Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/1056/2024 du 23.12.2024 ( AI )
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/1952/2024 ATAS/1056/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Ordonnance d’expertise du 23 décembre 2024 Chambre 6 |
En la cause
A______
| recourante |
contre
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE |
intimé |
A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1975, originaire de Serbie, mariée, mère d’un enfant né le 26 mars 2008, entrée en Suisse en 2005, a exercé une activité de nettoyeuse, en dernier lieu pour B______ depuis le 1er mai 2014, à raison de 12,5 heures par semaine.
b. Dès le 16 juin 2019, elle a présenté une incapacité de travail totale et a bénéficié d’indemnités journalières (perte de gain maladie) de la part de MUTUEL ASSURANCES SA (ci-après : l’assurance). Le docteur C______, spécialiste FMH en orthopédie, a mentionné des lombalgies chroniques et une tendinite de l’épaule droite.
c. Le 6 mai 2020, l’assurance a transmis à l’office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI) une demande de prestations de l’assurée.
B. a. Le 28 juillet 2020, le médecin-conseil de l’assurance a considéré que l’incapacité de travail de l’assurée était justifiée en raison d’une affection rhumatismale chronique.
b. Le 4 août 2020, le docteur D______, médecin au centre médico-chirurgical E______, a attesté d’une affection rhumatismale suivie par le docteur F______, spécialiste FMH en rhumatologie et médecin adjoint au service de rhumatologie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG).
c. Le 7 septembre 2020, le Dr C______ a posé le diagnostic de spondylarthrite vs sarcoïdose entrainant des douleurs chroniques.
d. Le 29 septembre 2020, le Dr F______ a attesté d’un diagnostic de spondylarthrite ankylosante / érosive et de possible atteinte périphérique à l’épaule droite. La capacité de travail était actuellement de 50%.
e. Le 28 novembre 2020, la docteure G______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a attesté d’une prise en charge depuis septembre 2020 et d’un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère entrainant une incapacité de travail totale.
f. L’assurance a mis fin au versement des indemnités journalières au 14 septembre 2021. Elle s’est fondée sur un rapport d’expertise du 19 novembre 2020 du docteur H______, spécialiste FMH en rhumatologie et médecine interne générale, selon lequel l’assurée présentait une spondylarthrite ankylosante avec atteinte axiale et un conflit sous-acromial de l’épaule droite.
L’évolution était suffisamment favorable pour permettre une reprise d’activité comme nettoyeuse 3 à 4 heures chaque soir, mais une expertise psychiatrique était nécessaire.
g. Le 15 avril 2021, le Dr D______ a indiqué que l’assurée était inapte à 100%.
h. Le 31 mars 2021, le Dr F______ a attesté de limitations fonctionnelles concernant les déplacements, l’activité de la main droite au-dessus des épaules, les positions en porte-à-faux, le port de charge lourde répété et la difficulté à maintenir longtemps la même position. Sous réserve de ces limitations, la capacité de travail était de 100% avec une baisse de rendement possible de 10 à 20%, en fonction de l’intensité des symptômes et de la fatigue.
i. Le 12 juin 2021, la Dre G______ a mentionné une péjoration de l’état général et psychique depuis son dernier rapport. La capacité de travail était nulle.
j. Le 20 juin 2021, l’assurée a rempli le « questionnaire statut » de l’OAI, en mentionnant qu’elle exerçait avant l’atteinte à la santé une activité de « min 12h30 – 20 heures par semaine ». Son fils et son mari (accidenté le 14 janvier 2021) dépendaient d’elle financièrement ; le budget familial était insuffisant Sa situation financière avait subi des modifications importantes depuis septembre 2019, avec une réduction du revenu de CHF 250.- - CHF 350.- par mois.
k. Le 8 octobre 2021, le Dr F______ a écrit à l’OAI que l’assurée présentait toujours des exacerbations hebdomadaires tant au niveau du dos que du genou droit. Une réévaluation dans trois mois était prévue. L’efficacité du traitement biologique était très modérée et la thymie s’aggravait, de sorte que le pronostic n’était pas très favorable.
l. Les 9 juin, 28 juin et 5 juillet 2022, l’assurée a consulté le service des urgences des HUG pour des épisodes de dyspnée et palpitation transitoire évoquant des crises de panique et trouble anxieux.
m. Le 5 septembre 2022, le Dr F______ a relevé qu’une biothérapie serait indiquée mais non introduite en raison d’abcès récidivants au niveau mammaire et d’anxiété. Le handicap fonctionnel ne permettait pas la reprise d’une activité professionnelle.
n. Le 12 septembre 2022, la Dre G______ a confirmé une incapacité de travail totale. L’état dépressif s’était péjoré par des attaques de panique.
o. À la demande de l’OAI, le I______ (ci‑après : I______ [docteure J______, spécialiste FMH en rhumatologie, et docteur K______, spécialiste FMH en psychiatrie]) a rendu le 7 juillet 2023 une expertise et posé les diagnostics avec répercussion sur la capacité de travail de spondylarthrite ankylosante avec sacro-iléite et accentuation de certains traits de personnalité, traits de personnalité anankastiques, phobie spécifique, claustrophobie, état de stress post-traumatique et agoraphobie, avec trouble panique.
La capacité de travail était d’un point de vue somatique nulle dans toute activité du 16 septembre 2019 au 14 mars 2022, de 25% dans l’activité habituelle depuis le 15 mars 2022 et, dans une activité adaptée, de 90% dès le 15 mars 2022.
Du point de vue psychique, la capacité de travail était nulle de mars 2020 à juillet 2021 et de 70% ensuite (taux de 100% avec une baisse de rendement de 30%). La capacité était de 80% pour les activités ménagères. Les limitations fonctionnelles du point de vue psychique étaient la nécessité d’un travail répétitif, sans prise de décision immédiate, sans traitement d’informations simultanées, pour limiter le stress, l’assurée ne devait pas être amenée à se retrouver dans des endroits clos, ou à être en présence de la foule, l’activité habituelle respectait les limitations fonctionnelles. Du point de vue somatique, l’activité ne devait pas comporter de travail physique type ménage, avec éviction de soulever des charges lourdes, d’avoir des positions fléchies sur les genoux, accroupies ou sur les genoux, un travail mi- assis mi- debout était tout à fait adapté à l’état de l’assurée, sous réserve de ne pas effectuer de manutentions des bras au-dessus de l’horizontale.
p. Le 24 juillet 2023, le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci‑après : SMR) a estimé que l’expertise du I______ était probante et a retenu une capacité de travail nulle dès le 16 septembre 2019 dans l’activité habituelle, de 70% dès août 2021 et de 90% dès mars 2022 dans une activité adaptée.
q. Le 11 août 2023, l’OAI a fixé le degré d’invalidité - dans la sphère professionnelle - à un taux de 3%, en retenant un revenu sans invalidité de CHF 49'742.- et un revenu d’invalide de CHF 48'443.- (fondé sur l’ESS 2020, total, niveau de compétence 1, pour 41,7 heures de travail par semaine, indexé à l’année 2021 et pris en compte à un taux de 90%).
L’OAI a retenu un statut mixte 29% active, 71% ménagère. Le degré d’invalidité final était de 1% (soit 3% ramené à une part professionnelle de 29%). Il n’y avait pas d’empêchement dans la sphère ménagère.
r. Une enquête économique sur le ménage du 6 novembre 2023 (rapport du 12 décembre 2023) a conclu à un empêchement de 8,7% et une exigibilité des membres de la famille de 8,7%, soit un empêchement finalement nul. Un « oui » est coché à la question : sans atteinte à la santé, l’activité exercée serait-elle poursuivie au même taux ?
s. Par projet de décision du 19 décembre 2023, l’OAI a rejeté la demande de prestations, en constatant que l’assurée présentait une incapacité de travail totale du 16 septembre 2019 au 31 juillet 2021, de 70% dès le 1er août 2021 et de 90% dès le 1er mars 2022.
Le taux d’invalidité au 1er septembre 2020 était de 29% et au 1er mars 2022 de 26%, soit une perte économique de 90%, ramenée à un statut d’active à 29% (sic), insuffisant pour ouvrir le droit à une rente.
t. Le 24 janvier 2024, l’assurée a contesté le projet de décision de l’OAI, en estimant que l’enquête ménagère comprenait des erreurs et incohérences et a joint un rapport de la Dre G______ du même jour, selon lequel l’assurée n’arrivait plus à faire son ménage en raison de douleurs articulaires, la moindre tâche au domicile lui demandait un grand effort et devenait une épreuve insurmontable ; elle se sentait fatiguée et épuisée à cause des affections somatiques mais aussi en raison de la symptomatologie dépressive, des angoisses, attaques de panique et la présence constante de tristesse, perte de la motivation et de l’initiative. Sa capacité de travail était nulle. Elle a joint aussi un rapport du 28 janvier 2024 du Dr D______, attestant d’une inaptitude de l’assurée pour toute activité physique.
u. Le 22 février 2024, le SMR a estimé que le rapport de la Dre G______ du 19 janvier 2024 ne mentionnait aucune modification du traitement psychotrope, ni du rythme des consultations, ni ne mentionnait un séjour en unité psychiatrique, de sorte qu’aucune modification notable ou durable n’était rendue plausible.
v. Le 17 avril 2024, le service des évaluations de l’OAI a confirmé l’enquête du 6 novembre 2023.
w. Par décision du 6 mai 2024, l’OAI a rejeté la demande de prestations.
C. a. Le 10 juin 2024, l’assurée a recouru à l’encontre de la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, en faisant valoir que l’expertise du I______ et l’enquête ménagère n’étaient pas probantes et a conclu à l’octroi d’une rente d’invalidité de 50%.
b. Le 1er juillet 2024, l’OAI a conclu au rejet du recours.
c. Le 19 août 2024, la recourante a répliqué et joint un rapport d’échographie thyroïdienne du 12 août 2024 de l’unité d’endocrinologie des HUG, concluant à une thyroïde multinodulaire chez l’assurée présentant une hyperthyroïdie inaugurale en juillet 2024 et un rapport du service des urgences des HUG du 27 juillet 2024, faisant état d’une consultation en raison d’une hypertension.
d. Le 7 octobre 2024, les parties ont été entendues en audience.
La recourante a indiqué que dès son arrivée en Suisse, elle avait travaillé 2 heures le soir et des heures supplémentaires les mardis et jeudis, puis 12,5 heures par semaine, parfois plus, surtout l’été en période de remplacement. Elle avait demandé plus d’heures de travail mais devait aussi s’occuper de son fils car son mari travaillait à 100%. Elle avait des problèmes de santé depuis 2018-2019, époque où son fils avait 10-11 ans. Elle voulait faire autre chose que du nettoyage et pensait faire une formation pour changer de travail, par exemple à l’IFAGE. En bonne santé, elle était prête à travailler à 100%.
e. Le 28 octobre 2024, l’intimé s’est déterminé sur la capacité de travail de la recourante ainsi que sur le degré d’invalidité.
Il rectifiait ses conclusions sur la capacité de travail dès lors que les experts du I______ avaient conclu à une capacité de travail de la recourante de 70% dans une activité adaptée.
Dès le 16 mars 2022, le degré d’invalidité dans la sphère professionnelle était de 9,14 % (31,5% ramené au statut d’active de 29%) et nul dans les travaux habituels. S’agissant du statut, la recourante ne l’avait pas contesté ; elle avait exercé comme nettoyeuse à temps partiel depuis de nombreuses années ; dans le questionnaire statut, elle avait indiqué travailler au minimum 12,5 heures à 20 heures par semaine. Le statut mixte devait être confirmé.
f. Le 18 novembre 2024, la recourante a maintenu ses conclusions.
g. Le 9 décembre 2024, la chambre de céans a informé les parties qu'elle entendait confier une mission d'expertise à la docteure L______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, et leur a communiqué le projet de mission.
h. Le 16 décembre 2024, l’OAI a estimé qu’une expertise judiciaire n’était pas justifiée et s’est rallié à un avis du SMR du même jour, selon lequel il n’avait pas de questions complémentaires à ajouter à la mission d’expertise.
i. La recourante n’a pas fait d’observations.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).
2.
2.1 L’objet du litige dans la procédure administrative subséquente est le rapport juridique qui – dans le cadre de l’objet de la contestation déterminé par la décision – constitue, d’après les conclusions du recours, l’objet de la décision effectivement attaqué. D’après cette définition, l’objet de la contestation et l’objet du litige sont identiques lorsque la décision administrative est attaquée dans son ensemble. En revanche, lorsque le recours ne porte que sur une partie des rapports juridiques déterminés par la décision, les rapports juridiques non contestés sont certes compris dans l’objet de la contestation, mais non pas dans l’objet du litige (ATF 125 V 413 consid. 1b et 2 et les références).
Les questions qui - bien qu'elles soient visées par la décision administrative et fassent ainsi partie de l’objet de la contestation - ne sont plus litigieuses, d'après les conclusions du recours, et qui ne sont donc pas comprises dans l’objet du litige, ne sont examinées par le juge que s'il existe un rapport de connexité étroit entre les points non contestés et l’objet du litige (ATF 125 V 413 consid. 1b et les références).
2.2 En l’occurrence, le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d’invalidité, singulièrement sur l’évaluation de sa capacité de travail et de ses empêchements ménagers, ainsi que sur son statut, cette question étant dans un rapport de connexité étroit avec le calcul du degré d’invalidité.
3.
3.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.
Si un droit à la rente a pris naissance jusqu’au 31 décembre 2021, un éventuel passage au nouveau système de rentes linéaire s'effectue, selon l'âge du bénéficiaire de rente, conformément aux let. b et c des dispositions transitoires de la LAI relatives à la modification du 19 juin 2020. Selon la let. b al. 1, les bénéficiaires de rente dont le droit à la rente a pris naissance avant l'entrée en vigueur de cette modification et qui, à l'entrée en vigueur de la modification, ont certes 30 ans révolus, mais pas encore 55 ans, conservent la quotité de la rente tant que leur taux d'invalidité ne subit pas de modification au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA (arrêt du Tribunal fédéral 9C _499/2022 du 29 juin 2023 consid. 4.1).
En l’occurrence, la décision querellée a certes été rendue postérieurement au 1er janvier 2022. Toutefois, la demande de prestations ayant été déposée en 2020 et le délai d’attente d’une année venant à échéance le 1er septembre 2020, un éventuel droit à une rente d’invalidité naîtrait antérieurement au 1er janvier 2022 (art. 28 al. 1 let. b et 29 al. 1 LAI), de sorte que les dispositions applicables seront citées dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. En outre, dans la mesure où la recourante avait, au 1er janvier 2022, 30 ans révolus mais moins de 55 ans, la quotité éventuelle de sa rente subsisterait tant que son taux d’invalidité ne subit pas de modification au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA.
3.2
3.2.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).
La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanant d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; 130 V 396 consid. 5.3 et 6).
3.2.2 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).
Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).
3.2.3 L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).
3.2.4 Pour des motifs de proportionnalité, on peut renoncer à une appréciation selon la grille d’évaluation normative et structurée si elle n’est pas nécessaire ou si elle est inappropriée. Il en va ainsi notamment lorsqu’il n’existe aucun indice en faveur d’une incapacité de travail durable ou lorsque l’incapacité de travail est niée sous l’angle psychique sur la base d’un rapport probant établi par un médecin spécialisé et que d’éventuelles appréciations contraires n’ont pas de valeur probante du fait qu’elles proviennent de médecins n’ayant pas une qualification spécialisée ou pour d’autres raisons (ATF 143 V 409 consid. 4.5.3 et 418 consid. 7.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_43/2023 du 29 novembre 2023 consid. 5.2 ; 9C_101/2019 du 12 juillet 2019 consid. 4.3 et la référence ; 9C_724/2018 du11 juillet 2019 consid. 7). En l’absence d’un diagnostic psychiatrique, une telle appréciation n’a pas non plus à être effectuée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2).
3.3 Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence).
Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).
Ces indicateurs sont classés comme suit :
I. Catégorie « degré de gravité fonctionnelle »
Les indicateurs relevant de cette catégorie représentent l’instrument de base de l’analyse. Les déductions qui en sont tirées devront, dans un second temps, résister à un examen de la cohérence (ATF 141 V 281 consid. 4.3).
A. Axe « atteinte à la santé »
1. Caractère prononcé des éléments et des symptômes pertinents pour le diagnostic
Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l’atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés. Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l’étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.1).
L'influence d'une atteinte à la santé sur la capacité de travail est davantage déterminante que sa qualification en matière d'assurance-invalidité (ATF 142 V 106 consid. 4.4). Diagnostiquer une atteinte à la santé, soit identifier une maladie d'après ses symptômes, équivaut à l'appréciation d'une situation médicale déterminée qui, selon les médecins consultés, peut aboutir à des résultats différents en raison précisément de la marge d'appréciation inhérente à la science médicale (ATF 145 V 361 consid. 4.1.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_212/2020 du 4 septembre 2020 consid. 4.2 et 9C_762/2019 du 16 juin 2020 consid. 5.2).
2. Succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à ces derniers
Le déroulement et l'issue d'un traitement médical sont en règle générale aussi d'importants indicateurs concernant le degré de gravité du trouble psychique évalué. Il en va de même du déroulement et de l'issue d'une mesure de réadaptation professionnelle. Ainsi, l'échec définitif d'une thérapie médicalement indiquée et réalisée selon les règles de l'art de même que l'échec d'une mesure de réadaptation - malgré une coopération optimale de l'assuré - sont en principe considérés comme des indices sérieux d'une atteinte invalidante à la santé. À l'inverse, le défaut de coopération optimale conduit plutôt à nier le caractère invalidant du trouble en question. Le résultat de l'appréciation dépend toutefois de l'ensemble des circonstances individuelles du cas d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2.1.3 et la référence).
3. Comorbidités
La présence de comorbidités ou troubles concomitants est un indicateur à prendre en considération en relation avec le degré de gravité fonctionnel (arrêt du Tribunal fédéral 9C_650/2019 du 11 mai 2020 consid. 3.3 et la référence). On ne saurait toutefois inférer la réalisation concrète de l'indicateur "comorbidité" et, partant, un indice suggérant la gravité et le caractère invalidant de l'atteinte à la santé, de la seule existence de maladies psychiatriques et somatiques concomitantes. Encore faut-il examiner si l'interaction de ces troubles ayant valeur de maladie prive l'assuré de certaines ressources (arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3 et le référence). Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l’influence du trouble avec l’ensemble des pathologies concomitantes. Une atteinte qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidante en tant que telle (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_98/2010 du 28 avril 2010 consid. 2.2.2, in : RSAS 2011 IV n° 17, p. 44) n’est pas une comorbidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1040/2010 du 6 juin 2011 consid. 3.4.2.1, in : RSAS 2012 IV n° 1, p. 1) mais doit à la rigueur être prise en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Ainsi, un trouble dépressif réactionnel au trouble somatoforme ne perd pas toute signification en tant que facteur d’affaiblissement potentiel des ressources, mais doit être pris en considération dans l’approche globale (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.3).
Même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d’un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1).
B. Axe « personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles)
Le « complexe personnalité » englobe, à côté des formes classiques du diagnostic de la personnalité qui vise à saisir la structure et les troubles de la personnalité, le concept de ce qu’on appelle les « fonctions complexes du moi » qui désignent des capacités inhérentes à la personnalité, permettant des déductions sur la gravité de l’atteinte à la santé et de la capacité de travail (par exemple : auto-perception et perception d’autrui, contrôle de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation ; ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Étant donné que l’évaluation de la personnalité est davantage dépendante de la perception du médecin examinateur que l’analyse d’autres indicateurs, les exigences de motivation sont plus élevées (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2).
Le Tribunal fédéral a estimé qu’un assuré présentait des ressources personnelles et adaptatives suffisantes, au vu notamment de la description positive qu’il avait donnée de sa personnalité, sans diminution de l'estime ou de la confiance en soi et sans peur de l'avenir (arrêt du Tribunal fédéral 8C_584/2016 du 30 juin 2017 consid. 5.2).
C. Axe « contexte social »
Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l’assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut toujours s’assurer qu’une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d’autres difficultés de vie (ATF 141 V 281 consid. 4.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3).
Lors de l'examen des ressources que peut procurer le contexte social et familial pour surmonter l'atteinte à la santé ou ses effets, il y a lieu de tenir compte notamment de l'existence d'une structure quotidienne et d'un cercle de proches […]. Le contexte familial est susceptible de fournir des ressources à la personne assurée pour surmonter son atteinte à la santé ou les effets de cette dernière sur sa capacité de travail, nonobstant le fait que son attitude peut rendre plus difficile les relations interfamiliales (arrêt du Tribunal fédéral 9C_717/2019 du 30 septembre 2020 consid. 6.2.5.3). Toutefois, des ressources préservées ne sauraient être inférées de relations maintenues avec certains membres de la famille dont la personne assurée est dépendante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2020 du 22 octobre 2020 consid. 5.2).
II. Catégorie « cohérence »
Il convient ensuite d’examiner si les conséquences qui sont tirées de l’analyse des indicateurs de la catégorie « degré de gravité fonctionnel » résistent à l’examen sous l’angle de la catégorie « cohérence ». Cette seconde catégorie comprend les indicateurs liés au comportement de l’assuré (ATF 141 V 281 consid. 4.4). À ce titre, il convient notamment d’examiner si les limitations fonctionnelles se manifestent de la même manière dans la vie professionnelle et dans la vie privée, de comparer les niveaux d’activité sociale avant et après l’atteinte à la santé ou d’analyser la mesure dans laquelle les traitements et les mesures de réadaptation sont mis à profit ou négligés. Dans ce contexte, un comportement incohérent est un indice que les limitations évoquées seraient dues à d’autres raisons qu’une atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.3).
A. Limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie
Il s’agit ici de se demander si l’atteinte à la santé limite l’assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l’exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social utilisé jusqu’ici doit désormais être interprété de telle sorte qu’il se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l’assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d’activité sociale de l’assuré avant et après la survenance de l’atteinte à la santé (ATF 141 V 281 consid. 4.4.1).
B. Poids de la souffrance révélé par l’anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation
L'interruption de toute thérapie médicalement indiquée sur le plan psychique et le refus de participer à des mesures de réadaptation d'ordre professionnel sont des indices importants que l’assuré ne présente pas une évolution consolidée de la douleur et que les limitations invoquées sont dues à d'autres motifs qu'à son atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_569/2017 du 18 juillet 2018 consid. 5.5.2).
La prise en compte d’options thérapeutiques, autrement dit la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, permet d’évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n’est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l’absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d’une incapacité (inévitable) de l’assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s’appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d’autres raisons qu’à l'atteinte à la santé assurée (ATF 141 V 281 consid. 4.4.2).
3.4 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).
3.5 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.
Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).
Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).
3.6
3.6.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).
Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).
Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.
3.6.2 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; 125 V 351 consid. 3b/bb).
3.6.3 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).
3.6.4 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).
3.6.5 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV n° 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).
3.7 La procédure d’administration des preuves qui prévaut en matière de troubles douloureux sans substrat organique et de troubles psychosomatiques analogues est applicable à toutes les maladies psychiques (ATF 143 V 418), à la fibromyalgie (ATF 132 V 65 consid. 4.1), au syndrome de fatigue chronique ou de neurasthénie (ATF 139 V 346 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_662/2009 du 17 août 2010 consid. 2.3 in SVR 2011 IV n° 26 p. 73), à l'anesthésie dissociative et aux atteintes sensorielles (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 9/07 du 9 février 2007 consid. 4 in SVR 2007 IV n° 45 p. 149), à l’hypersomnie (ATF 137 V 64 consid. 4), ainsi qu'en matière de troubles moteurs dissociatifs (arrêt du Tribunal fédéral 9C_903/2007 du 30 avril 2008 consid. 3.4), de traumatisme du type « coup du lapin » (ATF 141 V 574 consid. 5.2 ; 136 V 279 consid. 3.2.3) et d’état de stress post-traumatique (ATF 142 V 342 consid. 5.2). En revanche, ils ne sont pas applicables par analogie à la fatigue liée au cancer (cancer-related Fatigue) (ATF 139 V 346 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_73/2013 du 2 septembre 2013 consid. 5).
3.8 Tant lors de l'examen initial du droit à la rente qu'à l'occasion d'une révision de celle-ci (art. 17 LPGA), il faut examiner sous l'angle des art. 4 et 5 LAI quelle méthode d'évaluation de l'invalidité il convient d'appliquer (art. 28a LAI, en corrélation avec les art. 27 ss RAI). Le choix de l'une des trois méthodes entrant en considération (méthode générale de comparaison des revenus, méthode mixte, méthode spécifique) dépendra du statut du bénéficiaire potentiel de la rente : assuré exerçant une activité lucrative à temps complet, assuré exerçant une activité lucrative à temps partiel, assuré non actif. On décidera que l'assuré appartient à l'une ou l'autre de ces trois catégories en fonction de ce qu'il aurait fait dans les mêmes circonstances si l'atteinte à la santé n'était pas survenue. Lorsque l'assuré accomplit ses travaux habituels, il convient d'examiner, à la lumière de sa situation personnelle, familiale, sociale et professionnelle, si, étant valide il aurait consacré l'essentiel de son activité à son ménage ou s'il aurait exercé une activité lucrative. Pour déterminer le champ d'activité probable de l'assuré, il faut notamment prendre en considération la situation financière du ménage, l'éducation des enfants, l'âge de l'assuré, ses qualifications professionnelles, sa formation ainsi que ses affinités et talents personnels (ATF 144 I 28 consid. 2.3 ; 137 V 334 consid. 3.2 ; 117 V 194 consid. 3b ; Pratique VSI 1997 p. 301 ss consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2016 du 17 février 2017 consid. 2.2). Cette évaluation tiendra également compte de la volonté hypothétique de l'assurée, qui comme fait interne ne peut être l'objet d'une administration directe de la preuve et doit être déduite d'indices extérieurs (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2015 du 11 mai 2015 consid. 2.3 et l'arrêt cité) établis au degré de la vraisemblance prépondérante tel que requis en droit des assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b).
Selon la pratique, la question du statut doit être tranchée sur la base de l'évolution de la situation jusqu'au prononcé de la décision administrative litigieuse, encore que, pour admettre l'éventualité de la reprise d'une activité lucrative partielle ou complète, il faut que la force probatoire reconnue habituellement en droit des assurances sociales atteigne le degré de vraisemblance prépondérante (ATF 144 I 28 consid. 2.3 et les références ; 141 V 15 consid. 3.1 ; 137 V 334 consid. 3.2 ; 125 V 146 consid. 2c et les références).
3.9
3.9.1 Chez les assurés travaillant dans le ménage, le degré d'invalidité se détermine, en règle générale, au moyen d'une enquête économique sur place, alors que l'incapacité de travail correspond à la diminution - attestée médicalement - du rendement fonctionnel dans l'accomplissement des travaux habituels (ATF 130 V 97).
L'évaluation de l'invalidité des assurés pour la part qu'ils consacrent à leurs travaux habituels nécessite l'établissement d'une liste des activités que la personne assurée exerçait avant la survenance de son invalidité, ou qu'elle exercerait sans elle, qu'il y a lieu de comparer ensuite à l'ensemble des tâches que l'on peut encore raisonnablement exiger d'elle, malgré son invalidité, après d'éventuelles mesures de réadaptation. Pour ce faire, l'administration procède à une enquête sur place et fixe l'ampleur de la limitation dans chaque domaine entrant en considération. En vertu du principe général de l'obligation de diminuer le dommage, l'assuré qui n'accomplit plus que difficilement ou avec un investissement temporel beaucoup plus important certains travaux ménagers en raison de son handicap doit en premier lieu organiser son travail et demander l'aide de ses proches dans une mesure convenable. La jurisprudence pose comme critère que l'aide ne saurait constituer une charge excessive du seul fait qu'elle va au-delà du soutien que l'on peut attendre de manière habituelle sans atteinte à la santé. En ce sens, la reconnaissance d'une atteinte à la santé invalidante n'entre en ligne de compte que dans la mesure où les tâches qui ne peuvent plus être accomplies le sont par des tiers contre rémunération ou par des proches et qu'elles constituent à l'égard de ces derniers un manque à gagner ou une charge disproportionnée (ATF 133 V 504 consid. 4.2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_191/2021 du 25 novembre 2021 consid. 6.2.2 et les références).
Selon la jurisprudence, une enquête ménagère effectuée au domicile de la personne assurée constitue en règle générale une base appropriée et suffisante pour évaluer les empêchements dans l’accomplissement des travaux habituels. En ce qui concerne la valeur probante d’un tel rapport d’enquête, il est essentiel qu’il ait été élaboré par une personne qualifiée qui a connaissance de la situation locale et spatiale, ainsi que des empêchements et des handicaps résultant des diagnostics médicaux. Il y a par ailleurs lieu de tenir compte des indications de l'assuré et de consigner dans le rapport les éventuelles opinions divergentes des participants. Enfin, le texte du rapport doit apparaître plausible, être motivé et rédigé de manière suffisamment détaillée par rapport aux différentes limitations, de même qu'il doit correspondre aux indications relevées sur place. Si toutes ces conditions sont réunies, le rapport d’enquête a pleine valeur probante. Lorsque le rapport constitue une base fiable de décision dans le sens précité, le juge n’intervient pas dans l’appréciation de l’auteur du rapport sauf lorsqu’il existe des erreurs d’estimation que l’on peut clairement constater ou des indices laissant apparaître une inexactitude dans les résultats de l’enquête (ATF 140 V 543 consid. 3.2.1 ; 129 V 67 consid. 2.3.2 publié in VSI 2003 p. 221 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_625/2017 du 26 mars 2018 consid. 6.2 et I 733/06 du 16 juillet 2007).
3.10 Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être évalué sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu réaliser s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 8 al. 1 et art. 16 LPGA).
La comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus ; ATF 128 V 29 consid. 1 ; 104 V 135 consid. 2a et 2b).
Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 129 V 222 et 128 V 174).
Pour déterminer le revenu sans invalidité, il convient d'établir ce que l'assuré aurait, au degré de la vraisemblance prépondérante, réellement pu obtenir au moment déterminant s'il n'était pas devenu invalide. Le revenu sans invalidité doit être évalué de la manière la plus concrète possible. Partant de la présomption que l'assuré aurait continué d'exercer son activité sans la survenance de son invalidité, ce revenu se déduit en principe du salaire réalisé en dernier lieu par l'assuré avant l'atteinte à la santé, en prenant en compte également l'évolution des salaires jusqu'au moment de la naissance du droit à la rente ; des exceptions ne peuvent être admises que si elles sont établies au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 144 I 103 consid. 5.3 ; 139 V 28 consid. 3.3.2 et les références ; 135 V 297 consid. 5.1 et les références ; 134 V 322 consid. 4.1 et les références). Toutefois, lorsque la perte de l'emploi est due à des motifs étrangers à l'invalidité, le salaire doit être établi sur la base de valeurs moyennes. Autrement dit, dans un tel cas, n'est pas déterminant pour la fixation du revenu hypothétique de la personne valide le salaire que la personne assurée réaliserait actuellement auprès de son ancien employeur, mais bien plutôt celui qu'elle réaliserait si elle n'était pas devenue invalide. Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, un tel cas d'exception se présente par exemple lorsque le poste de travail que l'assuré occupait avant la survenance de l'atteinte à la santé n'existe plus au moment de l'évaluation de l'invalidité, lorsqu'il n'aurait pas pu conserver son poste en raison des difficultés économiques, en cas de faillite ou de restructuration de l'entreprise (arrêt du Tribunal fédéral 8C_746/2023 du 7 juin 2024 consid. 4.3 et les références).
Tel sera le cas également lorsqu'on ne dispose d'aucun renseignement au sujet de la dernière activité professionnelle de l'assuré ou si le dernier salaire que celui-ci a perçu ne correspond manifestement pas à ce qu'il aurait été en mesure de réaliser, selon toute vraisemblance, en tant que personne valide ; par exemple, lorsqu'avant d'être reconnu définitivement incapable de travailler, l'assuré était au chômage ou rencontrait d'ores et déjà des difficultés professionnelles en raison d'une dégradation progressive de son état de santé ou encore percevait une rémunération inférieure aux normes de salaire usuelles (arrêts du Tribunal fédéral des assurances I 168/05 du 24 avril 2006 consid. 3.3 et B 80/01 du 17 octobre 2003 consid. 5.2.2).
Le salaire réalisé en dernier lieu comprend tous les revenus d'une activité lucrative (y compris les gains accessoires, la rémunération des heures supplémentaires effectuées de manière régulière) soumis aux cotisations à l'assurance-vieillesse et survivants. À cet effet, on se fondera en principe sur les renseignements fournis par l'employeur (arrêt du Tribunal fédéral 9C_434/2023 du 30 novembre 2023 consid. 3 et la référence).
3.11 Quant au revenu d'invalide, il doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l'intéressé (ATF 135 V 297 consid. 5.2). Lorsque l'assuré n'a pas repris d'activité, ou aucune activité adaptée lui permettant de mettre pleinement en valeur sa capacité de travail résiduelle, contrairement à ce qui serait raisonnablement exigible de sa part, le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de données statistiques, telles qu'elles résultent de l’ESS (ATF 143 V 295 consid. 2.2 et la référence ; 135 V 297 consid. 5.2 et les références). Dans ce cas, il convient de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table TA1 de l’ESS, à la ligne « total secteur privé » (ATF 124 V 321 consid. 3b/aa), étant précisé que, depuis l'ESS 2012, il y a lieu d'appliquer le tableau TA1_skill_ level (ATF 142 V 178). On se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la médiane ou valeur centrale (ATF 126 V 75 consid. 3b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_58/2021 du 30 juin 2021 consid. 4.1.1). La valeur statistique - médiane - s'applique alors, en principe, à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers. Pour ces assurés, ce salaire statistique est suffisamment représentatif de ce qu'ils seraient en mesure de réaliser en tant qu'invalides dès lors qu'il recouvre un large éventail d'activités variées et non qualifiées (branche d'activités), n'impliquant pas de formation particulière, et compatibles avec des limitations fonctionnelles peu contraignantes (arrêts du Tribunal fédéral 9C_603/2015 du 25 avril 2016 consid. 8.1 et 9C_242/2012 du 13 août 2012 consid. 3). Il convient de se référer à la version de l'ESS publiée au moment déterminant de la décision querellée (ATF 143 V 295 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_655/2016 du 4 août 2017 consid. 6.3).
4. En l’occurrence, l’intimé a refusé à la recourante le droit à une rente d’invalidité, au motif que son degré d’invalidité était, depuis le 1er septembre 2020, de 29% et, depuis le 16 mars 2022, de 9%, calculés, d’une part, en fonction d’un statut mixte 29% active et 71% ménagère et, d’autre part, d’une capacité de travail nulle depuis le 16 septembre 2019 et de 70% dans une activité adaptée depuis le 16 mars 2022.
4.1 S’agissant du statut de la recourante, l’intimé a considéré qu’elle aurait, en bonne santé, continué d’exercer une activité de nettoyeuse à un taux de 29%, dès lors que tous les éléments au dossier démontraient que la recourante travaillait à temps partiel depuis de nombreuses années et qu’il convenait de retenir un statut mixte 29% active (écriture de l’intimé du 18 octobre 2024 p. 2). Ce faisant, l’intimé n’a pas procédé à l’analyse de critères jurisprudentiels précités pour déterminer ce que la recourante aurait fait, du point de vue professionnel, sans l’atteinte à sa santé.
L’intimé invoque le questionnaire statut rempli par la recourante le 20 juin 2021. Or, la recourante n’a pas répondu aux questions concernant son intention de travailler si elle était en bonne santé et s’est limitée à mentionner qu’elle travaillait 12,5 à 20 heures par semaine. Cette réponse est manifestement insuffisante pour en déduire qu’elle aurait, en bonne santé, continué d’exercer, au-delà de l’année 2019, une activité à un taux de 29%. En revanche, la recourante a souligné, dans ce même questionnaire, que son fils et son époux dépendaient d’elle, que le budget familial était insuffisant et que depuis septembre 2019, le revenu familial avait diminué ; elle fait ainsi valoir une situation économique difficile.
L’intimé se prévaut aussi du rapport d’enquête économique sur le ménage dans lequel l’enquêtrice a coché « oui » à la question de savoir si la recourante, en bonne santé, aurait continué de travailler au même taux. Or, entendue en audience de comparution personnelle, la recourante a indiqué qu’elle ne se rappelait pas si l’enquêtrice lui avait posé cette question et que, si elle avait été en bonne santé, elle était prête à travailler à 100%.
Ces éléments sont déterminants. Le fait qu’ils aient été recueillis en cours de procédure, soit postérieurement à la décision litigieuse, ne diminue pas leur force probante, dès lors que la recourante, non représentée, n’a manifestement pas modifié ses griefs en fonction d’une conscience qu’elle aurait eu des conséquences juridiques concernant l’établissement de son statut. Ces déclarations doivent ainsi être considérées comme celles de « la première heure » (ATF 143 V 168).
La recourante a accouché en mars 2008, soit peu après son entrée en Suisse, en 2005, étant relevé qu’elle a, dès son arrivée, immédiatement exercé une activité dans le nettoyage à raison de 2 heures chaque soir, augmenté d’heures supplémentaires, les mardis et jeudis (procès-verbal d’audience du 7 octobre 2024). Elle a indiqué qu’elle travaillait ensuite le soir dès 18 heures à 20 heures car son mari pouvait être à la maison à ce moment-là pour s’occuper de leur fils (procès-verbal d’audience du 7 octobre 2024).
Il apparait ainsi que la recourante s’est consacrée à la garde de son enfant pendant la période où celui-ci était en bas âge.
La situation financière de la famille s’est ensuite détériorée suite à l’accident, en janvier 2021, de son époux. Comme elle l’a indiqué dans le questionnaire statut, son époux a perdu son emploi ; il était d’ailleurs inscrit au chômage au moment des entretiens de l’expertise psychiatrique du I______ (soit en mars et mai 2023) et la famille est prise en charge, depuis 2024, par l’Hospice général. Or, en 2021, le fils de la recourante était âgé de 13 ans, soit un âge qui aurait permis à la recourante de travailler à plein temps en plus d’assumer ses tâches éducatives.
La recourante a, dans ce sens, indiqué qu’elle aurait, en bonne santé, tenté une formation à l’IFAGE afin de pouvoir exercer une autre activité que celle dans le nettoyage (procès-verbal d’audience du 7 octobre 2024). Cette déclaration est cohérente avec le parcours de la recourante, laquelle a débuté, à Pristina, des études universitaires (le droit puis les langues), qui ont été interrompues en raison de la survenance de la guerre (rapport d’expertise psychiatrique du I______ p. 25).
Au demeurant, l’intimé n’a accordé aucun poids à la situation financière et familiale de la recourante, lesquelles, conjointement avec les déclarations de celle‑ci quant à sa volonté hypothétique, permettent de conclure que dès l’année 2021, soit au moment où son mari a été accidenté et où son fils était âgé de 13 ans, elle aurait, en bonne santé, travaillé à un taux de 100% (dans ce sens arrêt du Tribunal fédéral 9C_612/2023 du 3 avril 2024 et 9C_541/2022 du 20 juillet 2023).
En conséquence, son statut est celui d’active.
S’agissant de la capacité de travail de la recourante, les avis de la psychiatre traitante, la Dre G______, (rapports des 12 juin 2021, 19 septembre 2022 et 24 janvier 2024) ont fait état d’une symptomatologie dépressive sévère avec des angoisses, attaques de panique, tristesse constante, perte de motivation et d’initiative, affections jugées totalement incapacitantes. Ces avis permettent de douter des conclusions de l’expert K______, selon lequel la recourante aurait recouvré, en août 2021, une capacité de travail de 70% suite à une période d’incapacité de travail totale de mai 2020 à juillet 2021.
Dans ces conditions, ils se justifie d’instruire plus avant l’aspect psychique par l’ordonnance d’une expertise judiciaire psychiatrique, laquelle sera confiée à la Dre L______.
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
I. Ordonne une expertise psychiatrique de Madame A______.
Commet à ces fins la Dre L______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, ______ Genève. Dit que la mission d’expertise sera la suivante :
A. Prendre connaissance du dossier de la cause.
B. Si nécessaire, prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité la personne expertisée, en particulier la Dre G______.
C. Examiner et entendre la personne expertisée et si nécessaire, ordonner d’autres examens.
D. Charge l’expert d’établir un rapport détaillé comprenant les éléments suivants :
1. Anamnèse détaillée (avec la description d’une journée-type)
2. Plaintes de la personne expertisée
3. Status clinique et constatations objectives
4. Diagnostics (selon un système de classification reconnu)
Précisez quels critères de classification sont remplis et de quelle manière (notamment l’étiologie et la pathogénèse).
4.1 Avec répercussion sur la capacité de travail
4.1.1 Dates d'apparition
4.2 Sans répercussion sur la capacité de travail
4.2.1 Dates d'apparition
4.3 Quel est le degré de gravité de chacun des troubles diagnostiqués (faible, moyen, grave) ?
4.4 Dans quelle mesure les atteintes diagnostiquées limitent-elles les fonctions nécessaires à la gestion du quotidien ? (N’inclure que les déficits fonctionnels émanant des observations qui ont été déterminantes pour le diagnostic de l’atteinte à la santé, en confirmant ou en rejetant des limitations fonctionnelles alléguées par la personne expertisée)
4.5 Y a-t-il exagération des symptômes ou constellation semblable (discordance substantielle entre les douleurs décrites et le comportement observé ou l’anamnèse, allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, absence de demande de soins médicaux, plaintes très démonstratives laissant insensible l'expert, allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact) ?
4.6 Dans l’affirmative, considérez-vous que cela suffise à exclure une atteinte à la santé significative ?
5. Limitations fonctionnelles
5.1. Indiquer les limitations fonctionnelles en relation avec chaque diagnostic
5.1.1 Dates d'apparition
5.2 Les plaintes sont-elles objectivées ?
6. Cohérence
6.1 Est-ce que le tableau clinique est cohérent, compte tenu du ou des diagnostic(s) retenu(s) ou y a-t-il des atypies ?
6.2 Est-ce que ce qui est connu de l'évolution correspond à ce qui est attendu pour le ou les diagnostic(s) retenu(s) ?
6.3 Est-ce qu'il y a des discordances entre les plaintes et le comportement de la personne expertisée, entre les limitations alléguées et ce qui est connu des activités et de la vie quotidienne de la personne expertisée ? En d’autre termes, les limitations du niveau d’activité sont-elles uniformes dans tous les domaines (professionnel, personnel) ?
6.4 Quels sont les niveaux d’activité sociale et d’activités de la vie quotidienne (dont les tâches ménagères) et comment ont-ils évolué depuis la survenance de l’atteinte à la santé ?
6.5 Dans l’ensemble, le comportement de la personne expertisée vous semble-t-il cohérent et pourquoi ?
7. Personnalité
7.1 Est-ce que la personne expertisée présente un trouble de la personnalité selon les critères diagnostiques des ouvrages de référence et si oui, lequel ? Quel code ?
7.2 Est-ce que la personne expertisée présente des traits de la personnalité pathologiques et, si oui, lesquels ?
7.3 Le cas échéant, quelle est l'influence de ce trouble de personnalité ou de ces traits de personnalité pathologiques sur les limitations éventuelles et sur l'évolution des troubles de la personne expertisée ?
7.4 La personne expertisée se montre-t-elle authentique ou y a-t-il des signes d'exagération des symptômes ou de simulation ?
8. Ressources
8.1 Quelles sont les ressources résiduelles de la personne expertisée sur le plan somatique ?
8.2 Quelles sont les ressources résiduelles de la personne expertisée sur les plans :
a) psychique
b) mental
c) social et familial. En particulier, la personne expertisée peut-elle compter sur le soutien de ses proches ?
9. Capacité de travail
9.1 Dater la survenance de l’incapacité de travail durable dans l’activité habituelle pour les diagnostics retenus, indiquer et détailler l’évolution de ce taux
9.2 La personne expertisée est-elle capable d’exercer son activité lucrative habituelle ?
9.2.1 Si non, ou seulement partiellement, pourquoi ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?
9.2.2 Depuis quelle date sa capacité de travail est-elle réduite/ nulle ?
9.3 La personne expertisée est-elle capable d’exercer une activité lucrative adaptée à ses limitations fonctionnelles ?
9.3.1 Si non, ou dans une mesure restreinte, pour quels motifs ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?
9.3.2 Si oui, quel est le domaine d’activité lucrative adaptée ? À quel taux ? Depuis quelle date ?
9.3.3 Dire s’il y a une diminution de rendement et la chiffrer
9.4 Comment la capacité de travail de la personne expertisée a-t-elle évolué depuis septembre 2019 ?
9.5 Des mesures médicales sont-elles nécessaires préalablement à la reprise d’une activité lucrative ? Si oui, lesquelles ?
9.6 Quel est votre pronostic quant à l’exigibilité de la reprise d’une activité lucrative ?
10. Traitement
10.1 Examen du traitement suivi par la personne expertisée et analyse de son adéquation
10.2 Est-ce que la personne expertisée s'est engagée ou s'engage dans les traitements qui sont raisonnablement exigibles et possiblement efficaces dans son cas ou n'a-t-elle que peu ou pas de demande de soins ?
10.3 En cas de refus ou mauvaise acceptation d’une thérapie, cette attitude doit-elle être attribuée à une incapacité de la personne expertisée à reconnaître sa maladie ?
10.4 Propositions thérapeutiques et analyse de leurs effets sur la capacité de travail de la personne expertisée
11. Appréciation d'avis médicaux du dossier
11.1 Êtes-vous d'accord avec l'avis de l’expert K______ du 7 juillet 2023 (expertise du I______) ? En particulier avec les diagnostics posés et l’estimation d'une capacité de travail nulle de mars 2020 à juillet 2021 et de 70% ensuite ? Si non, pourquoi ?
11.2 Êtes-vous d’accord avec les avis de la Dre G______ des 28 novembre 2020, 12 juin 2021, 12 septembre 2022 et 24 janvier 2024 ? En particulier avec les diagnostics posés, les limitations fonctionnelles constatées et l’estimation d’une capacité de travail nulle de la recourante depuis septembre 2020 ? Si non, pourquoi ?
12. Quel est le pronostic ?
13. Des mesures de réadaptation professionnelle sont-elles envisageables ?
14. Faire toutes autres observations ou suggestions utiles
II. Invite l’experte à déposer, dans les meilleurs délais, son rapport en trois exemplaires auprès de la chambre de céans.
III. Réserve le fond ainsi que le sort des frais jusqu’à droit jugé au fond.
La greffière
Adriana MALANGA |
| La présidente
Valérie MONTANI |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties par le greffe le