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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2237/2023

ATAS/1041/2024 du 19.12.2024 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2237/2023 ATAS/1041/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 19 décembre 2024

Chambre 5

 

En la cause

A______

représentée par Me Émilie CONTI MOREL, avocate

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


 

EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née en ______ 1967, a été en incapacité de travail à partir du 18 mars 2019. Son employeur, la B______ (ci-après : la B______), a transmis un formulaire de communication de détection précoce, en date du 13 juin 2019, à l’office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI).

b. L’assurée a déposé une demande de prestations auprès de l’OAI en date du 16 août 2019, en indiquant, comme atteinte à la santé, une « épaule gelée ». Son médecin traitant, le docteur C______, spécialiste FMH en médecine interne, a communiqué à l’OAI un rapport médical en date du 28 août 2019, dont il ressortait que l’assurée souffrait de problèmes psychiques, soit un état dépressif, épisode moyen, et somatiques, soit une périarthrite calcifiante de l’épaule gauche.

c. Par note du 19 septembre 2019, le gestionnaire de l’OAI a mentionné que l’assurée travaillait pour la B_____, depuis le 27 août 2001, et à 80% depuis le 1er septembre 2003. Le statut de l’assurée était donc un statut mixte, avec une part professionnelle de 80%.

d. En date du 11 décembre 2019, le docteur D______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, psychiatre traitant de l’assurée, a fait parvenir à l’OAI un rapport médical concluant à un épisode dépressif sévère, sur trouble de l’humeur récurrent (F33.2), conduisant à une capacité de travail de 50%, pour un taux d’activité de 80%. Dans l’anamnèse, le psychiatre traitant parlait d’une assurée malheureuse, battue lorsqu’elle était enfant, avec des idées noires, un désarroi et une première tentative de suicide à 10-12 ans, par défenestration puis, par la suite, par abus médicamenteux. Il était mentionné, notamment, un épuisement professionnel avec un harcèlement ainsi qu’une épaule « gelée », ce qui avait conduit à un arrêt de travail en mars 2019, avec une reprise à 50% dès le 15 juillet 2019.

e. Sur demande de son assurance-maladie perte de gain E______, l’assurée s’est soumise à une expertise pluridisciplinaire effectuée par le Centre d’expertises médicales (ci-après : CEMed). Les experts, soit le docteur F______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, et le docteur G______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, ont rendu un rapport d’expertise daté du 20 janvier 2020 confirmant, dans les grandes lignes, les diagnostics établis par le Dr C______ dans son rapport médical du 28 août 2019. L’anamnèse était détaillée et mentionnait, notamment, l’aide qu’elle pouvait obtenir de son mari. L’expert psychiatre concluait que l’état de l’expertisée était compatible avec des troubles anxieux mixtes (F41.3) comprenant des éléments d’anxiété généralisée, d’agoraphobie, avec trouble panique et de phobies spécifiques, ainsi qu’à des troubles de l’adaptation, réaction dépressive prolongée (F43.21) réactionnelle aux difficultés qu’elle rencontrait dans son travail. Néanmoins, il n’existait pas de limitations fonctionnelles d’ordre psychiatrique et la capacité de travail pouvait être estimée comme complète, dans toute activité, sans diminution de rendement, sous l’angle psychiatrique. Sur le plan orthopédique, le dernier bilan échographique montrait une tendinopathie calcifiante qui s’était aggravée au niveau du tendon sus-épineux avec une évacuation et diffusion du calcium responsable d’une bursite sous-acromiale. D’un point de vue professionnel, l’expert orthopédiste estimait que l’activité actuelle de l’assurée était adaptée et que la capacité actuelle était justifiée par des douleurs chroniques à l’épaule et à l’omoplate gauche. La poursuite du traitement et la mise en œuvre des mesures ergonomiques proposées par l’OAI devaient permettre une augmentation progressive de la capacité à 75% puis à 100%, dans un délai de quatre mois.

f. L’OAI a accepté la mise en place de mesures de réinsertion, soit des mesures d’intervention précoce sous la forme d’une adaptation du poste de travail, par communication du 16 avril 2020, ainsi que des mesures d’intervention précoce, sous la forme d’un accompagnement individualisé, par communication du 21 avril 2020 et, enfin, des mesures d’intervention précoce sous forme de cours de formation, par communication du 21 avril 2020.

g. Dans son rapport médical du 23 juillet 2022 destiné à l’OAI, le Dr D______ a considéré que l’assurée souffrait d’un épisode dépressif sévère sur trouble de l’humeur récurrent (F33.2) et que depuis son précédent rapport, daté du mois de décembre 2019, l’assurée avait présenté une évolution globalement défavorable, avec des fluctuations importantes des status physique et psychique. Selon le psychiatre traitant, elle était en incapacité complète de travailler pour une durée indéterminée, dès le 22 janvier 2020. Il estimait également que toute éventuelle tentative de réinsertion, à titre psychothérapeutique, avait été inenvisageable jusqu’à fin mai 2020. Depuis cette date, l’assurée était motivée par une formation pour tenter un essai, à titre psychothérapeutique, en tant que commissaire d’apprentissage et pour un maximum de 20% de sa capacité de travail.

h. Une nouvelle mesure d’intervention précoce, sous la forme d’un cours de formation, lui a été communiquée en date du 24 août 2020.

i. Dans une note de travail du 9 février 2021, suite à un entretien téléphonique avec l’assurée, le gestionnaire de l’OAI a mentionné que l’assurée avait obtenu son brevet de formatrice d’adultes et était commissaire d’apprentissage depuis octobre 2020 auprès de l’office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue (ci-après : OFPC). Elle donnait également des formations en communication, avec son mari, pour des écoles de santé. Sur le plan physique, les douleurs étaient toujours présentes au niveau des épaules mais la mobilité s’était quelque peu améliorée et elle pouvait travailler sur un clavier d’ordinateur, pour un maximum de deux heures d’affilée, avec des pauses. Au niveau de la marche, elle ne pouvait pas marcher plus d’une heure, en raison des douleurs qui apparaissaient. Sur le plan psychique, elle ne se sentait pas encore prête à suivre des mesures en continu impliquant de devoir sortir de chez elle, mais reconnaissait qu’elle avait moins de crises d’angoisse depuis qu’elle était sous traitement antidépresseur.

j. Par communication du 6 septembre 2021, l’OAI a informé l’assurée qu’elle avait droit à des mesures de réinsertion auprès du centre de formation de la Croix-Rouge.

k. Par note de travail du 7 octobre 2021, un gestionnaire de l’OAI a mentionné qu’à la suite de l’entretien téléphonique du 1er octobre 2021 avec le Dr D______, ce dernier mentionnait une aggravation de l’état de santé de l’assurée et la nécessité de suspendre provisoirement les mesures de réinsertion en cours. Cette dernière était très angoissée et envahie par le stress et souffrait également de difficultés personnelles et de la pression qu’elle se mettait, par crainte de ne pas être à la hauteur. Le psychiatre traitant mentionnait toutefois qu’il avait bon espoir qu’elle puisse reprendre les mesures de réinsertion au début du mois de novembre 2021.

l. Par note de travail du 29 octobre 2021, un gestionnaire de l’OAI a mentionné un entretien téléphonique du 28 octobre 2021 avec l’assurée, dont il ressortait que cette dernière suivait un nouveau traitement qui commençait à faire un peu d’effet et dont elle voyait une amélioration, tout en mentionnant que ses crises d’angoisse persistaient ; elle se déclarait prête à reprendre des activités de réinsertion, dès que le Dr D_______ lui donnerait le feu vert.

m. Par rapport médical du 14 janvier 2022, le Dr D______ a informé l’OAI que depuis le mois d’octobre 2021, la dégradation de l’état de santé de l’assurée était encore aggravée par des difficultés financières. Elle souffrait toujours d’un épisode dépressif sévère sur trouble de l’humeur récurrent et sa capacité de travail était nulle en présentiel et d’une heure ou deux par jour, en travail à distance. Selon le médecin, l’assurée se disait très motivée à se lancer dans une nouvelle tentative de réinsertion à distance, mais semblait « banaliser » sa situation, alors qu’elle souffrait de douleurs et phobies invalidantes.

n. Par avis médical du 2 mars 2022, le service médical régional (ci-après : le SMR) de l’OAI a résumé le contenu des précédents rapports médicaux et a recommandé la réalisation d’une expertise bi-disciplinaire avec volets psychiatrique et rhumatologique.

o. L’OAI a mandaté la docteure H______, spécialiste FMH en rhumatologie, et le docteur I______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie. Les experts ont rendu leur rapport en date du 14 juillet 2022. Dans leur évaluation consensuelle interdisciplinaire, les experts retenaient les diagnostics de tendinopathie calcifiante du sus-épineux de l’épaule gauche et capsulite rétractile, tendinopathie du sous-épineux et du tendon sous-axillaire, lombalgies sans substrat anatomique, trouble dépressif récurrent, épisode actuel léger. Il était mentionné que l’assurée avait du plaisir à s’occuper des stagiaires dans le cadre de son activité professionnelle. Dans le cadre personnel, les tâches ménagères étaient assurées par le mari ainsi que par l’assurée et les activités de loisirs étaient maintenues, en dépit du fait que l’assurée considérait que sa vie sociale était plus riche et plus active auparavant, lorsqu’elle ne souffrait pas de troubles de la santé. Sur le plan des ressources, l’assurée présentait une motivation avérée qui concernait les activités qu’elle menait au quotidien, mais l’investissement des ressources et sa motivation ne se retrouvaient pas dans la recherche d’une activité professionnelle. En conclusion, les experts estimaient qu’il n’y avait aucune incapacité de travail sur le plan interdisciplinaire, tout en soulignant que l’interaction entre les diagnostics douloureux et psychiques pouvait mener à une altération du fonctionnement de l’assurée et ce de manière plus ou moins marquée. La capacité de travail, dans l’activité habituelle et dans une activité adaptée, était de 100%, sans baisse de rendement et ceci dès la date de l’expertise.

p. Par avis médical du 8 août 2022, le SMR s’est prononcé sur le rapport d’expertise bi-disciplinaire, en considérant que les experts devaient compléter leur rapport en prenant position de manière claire et circonstanciée par rapport aux avis médicaux divergents du psychiatre traitant, soit le Dr D______, et du psychiatre qui avait été mandaté par la E______, soit le Dr G______.

q. Par rapport d’expertise complémentaire du 20 septembre 2022, les experts se sont prononcés sur des questions complémentaires et ont notamment expliqué pour quelles raisons une assurée qui avait actuellement une pleine capacité de travail n’était pas parvenue à reprendre le travail auparavant, malgré trois tentatives de réinsertion échelonnées sur plus de trois ans. Selon les experts, il n’y avait pas d’élément clinique permettant de se prononcer objectivement sur la capacité de travail de l’assurée avant la date de l’entretien d’expertise, raison pour laquelle il fallait évidemment tenir compte des appréciations cliniques des médecins en charge de l’assurée. Le Dr I______ confirmait toutefois que la situation clinique décrite par l’assurée au jour de l’expertise montrait vraisemblablement un état psychologique compatible avec l’accomplissement d’une activité professionnelle adaptée à ses problèmes physiques, au moins à partir de la date de l’entretien d’expertise. La Dre H______ confirmait qu’au status, il n’y avait aucune atteinte physique au niveau des membres supérieurs, des membres inférieurs et au rachis dans sa totalité. Elle en concluait que, sur le plan physique, l’assurée était capable d’avoir des activités physiques régulières et de se motiver pour le faire. Elle avait également des activités théâtrales, confectionnait de petits bijoux dans son atelier et aimait beaucoup la lecture, ce qui montrait qu’elle pouvait se concentrer et ressentir du plaisir.

r. Par rapport médical du même jour, le SMR a pris position sur le rapport complémentaire d’expertise et a considéré que l’assurée disposait d’une capacité de travail, soit dans une activité adaptée, soit dans l’activité habituelle de gestionnaire et formatrice, de 100%, dès le 27 juin 2022. Sur le plan somatique, l’assurée avait souffert d’une tendinopathie calcifiante du sus-épineux de l’épaule gauche, d’une capsulite rétractile, d’une tendinopathie du sous-épineux et du tendon sous-axillaire de mars 2019 à mai 2020 ; les limitations fonctionnelles étaient les mouvements répétitifs des épaules en antépulsion au-delà de 90° et en abduction au-delà de 60°, d’une manière théorique, dans le contexte d’une tendinopathie calcifiante des deux épaules. Sur le plan psychique, l’assurée souffrait de troubles dépressifs récurrents fluctuants, modérés à sévères, dès janvier 2020, mais légers et non incapacitants, dès juin 2022 ; les limitations fonctionnelles étaient la fatigabilité, les difficultés de concentration, de motivation et de mémoire.

B. a. Par prononcé du 18 novembre 2022, destiné à la caisse cantonale de compensation, l’OAI a demandé à cette dernière de calculer les prestations en espèces, sur une demande qui n’était pas tardive et qui avait abouti au constat d’un degré d’invalidité de 100% dès le 1er mars 2020, de 68% dès le 1er septembre 2020, de 80% dès le 1er décembre 2021, et enfin de 0% dès le 1er octobre 2022. Au délai de carence, il y avait lieu de considérer que les empêchements dans la sphère du ménage étaient nuls.

b. Par projet de décision du 18 novembre 2022, l’OAI a refusé d’autres mesures professionnelles et a octroyé à l’assurée une rente d’invalidité limitée. Le statut de l’assurée était celui d’une personne se consacrant à 80% à son activité professionnelle et, pour les 20% restants, à l’accomplissement de ses travaux habituels dans le ménage. Elle avait souffert d’une incapacité de travail de 100% dès le 18 mars 2019, de 50% dès le 15 juillet 2019, de 100% dès le 21 janvier 2020, de 85% dès le 1er juin 2020, de 100% dès le 30 septembre 2021 et enfin de 0% dès le 27 juin 2022.

c. Par courrier de son mandataire, daté du 23 décembre 2022, l’assurée s’est prononcée sur le projet de décision, en critiquant l’analyse de l’expert psychiatre, qui était considérée comme superficielle et n’avait pas de valeur probante. Il était encore mentionné qu’une enquête ménagère pour évaluer l’ampleur du handicap dans la tenue du ménage était nécessaire. Enfin, l’assurée concluait également à l’octroi de mesures de réinsertion préparant la réadaptation professionnelle.

d. Dans son rapport du 4 avril 2023, la commission d’analyse de dossiers (ci‑après : CAD) de l’OAI a résumé le contenu de l’expertise et de son complément à l’aune des griefs invoqués par l’assurée dans le courrier de son mandataire du 23 décembre 2022. La CAD a constaté qu’il n’y avait aucune pièce médicale versée au dossier par l’assurée pouvant justifier ses allégations et a estimé qu’il n’y avait aucune raison médicale susceptible de modifier les conclusions de l’avis du SMR du 10 octobre 2022.

e. Par décision du 31 mai 2023, l’OAI a octroyé des prestations selon les taux d’invalidité retenus dans le projet de décision du 18 novembre 2022, soit notamment avec un arrêt des prestations au 30 septembre 2022, en joignant une motivation qui reprenait celle communiquée avec ledit projet.

C. a. Par acte de son mandataire, déposé au greffe universel du Pouvoir judiciaire en date du 4 juillet 2023, l’assurée a recouru contre la décision du 31 mai 2023 par‑devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) en reprenant, en substance, les critiques déjà énoncées à l’encontre du projet de décision. Selon l’assurée, les conclusions des experts ne pouvaient pas être suivies et s’opposaient à celles de ses propres médecins traitants. Elle communiquait, en annexe, une nouvelle pièce médicale, soit le rapport médical de la docteure J______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, qui mentionnait l’existence d’un trouble de stress post‑traumatique avec des symptômes dissociatifs (F43.10), ainsi qu’une anxiété grave objectivée par le niveau 37 sur l’échelle d’Hamilton de l’anxiété. L’assurée demandait, préalablement, une audience de comparution personnelle, l’audition de ses médecins traitants, ainsi qu’une nouvelle expertise psychiatrique ordonnée par la chambre de céans. Sur le fond, elle concluait à l’annulation de la décision dans la mesure où la rente d’invalidité à 100% ne devait pas être limitée dans le temps et devait donc se poursuivre au-delà du 1er octobre 2022 avec intérêts moratoires à 5% l’an sur les arriérés de rente dès le 24e mois suivant leur exigibilité, le tout sous suite de frais et dépens.

b. Par réponse du 17 juillet 2023, l’OAI a conclu au rejet du recours, en se fondant sur l’expertise bi-disciplinaire et son complément, ainsi que sur l’avis du SMR, considérant que le rapport médical du SMR devait être qualifié de probant. S’agissant de la nouvelle pièce médicale, soit le rapport de la Dre J______, le SMR a constaté que le diagnostic de trouble de stress post-traumatique posé par la psychiatre n’avait jamais été retenu antérieurement, ni par les deux experts psychiatres, ni par les propres médecins traitants de l’assurée. Dès lors, la précédente appréciation du cas demeurait valable, raison pour laquelle l’OAI maintenait sa décision.

c. Par réplique de son mandataire du 31 août 2023, l’assurée a critiqué à nouveau l’expertise administrative du Dr I______, considérant que l’expert s’était écarté des exigences prescrites par le Tribunal fédéral et était resté flou en motivant son diagnostic. Par conséquent, les éléments les plus cruciaux et pertinents pour juger la capacité de travail de l’assurée n’avaient pas été traités par l’expert psychiatre. S’agissant de la prise de position du SMR quant au rapport médical de la Dre J______, l’assurée considérait que la motivation du SMR était lacunaire et que l’avis de ce service ne déployait aucune valeur probante, à défaut d’être motivé à satisfaction de droit, en lien avec le rapport convaincant cohérent et circonstancié de la Dre J______.

d. Par duplique du 25 septembre 2023, l’OAI a considéré que le dossier avait été instruit à satisfaction de droit, de sorte qu’une instruction complémentaire ne se justifiait pas et a persisté dans ses conclusions.

e. En date du 29 septembre 2023, le mandataire de la recourante a transmis à la chambre de céans un rapport médical du Dr C______, daté du 27 septembre 2023, qui posait un diagnostic de fibromyalgie, en complément aux autres diagnostics connus.

f. Les parties ont été convoquées à une audience de comparution personnelle qui s’est tenue en date du 12 octobre 2023. Lors de cette dernière, le représentant de l’OAI a expliqué qu’il n’avait pas jugé nécessaire de faire une enquête économique dès lors que, même si dans l’absolu, on pouvait reconnaître une incapacité totale dans la sphère du ménage, cela n’aurait aucun impact sur la rente, à hauteur de 20%. Il a également souligné que, s’agissant du récent rapport médical du Dr C______, il n’y avait pas suffisamment de points permettant de soutenir l’existence d’une fibromyalgie. L’assurée, de son côté, a résumé son parcours et a précisé que c’était au moment de la tentative de réinsertion à la Croix-Rouge qu’elle avait décompensé, soit en août 2021. Elle ne contestait pas les différentes périodes et les degrés d’invalidité qui avaient été retenus par l’OAI, mais estimait que la rente ordinaire ne devait pas s’arrêter au 30 septembre 2022 et devait se poursuivre sans limitation dans le temps. Selon l’assurée, en raison de ses crises d’angoisse qui l’empêchaient de se déplacer, elle ne pouvait considérer qu’une activité à distance. Selon les estimations de la Dre J______, une telle activité à distance ne pouvait pas dépasser une à deux heures par jour. L’assurée mentionnait également que l’expertise psychiatrique ne s’était pas très bien déroulée, car elle avait ressenti que l’expert n’attendait même pas les réponses à ses questions.

g. Par courrier du 18 octobre 2023, la chambre de céans a informé les parties qu’elle allait confier une mission d’expertise au docteur K______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie. Par courrier du 24 octobre 2023, l’OAI a considéré qu’une telle expertise n’était pas nécessaire, mais n’a pas formé de motifs de récusation à l’encontre de l’expert proposé. Par courrier du 2 novembre 2023, le mandataire de l’assurée a émis des doutes quant à la spécialisation de l’expert, qui portait plutôt sur le milieu carcéral et pénitentiaire, et a fait part des difficultés que cela poserait pour l’assurée de se déplacer jusqu’à son cabinet à Sion. Trois noms d’experts acceptés par l’assurée étaient mentionnés dans le courrier.

h. Par courrier du 9 novembre 2023, la chambre de céans a informé les parties que, suite aux objections de la recourante, un nouvel expert était proposé, à savoir le docteur L______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie. Par courriers, respectivement, du 22 et du 24 novembre 2023, les parties ont déclaré qu’elles n’avaient pas de motifs de récusation à faire valoir à l’encontre de cet expert.

i. La chambre de céans a communiqué aux parties un projet de mission d’expertise en date du 8 février 2024. Par courrier du 13 février 2024, l’OAI a déclaré ne pas avoir de questions supplémentaires à soumettre à l’expert.

j. Par courrier du 29 février 2024, le mandataire de la recourante a demandé que des précisions soient apportées au point D de la mission d’expertise, ce qui a été retenu par la chambre de céans, qui a rendu une ordonnance d’expertise en date du 21 mars 2024.

k. Le Dr L______ a communiqué son rapport d’expertise en date du 23 août 2024. Il a retenu comme diagnostics ayant une répercussion sur la capacité de travail de l’assurée : une anxiété généralisée, sévérité grave (F 41.1), un trouble panique (F41.0) ainsi qu’un trouble de l’usage de l’alcool, sévérité moyenne (F10.20) et un trouble de l’usage du tabac, non spécifié (305.1).

L’expert a considéré que l’activité lucrative habituelle était une activité adaptée, qui pouvait être effectuée facilement à distance, mais pas plus de deux heures par jour ; même avec une activité ponctuelle, le rendement serait diminué de l’ordre de 50%

Les limitations fonctionnelles étaient considérées comme graves dans les domaines suivants : capacité d’endurance, aptitude à s’affirmer, aptitude à évoluer au sein d’un groupe et aptitude à se déplacer. Les limitations fonctionnelles étaient considérées comme moyennes dans les domaines suivants : adaptation aux règles et routines, planification et structuration des tâches, capacité d’adaptation et aptitude à des activités spontanées. Les limitations étaient apparues de manière évidente, à partir du mois de mars 2019.

Le pronostic était globalement réservé, tant du point de vue strictement psychiatrique que s’agissant de la capacité de travail.

l. Par détermination du 17 septembre 2024, l’OAI a considéré, en se fondant sur le préavis de son SMR, que les conclusions de l’expertise judiciaire ne pouvaient être suivies car l’évolution des problèmes de santé de la recourante et de sa capacité de travail n’étaient pas établies de manière convaincante. Selon l’avis médical du SMR du 16 septembre 2024, il existait certaines incohérences en ce qui concernait l’évaluation de la capacité de travail ; celle-ci ne pouvait pas être diminuée à 25% depuis le mois de mars 2019, car l’assurée avait repris son activité habituelle à taux partiel, durant plusieurs mois et avait suivi et donné des formations. Le SMR relevait, toutefois, qu’il ressortait de l’expertise que l’état de santé de l’assurée s’était visiblement aggravé par rapport à l’expertise de 2022, mais cette aggravation était postérieure à la décision querellée et nécessitait un complément d’instruction, afin d’évaluer les limitations fonctionnelles et les répercussions sur la capacité de travail. Partant, le SMR maintenait sa précédente appréciation du cas.

m. Dans ses déterminations du 20 septembre 2024, l’assurée a considéré que le rapport d’expertise était très bien motivé et pouvait se voir conférer une pleine valeur probante. Compte tenu des résultats de l’expertise, la recourante a précisé ses conclusions en ce sens que l’OAI devait être condamné à lui verser une rente entière d’invalidité du 1er mars 2020 au 31 mars 2021, puis une rente entière d’invalidité à partir du 1er décembre 2021, sans limite dans le temps, avec intérêts à 5% sur les arriérés de rente dès le 24e mois suivant l’exigibilité, sous suite de frais et dépens.

n. Par courrier du 24 septembre 2024, la chambre de céans a demandé à l’expert de préciser certains points, notamment si la perte de rendement de 50% s’appliquait sur les deux heures d’activité quotidienne, et de répondre aux critiques du SMR selon lesquelles on ne pouvait retenir une capacité de travail de 25% à partir de mars 2019, alors que l’assurée avait repris son activité habituelle à taux partiel soit 50% pendant plusieurs mois.

o. Dans un complément d’expertise du 3 octobre 2024, le Dr L______ a confirmé que la perte de rendement de 50% était présente même sur une activité de deux heures par jour, ce qui aboutissait à une capacité de travail effective d’une heure par jour dans l’activité habituelle, qui était également une activité adaptée. S’agissant des critiques du SMR sur la capacité de travail estimée à 25%, l’expert a cité différents passages démontrant les difficultés que l’assurée avait rencontrées à partir du début de l’année 2019 dans ses activités professionnelles, raison pour laquelle, au vu de la poursuite de l’activité de façon irrégulière et entrecoupée d’arrêts de travail à partir du début de l’année 2019, il avait considéré, en reprenant les pièces du dossier attestant de l’incapacité de travail, que la recourante avait été en incapacité de travail totale du 18 mars au 21 juin 2019 (motifs rhumatologiques, certificats du Dr C______) ; reprise à 50% dès le 15 juillet 2019 (certificat du Dr C______) ; incapacité totale pour motifs psychiatriques dès le 20 janvier 2020 (certificats du Dr D______) ; à partir de juin 2020, différentes activités professionnelles et de formation, à raison de quatre heures par semaine de décembre 2020 à juin 2021, soit une activité à 10% environ puis une reprise comme formatrice à distance à 50% en mars 2021 mais qui avait dû être réduite à 30%, dès le mois d’avril 2021.

p. L’OAI s’est déterminé sur ce complément d’expertise, par courrier du 15 octobre 2024 joignant, en annexe, un avis médical du même jour de son SMR. Ce dernier estimait que l’on ne pouvait retenir que la capacité de travail était nulle, depuis mars 2019, pour des raisons psychiatriques, car l’incapacité de travail résultait de raisons somatique et l’atteinte psychiatrique n’avait été objectivée incapacitante que depuis janvier 2022. Par la suite, le SMR avait reconnu une amélioration de l’état de santé psychiatrique de l’assurée, en se fondant sur l’expertise psychiatrique de juin 2022. Il admettait, toutefois, que depuis lors, une aggravation de l’état de santé était intervenue mais cette dernière était postérieure à la décision. Pour ces raisons, l’OAI persistait dans ses conclusions en rejet du recours et en maintien de la décision attaquée.

q. Par déterminations du 7 novembre 2024, l’assurée a considéré que les diverses activités et tentatives de reprise, entre juin 2020 et septembre 2021, ne permettaient pas de conclure à une quelconque capacité de travail durant cette période, mais permettaient, tout au plus, d’attester de la motivation de la recourante à se maintenir en emploi, malheureusement en vain. Au vu des précisions données par l’expert au sujet du rendement de 50% par rapport à une activité quotidienne de deux heures, l’assurée considérait ne jouir que d’une capacité résiduelle de 10%, dans une activité adaptée telle que l’activité habituelle, ce qui n’était pas exploitable sur le marché ordinaire de l’emploi. Il en résultait que l’incapacité de travail était totale, depuis le 20 janvier 2020, comme indiqué dans ses observations sur expertise, étant rappelé que les indemnités journalières de l’assurance-invalidité avaient été versées du 1er avril au 30 novembre 2021. Partant, le SMR avait tort lorsqu’il retenait, dans son avis médical du 16 septembre 2024, que l’état de santé s’était vraisemblablement aggravé par rapport à l’expertise de 2022, car cette dernière était dénuée de toute valeur probante. En conclusion, la décision entreprise était ainsi erronée lorsqu’elle évoquait une capacité de travail de 15% dans la sphère professionnelle, du 1er juin 2020 au 29 septembre 2021, puis une pleine capacité de travail et de gain depuis le 27 juin 2022, ce qui conduisait la recourante à persister dans ses conclusions telles que précisées dans ses observations du 20 septembre 2024.

r. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

s. Les autres faits et documents seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « En droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

1.         

1.1 Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

2.        Le litige porte sur la question de la période pendant laquelle la capacité de travail de l’assurée s’est améliorée et la persistance d’une incapacité de travail, donnant lieu à des prestations de l’OAI au-delà du 30 septembre 2022.

3.         

3.1 Le 1er janvier 2022 sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée se fonde sur un complexe de faits antérieur au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

3.2 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

4.         

4.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanant d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

4.2 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

4.3 L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

4.4 Pour des motifs de proportionnalité, on peut renoncer à une appréciation selon la grille d’évaluation normative et structurée si elle n’est pas nécessaire ou si elle est inappropriée. Il en va ainsi notamment lorsqu’il n’existe aucun indice en faveur d’une incapacité de travail durable ou lorsque l’incapacité de travail est niée sous l’angle psychique sur la base d’un rapport probant établi par un médecin spécialisé et que d’éventuelles appréciations contraires n’ont pas de valeur probante du fait qu’elles proviennent de médecins n’ayant pas une qualification spécialisée ou pour d’autres raisons (arrêt du Tribunal fédéral 9C_101/2019 du 12 juillet 2019 consid. 4.3 et la référence ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_724/2018 du 11 juillet 2019 consid. 7). En l’absence d’un diagnostic psychiatrique, une telle appréciation n’a pas non plus à être effectuée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2).

4.5 Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence). 

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

Ces indicateurs sont classés comme suit :

I. Catégorie « degré de gravité fonctionnelle »

Les indicateurs relevant de cette catégorie représentent l’instrument de base de l’analyse. Les déductions qui en sont tirées devront, dans un second temps, résister à un examen de la cohérence (ATF 141 V 281 consid. 4.3).

A. Axe « atteinte à la santé »

1. Caractère prononcé des éléments et des symptômes pertinents pour le diagnostic

Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l’atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés. Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l’étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.1).

L'influence d'une atteinte à la santé sur la capacité de travail est davantage déterminante que sa qualification en matière d'assurance-invalidité (ATF 142 V 106 consid. 4.4). Diagnostiquer une atteinte à la santé, soit identifier une maladie d'après ses symptômes, équivaut à l'appréciation d'une situation médicale déterminée qui, selon les médecins consultés, peut aboutir à des résultats différents en raison précisément de la marge d'appréciation inhérente à la science médicale (ATF 145 V 361 consid. 4.1.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_212/2020 du 4 septembre 2020 consid. 4.2 et 9C_762/2019 du 16 juin 2020 consid. 5.2).

2. Succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à ces derniers

Le déroulement et l'issue d'un traitement médical sont en règle générale aussi d'importants indicateurs concernant le degré de gravité du trouble psychique évalué. Il en va de même du déroulement et de l'issue d'une mesure de réadaptation professionnelle. Ainsi, l'échec définitif d'une thérapie médicalement indiquée et réalisée selon les règles de l'art de même que l'échec d'une mesure de réadaptation - malgré une coopération optimale de l'assuré - sont en principe considérés comme des indices sérieux d'une atteinte invalidante à la santé. À l'inverse, le défaut de coopération optimale conduit plutôt à nier le caractère invalidant du trouble en question. Le résultat de l'appréciation dépend toutefois de l'ensemble des circonstances individuelles du cas d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2.1.3 et la référence).

3. Comorbidités

La présence de comorbidités ou troubles concomitants est un indicateur à prendre en considération en relation avec le degré de gravité fonctionnel (arrêt du Tribunal fédéral 9C_650/2019 du 11 mai 2020 consid. 3.3 et la référence). On ne saurait toutefois inférer la réalisation concrète de l'indicateur « comorbidité » et, partant, un indice suggérant la gravité et le caractère invalidant de l'atteinte à la santé, de la seule existence de maladies psychiatriques et somatiques concomitantes. Encore faut-il examiner si l'interaction de ces troubles ayant valeur de maladie prive l'assuré de certaines ressources (arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3 et la référence). Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l’influence du trouble avec l’ensemble des pathologies concomitantes. Une atteinte qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidante en tant que telle (cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_98/2010 du 28 avril 2010 consid. 2.2.2, in : RSAS 2011 IV n° 17, p. 44) n’est pas une comorbidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1040/2010 du 6 juin 2011 consid. 3.4.2.1, in : RSAS 2012 IV n° 1, p. 1) mais doit à la rigueur être prise en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Ainsi, un trouble dépressif réactionnel au trouble somatoforme ne perd pas toute signification en tant que facteur d’affaiblissement potentiel des ressources, mais doit être pris en considération dans l’approche globale (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.3).

Même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d’un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1).

B. Axe « personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles)

Le « complexe personnalité » englobe, à côté des formes classiques du diagnostic de la personnalité qui vise à saisir la structure et les troubles de la personnalité, le concept de ce qu’on appelle les « fonctions complexes du moi » qui désignent des capacités inhérentes à la personnalité, permettant des déductions sur la gravité de l’atteinte à la santé et de la capacité de travail (par exemple : auto-perception et perception d’autrui, contrôle de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation ; cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Étant donné que l’évaluation de la personnalité est davantage dépendante de la perception du médecin examinateur que l’analyse d’autres indicateurs, les exigences de motivation sont plus élevées (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2).

Le Tribunal fédéral a estimé qu’un assuré présentait des ressources personnelles et adaptatives suffisantes, au vu notamment de la description positive qu’il avait donnée de sa personnalité, sans diminution de l'estime ou de la confiance en soi et sans peur de l'avenir (arrêt du Tribunal fédéral 8C_584/2016 du 30 juin 2017 consid. 5.2).

C. Axe « contexte social »

Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l’assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut toujours s’assurer qu’une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d’autres difficultés de vie (ATF 141 V 281 consid. 4.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3).

Lors de l'examen des ressources que peut procurer le contexte social et familial pour surmonter l'atteinte à la santé ou ses effets, il y a lieu de tenir compte notamment de l'existence d'une structure quotidienne et d'un cercle de proches […]. Le contexte familial est susceptible de fournir des ressources à la personne assurée pour surmonter son atteinte à la santé ou les effets de cette dernière sur sa capacité de travail, nonobstant le fait que son attitude peut rendre plus difficile les relations interfamiliales (arrêt du Tribunal fédéral 9C_717/2019 du 30 septembre 2020 consid. 6.2.5.3). Toutefois, des ressources préservées ne sauraient être inférées de relations maintenues avec certains membres de la famille dont la personne assurée est dépendante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2020 du 22 octobre 2020 consid. 5.2).

II. Catégorie « cohérence »

Il convient ensuite d’examiner si les conséquences qui sont tirées de l’analyse des indicateurs de la catégorie « degré de gravité fonctionnel » résistent à l’examen sous l’angle de la catégorie « cohérence ». Cette seconde catégorie comprend les indicateurs liés au comportement de l’assuré (ATF 141 V 281 consid. 4.4). À ce titre, il convient notamment d’examiner si les limitations fonctionnelles se manifestent de la même manière dans la vie professionnelle et dans la vie privée, de comparer les niveaux d’activité sociale avant et après l’atteinte à la santé ou d’analyser la mesure dans laquelle les traitements et les mesures de réadaptation sont mis à profit ou négligés. Dans ce contexte, un comportement incohérent est un indice que les limitations évoquées seraient dues à d’autres raisons qu’une atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.3).

A. Limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie

Il s’agit ici de se demander si l’atteinte à la santé limite l’assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l’exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social utilisé jusqu’ici doit désormais être interprété de telle sorte qu’il se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l’assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d’activité sociale de l’assuré avant et après la survenance de l’atteinte à la santé (ATF 141 V 281 consid. 4.4.1).

B. Poids de la souffrance, révélé par l’anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation

L'interruption de toute thérapie médicalement indiquée sur le plan psychique et le refus de participer à des mesures de réadaptation d'ordre professionnel sont des indices importants que l’assuré ne présente pas une évolution consolidée de la douleur et que les limitations invoquées sont dues à d'autres motifs qu'à son atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_569/2017 du 18 juillet 2018 consid. 5.5.2).

La prise en compte d’options thérapeutiques, autrement dit la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, permet d’évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n’est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l’absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d’une incapacité (inévitable) de l’assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s’appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d’autres raisons qu’à l'atteinte à la santé assurée (ATF 141 V 281 consid. 4.4.2).

4.6 Selon la jurisprudence rendue jusque-là à propos des dépressions légères à moyennes, les maladies en question n'étaient considérées comme invalidantes que lorsqu'on pouvait apporter la preuve qu'elles étaient « résistantes à la thérapie » (ATF 140 V 193 consid 3.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_841/2016 du 8 février 2017 consid. 3.1 et 9C_13/2016 du 14 avril 2016 consid. 4.2).

Dans l'ATF 143 V 409 consid. 4.2, le Tribunal fédéral a rappelé que le fait qu'une atteinte à la santé psychique puisse être influencée par un traitement ne suffit pas, à lui seul, pour nier le caractère invalidant de celle-ci ; la question déterminante est en effet celle de savoir si la limitation établie médicalement empêche, d'un point de vue objectif, la personne assurée d'effectuer une prestation de travail. À cet égard, toutes les affections psychiques doivent en principe faire l'objet d'une procédure probatoire structurée au sens de l'ATF 141 V 281 (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Ainsi, le caractère invalidant des atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_142/2018 du 24 avril 2018 consid. 5.2).

Dans les cas où, au vu du dossier, il est vraisemblable qu'il n'y a qu'un léger trouble dépressif, qui ne peut déjà être considéré comme chronifié et qui n'est pas non plus associé à des comorbidités, aucune procédure de preuve structurée n'est généralement requise (arrêt du Tribunal fédéral 9C_14/2018 du 12 mars 2018 consid 2.1).

Le Tribunal fédéral a récemment rappelé qu’en principe, seul un trouble psychique grave peut avoir un caractère invalidant. Un trouble dépressif de degré léger à moyen, sans interférence notable avec des comorbidités psychiatriques, ne peut généralement pas être défini comme une maladie mentale grave. S'il existe en outre un potentiel thérapeutique significatif, le caractère durable de l'atteinte à la santé est notamment remis en question. Dans ce cas, il doit exister des motifs importants pour que l'on puisse néanmoins conclure à une maladie invalidante. Si, dans une telle constellation, les spécialistes en psychiatrie attestent sans explication concluante (éventuellement ensuite d'une demande) une diminution considérable de la capacité de travail malgré l'absence de trouble psychique grave, l'assurance ou le tribunal sont fondés à nier la portée juridique de l'évaluation médico-psychiatrique de l'impact (ATF 148 V 49 consid. 6.2.2 et les références).

4.7 Des traits de personnalité signifient que les symptômes constatés ne sont pas suffisants pour retenir l’existence d’un trouble spécifique de la personnalité. Ils n'ont, en principe, pas valeur de maladie psychiatrique et ne peuvent, en principe, fonder une incapacité de travail en droit des assurances au sens des art. 4 al. 1 LAI et 8 LPGA (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 5.3 et les références).

 

5.         

5.1 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs sont importants pour évaluer la capacité de travail, qui - en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part -, permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

5.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

5.3 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

5.4 Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l'art. 44 LPGA, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères : s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 et les références ; 142 V 58 consid. 5.1 et les références ; 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4 et les références). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon l'art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références).

Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4). 

5.5 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 [RAI - RS 831.201] ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1). 

5.6 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

5.7 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

6.         

6.1 Le point de départ de l'évaluation prévue pour les troubles somatoformes douloureux (ATF 141 V 281), les troubles dépressifs (ATF 143 V 409), les autres troubles psychiques (ATF 143 V 418) et les troubles mentaux du comportement liés à l’utilisation de substances psychoactives (ATF 145 V 215) est l'ensemble des éléments médicaux et constatations y relatives. Les experts doivent motiver le diagnostic psychique de telle manière que l'organe d'application du droit puisse comprendre non seulement si les critères de classification sont remplis (ATF 141 V 281 consid. 2.1.1), mais également si la pathologie diagnostiquée présente un degré de gravité susceptible d'occasionner des limitations dans les fonctions de la vie courante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_551/2019 du 24 avril 2020 consid. 4.1 et la référence).

6.2 Dans un arrêt de principe du 2 décembre 2019 (ATF 145 V 361), le Tribunal fédéral, à la lumière de l'ATF 141 V 281, a notamment posé une délimitation, entre l'examen (libre), par les autorités chargées de l'application du droit, de l'admission d'une incapacité de travail par l'expert psychiatre, d'une part, et une appréciation juridique parallèle inadmissible, d'autre part.

Selon le Tribunal fédéral, dans tous les cas, l’administration et, en cas de recours, le juge, doivent examiner si et dans quelle mesure les experts ont suffisamment et de manière compréhensible étayé leur évaluation de l'incapacité de travail, en tenant compte des indicateurs pertinents (questions de preuve). À cette fin, les experts doivent établir un lien avec la partie précédente de l'expertise médico-psychiatrique (avec extraits du dossier, anamnèse, constatations, diagnostics, etc.), c'est-à-dire qu'ils doivent se référer en détails aux résultats médico-psychiatriques des examens et explorations cliniques menés dans les règles de l’art qui relèvent de leur compétence. Le médecin doit donc exposer de manière détaillée les raisons médico-psychiatriques pour lesquelles les éléments constatés sont susceptibles de restreindre la capacité fonctionnelle et les ressources psychiques en termes qualitatifs, quantitatifs et temporels (ATF 143 V 418 consid. 6). À titre d’exemple, dans le cadre de troubles dépressifs récurrents de degrés léger à modéré qui sont souvent au premier plan dans l’examen de l’invalidité au sens de l’AI, cela signifie qu’il ne suffit pas que l'expert psychiatre déduise directement de l'épisode dépressif diagnostiqué une incapacité de travail, quel qu'en soit le degré ; il doit bien plutôt démontrer si et dans quelle mesure les constatations qu'il a faites (tristesse, désespoir, manque de dynamisme, fatigue, troubles de la concentration et de l'attention, diminution de la capacité d'adaptation, etc.), limitent la capacité de travail, en tenant compte - à des fins de comparaison, de contrôle et de plausibilité - des autres activités personnelles, familiales et sociales de la personne requérant une rente. Si les experts s'acquittent de cette tâche de manière convaincante, en tenant compte des éléments de preuve établis par l'ATF 141 V 281, l'évaluation des répercussions de l’atteinte psychique sera également valable du point de vue des organes chargés de l’application du droit, que ce soit l’administration ou le juge. À défaut, il se justifie, juridiquement, de s'en écarter (ATF 145 V 361 consid. 4.3 et la référence).

6.3 En ce qui concerne l'évaluation du caractère invalidant des affections psychosomatiques et psychiques, l'appréciation de la capacité de travail par un médecin psychiatre est soumise à un contrôle (libre) des organes chargés de l'application du droit à la lumière de l'ATF 141 V 281 (ATF 145 V 361 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_585/2019 du 3 juin 2020 consid. 2 et les références). Il peut ainsi arriver que les organes d'application du droit se distancient de l'évaluation médicale de la capacité de travail établie par l’expertise sans que celle-ci ne perde sa valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_128/2018 du 17 juillet 2018 consid. 2.2 et les références). Du point de vue juridique, il est même nécessaire de s’écarter de l’appréciation médicale de la capacité de travail si l’évaluation n’est pas suffisamment motivée et compréhensible au vu des indicateurs pertinents, ou n’est pas convaincante du point de vue des éléments de preuve instaurés par l’ATF 141 V 281. S’écarter de l’évaluation médicale est alors admissible, du point de vue juridique, sans que d’autres investigations médicales ne soient nécessaires (arrêt du Tribunal fédéral 9C_832/2019 du 6 mai 2020 consid. 2.2). Toutefois, lorsque l’administration ou le juge, au terme de son appréciation des preuves, parvient à la conclusion que le rapport d'expertise évalue la capacité de travail en fonction des critères de médecine des assurances établis dans l'ATF 141 V 281 et qu’il satisfait en outre aux exigences générales en matière de preuves (ATF 134 V 231 consid. 5.1), il a force probante et ses conclusions sur la capacité de travail doivent être suivies par les organes d'application de la loi. Une appréciation juridique parallèle libre en fonction de la grille d'évaluation normative et structurée ne doit pas être entreprise (cf. ATF 145 V 361 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_213/2020 du 19 mai 2020 consid. 4.3 et les références).

En fin de compte, la question décisive est toujours celle des répercussions fonctionnelles d'un trouble. La preuve d'une incapacité de travail de longue durée et significative liée à l’état de santé ne peut être considérée comme rapportée que si, dans le cadre d’un examen global, les éléments de preuve pertinents donnent une image cohérente de l’existence de limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation invalidante de la capacité de travail n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_423/2019 du 7 février 2020 consid. 3.2.2 et les références).

7.        Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

8.         

8.1 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; 122 V 157 consid. 1d).

8.2 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151 consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

9.        En l’espèce, la recourante considère que la rente entière d’invalidité doit continuer à lui être versée, au-delà du 30 septembre 2022, dès lors que son incapacité de travail se poursuit.

L’intimé, en revanche, maintient la décision querellée mettant fin au versement de la rente entière d’invalidité, dès le 1er octobre 2022, en se fondant sur les conclusions des experts qu’il a mandatés et en considérant que l’expertise psychiatrique judiciaire du Dr L______ n’a pas de valeur probante.

La chambre de céans a exposé, dans son ordonnance d’expertise du 21 mars 2024, que les appréciations des médecins traitants de l’assurée allaient à l’encontre des appréciations des experts mandatés par l’OAI et qu’il était difficilement compréhensible qu’une assurée déclarée apte par lesdits experts avait suivi, à trois reprises, des mesures de réinsertion, sans que l’on observe objectivement des progrès ; pour ces raisons, elle a mandaté un expert psychiatre.

Il sied de déterminer, à titre préalable, si le rapport d’expertise du Dr L______ du 23 août 2024 et son complément du 3 octobre 2024 présentent une pleine valeur probante.

9.1 Le rapport de ce psychiatre correspond en tous points aux exigences en la matière. Il a été établi en parfaite connaissance du dossier médical, dont la lecture a été complétée par deux entretiens téléphoniques, de 20 minutes chacun, avec les médecins traitants de l’assurée soit, respectivement, la Dre J______ et le Dr C______. Le rapport contient, en outre, une anamnèse personnelle, familiale et professionnelle très fouillée, et l’expert a rapporté ses observations cliniques de manière détaillée à la suite de deux entretiens, totalisant 210 minutes, complétés par une évaluation neuropsychologique. Les diagnostics retenus sont soigneusement motivés et le Dr L______ a précisé sur quels critères il se fondait en évoquant les diagnostics différentiels. Il a, en outre, exposé de manière convaincante pour quelles raisons il se ralliait aux avis des autres intervenants ou au contraire s’en écartait.

Dans son complément du 3 octobre 2024, l’expert a précisé la portée de la diminution de rendement de 50% et a expliqué les raisons pour lesquelles il considérait que la capacité de travail de la recourante était diminuée, à partir de mars 2019.

Ses conclusions sont, elles aussi, claires et motivées.

Dans le cadre de l’anamnèse familiale, en p. 3 de son rapport, l’expert a relevé les mauvais traitements, tant physiques que psychologiques, que l’assurée a vécu dans son enfance alors qu’elle avait été placée dans différentes familles d’accueil, avec des allers-retours entre des foyers d’urgence et les familles d’accueil entre ses 10 et 18 ans. En p. 16 et 17 de son rapport, le Dr L______, se fondant sur la littérature scientifique, a développé les conséquences que pouvaient avoir, tout au long de leur vie, les expériences défavorables vécues par les individus en bas âge (Adverse Childhod Experiences, ci-après : ACE). L’exposition de l’enfant au stress chronique entraînait des changements dans le développement des systèmes nerveux, endocrinien et immunitaire qui entraînaient à leur tour une altération du fonctionnement cognitif, social et émotionnel et une augmentation des dysfonctionnements physiologiques chroniques. Le risque était significativement augmenté pour les individus qui, comme l’expertisée, présentaient quatre items d’ACE ou davantage, soit en l’espèce : le tabagisme, la mauvaise santé auto-évaluée, la mauvaise santé mentale, la consommation problématique d’alcool et les violences interpersonnelles à l’âge adulte, subies de la part de ses ex-conjoints. Compte tenu de ces occurrences, il était raisonnable de mettre en lien, du moins partiellement, les problèmes de santé psychique de l’assurée avec son vécu infantile.

9.2 Comparant ses appréciations avec celles du Dr G______, le psychiatre mandaté par la E______ en 2019, l’expert a considéré que son confrère avait bien identifié les symptômes anxieux et dépressifs, dans une moindre mesure, mais il en rendait compte au travers de diagnostics larges, relativement peu spécifiques de troubles de l’adaptation et de troubles anxieux mixtes. En revanche, le Dr L______ ne partageait pas son avis quant à la capacité de travail jugée complète par le Dr G______ et s’étonnait qu’il soit passé à côté du problème d’alcool en reprenant l’une de ses appréciations : « l’expertisée n’a aucune autre habitude toxique que le fait de fumer une douzaine de cigarettes par jour ».

S’agissant des appréciations du Dr I______, psychiatre mandaté par l’OAI, le Dr L______ a considéré, au contraire de son confrère, que les symptômes dépressifs devaient être compris comme secondaires au trouble anxieux, par un mécanisme d’épuisement et de découragement. S’agissant de la consommation d’alcool, pour laquelle le Dr I______ avait écarté le diagnostic de troubles mentaux et du comportement liés à l’utilisation d’alcool, du fait que l’assurée avait déclaré être capable de percevoir les nombreux effets négatifs de l’alcool, le Dr L______ a marqué son désaccord avec cette proposition qui suggérait, en substance, que dès lors qu’on serait conscient de trop boire, on ne présenterait pas de problème d’alcool significatif, ce qui n’était, à l’évidence, pas le cas. De même, il se distançait des conclusions de son confrère s’agissant de la capacité de travail.

On notera au passage que le Dr I______, dans son anamnèse familiale, qui tient en quelques lignes (rapport d’expertise du 14 juillet 2022, p. 58) ne mentionne pas les brimades et les mauvais traitements subis par l’assurée dans son enfance.

En ce qui concerne les appréciations du psychiatre traitant, le Dr D______, l’expert a déclaré être globalement d’accord avec lui, s’agissant de la description des symptômes et de l’évaluation de la capacité de travail, mais s’en distancer quant au diagnostic, en considérant que les symptômes dépressifs relatés se rattachaient au trouble anxieux dont souffrait l’expertisée.

S’agissant de la psychiatre traitante, la Dre J______, et de son rapport du 19 mai 2023, l’expert s’est rallié à la description des symptômes présentés par l’expertisée, notamment l’intense anxiété qui est invalidante et qui peut aller jusqu’à la dissociation dans des moments paroxystiques d’attaque de panique. En revanche, d’un point de vue nosographique, le Dr L______ n’a pas retenu un trouble de stress post-traumatique, les expériences infantiles défavorables (ACE) étant suffisantes, du fait de leur répétition et de leur diversité, pour expliquer l’émergence de troubles anxieux à l’âge adulte.

Il y a lieu d’écarter les critiques du SMR au sujet d’une incapacité de travail de 25% prétendument retenue par le Dr L______ alors que, comme cela ressort du courrier de la chambre de céans du 24 septembre 2024 et de la réponse de l’expert du 3 octobre 2024, ce dernier n’a pas quantifié à 25% la capacité de travail pendant la période visée par le SMR, mais a mentionné, respectivement une aggravation de la situation et le fait que les limitations fonctionnelles étaient devenues évidentes à cette période.

Compte tenu du fait que le juge ne s'écarte pas, sans motifs impératifs, des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, et qu’il n’existe en l’espèce pas de motifs de s'écarter du rapport d’expertise, dès lors qu’il ne contient pas de contradictions, la chambre de céans considère que le rapport d’expertise du Dr L______ présente une pleine valeur probante. Ses diagnostics sont notamment fondés sur une anamnèse très détaillée et sur une appréciation qui met les troubles de l’anxiété au premier plan des limitations fonctionnelles de la capacité de travail de l’assurée. Ces conclusions ont notamment pu être établies par la prise en compte du contexte d’ACE qu’il a exposé, en relation avec l’enfance difficile vécue par l’assurée. Ce contexte d’ACE et ses conséquences ont été totalement ignorés par le Dr I______, qui semble s’être surtout fondé sur le trouble dépressif et la diminution de ce dernier, pour conclure à une pleine capacité de travail dans une activité adaptée, en reléguant le trouble anxieux au second plan.

9.3 En ce qui concerne la capacité de travail, l’expert a clairement mentionné que cette dernière était de 20% avec une chute de rendement de 50%, ce qui laissait subsister une capacité de travail résiduelle faible, de 10%.

Les parties sont d’accord quant au fait que, dès le 1er mars 2020, la capacité de travail de l’assurée est nulle.

En revanche, l’OAI considère que, dès le 1er septembre 2020, le degré d’invalidité a baissé de 80% à 68%, ce qui donne droit à un trois quarts de rente, jusqu’au 30 novembre 2021, après quoi l’assurée bénéficie à nouveau du droit à une rente entière du 1er décembre 2021 au 30 septembre 2022.

De son côté, la recourante considère, dans ses conclusions actualisées du 20 septembre 2024, qu’elle a droit à une rente entière, du 1er mars 2020 au 31 mars 2021 puis, à nouveau, à partir du 1er décembre 2021, sans limite dans le temps. S’agissant de la période allant du 1er avril 2021 au 30 novembre 2021, faute de contestation, la chambre de céans considère que la recourante ne s’oppose pas au versement d’un trois quarts de rente, ce qui est compatible avec les conclusions principales retenues dans son mémoire de recours du 4 juillet 2023.

En p. 71 de son rapport d’expertise, le Dr I______ reconnaît qu’objectivement, il ne dispose pas d’éléments cliniques pour se prononcer, en ce qui concerne la capacité de travail de l’assurée, avant la date de l’entretien d’expertise qui s’est déroulé le 21 juin 2022. Il ajoute, néanmoins, qu’il faut tenir compte des appréciations cliniques des médecins en charge de l’assurée, tout en précisant que l’état psychologique de l’assurée est compatible avec l’accomplissement d’une activité professionnelle adaptée, au moins à partir de la date de l’entretien d’expertise.

Il est établi qu’à partir de juin 2020, l’expertisée commence à avoir des activités professionnelles et de formations ponctuelles, mais qui ne dépassent pas quatre heures par semaine pendant la période allant de décembre 2020 à juin 2021. On ajoutera qu’elle tente une reprise à 50% en mars 2021 mais ne peut assurer une activité qu’à raison de 30% dès avril 2021.

Il résulte de ces éléments que l’on peut retenir, comme l’a fait l’OAI, une période d’amélioration de l’état de santé et, partant, de la capacité de travail de l’assurée en 2021. La chambre de céans fait sien le taux d’invalidité retenu par l’OAI, passant de 80% à 68% pendant cette période et donnant droit à un trois quarts de rente, en lieu et place d’une rente entière.

Toutefois, cette amélioration ne dure pas longtemps car la recourante se retrouve en arrêt de travail à 100% dès le 30 septembre 2021.

À partir de cette date, la chambre de céans considère qu’il est établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que la capacité de travail de l’assurée est restée nulle, comme cela ressort du rapport d’expertise du 23 août 2024 et de son complément du 3 octobre 2024.

Partant, il convient de considérer qu’après l’écoulement du délai de trois mois fixé par l’art. 88 al. 2 RAI, l’assurée a droit au versement d’une rente entière, soit dès le 1er décembre 2021, et ceci sans limite dans le temps.

En ce qui concerne le début de la période d’amélioration qui a conduit à une diminution du taux d’invalidité, la chambre de céans ne peut suivre l’OAI, qui considère que l’amélioration est effective dès le 1er septembre 2020, ce qui signifierait qu’elle aurait déjà débuté dans les trois mois précédents.

Or, dans son expertise administrative, le Dr I______ s’est déclaré objectivement incapable d’estimer la capacité de travail de l’assurée avant le jour de l’entretien (en juin 2022) et a mentionné qu’il fallait tenir compte des avis médicaux des médecins traitants.

À cet égard, le Dr D______ atteste, dans son rapport médical du 23 juillet 2020, d’une incapacité de travail complète de l’assurée, probablement définitive depuis le 22 janvier 2020, dans le domaine administratif et ceci en raison du grave conflit avec l’employeur et des douleurs aux épaules.

À partir du mois de juin 2020, l’assurée a tenté de reprendre des activités professionnelles et de formation de manière ponctuelle.

Pour déterminer le moment où la capacité de travail de l’assurée s’est améliorée, on peut se fonder, d’une part, sur le rapport médical du Dr C______ du 17 février 2021, qui décrit une stabilisation de la situation et une discrète amélioration de l’état dépressif et d’autre part, sur la reprise d’activité à 50% en mars 2021 (taux d’activité immédiatement abaissé à 30% en avril 2021). Dans le même sens, la note de travail de l’OAI du 9 février 2021, qui fait suite à un entretien téléphonique avec l’assurée, mentionne que cette dernière a obtenu son brevet de formatrice d’adultes et est commissaire d’apprentissage depuis octobre 2020 auprès de l’OFPC. Tous ces éléments permettent de considérer, au degré de la vraisemblance prépondérante, que la diminution de l’invalidité et l’amélioration de la capacité de travail de l’assurée ont débuté autour d’octobre ou novembre 2020. Partant, il sera retenu qu’à l’issue du délai de trois mois de l’art. 88 al. 2 RAI, soit dès le 1er mars 2021 et jusqu’au 30 novembre 2021, le taux d’invalidité de la recourante s’est abaissé de 80% à 68%, lui donnant ainsi droit, pendant cette période de neuf mois, à un trois quarts de rente, en lieu et place d’une rente entière.

En conclusion, le recours sera donc partiellement admis et la décision querellée sera réformée, en ce sens que la recourante a droit à une rente entière, dès le 1er mars 2020, puis à un trois quarts de rente dès le 1er mars 2021, puis à nouveau à une rente entière, dès le 1er décembre 2021, sans limitation dans le temps.

Conformément à l'art. 26 al. 2 LPGA, la recourante a droit au paiement d’un intérêt moratoire de 5% sur les arriérés de rente, dès le 24e mois suivant leur exigibilité.

9.4 En ce qui concerne les frais de l’expertise judiciaire, selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, l’art. 45 al. 1 LPGA constitue une base légale suffisante pour mettre les coûts d’une expertise judiciaire à la charge de l’assureur (ATF 143 V 269 consid. 6.2.1 et les références), lorsque les résultats de l'instruction mise en œuvre dans la procédure administrative n'ont pas une valeur probatoire suffisante pour trancher des points juridiquement essentiels et qu'en soi un renvoi est envisageable en vue d'administrer les preuves considérées comme indispensables, mais qu'un tel renvoi apparaît peu opportun au regard du principe de l'égalité des armes (ATF 139 V 225 consid. 4.3).

Cette règle ne saurait entraîner la mise systématique des frais d'une expertise judiciaire à la charge de l'autorité administrative. Encore faut-il que l'autorité administrative ait procédé à une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées et que l'expertise judiciaire serve à pallier les manquements commis dans la phase d'instruction administrative. En d'autres mots, il doit exister un lien entre les défauts de l'instruction administrative et la nécessité de mettre en œuvre une expertise judiciaire (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2).

Tel n’est pas le cas en l’espèce, l’OAI ayant mandaté un expert en matière psychiatrique, quand bien même ses appréciations divergent de celle de l’expert judiciaire désigné par la chambre de céans.

10.

10.1 Les frais d’expertise sont laissés à la charge de l’État.

10.2 La recourante, assistée par un mandataire professionnellement qualifié et obtenant partiellement gain de cause, a ainsi droit à une indemnité à titre de participation à ses frais et dépens, que la chambre de céans fixera à CHF 4'000.- (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA ‑ RS E 5 10.03]).

10.3 Étant donné que, depuis le 1er juillet 2006, la procédure n'est plus gratuite (art. 69 al. 1bis LAI), au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.-.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Réforme la décision du 31 mai 2023 en ce sens que la recourante a droit à une rente entière d’invalidité du 1er mars 2020 au 28 février 2021, puis à un trois quarts de rente du 1er mars 2021 au 30 novembre 2021, puis à une rente entière, non limitée dans le temps, dès le 1er décembre 2021.

4.        Alloue à la recourante, à charge de l’intimé, une indemnité de CHF 4’000.- à titre de participation à ses frais et dépens.

5.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le