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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/846/2024

ATAS/988/2024 du 05.12.2024 ( LAA ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/846/2024 ATAS/988/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 5 décembre 2024

Chambre 3

 

En la cause

A______

représenté par Me Sébastien VOEGELI, avocat

recourant

 

contre

CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS - SUVA

 

intimée

 


 

 

EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né en 1972, a travaillé à compter de mai 2013, comme peintre pour le compte de l’entreprise de construction B______, à Genève.

b. À ce titre, il était assuré contre le risque d’accident – professionnel ou non – auprès de la CAISSE NATIONALE SUISSE D’ASSURANCE EN CAS D’ACCIDENTS (ci-après : la SUVA).

B. a. Le 28 octobre 2013, l’assuré a chuté d’une hauteur de 1,5 mètre et est tombé sur son matériel qui se trouvait au sol.

b. La SUVA a pris en charge les suites de cet accident jusqu’au 11 juillet 2016 s’agissant des frais de traitement, jusqu’au 31 octobre 2016 pour les indemnités journalières (cf. courrier du 11 juillet 2016).

c. Par décision du 24 mars 2017, confirmée sur opposition le 2 juin 2017, la SUVA a, compte tenu des conclusions du docteur C______, son médecin d'arrondissement, reconnu à l'assuré le droit à une indemnité pour atteinte à l'intégrité (IPAI) de 30%, ainsi qu'à une rente d'invalidité de 17% à compter du 1er novembre 2016.

C. a. Saisie d’un recours de l’assuré qui contestait le degré d’invalidité retenu, la Cour de céans, par arrêt du 14 janvier 2019 (ATAS/12/2019), l’a partiellement admis, en ce sens qu’elle a renvoyé la cause à la SUVA pour instruction complémentaire sur les plans neurologique, orthopédique et psychiatrique.

b. Par courrier du 9 mai 2019, la Suva a informé l'assuré qu'elle entendait confier l’expertise au D______ (D______), soit au professeur E______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, au docteur F______, spécialiste FMH en psychiatrie, et au docteur G______, spécialiste FMH en neurologie. En annexe à son courrier figurait la liste des questions aux experts. L'assuré était invité à se déterminer.

c. Par courrier du 5 juin 2019, l'assuré a approuvé le principe de l'expertise et les questions posées, mais s’est opposé à la désignation du Dr G______ en tant qu'expert.

d. Par décision incidente du 13 juin 2019, la Suva a rejeté la demande de récusation du Dr G______.

e. Saisie d'un recours de l'assuré contre cette décision incidente, la Cour de céans l'a rejeté par arrêt du 8 juin 2020 (ATAS/444/2020).

f. La demande de révision de cet arrêt déposée par l’assuré a été rejetée en date du 8 février 2021 (cf. ATAS/76/2021). Egalement saisi par l’assuré, le Tribunal fédéral l’a débouté par arrêt du 7 octobre 2021 (8C_452/2020).

D. a. Le D______, soit pour lui les Drs E______, F______ et G______, ont procédé à l’examen de l’assuré en dates des 25 février, 4 et 15 mars 2022 et rendu leur rapport en date du 20 mai 2022. En substance, après avoir énoncé les diagnostics retenus, les experts ont considéré, s’agissant des diagnostics en lien de causalité avec l’accident assuré, qu’un statu quo avait été atteint six mois après l’évènement.

b. Par courriers des 24 avril 2023 et 5 octobre 2023, les experts ont apporté des précisions à la demande de la SUVA.

c. Le rapport du D______ du 20 mai 2020 et ses compléments des 24 avril et 5 octobre 2023 ont été soumis à l’assuré, qui n’a pas formulé d’observations dans les délais impartis.

d. Par décision du 24 novembre 2023, confirmée sur opposition le 8 février 2024, la SUVA a mis fin à ses prestations avec effet rétroactif au 29 avril 2014, tout en indiquant renoncer à réclamer la restitution des prestations versées au-delà.

E. a. Le 11 mars 2024, l’assuré a interjeté recours auprès de la Cour de céans en concluant, sous suite de frais et dépens, préalablement, à la mise sur pied d’une nouvelle expertise, principalement, à l’annulation de la décision querellée et, cela fait, au versement d’une rente d’invalidité de 100% dès le 29 avril 2014.

Le recourant soutient que le Dr G______ ne s’est pas prononcé au degré de la vraisemblance prépondérante et que ses conclusions ne permettent pas de statuer sur son droit aux prestations.

Il reproche au Dr G______ d’énoncer des généralités relatives à la question de la causalité adéquate, laquelle relève du droit.

Pour le surplus, le recourant argue que son état de santé avant l’accident n’a pas pu être clairement déterminé, de sorte qu’il ne peut être considéré, au degré de la vraisemblance prépondérante, qu’un état préexistant – transitoirement décompensé – justifierait qu’un statu quo à six mois soit retenu.

b. Invitée à se déterminer, l’intimée a renoncé à une réponse formelle et renvoyé la Cour de céans à l’argumentation développée dans la décision litigieuse.

c. Le 25 avril 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions.

 


 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

3.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’intimée de ne pas allouer de prestations au-delà du 29 avril 2014.

4.              

4.1 Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA ; ATF 129 V 402 consid. 2.1, ATF 122 V 230 consid. 1 et les références).

La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1 ; ATF 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

4.2 Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé : il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1, ATF 119 V 335 consid. 1 et ATF 118 V 286 consid. 1b et les références).

Le fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement «post hoc, ergo propter hoc» ; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb ; RAMA 1999 n° U 341 p. 408, consid. 3b). Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré.

4.3  

4.3.1 En vertu de l'art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l'atteinte à la santé n'est que partiellement imputable à l'accident.

Si des symptômes apparaissent à la suite d'un accident et qu’on peut partir du principe que l’accident n’a fait qu’activer un état préexistant, auparavant asymptomatique, mais qu’il ne l'a pas causé, l'assureur-accident doit uniquement fournir des prestations pour le syndrome douloureux directement lié à l'accident conformément à l'article 36 al. 1 LAA, ce qui inclut les indemnités journalières, les prestations de soins ainsi que le remboursement des frais, notamment les frais de traitement médical, y compris les interventions chirurgicales, jusqu'à ce que l'état antérieur soit atteint (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_326/2008 du 24 juin 2008 consid. 3.2 avec références).

Si l’accident a aggravé une atteinte préexistante, l’assureur-accident doit prester selon l’art. 36 al. 1 LAA même si la part de la maladie est prédominante et la part de l’accident minime (arrêt du Tribunal fédéral 8C_476/2011 du 5 décembre 2011 consid. 6.2).

4.3.2 Lorsqu'un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l'assurance-accidents d'allouer des prestations cesse si l'accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui serait survenu tôt ou tard même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine) (RAMA 1994 n° U 206 p. 328 consid. 3b ; RAMA 1992 n° U 142 p. 75 consid. 4b). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n'est pas rétabli, l'assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l'état maladif préexistant, dans la mesure où il a été causé ou aggravé par l'accident (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1003/2010 du 22 novembre 2011 consid. 1.2 et 8C_552/2007 du 19 février 2008 consid. 2).

Si le rapport de causalité avec l’accident est établi avec la vraisemblance requise, l’assureur n’est délié de son obligation d’octroyer des prestations que si l’accident ne constitue plus une cause naturelle et adéquate de l’atteinte à la santé. De même que pour l’établissement du lien de causalité fondant le droit à des prestations, la disparition du caractère causal de l’accident eu égard à l’atteinte à la santé de l’assuré doit être établie au degré de la vraisemblance prépondérante. La simple possibilité que l’accident n’ait plus d’effet causal ne suffit donc pas pour délier l’assureur de son obligation de prester (ATF 129 V 177 consid, 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral U 136 /06 du 2 mai 2007 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral des assurances U 179/03 du 7 juillet 2004 consid. 3).

4.4 Selon l'expérience médicale, pratiquement toutes les hernies discales s'insèrent dans un contexte d'altération des disques intervertébraux d'origine dégénérative, un événement accidentel n'apparaissant qu'exceptionnellement et pour autant que certaines conditions particulières soient réalisées, comme la cause proprement dite d'une telle atteinte (voir notamment RAMA 2000 n° U 378 p. 190 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_373/2013 du 11 mars 2014 consid. 3.3).

Compte tenu de ce qui précède, la jurisprudence distingue les cas suivants :

-          Une hernie discale peut être considérée comme étant due principalement à un accident, lorsque les critères suivants sont remplis : traumatisme important sur le rachis en mesure de déchirer un disque sain, relation temporelle étroite avec apparition immédiate après l'accident des symptômes de la hernie discale (syndrome vertébral ou radiculaire), anamnèse pré-traumatique vierge de tous symptômes, premières radiographies après l'accident sans aucune image d'altération dégénérative au niveau du segment concerné (arrêt du Tribunal fédéral 8C_373/2013 du 11 mars 2014 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 179/03 du 7 juillet 2004 consid. 4.4.2 ; RAMA 2000 n° U 378 p. 190 consid. 3), étant précisé qu’un disque intervertébral sain est à ce point résistant qu’une action violente va plutôt avoir pour effet de fracturer les vertèbres que d’entraîner une lésion des disques intervertébraux. Selon l’expérience médicale, la lésion isolée d’un disque intervertébral due à un accident peut uniquement être provoquée par un effort purement axial de la colonne vertébrale et non par des mouvements de rotation, d’hyperextension ou d’hyperflexion (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 441/04 du 13 juin 2005 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 332/03 du 3 janvier 2005 consid. 2).

-          Les critères précités sont également applicables en cas d’aggravation d’un état dégénératif préexistant (« richtungsgebende Verschlimmerung »), de sorte qu’un accident n’est qu’exceptionnellement à l’origine d’une hernie discale même en présence d’un état dégénératif antérieur et ce uniquement lorsque ledit accident est également en mesure de blesser un disque sain (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 441/04 du 13 juin 2005 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 163/05 du 3 octobre 2005 consid. 3.1). Dans un arrêt plus récent, le Tribunal fédéral semble avoir nuancé ce qui précède, en considérant que l’accident en question (véhicule à l’arrêt percuté à l’arrière par un camion) n’était pas de nature à entraîner en soi une hernie discale, sauf si le disque atteint était préalablement dégénéré. Dans un tel cas, l’événement accidentel avait produit soit un étirement radiculaire sur une hernie discale préexistante soit l’extrusion de matériel discal d’un disque préalablement dégénéré. Le Tribunal fédéral a ainsi retenu que la hernie discale avait été déclenchée par l’accident (arrêt du Tribunal fédéral 8C_1003/2010 du 22 novembre 2011). En tout état, l'aggravation significative et donc durable d'une affection dégénérative préexistante de la colonne vertébrale par suite d'un accident n’est établie, selon la jurisprudence, que lorsque la radiographie met en évidence un tassement subit des vertèbres ou l'apparition ou l'agrandissement de lésions après un traumatisme (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 179/03 du 7 juillet 2004 consid. 4.4.2).

-          Si la hernie discale est seulement décompensée, mais pas provoquée par l'accident, l'assurance-accidents prend en charge le syndrome douloureux lié à l'événement accidentel (voir notamment RAMA 2000 n° U 378 p. 190 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_373/2013 du 11 mars 2014 consid. 3.3). Dans un tel cas, la preuve médicale de la causalité naturelle est remplacée par la présomption jurisprudentielle – qui se fonde sur la littérature médicale – selon laquelle une aggravation traumatique d’un état dégénératif préexistant de la colonne vertébrale cliniquement asymptomatique doit être considérée comme étant terminée, en règle générale, après six à neuf mois, au plus tard après un an (arrêts du Tribunal fédéral 8C_412/2008 du 3 novembre 2008 consid. 5.1.2 et 8C_467/2007 du 25 octobre 2007 consid. 3.1 ; voir également arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 354/04 du 11 avril 2005 consid. 2.2 avec références). S’il s’agit d’un accident sans lésions structurelles au squelette, il y a lieu de considérer que la chronicisation des plaintes doit être attribuée à d’autres facteurs (étrangers à l’accident). Des plaintes de longue durée consécutives à une simple contusion doivent en effet souvent être imputées à un trouble de l’adaptation ou de graves perturbations psychiques (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 354/04 du 11 avril 2005 consid. 2.2 ; voir également arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 60/02 du 18 septembre 2002).

5.              

5.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

5.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; 125 V 351 consid. 3b/bb).

6.              

6.1 La procédure est régie par le principe inquisitoire, d'après lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 ; VSI 1994, p. 220 consid. 4). Car si le principe inquisitoire dispense les parties de l'obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve. En cas d'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences (ATF 117 V 261 consid. 3), sauf si l'impossibilité de prouver un fait peut être imputée à l'adverse partie (ATF 124 V 372 consid. 3 ; RAMA 1999 n° U 344 p. 418 consid. 3).

6.2 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

6.3 Dans le contexte de la suppression du droit à des prestations, la règle selon laquelle le fardeau de la preuve appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (RAMA 2000 n° U 363 p. 46) entre seulement en considération s'il n'est pas possible, dans le cadre du principe inquisitoire, d'établir sur la base d'une appréciation des preuves un état de fait qui, au degré de vraisemblance prépondérante, corresponde à la réalité (ATF 117 V 261 consid. 3b et les références). La preuve de la disparition du lien de causalité naturelle ne doit pas être apportée par la preuve de facteurs étrangers à l'accident. Il est encore moins question d'exiger de l'assureur-accidents la preuve négative, qu'aucune atteinte à la santé ne subsiste plus ou que la personne assurée est dorénavant en parfaite santé. Est seul décisif le point de savoir si les causes accidentelles d'une atteinte à la santé ne jouent plus de rôle et doivent ainsi être considérées comme ayant disparu (arrêts du Tribunal fédéral des assurances U 359/04 du 20 décembre 2005 consid. 2 ; U 389/04 du 27 octobre 2005 consid. 4.1 et U 222/04 30 novembre 2004 consid. 1.3).

7.              

7.1 En l’espèce, le 28 octobre 2013, le recourant a chuté d’un escabeau d’une hauteur de 1,5 mètre et est tombé sur son matériel, sur le dos.

Le lendemain, il s’est rendu au service des urgences ambulatoires des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), où une contusion lombaire a été diagnostiquée.

Compte tenu de la persistance des lombosciatalgies, une imagerie par résonance magnétique (IRM) du rachis lombaire a été réalisée le 28 novembre 2013, qui a notamment montré, à l’étage L4-L5, une discopathie dégénérative avec des signes de dessiccation et un discret débord discal postérieur et, à l’étage L5-S1, une discopathie dégénérative avec un pincement discal, des signes de dessiccation, un signal discrètement œdémateux des plateaux vertébraux adjacents (Modic I) et un débord discal postérieur modéré ainsi qu’une hernie discale L5-S1 postéro-latérale droite, exclue et migrée vers le bas, pouvant entraîner un conflit disco-radiculaire avec la racine S1 droite.

A ce stade, la Cour de céans constate que l’imagerie réalisée immédiatement après l’accident montre de nombreuses atteintes dégénératives aux étages L4-L5 et
L5-S1.

Le 14 janvier 2014, l’assuré a bénéficié d’une cure de hernie discale, sous la forme d’une fenestration inter-laminaire L5-S1 à droite avec flavectomie, récessotomie, foraminotomie S1 à droite, ainsi que séquestrectomie. Le 27 novembre 2014, le recourant a encore subi une arthrodèse (fusion) L5-S1 droite de type TLIF avec Legacy + cage TM Ardis 10 x 11 x 34 mm et greffon autologue + allogène Grafton 5a, avec robot Mazor, sous contrôle scopique.

Compte tenu, notamment, de la persistance de la discopathie au niveau L5-S1, avec perte de hauteur et fibrose péri-articulaire S1 à droite, l’assuré a bénéficié, en date du 27 novembre 2014, d’une intervention neurochirurgicale sous la forme d’un TLIF L5-S1 à droite, pour libérer les racines L5 et S1 afin de décomprimer et fixer le niveau malade L5-S1.

La SUVA a pris en charge les suites de l’accident, notamment le traitement médical, et a versé des indemnités journalières jusqu’au 31 octobre 2016. Par décision du 24 mars 2017, confirmée sur opposition le 2 juin 2017, elle a reconnu à l’assuré le droit à une rente d’invalidité de 17% à compter du 1er novembre 2016.

Cela étant, compte tenu des conclusions de l’expertise du D______, la SUVA, dans la décision dont est litige, a mis un terme à ses prestations avec effet rétroactif au 29 avril 2014, tout en renonçant à exiger la restitution des prestations versées au-delà.

C’est cette suppression des prestations, ainsi que le degré d’invalidité, que le recourant conteste.

Il convient en premier lieu d’examiner la valeur probante du rapport d’expertise et de ses compléments.

7.2 Sur le plan formel, le rapport du D______ répond aux réquisits jurisprudentiels en matière de valeur probante. Il contient en effet le résumé du dossier, les indications subjectives du recourant, des observations cliniques, ainsi qu'une discussion générale du cas. A la demande de la SUVA, les experts ont apporté des précisions sur plusieurs points. Les conclusions des Drs E______, F______ et G______, qui résultent d'une analyse complète de la situation médicale, sont claires et bien motivées.

7.3 Avant d’examiner en détail les conclusions des experts sur le fond, il y a lieu de rappeler que l’expertise comporte un volet en chirurgie orthopédique et un volet en neurologie. Selon les définitions données par l’Institut suisse pour la formation médicale postgraduée et continue FMH (ISFM), la chirurgie orthopédique traite de tout l’éventail des troubles du développement, des affections et des lésions de l’appareil locomoteur et de leurs suites (cf. https://www.siwf.ch/files/pdf21/orthopaedische_chirurgie_version_internet_f.pdf) alors que la neurologie traite des aspects pathologiques de l’ensemble du système nerveux (cf. https://www.siwf.ch/fr/formation-postgraduee/titres-specialiste-formations/neurologie.cfm).

Par conséquent, les Drs G______ et E______ ont appréhendé la situation médicale selon une approche différente, en fonction de leur spécialisation respective, le premier examinant la situation surtout en lien avec les nerfs potentiellement touchés par l’accident assuré.

7.3.1 Il ressort du rapport du 20 mai 2022 que le recourant se plaint principalement de lombalgies permanentes bilatérales et de douleurs aux membres inférieurs, à prédominance plutôt postérieure et droite, s’accompagnant d’un manque de force global des membres inférieurs, plus marqué à droite et d’un manque de sensibilité également global du membre inférieur droit. Il se plaint également de cervico-brachialgies bilatérales (épaule-coude), à droite plus qu’à gauche, se compliquant d’un endormissement et d’un manque de force global des deux membres supérieurs, à prédominance droite (expertise p. 43).

Après examen de l’assuré et étude du dossier, les Drs G______, E______ et F______ ont retenu les diagnostics suivants :

-          sur le plan orthopédique : status après fusion sans complication L5-S1 sur lombalgies et présence d’une hernie discale L5-S1 droite, rachis dégénératif global avec hyperlordose cervicale, hypercyphose progressive, perte de la lordose lombaire déséquilibre antérieur et dans le plan frontal et hémi-lombalisation de S1 ;

-          sur le plan neurologique : discrète atteinte S1 séquellaire après cure de hernie discale L5-S1 droite et des troubles algiques et sensitivo-moteurs des quatre extrémités à prédominance droite, sans substrat somatique objectivable ;

-          sur le plan psychique : syndrome douloureux somatoforme persistant (F45.4) et trouble de l’adaptation avec réaction dépressive prolongée (F43.2).

En particulier, les experts ont relevé que, sur le plan orthopédique, une IRM de 2009 avait montré une discopathie avec perte d’hydratation au niveau des disques L2-L3, L4-L5 et L5-S1, avec une discopathie plus prononcée au niveau L5-S1, avec une protrusion discale sous-ligamentaire ainsi qu’une ouverture du disque avec une charnière postérieure (expertise p. 35). Entre l’IRM de 2009 et celle de 2013, il y avait donc eu apparition d’une hernie discale L5-S1, à une date ne pouvant être précisément déterminée (expertise p. 39 et 43). Cela étant, pour les experts, la hernie discale L5-S1 droite n’est pas la conséquence de l’accident du 28 octobre 2013, au vu du rachis dégénératif présenté antérieurement et de la nature de la chute (complément du 24 avril 2023 p. 2). L’imagerie n’ayant pas montré de lésion traumatique ou post-traumatique, il s’agit vraisemblablement d’une décompensation avec aggravation transitoire des troubles au niveau lombaire et de la racine S1 (expertise p. 39 et 43).

A la suite de la chirurgie de décompression, la discopathie était toujours présente, mais il n’y avait pas de récidive de hernie (expertise p. 43).

Enfin, les experts ont noté une décompensation dégénérative globale du rachis (rapport d’expertise p. 43).

Sur le plan neurologique, les experts ont considéré qu’en présence d’un disque préalablement dégénéré, l’événement accidentel avait pu occasionner l’extrusion du matériel discal au niveau L5-S1, expliquant l’apparition des troubles et l’atteinte radiculaire S1 droite (cf. complément du 24 avril 2023 p. 3). Par « extrusion de matériel discal », il fallait entendre la sortie plus ou moins violente de matériel discal d’un disque préalablement dégénéré sous l’effet d’un facteur physique plus ou moins violent, lié généralement à un effort, tel qu’une chute, un faux mouvement. Ce type d’événement n’était toutefois généralement possible que sur un disque préalablement malade (cf. complément du 5 octobre 2023 p. 2). Dans le cas présent, l’événement accidentel n’avait joué qu’un rôle déclencheur mais non totalement causal de l’atteinte, de sorte qu’il était justifié de limiter les effets de l’événement accidentel à une période de six mois au-delà de laquelle le statu quo sine avait été retrouvé avec l’évolution vers un syndrome somatoforme douloureux (complément du 24 avril 2023 p. 3 et complément du 5 octobre 2023 p. 2). En revanche, l’aréflexie achilléenne droite témoignait d’une atteinte radiculaire S1 ancienne et séquellaire fréquemment observée après une intervention chirurgicale (cf. complément du 24 avril 2023). Cette atteinte, si elle témoignait d’une ancienne atteinte S1, n’indiquait pas une atteinte active symptomatique et fonctionnellement significative. Il s’agissait donc d’une discrète atteinte séquellaire vraisemblablement asymptomatique et en lien de causalité hautement vraisemblable avec l’accident assuré, mais sans signification clinique (complément du 24 avril 2023 p. 2).

Du point de vue psychiatrique, les experts ont retenu le diagnostic de trouble somatoforme douloureux, dès lors que la plainte principale du recourant était un syndrome douloureux chronique, qui n’était pas entièrement expliqué du point de vue organique. Le contexte psychosocial était évident pour les experts : difficultés financières, avec pour conséquences la saisie de la maison de l’assuré par la banque et éloignement avec son épouse depuis qu’il n’arrivait plus à subvenir aux besoins de sa famille. Le trouble diagnostiqué assurait une aide et une sollicitude accrues, notamment de la part des colocataires du recourant (expertise p. 46). La symptomatologie dépressive entrait en partie dans le diagnostic de syndrome douloureux somatoforme persistant et en partie dans le trouble de l’adaptation réaction dépressive prolongée (F43.2), réactionnel à la demande de divorce dès septembre 2020 (expertise p. 47).

7.3.2 Les experts ont retenu que, sur le plan orthopédique, les conséquences fonctionnelles et algiques encore ressenties par le recourant n’étaient pas en lien de causalité avec l’accident (expertise p. 48).

Du point de vue neurologique, l’accident avait été en lien avec les plaintes du recourant pendant au maximum six mois. Par la suite, les plaintes étaient en lien avec des facteurs psychiques principalement, notamment le syndrome douloureux somatoforme.

Sur le plan psychique, le syndrome somatoforme douloureux persistant n’était que partiellement imputable à l’accident, dès lors qu’il existait également des facteurs étrangers, sous la forme de facteurs de stress (difficultés financières, perte de la maison, difficultés conjugales de longue date). Quant au trouble de l’adaptation, il était apparu en septembre 2020 et n’avait aucun lien avec l’accident d’octobre 2013, mais plutôt avec le fait que l’épouse de l’assuré veuille divorcer (expertise p. 47 et complément du 24 avril 2023 p. 2).

7.3.3 Concernant la capacité de travail, les experts ont émis l’avis que le status post-interventions chirurgicales au niveau L5-S1 et la présence d’un TLIF contre-indiquaient l’activité antérieure de peintre en bâtiment, laquelle impliquait un engagement physique relativement important. En revanche, dans une activité sédentaire sans engagement physique lourd, sans port régulier de charges, sans déplacements importants à pied, la capacité de travail était de 100% avec une perte de rendement de 15% à cause de l’atteinte dégénérative du rachis, ce qui conduisait à une capacité de travail de 85% (expertise p. 45 et 49).

8.              

8.1  

8.1.1 En conclusion, il ressort des explications circonstanciées et convaincantes des experts que le recourant présentait une atteinte dégénérative du rachis préexistante à l’accident de 2013, sous la forme d’une discopathie avec perte d’hydratation au niveau des disques L2-L3, L4-L5 et L5-S1, avec une protrusion discale sous-ligamentaire, ainsi qu’une ouverture du disque avec une charnière postérieure, comme cela ressort de l’IRM du 5 octobre 2009 (cf. résumé p. 35 de l’expertise).

Pour les experts, la hernie constatée sur l’IRM du 28 novembre 2013 n’a pas été causée par l’accident assuré, vu le déroulement de celui-ci et l’existence du rachis dégénératif préexistant. En d’autres termes, il ne s’agit pas d’une hernie traumatique. Cette conclusion est d’autant plus convaincante qu’elle est conforme à la pratique médicale entérinée par la jurisprudence fédérale (cf. consid. 4.4 supra).

En revanche, les experts retiennent soit une décompensation de l’état dégénératif préexistant (cf. volet orthopédique, expertise p. 48), soit une aggravation traumatique de la hernie discale, avec extrusion du matériel discal et sa migration jusqu’à la racine S1 (cf. volet neurologique, complément du 24 avril 2024 p. 3). L’appréciation du point de vue neurologique s’écarte des conditions posées par la jurisprudence fédérale et est, de ce fait, favorable au recourant. En effet, selon le Tribunal fédéral, l'aggravation significative – et donc durable – d'une affection dégénérative préexistante de la colonne vertébrale par suite d'un accident n’est établie que lorsque la radiographie met en évidence un tassement subit des vertèbres ou l'apparition ou l'agrandissement de lésions après un traumatisme. Or, tel n’est pas le cas en l’occurrence, puisqu’aucune radiographie ou IRM n’a été effectuée peu avant l’accident, de sorte qu’il n’existe aucun point de comparaison.

Cela étant, peu importe de savoir s’il y a eu décompensation d’un état dégénératif antérieur ou aggravation traumatique de la hernie, dès lors que, dans les deux cas, le retour à un statu quo est estimé six mois après. En effet, rappelons que l’étage L5-S1 présentait, antérieurement à l’accident assuré, des atteintes dégénératives sous la forme d’une discopathie et d’une protrusion discale. Suite à l’accident, il a été constaté que ce qui était une protrusion sur l’imagerie de 2009 s’était modifié et qu’il y avait désormais une hernie séquestrée entourée d’une bande de fibrose (description de l’IRM du 28 novembre 2013, expertise p. 35). Si, lors de la cure de la hernie discale, il a été procédé à la décompression de la racine S1, rien n’a été fait pour traiter la discopathie dégénérative, qui subsiste, comme cela a d’ailleurs été relevé par l’expert orthopédiste (expertise p. 43). C’est au demeurant cette discopathie dégénérative qui a nécessité la pose du TLIF fin 2015 (cf. expertise p. 12 et rapport du Dr H______ du 12 août 2014).

Ainsi :

-          Si l’on suit les conclusions prises sur le plan orthopédique, l’on se trouve dans le cas d’une décompensation de l’état dégénératif antérieur. Il convient dès lors d’appliquer la présomption jurisprudentielle selon laquelle une aggravation traumatique d’un état dégénératif préexistant de la colonne vertébrale cliniquement asymptomatique doit être considérée comme étant terminée, en règle générale, après six à neuf mois, au plus tard après un an.

Si l’on suit les conclusions prises sur le plan neurologique, lesquelles s’écartent de la jurisprudence en la matière et sont, comme on l’a vu ci-dessus, favorables au recourant, l’on retient une aggravation traumatique de la hernie discale, avec l’extrusion du matériel discale et la compression de la racine S1. Cela étant, dès lors que le recourant a bénéficié d’une cure de hernie discale, suite à laquelle la racine S1 a été décomprimée, et que l’atteinte dégénérative sous la forme d’une discopathie est toujours présente en L5-S1, la question d’une décompensation de cette discopathie se pose et, partant, le même délai de six à douze mois s’applique. Pour l’expert neurologue, les plaintes perdurant au-delà de six mois doivent être mises sur le compte d’un trouble somatoforme douloureux.

Quoi qu’il en soit, les conclusions des experts rejoignent celles des médecins ayant examiné le recourant, qui considèrent dès 2014, que les plaintes douloureuses sont en lien avec un trouble somatoforme douloureux et non plus avec la hernie discale, laquelle a fait l’objet d’une intervention chirurgicale en janvier 2014.

Ainsi en va-t-il des médecins de la Clinique romande de réadaptation (CRR), où le recourant a séjourné du 1er au 23 juillet 2014, en raison de lombalgies chroniques irradiant dans les membres inférieurs, lesquels ont mentionné, dans leur rapport du 29 juillet 2014, à titre de comorbidité, un trouble somatoforme, sans précision, un trouble de l'adaptation avec réaction mixte anxieuse et dépressive et un probable trouble dissociatif mixte. Pour les médecins de la CRR, les plaintes et surtout les limitations fonctionnelles ne s'expliquaient pas principalement par les atteintes objectives diagnostiquées pendant le séjour. Il y avait en effet des facteurs contextuels influençant négativement les aptitudes fonctionnelles du recourant, celui-ci étant très centré sur la douleur et la crainte de péjorer sa problématique.

Quant aux médecins de la consultation neurologique ambulatoire des HUG, ils ont retenu, dans leur rapport du 22 février 2016, un trouble neurologique fonctionnel moteur (code F44.4) avec parésie du membre inférieur droit, et de douleurs chroniques, expliquant qu’il n’y avait pas de signe clair pour une atteinte organique mais plusieurs signes pour une atteinte fonctionnelle. Déjà à l’époque, le médecin avait évoqué une potentielle contribution de troubles émotionnels ou dépressifs.

Enfin, dans leur rapport du 1er novembre 2016, les médecins du service médical régional de l’assurance-invalidité (SMR) ont quant à eux évoqué le diagnostic d’amplification des symptômes au niveau neurologique, cervicalgies communes et status post trouble de l’adaptation.

Eu égard à ce qui précède, même si l’on devait s’écarter des six mois retenus par les experts, en tout état, au 31 octobre 2016, date à laquelle l’état de santé du recourant était considéré comme stabilisé et à laquelle l’assureur-accidents a mis un terme au versement de ses indemnités journalières, les atteintes encore présentées par le recourant étaient consécutives à une atteinte psychique et non plus à la hernie discale, décompensée, voire aggravée par la chute.

A noter que de son côté, le recourant n’a pas fourni d'éléments objectifs précis qui justifieraient, d'un point de vue médical, d'envisager la situation selon une perspective différente ou, à tout le moins, la mise en œuvre d'un complément d'instruction. En effet, il n’a produit aucun rapport de son médecin ou d’un autre professionnel de la santé, dans lequel les constatations et conclusions des experts du D______ seraient contestées du point de vue médical mais il s’est limité à critiquer abstraitement les constatations et conclusions des experts, sans expliquer en quoi leurs constatations ne correspondraient pas à la situation médicale.

8.1.2 Quant à l’aréflexie achilléenne droite constatée lors de l’expertise, si elle constitue effectivement une séquelle témoignant d’une atteinte radiculaire S1 ancienne, fréquemment observée après une intervention chirurgicale et, donc en lien de causalité avec l’accident assuré, elle n’est pas active symptomatiquement et significative fonctionnellement, ce qui n’est pas contesté par le recourant

8.1.3 Enfin, la décompensation du rachis est d’origine dégénérative, raison pour laquelle les médecins ne l’ont pas évoquée lorsqu’ils se sont prononcés sur les atteintes en lien de causalité avec l’accident. Cet aspect n’est pas non plus contesté par le recourant.

8.2 Concernant la capacité de travail, la cure de hernie discale, en lien avec l’accident assuré, et la stabilisation chirurgicale du niveau L5-S1 associées à la décompensation des troubles dégénératifs du rachis, entraînent des limitations fonctionnelles, en raison desquelles l’activité habituelle de peintre n’est plus exigible, seule une activité adaptée étant encore envisageable.

Ainsi, dès lors que c’est en partie à cause de la cure de la hernie discale, rendue nécessaire par l’aggravation traumatique ou la décompensation de la hernie, que l’activité habituelle n’est plus possible, la SUVA ne pouvait mettre un terme au versement de la rente, le lien de causalité partielle étant toujours présent, même si la part de la maladie est possiblement prédominante et la part de l’accident minime (cf. consid. 4.3.1 ci-dessus).

La décision sur opposition querellée doit donc être annulée en tant qu’elle met un terme au versement de la rente.

8.3 Reste à examiner si la rente due par la SUVA doit être augmentée en raison des troubles psychiques.

En retenant uniquement un lien de causalité possible tout en considérant que le syndrome douloureux était partiellement imputable à l’accident, les experts ont en réalité examiné le lien de causalité en fonction de la notion prédominant en matière médicale, laquelle ne se recoupe pas avec celle du domaine juridique, où une causalité partielle suffit à fonder l'obligation de prester de l'assureur-accidents (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 177/02 du 15 juin 2004 consid. 5.2.1).

Dès lors que les experts considèrent que le syndrome somatoforme douloureux est partiellement imputable à l’accident, il doit être considéré que le lien de causalité naturelle – partielle – est rempli.

Cela ne suffit cependant pas pour entraîner le devoir de la SUVA de prester dans une mesure supérieure aux 17% reconnus par décision du 24 mars 2017, confirmée sur opposition le 2 juin 2017, comme cela ressort des considérations infra sur la causalité adéquate.

9.             Pour que l’assureur-accidents doive prester, le lien de causalité adéquate doit également être rempli.

9.1 Il y a causalité adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2 et ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

En présence d'une atteinte à la santé physique, le problème de la causalité adéquate ne se pose guère, car l'assureur répond aussi des complications les plus singulières et les plus graves qui ne se produisent habituellement pas selon l'expérience médicale (ATF 127 V 102 consid. 5b/bb et les références). En revanche, il en va autrement en cas de troubles non objectivables du point de vue organique et de troubles psychiques. Dans ce cas, il y a lieu d'examiner le caractère adéquat du lien de causalité en se fondant sur le déroulement de l'événement accidentel, compte tenu, selon les circonstances, de certains critères en relation avec cet événement (ATF 117 V 359 consid. 6; ATF 117 V 369 consid. 4b; ATF 115 V 133 consid. 6; ATF 115 V 403 consid. 5).

En application de la pratique sur les conséquences psychiques des accidents (ATF 115 V 133), l’examen de ces critères doit se faire au moment où l'on ne peut plus attendre de la continuation du traitement médical en rapport avec l'atteinte physique une amélioration de l'état de santé de l'assuré, ce qui correspond à la clôture du cas selon l'art. 19 al. 1 LAA (arrêt du Tribunal fédéral 8C_683/2017 du 24 juillet 2018 consid. 5). L’amélioration de l’état de santé se détermine notamment en fonction de l’augmentation ou de la récupération probable de la capacité de travail réduite par l’accident, étant précisé que l’amélioration attendue par la continuation du traitement médical doit être significative. Des améliorations mineures ne suffisent pas. Cette question doit être examinée de manière prospective. La clôture séparée d’un cas d’assurance-accidents pour les troubles psychiques d’une part et les troubles somatiques d’autre part n’entre pas en ligne de compte (arrêt du Tribunal fédéral 8C_235/2020 du 15 février 2021 consid. 2.3 et les références).

9.2 Dans le cas de troubles psychiques additionnels à une atteinte à la santé physique, le caractère adéquat du lien de causalité suppose que l'accident ait eu une importance déterminante dans leur déclenchement. La jurisprudence a tout d'abord classé les accidents en trois catégories, en fonction de leur déroulement : les accidents insignifiants ou de peu de gravité (par ex. une chute banale); les accidents de gravité moyenne et les accidents graves. Pour procéder à cette classification, il convient non pas de s'attacher à la manière dont l'assuré a ressenti et assumé le choc traumatique, mais bien plutôt de se fonder, d'un point de vue objectif, sur l'événement accidentel lui-même (ATF 140 V 356 consid. 5.3; ATF 115 V 133 consid. 6; ATF 115 V 403 consid. 5). Sont déterminantes les forces générées par l'accident et non pas les conséquences qui en résultent ou d'autres circonstances concomitantes qui n'ont pas directement trait au déroulement de l'accident, comme les lésions subies par l'assuré ou le fait que l'événement accidentel a eu lieu dans l'obscurité (cf. ATF 148 V 301 consid. 4.3.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_595/2015 du 23 août 2016 consid. 3 et les références). La gravité des lésions subies – qui constitue l'un des critères objectifs pour juger du caractère adéquat du lien de causalité – ne doit être prise en considération à ce stade de l'examen que dans la mesure où elle donne une indication sur les forces en jeu lors de l'accident (arrêts du Tribunal fédéral 8C_398/2012 du 6 novembre 2012 consid. 5.2 in SVR 2013 UV n° 3 p. 8 et 8C_435/2011 du 13 février 2012 consid. 4.2 in SVR 2012 UV n° 23 p. 84; arrêt du Tribunal fédéral 8C_622/2015 du 25 août 2016 consid.3.3).

Selon la jurisprudence (ATF 115 V 403 consid. 5), lorsque l'accident est insignifiant (l'assuré s'est par exemple cogné la tête ou s'est fait marcher sur le pied) ou de peu de gravité (il a été victime d'une chute banale), l'existence d'un lien de causalité adéquate entre cet événement et d'éventuels troubles psychiques peut, en règle générale, être d'emblée niée. Selon l'expérience de la vie et compte tenu des connaissances actuelles en matière de médecine des accidents, on peut en effet partir de l'idée, sans procéder à un examen approfondi sur le plan psychique, qu'un accident insignifiant ou de peu de gravité n'est pas de nature à provoquer une incapacité de travail (ou de gain) d'origine psychique. L'événement accidentel n'est ici manifestement pas propre à entraîner une atteinte à la santé mentale sous la forme, par exemple, d'une dépression réactionnelle. On sait par expérience que de tels accidents, en raison de leur importance minime, ne peuvent porter atteinte à la santé psychique de la victime. Dans l'hypothèse où, malgré tout, des troubles notables apparaîtraient, on devrait les attribuer avec certitude à des facteurs étrangers à l'accident, tels qu'une prédisposition constitutionnelle. Dans ce cas, l'événement accidentel ne constituerait en réalité que l'occasion pour l'affection mentale de se manifester.

Lorsque l'assuré est victime d'un accident grave, il y a lieu, en règle générale, de considérer comme établie l'existence d'une relation de causalité entre cet événement et l'incapacité de travail (ou de gain) d'origine psychique. D'après le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, un accident grave est propre, en effet, à entraîner une telle incapacité. Dans ces cas, la mise en œuvre d'une expertise psychiatrique se révélera la plupart du temps superflue.

Sont réputés accidents de gravité moyenne les accidents qui ne peuvent être classés dans l'une ou l'autre des catégories décrites ci-dessus. Pour juger du caractère adéquat du lien de causalité entre de tels accidents et l'incapacité de travail (ou de gain) d'origine psychique, il ne faut pas se référer uniquement à l'accident lui-même. Il sied bien plutôt de prendre en considération, du point de vue objectif, l'ensemble des circonstances qui sont en connexité étroite avec l'accident ou qui apparaissent comme des effets directs ou indirects de l'événement assuré. Ces circonstances constituent des critères déterminants dans la mesure où, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, elles sont de nature, en liaison avec l'accident, à entraîner ou aggraver une incapacité de travail (ou de gain) d'origine psychique.

Pour admettre l’existence du lien de causalité en présence d’un accident de gravité moyenne, il faut donc prendre en considération un certain nombre de critères, dont les plus importants sont les suivants (ATF 115 V 133 consid. 6c/aa ;
115 V 403 consid. 5c/aa) :

-      les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l’accident ;

-      la gravité ou la nature particulière des lésions physiques, compte tenu notamment du fait qu'elles sont propres, selon l'expérience, à entraîner des troubles psychiques ;

-      la durée anormalement longue du traitement médical ;

-      les douleurs physiques persistantes ;

-      les erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l’accident ;

-      les difficultés apparues au cours de la guérison et des complications importantes ;

-      le degré et la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques.

Tous ces critères ne doivent pas être réunis pour que la causalité adéquate soit admise. De manière générale, lorsqu'il s'agit d'un accident de gravité moyenne (stricto sensu), il faut un cumul de trois critères sur les sept, ou au moins que l'un des critères retenus se soit manifesté de manière particulièrement marquante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_816/2021 du 2 mai 2022 consid. 3.3 et la référence). Un seul d’entre eux peut être suffisant, notamment si l’on se trouve à la limite de la catégorie des accidents graves (ATF 129 V 402 consid. 4.4.1 et les références ; 115 V 133 consid. 6c/bb ; 115 V 403 consid. 5c/bb). Dans le cas des accidents de gravité moyenne à la limite des accidents de peu de gravité, pour que le caractère adéquat de l'atteinte psychique puisse être retenu, il faut un cumul de quatre critères au moins parmi les sept consacrés par la jurisprudence ou que l'un des critères se manifeste avec une intensité particulière (arrêt du Tribunal fédéral 8C_277/2019 du 22 janvier 2020 consid. 5 et la référence).

9.3 D'après la casuistique, les chutes d'une hauteur comprise entre deux (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 410/00 du 14 février 2002 consid. 2c) et environ quatre mètres (arrêt du Tribunal fédéral 8C_316/2009 du 8 juin 2009) font partie des accidents de gravité moyenne stricto sensu (arrêt du Tribunal fédéral 8C_496/2014 du 21 novembre 2014 consid. 4.2.3). Par contre, les chutes qui se sont produites d'une hauteur entre cinq et huit mètres et qui ont entraîné des lésions osseuses relativement sévères ont été considérées comme faisant partie de la limite supérieure de la catégorie des accidents de gravité moyenne (voir arrêt du Tribunal fédéral 8C_657/2013 du 3 juillet 2014 consid. 4.1 et les référence).

Ont ainsi été considérés comme étant à la limite supérieure des accidents de gravité moyenne : une chute de quelque huit mètres dans un conduit de cheminée avec une fracture ouverte du pied limite grave ; une chute de cinq mètres entraînant de nombreuses fractures et une commotion cérébrale (pour un rappel de la casuistique en matière de chutes, RAMA 1998 n° U 307 p. 448, consid. 3a).

En revanche, une chute d'un échafaudage de deux mètres a été considérée comme étant à la limite inférieure des accidents de gravité moyenne (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 97/04 du 30 décembre 2004), tout comme une chute dans des escaliers (arrêts du Tribunal fédéral des assurances U 246/00 du 28 novembre 2001, U 484/00 du 17 décembre 2001 ou encore U 340705 du 16 décembre 2005 et les exemples cités), étant précisé que dans ces derniers cas, le Tribunal fédéral s'est plusieurs fois demandés si l'accident ne devait pas être classé dans les accidents bénins.

Enfin, le Tribunal fédéral a qualifié de gravité moyenne stricto sensu une chute d'ascenseur sur deux étages (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 204/00 du 30 avril 2001), la chute d'un bloc de pierre d'un immeuble en construction sur un ouvrier lui percutant le dos, la jambe et causant un traumatisme crânien (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 338/05 du 1er septembre 2006).

10.          

10.1 En l'espèce, les experts ont considéré que le syndrome somatoforme douloureux dont souffre encore le recourant était partiellement dû à l’accident assuré et qu’il y avait donc un lien de causalité naturelle.

Reste à examiner si l’existence d’un lien de causalité adéquate peut également être admis.

Pour répondre à cette question, il convient, en premier lieu, de qualifier l'accident en question.

Compte tenu du déroulement de l'événement en cause et au vu des précédents jurisprudentiels en matière de chutes, l'accident du 13 octobre 2013 constitue un accident de gravité moyenne se situant à la limite d'un accident de peu de gravité, voire même un accident de peu de gravité (voir consid. 9.3 ci-dessus). Concrètement, rappelons que le recourant a chuté d’un escabeau de 1,5 mètre de haut, évènement qui n’entre pas dans la catégorie des accidents de gravité moyenne stricto sensu.

Au moins quatre des critères jurisprudentiels doivent dès lors être remplis pour que le lien de causalité adéquate soit admis, étant toutefois précisé qu'un seul suffit s'il revêt une intensité particulière. A noter encore que seules les atteintes physiques – à l'exclusion des troubles psychiques – doivent être prises en considération lors de l'appréciation des différents critères.

10.2  

10.2.1 La survenue d'un accident de gravité moyenne présente toujours un certain caractère impressionnant pour la personne qui en est victime, ce qui ne suffit toutefois pas en soi à conduire à l'admission de ce critère. Or, en l'espèce, objectivement considéré et au vu des précédents jurisprudentiels en la matière, l'événement du 13 octobre 2013 n'a pas eu un caractère particulièrement dramatique ou impressionnant. A titre de comparaison, ce critère a également été nié dans les cas suivants : cas d'un travailleur qui est tombé d'un échafaudage d'une hauteur d'environ trois à quatre mètres (arrêt U 393/04 du 9 septembre 2004) ou d'un travailleur qui a chuté d'une échelle d'une hauteur d'environ 4,5 mètres dans une fouille (arrêt U 144/05 du 27 décembre 2005 ; voir aussi l'arrêt U 21/06 du 30 novembre 2005 consid. 4.5).

10.2.2 S'agissant du critère de la gravité ou de la nature particulière des lésions physiques, compte tenu notamment du fait qu'elles sont propres, selon l'expérience, à entraîner des troubles psychiques, le Tribunal fédéral a eu l'occasion de préciser que ce critère postulait d'abord l'existence de lésions physiques graves ou, s'agissant de la nature particulière des lésions physiques, d'atteintes à des organes auxquels l'homme attache normalement une importance subjective particulière (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 13/02 du 11 mars 2003 consid. 2.2.3 et les références citées), comme par exemple les organes génitaux, le cœur, la moelle épinière etc. (dans ce sens Murer/ Kind/ Binder : Kriterien zur Beurteilung des adäquaten Kausalzusammenhanges bei erlebnisreaktiven (psychogenen) Störungen nach Unfällen, in RSAS 1993, p. 142, en particulier note de bas de page 43).

En l'espèce, le recourant a subi une décompensation ou une aggravation d’une hernie discale préexistante ayant nécessité une intervention chirurgicale en janvier 2014. On peut dès lors se demander si le recourant n’a pas été sévèrement touché à un organe important aux yeux d'un homme, à savoir son dos. Il n’est toutefois pas nécessaire de trancher la question, dès lors que seul ce critère serait rempli, ce qui est insuffisant pour admettre un lien de causalité adéquate.

10.2.3 Pour l'examen du critère de la durée anormalement longue du traitement médical, il faut uniquement prendre en compte le traitement thérapeutique nécessaire (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 369/05 du 23 novembre 2006 consid. 8.3.1). N'en font pas partie les mesures d'instruction médicale et les simples contrôles chez le médecin (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 393/05 du 27 avril 2006 consid. 8.2.4). Par ailleurs, l'aspect temporel n'est pas seul décisif; sont également à prendre en considération la nature et l'intensité du traitement, et si l'on peut en attendre une amélioration de l'état de santé de l'assuré (arrêts du Tribunal fédéral 8C_755/2012 du 23 septembre 2013 consid. 4.2.3, 8C_361/2007 du 6 décembre 2007 consid. 5.3, et U 92/06 du 4 avril 2007 consid. 4.5 avec les références). La prise de médicaments antalgiques et la prescription de traitements par manipulations même pendant une certaine durée ne suffisent pas à fonder ce critère (arrêt du Tribunal fédéral 8C_361/2007 consid. 5.3 et arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 380/04 du 15 mars 2004 consid. 5.2.4 in RAMA 2005 n° U 549 p. 239).

En l'espèce, le recourant a bénéficié d’une cure de hernie discale en janvier 2014, de diverses thérapies et la prise de médicaments, de sorte que le critère de la durée anormalement longue du traitement n'est pas réalisé.

10.2.4 Aucun élément du dossier ne permet de retenir que les médecins ayant suivi le recourant aient violé les règles de l'art médical et que, ce faisant, il y ait eu aggravation significative des séquelles de l'accident (voir dans ce sens arrêt du Tribunal fédéral 8C_887/2011 du 5 mars 2012 consid. 4.5).

10.2.5 Les conditions de difficultés apparues au cours de la guérison et de complications importantes ne doivent pas être remplies de manière cumulative (ATF 117 V 359 consid. 7b). Dans ce contexte, il y a lieu de préciser que les critères du traitement médical et des douleurs persistantes ne permettent pas de conclure à l'existence de difficultés apparues au cours de la guérison ou à celle de complications importantes. Il faut, dans ce contexte, l'existence de motifs particuliers ayant entravé la guérison. La prise de nombreux médicaments et la réalisation de différentes thérapies ne suffisent pas pour admettre ce critère. Il en va de même du fait qu'en dépit de thérapies régulières, il n'a pas été possible de supprimer les douleurs ou d'obtenir une capacité de travail (entière) (arrêts du Tribunal fédéral 8C_252/2007 du 16 mai 2008 consid. 7.6 et 8C_57/2008 du 16 mai 2008 également consid. 9.6.1). Par ailleurs, une éventuelle intolérance aux antidouleurs ne doit pas être examinée en relation avec le critère des difficultés apparues en cours de guérison ou des complications importantes mais en lien avec le critère des douleurs persistantes (arrêt du Tribunal fédéral 8C_275/2008 du 2 décembre 2008 consid. 3.3.6).

En l'espèce, aucun élément du dossier ne permet de considérer que des difficultés ou des complications importantes soient apparues au cours de la guérison.

10.2.6 Quant aux douleurs physiques persistantes, elles ne justifient pas une incapacité de travail de plus de 15% perdurant encore à ce jour. Le degré d’incapacité de travail est ainsi insuffisant pour reconnaître ce critère, ce d’autant plus que les douleurs sont à relier, principalement, au trouble somatoforme douloureux et non pas à l’atteinte somatique en lien avec l’accident assuré.

10.3 Force est donc de constater que seul un des critères énoncés par la jurisprudence (nature particulière des lésions) est susceptible d’être rempli en l'espèce, sans toutefois revêtir une intensité particulière (en comparaison, dans le cas d'une perte totale de la fonction d'un œil sans rémission possible, le Tribunal fédéral a jugé que le critère de la gravité de la lésion ne revêtait pas une intensité suffisante pour admettre à lui seul un lien de causalité adéquate avec des troubles psychiques [arrêt du Tribunal fédéral 8C_595/2015 du 23 août 2016 consid. 5.1 et les références citées]).

L'accident étant de gravité moyenne à la limite inférieure, la réalisation d’un critère est très largement insuffisante pour admettre l'existence d'un lien de causalité adéquate entre l'accident du 13 octobre 2013 et les troubles psychiques dont souffre encore le recourant.

Cela ne signifie pas que l'existence de troubles psychiques incapacitants est niée, mais uniquement que lesdits troubles ne sont pas ou plus consécutifs à l'accident assuré et que, par conséquent, l'intimée n'a pas ou plus à intervenir pour leur prise en charge.

11.         Au vu de ce qui précède, c’est à tort que la SUVA a mis un terme au versement de la rente de 17% avec effet au 29 avril 2014. En effet, le changement de profession, qui entraîne une diminution de la capacité de gain, est en lien de causalité, à tout le moins partielle, avec l’accident assuré. Tant qu’un lien de causalité partiel existe, même s’il est minime, la SUVA doit prester.

Aussi, le recours est partiellement admis et la décision sur opposition querellée annulée en tant qu’elle met un terme au versement de la rente avec effet au 29 avril 2014. La SUVA est invitée à reprendre le versement de la rente de 17%. Elle y est condamnée en tant que besoin.

Le recourant obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 2'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable

Au fond :

2.        L’admet partiellement et annule la décision sur opposition du 8 février 2024 en tant qu’elle met un terme à ses prestations avec effet au 29 avril 2014.

3.        Invite la SUVA à reprendre le versement de la rente de 17%.

4.        L’y condamne en tant que besoin.

5.        Alloue au recourant une indemnité de CHF 2'000.-, à la charge de l’intimée.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le