ci paraît malvenu de se plaindre que son état de santé l’empêchait d’exercer une activité rétribuée en prison.

Par appréciation d’anticipée des preuves, la chambre de céans ne procèdera pas à l’audition du recourant (ATF 130 II 425 consid. 2.1).

6.             Le recours est rejeté, en tant qu’il est recevable.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

1.        Rejette le recours, en tant qu’il est recevable.

2.        Dit que la procédure est gratuite.

3.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Christine RAVIER

 

Le président

 

 

 

 

Blaise PAGAN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le