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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2405/2023

ATAS/1049/2024 du 20.12.2024 ( LAMAL ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2405/2023 ATAS/1049/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 20 décembre 2024

Chambre 9

 

En la cause

A______

 

 

recourant

 

contre

MUTUEL ASSURANCES MALADIE SA

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1988, a été employé par l’entreprise B______ (ci-après : l’employeur) du 13 septembre 2019 au 30 novembre 2021, en tant qu’audit référent en sécurité.

b. À ce titre, il était assuré auprès de MUTUEL ASSURANCE MALADIE SA (ci-après : l’assureur) via une assurance collective d’indemnités journalières.

B. a. Par certificat d’arrêt de travail du 19 juillet 2021, le docteur C______, du Centre hospitalier Alpes Léman, a attesté d’une incapacité de travail de l’assuré du 19 juillet au 1er août 2021 en raison d’une « pathologie médicale ».

b. Le 22 juillet 2021, l’employeur a annoncé à l’assureur l’incapacité de travail à 100% de l’assuré depuis le 8 juillet 2021.

c. Le 8 novembre 2021, sur demande de l’assureur, le docteur D______, psychiatre traitant de l’assuré, a rempli un rapport médical LAMal, dans lequel il a posé le diagnostic de « syndrome d’épuisement professionnel » présent depuis juillet 2021. Les symptômes étaient de l’anxiété, une variation thymique et de la fatigabilité. L’arrêt de travail résultait de difficultés liées à des problèmes professionnels. Le médecin a fait état d’une relation conflictuelle avec la cheffe de l’assuré, une surcharge de travail et une ambiance moyenne. À la question de savoir si la capacité de travail serait influencée de manière positive si le patient avait une nouvelle place de travail, le médecin a répondu positivement. Sa capacité de travail était nulle du 2 novembre au 2 décembre 2021. Dans une activité adaptée, elle était de 50% dès janvier 2022, puis de 100% dès février 2022.

Le médecin a établi des certificats médicaux les 30 septembre, 2 novembre et 2 décembre 2021, 4 janvier, 4 février, 4 mars, 4 avril, 7 mai, 9 juin et 8 juillet 2022, attestant d’une incapacité de travail de 100% du 1er octobre 2021 au 10 août 2022.

d. Le 15 février 2022, l’assurance a informé l’assuré avoir mandaté la docteure E______, psychiatre, pour la mise en œuvre d’une expertise médicale.

La Dre E______ a rendu son expertise le 8 avril 2022, après un entretien avec l’assuré. Elle a retenu un épisode dépressif sévère, sans symptômes psychotiques et une incapacité de travail de 100%. Aucune reprise de l’activité habituelle n’était envisageable, étant précisé que l’assuré souhaitait reprendre une activité dans son domaine. L’assuré présentait un effondrement psychique se manifestant par des sentiments de désespoir et des difficultés majeures de fonctionnement psychique et social, renforcées par l’absence de perspectives. Son état dépressif avait un fort impact sur sa capacité de travail (estime de soi détériorée, difficultés majeures d’organisation et de concentration). Il devait suivre un traitement régulier comportant la prise de médicaments et un suivi psychothérapeutique. Il pourrait également bénéficier de l’accompagnement d’un coach pour la réorganisation de son quotidien. L’observance du traitement par le patient est moyenne en raison des difficultés financières.

L’assuré présentait une humeur dépressive, avec diminution de l’intérêt et du plaisir, un ralentissement psychomoteur important, une perte de l’élan vital dans tous les domaines de la vie. Des sentiments persistants de dévalorisation et de culpabilité excessive, avec baisse de l’estime et de la confiance, une diminution de l’aptitude à penser, un sentiment de perte d’espoir et un pessimisme persistant.

e. Dans un rapport médical du 11 mai 2022, le Dr F______ a relevé que cette expertise était « moyennement convaincante ». Le descriptif du quotidien était lacunaire et le diagnostic d’épisode dépressif sévère ne lui semblait pas corroboré en raison de l’absence de ralentissement psychomoteur (sa démarche était rapide, son ton affirmé et le débit vocal était dans la norme), de troubles cognitifs et d’idées suicidaires. Il était d’accord avec une prolongation de l’incapacité de travail si le traitement était « suivi correctement ».

f. Dans un rapport médical LAMal du 10 août 2022, le Dr D______ a confirmé le diagnostic avec répercussion sur la capacité de travail de syndrome d’épuisement professionnel depuis juillet 2021 et a relevé que l’état de santé de l’assuré avait évolué favorablement et qu’il pouvait reprendre le travail le 11 août 2022.

g. Par courrier du 16 septembre 2022, l’assureur a invité l’assuré à se rendre auprès du docteur G______, psychiatre, pour se soumettre à une nouvelle expertise.

Le Dr G______ a rendu son rapport d’expertise le 22 septembre 2022, après avoir reçu l’assuré en entretien le 21 septembre 2022. Il a retenu les diagnostics, avec répercussion sur la capacité de travail, de trouble de l’adaptation avec réaction dépressive prolongée, actuellement en rémission partielle et une modification durable traumatique de la personnalité, réactionnel à une surcharge personnelle (difficultés financières, plus de nouvelles de la mère de sa fille, amende de CHF 15'000.- et emprisonnement de huit mois suite à une bagarre). Il a également retenu des difficultés liées à l’emploi et au chômage n’ayant pas d’incidence sur la capacité de travail. Tenant compte de l’ensemble du tableau clinique et en fonction de l’évolution actuelle, il estimait que sa capacité de travail
médico-théorique était nulle dans son activité habituelle. La profession actuelle n’était pas adaptée d’un point de vue psychiatrique. Dans une activité adaptée, sa capacité de travail était nulle jusqu’au 31 janvier 2023 et de 100% sans diminution de rendement dès le 1er février 2023. Le médecin-conseil pouvait exiger un monitoring sanguin régulier d’un traitement antidépresseur pour valider la suite des arrêts maladie. Il recommandait la détection précoce de l’assurance-invalidité. La prise en charge actuelle n’était pas adéquate et un suivi psychothérapeutique hebdomadaire et un traitement antidépresseur étaient exigibles. Le traitement antidépresseur devrait être maintenu six mois après la disparition symptomatique, afin de diminuer le risque de rechute dépressive, ce qui influencerait positivement le pronostic psychiatrique.

D’un point de vue purement psychiatrique, il ne retenait pas de limitations fonctionnelles aussi significatives « comme auparavant » (ralentissement psychomoteur, troubles de la concentration), mais il existait des symptômes dépressifs encore présents et un risque de rechute dépressive, dans le contexte d’une modification durable traumatique de la personnalité. Il ne retenait pas d’exagération consciente des plaintes. Sa souffrance était réelle et ses arrêts maladie étaient justifiés.

h. Le 30 septembre 2022, le médecin-conseil de l’assureur a répondu négativement à la question de savoir si le rapport d’expertise lui apparaissait pertinent et convaincant. Son évaluation n’avait aucune validité au vu des nombreuses incohérences, et d’une réalisation non conforme. L’expert n’avait pas la certification d’expertise. Il notait la présence d’une psychologue dont on ignorait le rôle, et qui n’était pas nécessaire dans le cadre d’une expertise psychiatrique. Le plan détaillé était confus : le retentissement des plaintes semblait correspondre au positionnement de l’expert, et était énoncé avant même la confrontation entre anamnèse, plaintes et constats, avec analyse de la cohérence de l’ensemble et la détermination des limitations fonctionnelles, ce qui n’était pas logique. Le plan contenait de très nombreuses sous-parties, ce qui diminuait la lisibilité. L’examen clinique semblait morcelé au lieu d’être réalisé d’un seul bloc, ce qui altérait la lisibilité de manière importante. Il notait la présence de nombreuses échelles psychométriques qui n’avaient aucune valeur en contexte d’expertise. Le test des matrices de Raven était improprement utilisé. Les conclusions aboutissaient à un trouble de l’adaptation en rémission partielle alors que l’examen de l’ensemble des critères de dépression ne reconnaissait aucun retentissement d’aucun symptôme. Il était conclu à un trouble de l’adaptation, avant même l’examen des symptômes anxieux, ce qui était « complètement aberrant ». L’examen de la personnalité était « clairement lacunaire », avec une conclusion sans aucune argumentation valable et qui semblait s’affranchir totalement de la définition CIM-10. Il évoquait des limitations fonctionnelles encore partiellement présentes sans mentionner lesquelles. Il n’y avait eu aucune discussion à propos du comportement de l’assuré qui avait refusé la prise de sang. L’allégation concernant le caractère « justifié » des arrêts maladie n’était pas du tout argumentée. Alors que l’expert relevait des limitations encore partielles, il concluait à la prolongation de l’incapacité de travail de 100% pendant plusieurs mois, ce qui était totalement contradictoire. Le trouble de l’adaptation était par définition un trouble léger et limité, et le fait qu’il soit en rémission partielle signifiait encore moins de limitations. Aucune justification n’était fournie pour considérer que la profession antérieure était inadaptée. Il était d’ailleurs contradictoire de dire que la profession était inadaptée et que le « dernier emploi était adapté d’un point de vue psychiatrique ». Il y avait une contradiction entre le diagnostic de trouble de l’adaptation et la soi-disant exigibilité du monitoring d’un antidépresseur, alors qu’un trouble de l’adaptation ne justifiait aucunement la prescription d’un antidépresseur. Il y avait une méconnaissance du rôle du médecin-conseil, qui n’avait pas le pouvoir d’exiger un monitoring sanguin. Enfin, il y avait une contradiction entre l’indication de symptômes anxieux et dépressifs résiduels et le diagnostic faisant état de réaction dépressive prolongée et le status clinique qui ne montrait aucun symptôme anxieux.

i. Par décision du 7 octobre 2022, l’assureur a informé l’assuré que selon le rapport médical de son psychiatre traitant, il avait une pleine capacité de travail depuis le 11 août 2022, si bien que ses prestations prendraient fin au 31 octobre 2022 au plus tard.

j. Le 28 octobre 2022, l’assuré a formé opposition à cette décision. Son psychiatre n’avait plus voulu continuer la prise en charge en raison d’un différend. Il était suivi par le docteur H______, médecin généraliste, qui avait attesté d’une incapacité de travail à 100% du 10 août au 10 novembre 2022 (cf. certificats médiaux du Dr H______ des 11 août 2022, 12 septembre 2022 et 10 octobre 2022).

k. Le 28 décembre 2022, l’assureur a reçu en retour sa demande de rapport médical du 1er décembre 2022 adressé au Dr H______ avec la mention « Patient vu en garde – je ne suis pas le médecin traitant. Merci ». Le questionnaire est barré.

l. Le 6 janvier 2023, l’assureur a invité l’assuré à se rendre auprès de la Dre E______, psychiatre, pour se soumettre à une nouvelle expertise.

La Dre E______ a rendu son rapport d’expertise le 7 mars 2023, après avoir reçu l’assuré en entretien le 30 janvier 2023. Elle a confirmé le diagnostic déjà retenu à l’issue de son évaluation précédente ainsi qu’une incapacité de travail totale. L’assuré présentait un effondrement psychique se manifestant par des sentiments de désespoir et par des difficultés majeures de fonctionnement psychique et social, renforcées par l’absence de perspectives et par son attitude passive. Il présentait une symptomatologie concordante avec les troubles invoqués, sa situation sociale représentant un facteur autant causal qu’aggravant cet état. Son attitude passive, voire revendicatrice ne lui permettait pas non plus d’utiliser les rares ressources qu’il pourrait encore mobiliser. Les limitations fonctionnelles présentes ne découlaient pas seulement de son état psychique mais également de son attitude et des suites des comportements qu’il a eus dans le passé. L’état dépressif que l’assuré présentait ainsi que la désinsertion sociale que cet état avait aggravée avaient un fort impact sur sa capacité de travail (estime de soi très détériorée, difficultés majeures d’organisation et de concentration). Il devrait être accompagné autant sur le plan psychique que professionnel dans un milieu protégé afin de lui permettre une reprise de travail dans n’importe quelle profession.

m. Par avis du 14 mars 2023, le médecin-conseil de l’assureur a nié toute valeur probante à l’expertise. Devant le nombre d’atypies, le manque d’argumentation, l’absence d’analyse rétroactive avec reconstitution de l’évolution depuis le début de l’incapacité de travail, de l’absence de discussion des indicateurs du Tribunal fédéral (notamment complexe de la personnalité, contexte social, cohérence des plaintes, aspect du poids de la souffrance par rapport aux traitements mis en œuvre recherchés), l’expertise apparaissait peu convaincante et ne permettait pas de prendre position de manière suffisamment solide. Il a relevé que l’expertise était succincte. La description faite de la situation de l’assurée était dramatique « de bout en bout » mais l’assuré n’avait pas de suivi. Le descriptif du parcours scolaire et professionnel n’était pas daté et on peinait à comprendre la chronologie. Les plaintes évoquaient une impulsivité et des « signes d’inattention », sans que l’on ne comprenne ce que cela signifiait en pratique. L’assuré présentait un foetor alcoolique ; or l’experte n’avait nullement évoqué que l’examen clinique pouvait être faussé et la symptomatologie pouvait être induite par cette intoxication. L’attitude de l’assuré n’était pas une attitude habituelle en présence d’un épisode dépressif sévère. Les capacités de concentration en consultation n’étaient pas mentionnées. Il n’était pas indiqué si l’assuré présentait une attitude théâtrale, démonstrative ou dramatisante. L’experte évoquait pourtant une attitude revendicatrice par moment, et une attitude passive. Les fluctuations étaient atypiques, d’autant que l’assuré voulait « faire une formation pour changer de domaine », alors que l’état clinique ne devrait pas aboutir à un changement de profession mais à un traitement de ses troubles. Le diagnostic d’épisode dépressif sévère n’était pas clairement argumenté. La consommation d’alcool n’avait pas été questionnée, alors même qu’un foetor alcoolique avait été détecté.

n. Le 17 mars 2023, l’assureur a invité l’assuré à se rendre auprès du docteur I______, psychiatre, pour se soumettre à une nouvelle expertise médicale.

Le Dr I______ a rendu son rapport d’expertise le 4 mai 2023 après avoir reçu l’assuré en entretien le 28 mars 2023. Il a retenu le diagnostic, avec effet sur la capacité de travail, de trouble modéré de la personnalité. Il également retenu, comme diagnostics sans effet sur la capacité de travail, un épisode dépressif, actuellement en rémission et une dépendance à l’alcool. La capacité de travail était de 100%, avec une diminution de rendement de 20%, depuis le 11 août 2022. Les symptômes exprimés par l’assuré étaient extrêmement protéiformes. Il y avait clairement un comportement d’amplification des symptômes. Ses limitations fonctionnelles étaient en lien avec la structure de personnalité avec des difficultés dans les relations interpersonnelles en raison de la méfiance et d’attitudes projectives, ce qui pouvait conduire à des difficultés au niveau professionnel.

o. Par décision sur opposition du 15 mai 2023, l’assureur a confirmé sa décision. S’agissant des rapports d’expertise des Drs G______ et E______, son médecin-conseil avait longuement expliqué pourquoi il ne pouvait pas leur accorder de valeur probante. L’expertise du Dr I______ remplissait entièrement les réquisits de la jurisprudence pour qu’une pleine capacité de travail lui soit accordée. Or, le degré d’incapacité de travail de 20% était insuffisant pour ouvrir un droit à des prestations selon les Conditions générales de l'assurance collective d'une indemnité journalière selon la LAMal dans leur édition du 1er janvier 2018 (CGA).

C. a. Par acte réceptionné par l’assureur le 14 juin 2023, l’assuré a contesté cette décision, faisant valoir que quatre médecins avaient des conclusions différentes. Il sollicitait une nouvelle expertise.

Cette écriture a été transmise à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice pour raison de compétence.

b. Par réponse du 1er septembre 2023, l’assureur a conclu au rejet du recours. L’assuré ne fournissait aucun élément nouveau permettant de mettre en doute la valeur probante du rapport d’expertise du Dr I______. Sa demande d’expertise devait être rejetée.

c. L’assuré n’a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.

d. Par pli du 21 juin 2024, la chambre de céans a invité la Dre E______ à se déterminer sur l’appréciation du médecin-conseil du 7 mars 2023 ainsi que sur le rapport d’expertise du Dr I______ du 4 mai 2023, en particulier sur les diagnostics retenus.

e. Le 17 septembre 2024, la Dre E______ s’est déterminée sur l’appréciation du médecin-conseil du 7 mars 2023. La grande confusion dans la chronologie des événements pouvait refléter la pathologie de l’assuré, mais était aussi le résultat du manque de soins psychiatriques réguliers et cohérents dont il avait besoin. L’assuré présentait une temporalité narrative quelque peu confuse ; le cours de la pensée était très digressif et le contenu parsemé de ruminations. Il était difficile d’obtenir une chronologie précise. Le foetor alcoolique ne relevait pas d’une imprégnation telle pouvant fausser l’examen clinique. S’agissant de son attitude, il était exact que l’assuré n’était pas complètement replié sur lui-même, comme cela pouvait être observé en présence d’un épisode dépressif sévère. C’était l’ensemble du tableau clinique et la sévérité du laisser-aller de l’assuré qui avaient orienté vers le diagnostic d’épisode dépressif sévère. S’agissant des capacités de concentration, elle avait décrit une chronologie narrative et le discours digressif. À son sens, l’assuré n’avait pas présenté d’attitude théâtrale, démonstrative ou dramatisante. Il était pourtant évident qu’il cherchait autant une reconnaissance de son mal être et du tort subi sur son lieu de travail que de l’aide à le surmonter. S’agissant du rapport d’expertise du Dr I______, elle ne pouvait pas affirmer que sa capacité de travail au 1er août 2022 était de 100% avec une diminution de rendement de 20%. En revanche, elle pouvait confirmer qu’au moment de ses évaluations, l’assuré n’était pas en mesure de travailler.

f. Lors de l’audience de comparution personnelle du 27 septembre 2024, à laquelle l’assuré, non excusé, ne s’est pas présenté, l’assurance a indiqué que la cessation des prestations à compter du mois d’octobre 2022, alors que le psychiatre traitant avait attesté d’une reprise de travail en août 2022 était « à bien plaire ». Elle ignorait la raison pour laquelle l’assurance avait mandaté la Dr E______ une nouvelle fois et pourquoi le Dr I______ (sic : le Dr F______) n’avait pas connaissance de la première expertise de la Dre E______. Elle n’avait aucune nouvelle de l’assuré. Le dossier était suffisamment instruit et une expertise médicale n’était pas nécessaire.

g. Le 2 octobre 2024, l’assurance a produit le rapport médical du Dr F______ du 11 mai 2022. Elle n’avait pas obtenu l’information sur les raisons ayant motivé le choix de solliciter à nouveau la Dre E______.

h. L’assuré ne s’est pas déterminé sur le procès-verbal d’audience dans le délai imparti à cet effet.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 4 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-maladie, du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10).

En l’espèce, le contrat conclu entre l’intimée et l’employeur porte sur le versement d’indemnités journalières selon la LAMal.

Partant, la compétence de la chambre de céans pour juger du cas d’espèce est établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAMal, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-maladie, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.              

3.1 L’art. 67 LAMal dispose que toute personne qui est domiciliée en Suisse ou y exerce une activité lucrative et qui est âgée de 15 ans au moins mais n’a pas atteint l’âge de 65 ans peut conclure une assurance d’indemnités journalières avec un assureur au sens des art. 2 al. 1 ou 3 de la loi fédérale sur la surveillance de l’assurance-maladie sociale (LSLAMal - RS 832.12) (al. 1). L’assurance d’indemnités journalières peut être conclue sous la forme d’une assurance collective. Les assurances collectives peuvent être conclues par des employeurs, pour leurs travailleurs ou pour eux-mêmes (let. a) ; organisations d’employeurs ou des associations professionnelles, pour leurs membres et les travailleurs de leurs membres (let. b) ; organisations de travailleurs, pour leurs membres (let. c) (al. 3).

Aux termes de l’art. 72 LAMal, l’assureur convient avec le preneur d’assurance du montant des indemnités journalières assurées. Ils peuvent limiter la couverture aux risques de la maladie et de la maternité (al. 1). Les prestations prises en charge sont rattachées à la période d’incapacité de travail (al. 1bis). Le droit aux indemnités journalières prend naissance lorsque l’assuré a une capacité de travail réduite au moins de moitié (art. 6 LPGA). À défaut d’accord contraire, le droit prend naissance le troisième jour qui suit le début de la maladie. Le versement des prestations peut être différé moyennant une réduction correspondante du montant de la prime. Lorsque la naissance du droit à l’indemnité journalière est subordonnée à un délai d’attente convenu entre les parties, durant lequel l’employeur est tenu de verser le salaire, ce délai peut être déduit de la durée minimale du versement de l’indemnité journalière (al. 2). Les indemnités journalières doivent être versées, pour une ou plusieurs maladies, durant au moins 720 jours dans une période de 900 jours. L’art. 67 LPGA n’est pas applicable (al. 3).

L'assurance facultative d'indemnités journalières selon les art. 67 ss LAMal est une assurance de perte de gain, et le droit aux indemnités journalières est donc subordonné à ce que l'ayant droit subisse une perte de salaire ou de gain effective en raison d'une atteinte à la santé due à une maladie (arrêt du Tribunal fédéral 9C_131/2020 du 5 février 2021 consid. 3.2).  

3.2 Conformément à l’art. 6 LPGA, est réputée incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l’aptitude de l’assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d’activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d’une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique. En cas d’incapacité de travail de longue durée, l’activité qui peut être exigée de lui peut aussi relever d’une autre profession ou d’un autre domaine d’activité. L’art. 6 LPGA deuxième phrase codifie le principe de l’obligation de diminuer le dommage. Dans l'hypothèse où un assuré doit s'astreindre à changer de profession, la caisse doit l'avertir à ce propos et lui accorder un délai adéquat – pendant lequel les indemnités journalières versées restent dues – pour s'adapter aux nouvelles conditions ainsi que pour trouver un emploi. Dans la pratique, un délai de trois à cinq mois imparti dès l'avertissement de l’administration doit en règle générale être considéré comme adéquat (arrêt du Tribunal fédéral 9C_546/2007 du 28 août 2008 consid. 3.4 et les références).

3.3 La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanant d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel la CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.2 et 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_841/2016 du 30 novembre 2017 consid. 4.5.2).

En règle générale, toutes les affections psychiques doivent faire l’objet d’une procédure probatoire structurée au sens de l’arrêt ATF 141 V 281 (ATF 143 V 418). Ainsi, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d’une procédure d’établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant de mettre en regard les facteurs extérieurs incapacitants d’une part et les ressources de compensation de la personne d’autre part (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4 ; ATAS/700/2021 du 29 juin 2021 consid. 14 ; voir également : ATF 143 V 409 consid. 4.5.2). Dans ce cadre, il convient d’évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives
de la personne concernée en tenant compte, d’une part, des facteurs contraignants extérieurs limitant les capacités fonctionnelles et, d’autre part, les potentiels
de compensation (ressources). Les indicateurs pertinents sont notamment l’expression des constatations et des symptômes, le recours aux thérapies, leur déroulement et leurs effets, les efforts de réadaptation professionnelle, les comorbidités, le développement et la structure de la personnalité, le contexte social de la personne concernée ainsi que la survenance des restrictions alléguées dans les différents domaines de la vie (travail et loisirs ; cf. ATAS/676/2019 du 26 juillet 2019 consid. 10a ; ATAS/856/2019 du 12 septembre 2019 consid. 6).

Le diagnostic émanant d’un expert (psychiatre) doit être justifié médicalement de telle manière que les personnes chargées d’appliquer le droit puissent vérifier que les critères de classification ont été effectivement respectés. Les médecins doivent en outre prendre en considération les critères d’exclusion de ce diagnostic retenus par la jurisprudence (ATF 141 V 281 consid. 2.1.1. et 2.2).

Un expert psychiatre doit se voir reconnaître une certaine marge d’appréciation dans l’appréciation de l’incapacité de travail dès lors qu’une telle appréciation médicale est par essence en partie une question d’appréciation (ATF 145 V 361 consid. 4.1.2 ; ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.3 ; ATF 130 V 352 consid. 2.2.4).

3.4 Pour trancher le droit aux prestations, le juge a besoin de documents que le médecin ou d'autres spécialistes doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 ; ATF 115 V 133 consid. 2). Selon le principe de la libre appréciation des preuves (art. 61 let. c LPGA), le tribunal apprécie librement les preuves médicales qu'il a recueillies, sans être lié par des règles formelles, en procédant à une appréciation complète et rigoureuse des preuves. Le tribunal doit examiner objectivement tous les documents à disposition, quelle que soit leur provenance, puis décider s'ils permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. S'il existe des avis contradictoires, il ne peut trancher l'affaire sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion plutôt qu'une autre (ATF 143 V 124 consid. 2.2.2). En ce qui concerne la valeur probante d'un rapport médical, ce qui est déterminant c'est que les points litigieux aient fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu'il ait été établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la description du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de l'expert soient dûment motivées. Au demeurant, l'élément déterminant pour la valeur probante n'est ni l'origine du moyen de preuve ni sa désignation comme rapport ou comme expertise, mais bel et bien son contenu (arrêt du Tribunal fédéral 9C_453/2017 du 6 mars 2018 consid. 4.2).  

3.5 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 137 V 210 consid. 1.3.4 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; 125 V 351 consid. 3b/bb).

Le but des expertises multidisciplinaires est de recenser toutes les atteintes à la santé pertinentes et d'intégrer dans un résultat global les restrictions de la capacité de travail qui en découlent. L'évaluation globale et définitive de l'état de santé et de la capacité de travail revêt donc une grande importance lorsqu'elle se fonde sur une discussion consensuelle entre les médecins spécialistes participant à l'expertise. La question de savoir si, et dans quelle mesure, les différents taux liés aux limitations résultant de plusieurs atteintes à la santé s'additionnent, relève d’une appréciation spécifiquement médicale, dont le juge ne s'écarte pas, en principe (cf. ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.3 ; cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_162/2023 du 9 octobre 2023 consid. 2.3 et les références).

Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 135 V 465 consid. 4.5 et les références ; 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; SVR 2008 IV n. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).

Ces principes sont également applicables en matière de litiges portant sur le droit à des indemnités journalières selon la LAMal (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_838/2018 du 14 février 2019 consid. 2.2).

3.6 Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde généralement sa décision sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; voir également ATF 133 III 81 consid. 4.2.2 et les références). En droit des assurances sociales, il n'existe par conséquent pas de principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

3.7 En l’espèce, le contrat conclu entre l’employeur et l’intimée dès le 1er janvier 2018 a pour objet la couverture des conséquences économiques d’une incapacité de travail résultant de la maladie, de la maternité et de l’accident, pour autant que ce risque soit inclus dans le contrat, conformément à l’art. 1 CGA. La police prévoit le versement d’indemnités journalières en cas de maladie correspondant à 80% du salaire durant 730 jours, avec imputation d’un délai d’attente de 14 jours. L’indemnité journalière est allouée proportionnellement au degré d’incapacité qui doit être d’au moins 25%. Les jours d’incapacité inférieurs à ce taux ne sont pas pris en compte pour le calcul de la durée des prestations et du délai d’attente (art. 12 al. 2 CGA).

Dans sa décision du 7 octobre 2022, l’intimée a mis un terme au versement des indemnités journalières au 31 octobre 2022, se fondant sur le rapport médical du Dr D______ du 10 août 2022, lequel constate qu’une reprise de travail à 100% était raisonnablement exigible dans toute activité. Dans sa décision sur opposition, l’intimée a confirmé la fin des prestations au 31 octobre 2022. Elle s’est fondée, en cela, sur l’expertise du Dr I______, laquelle conclut à une capacité de travail de 100%, avec une diminution de rendement de 20% dès le 11 août 2022.

Le recourant reproche à l’intimée de s’être fondée sur l’expertise du Dr I______ alors que les trois précédentes expertises mises en œuvre par l’assurance retenaient une incapacité de travail totale à cette date. Il sollicite une nouvelle expertise compte tenu des divergences d’opinion des différents médecins.

En l’occurrence, le rapport du Dr I______ du 4 mai 2023 a été établi sur la base du dossier médical du recourant, en particulier les deux rapports d’expertise de la Dre E______ des 8 avril 2022 et 7 mars 2023 et les rapports de son médecin traitant, le Dr D______ des 8 novembre 2021 et 10 août 2022. L’expert a fondé ses diagnostics sur ses observations cliniques, qu’il a consignées après avoir relaté l’anamnèse du recourant, ses plaintes et le déroulement de sa journée. Tant son diagnostic (avec effet sur la capacité de travail) de trouble modéré de la personnalité que ses conclusions sont clairs et dûment motivés. Ainsi, sur le plan formel, son rapport contient tous les éléments nécessaires pour se voir reconnaître une pleine valeur probante. Sur le fond, cette expertise ne contient pas de contradictions apparentes, le caractère invalidant du trouble retenu a été examiné à l’aune des principes jurisprudentiels applicables en la matière et l’appréciation de la capacité de travail du recourant, soit une activité à 100% avec une diminution de rendement de 20% dans son activité habituelle depuis le 11 août 2022 apparaît cohérente avec le diagnostic. L’expert a notamment exclu le trouble sévère de la personnalité au motif que l’assuré était parvenu à maintenir une activité professionnelle auprès d’un employeur durant environ deux ans et à mener à terme une formation professionnelle en obtenant un BEP d’électro-technicien. La diminution de rendement de 20% était due aux limitations fonctionnelles en lien avec la structure de sa personnalité avec des difficultés dans les relations interpersonnelles en raison de la méfiance et des attitudes projectives pouvant conduire à des difficultés au niveau professionnel. Il avait ainsi une capacité réduite à maintenir durablement un emploi. Compte tenu de son trouble de la personnalité, le contact étroit avec la clientèle ne semblait pas « forcément indiqué ». Toutefois, une autre activité peu qualifiée dans le domaine de l’hôtellerie ou de l’électronique était tout à fait adaptée. Le taux de capacité de travail retenu par l’expert est du reste corroboré par l’avis de l’ancien médecin traitant du recourant, le Dr D______, qui préconisait une reprise de travail à cette date (rapport du 10 août 2022). Certes, le recourant a produit des certificats d’incapacité de travail jusqu’au 10 novembre 2022. Or, ces certificats médicaux, non motivés, ont été établis par un médecin de garde, le Dr H______, qui a refusé de remplir un formulaire médical pour justifier ses prescriptions, au motif qu’il n’était pas son médecin traitant.

Le recourant fait valoir, sans motivation, que les conclusions de cette expertise sont contredites par les deux expertises de la Dre E______ des 8 avril 2022 et 7 mars 2023, ainsi que par l’expertise du Dr G______ du 22 septembre 2022. Il n’apporte toutefois aucun élément objectivement vérifiable qui ressortirait de son dossier médical et qui aurait été ignoré du Dr I______. Il ne démontre en particulier pas en quoi le point de vue des Drs E______ et G______ seraient objectivement mieux fondés que celui du Dr I______ ou justifierait la mise en œuvre d’une instruction complémentaire. Le fait que ces médecins soient d’opinions différentes concernant sa capacité de travail ne suffit pas à remettre en cause les conclusions du Dr I______. L’expert a d’ailleurs expliqué les raisons pour lesquelles il s’écartait du diagnostic d’épisode dépressif sévère sans symptômes psychotiques retenu par la Dre E______. Il a notamment précisé qu’elle n’avait pas mentionné d’abaissement de l’humeur, de fatigue ni de réduction de la capacité à éprouver du plaisir. Elle décrivait un assuré entrant facilement en interaction, négligé dans sa présentation, ne présentant pas de troubles de l’attention ni de troubles mnésiques manifestes, ni de labilité émotionnelle ou d’irritabilité, ce qui n’allait pas dans le sens d’un diagnostic d’épisode dépressif sévère. La description d’une journée-type et des intérêts de l’assuré effectuée par le Dr I______ diffère par ailleurs sensiblement de celle de la Dre E______, qui, après avoir constaté qu’il n’avait aucun loisir et n’effectuait aucune tâche administrative ou de ménage ni préparation de repas, a relevé que c’était la sévérité du laisser-aller de l’assuré qui avait orienté vers ce diagnostic (rapport du 17 septembre 2024). Or, dans sa description de la journée-type du recourant, le Dr I______ a retenu que l’assuré pouvait effectuer les tâches administratives, avait une maîtrise suffisante des outils informatiques pour ses besoins et jouait aux échecs. Il avait également de l’intérêt pour les sports de combat. Devant la chambre de céans, pourtant dûment convoqué à une audience de comparution personnelle à laquelle il ne s’est pas présenté, le recourant n’a pas contesté ces éléments. Il n’a pas non plus donné suite à l’invitation de la chambre de céans de se déterminer sur le procès-verbal de comparution personnelle. La description d’une journée-type par le Dr I______ trouve au demeurant un certain appui dans celle du Dr G______, qui a relevé que l’assuré « arrivait à réaliser la plupart des tâches ménagères, mais avec plus de difficultés qu’auparavant ». Il faisait un peu le ménage et les courses, préparait les repas, allait ponctuellement au restaurant, regardait les réseaux sociaux, voyait ses colocataires. Tenant compte de ces éléments, le Dr I______ a retenu que l’assuré parvenait à se mobiliser rapidement et gardait de l’intérêt pour des loisirs, qui lui permettaient de « se sentir mieux », étant précisé que lorsqu’il avait l’esprit occupé, sa tristesse cessait. Il ne présentait par ailleurs pas de ralentissement psychomoteur, ni de fatigue particulière et l’expert n’avait pas observé d’abaissement marqué de l’humeur ni de labilité émotionnelle manifeste. Ce tableau clinique ne permettait ainsi pas de retenir un épisode dépressif. En revanche, la perte de confiance en soi et les sentiments de dévalorisation pouvaient entrer dans le cadre du trouble de la personnalité.

S’ajoute à cela que la Dre E______ n’a pas examiné le caractère invalidant de ce trouble à l’aune de tous les principes jurisprudentiels applicables en la matière. Elle n’a en particulier pas examiné le complexe de la personnalité, le contexte social, la cohérence des plaintes et la gravité du diagnostic en rapport avec l’absence de suivi régulier. Sur ces derniers points, le Dr I______ a constaté des incohérences dans le fait que l’assuré souhaitait qu’on l’aide sérieusement mais ne s’impliquait pas dans une prise en charge médicale. Il a également retenu que les symptômes décrits par l’assuré étaient plus importants que les constatations objectives – les problèmes de concentration qu’il ne parvenait pas à préciser n’étaient en particulier pas observés – et qu’il y avait « clairement un comportement d’amplification des symptômes ». Or, dans ses deux rapports, l’experte n’a pas indiqué si l’assuré, qualifié de « très plaintif » avec une attitude « passive, voire par moments revendicatrice », présentait une attitude dramatisante. Dans ses réponses devant la chambre de céans, elle a certes précisé, sans le motiver, qu’elle ne « pensait pas que tel était le cas », tout en relevant que l’assuré cherchait une reconnaissance de son mal-être et du tort subi sur son lieu de travail. Les limitations fonctionnelles n’ont pas non plus été clairement décrites par la Dre E______, qui s’est limitée à relever qu’elles « ne découlaient pas seulement de son état psychique mais également de son attitude et des suites des comportements qu’il a eus dans le passé ». Là encore, l’appréciation du Dr I______ est plus complète et convaincante puisqu’il a énuméré toutes les ressources personnelles et externes de l’assuré, dont certaines présentaient des limitations « modérément prononcées » (soit « adaptation aux règles et routine », « flexibilité et adaptabilité », « capacité à porter des jugements ou à prendre des décisions », « capacité d’affirmation de soi », « capacité de contact et de conversation avec des tiers », « capacité d’intégration dans un groupe »). Il a précisé que les difficultés dans les relations interpersonnelles entraînaient une diminution de rendement de 20%. Il suit des éléments qui précèdent que les diagnostics et conclusions du Dr I______ sont motivés de manière convaincante, de même que les raisons pour lesquelles il s’est écarté des conclusions de la Dre E______.

Quant à l’appréciation du Dr G______ du 22 septembre 2022, qui retient une capacité de travail de 100% dans une activité adaptée à compter du 1er février 2023, elle ne permet pas davantage de douter du bien-fondé de l’expertise du Dr I______. Ainsi que le retient le Dr F______ dans son avis du 30 septembre 2022, les diagnostics de trouble de l’adaptation avec réaction dépressive prolongée, actuellement en rémission partielle, et de modification durable traumatique de la personnalité ne sont pas suffisamment étayés. L’expert n’apporte aucune explication quant aux limitations fonctionnelles, qui ne seraient « pas aussi significatives qu’auparavant », et aux symptômes dépressifs qui seraient encore présents. Par ailleurs, et alors qu’il évoque des limitations encore partielles, il conclut à une prolongation de l’incapacité de travail de 100% pendant plusieurs mois, ce qui apparaît contradictoire. Son appréciation selon laquelle la profession du recourant est inadaptée vient également contredire le constat selon lequel « le dernier emploi est adapté d’un point de vue psychiatrique ». Enfin, la durée de l’entretien avec l’assuré n’est pas mentionnée. Ainsi, compte tenu des nombreuses incohérences, et surtout, de l’absence de motivation des diagnostics retenus, les conclusions du Dr G______ ne suffisent pas à écarter celles – convaincantes et motivées – du Dr I______.

Compte tenu de ce qui précède, la chambre de céans ne s'écartera pas des conclusions du Dr I______, aux termes desquelles la capacité de travail du recourant est de 100% avec une diminution de rendement de 20% dans son activité habituelle depuis le 11 août 2022. En conséquence, elle ne donnera pas suite aux réquisitions du recourant tendant à la mise en œuvre d'une expertise (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1). Or, une incapacité de travail de 20% est insuffisant pour ouvrir le droit aux prestations selon l’art. 12 al. 2 CGA. C’est ainsi à juste titre que l’intimée a mis fin aux prestations du recourant. À bien plaire, elle a fixé la date de cessation de l’octroi des prestations au 31 octobre 2022, ce qui lui est favorable.

Eu égard aux éléments qui précèdent, la décision de l’intimée sera confirmée.

4.             Le recours est rejeté.

Le recourant, qui succombe, n’a pas droit à des dépens.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le