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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/218/2024

ATAS/977/2024 du 05.12.2024 ( LAA ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/218/2024 ATAS/977/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 5 décembre 2024

Chambre 5

 

En la cause

A______

représenté par Me Thomas BÜCHLI, avocat

 

 

recourant

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS

représentée par Me Jeanne-Marie MONNEY, avocate

 

 

intimée


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né en ______ 1970, marié, originaire du Kosovo, exerçait comme manœuvre auprès de l’entreprise de maçonnerie B______ et était assuré à ce titre contre le risque accident auprès de la SUVA Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci‑après : la SUVA). Le 19 décembre 1996, il a reçu une pierre sur la jambe droite ayant entraîné une fracture de celle-ci, traitée chirurgicalement. Une nouvelle intervention a eu lieu en 1998 (complication par un hématome et une vis cassée et la nécessité d’une résection du nerf péronier). Le 25 février 2005, une intervention pour séquestre osseux du tibia droit a été pratiquée.

b. Le 26 mai 2000, l’assuré s’est fracturé le scaphoïde droit et a été mis au bénéfice d’une rente d’invalidité de la SUVA de 15% et d’une indemnité pour atteinte à l’intégrité corporelle (ci-après : IPAI) de 10%.

c. L’assuré a séjourné à la Clinique romande de réadaptation (ci-après : la CRR) du 8 au 22 novembre 2005, laquelle a posé les diagnostics de probable syndrome somatoforme douloureux persistant (F 45.4) ; séquestrectomie et curage de la cavité médiale du tibia droit le 22 février 2005 ; fracture tibiopéronière ostéosynthésée en 1996 ; fracture du scaphoïde carpien droit, le 26 mai 2000, traitée conservativement ; rupture spontanée du long extenseur du pouce droit, traitée par un transfert de l’extenseur propre de l’index, le 6 février 2001. Aucune amélioration n’avait été obtenue et aucune évaluation fiable des capacités fonctionnelles n’avait pu être réalisée par manque de coopération de l’assuré.

d. Le 2 mars 2006, le médecin-conseil de la SUVA a considéré, après examen de l’assuré, qu’il n’y avait pas de limitation fonctionnelle de la jambe droite mais des troubles irritatifs et que la marche avec deux cannes n’était pas nécessaire.

e. Une expertise du 27 août 2008 du docteur C______, médecin-adjoint au service de traumatologie du Centre hospitalier universitaire vaudois (ci‑après : CHUV), a conclu à une plainte persistante de douleurs dans la jambe droite et aux diagnostics suivants : séquelles douloureuses d’une fracture des deux os de la jambe droite avec contusion cutanée appuyée traitée par ostéosynthèse en urgence par plaque et vis, malgré l’ablation du matériel d’ostéosynthèse une année et demi après et enfouissement du nerf péronier profond dans la loge antéro-externe pour suspicion de conflit cicatriciel post-opératoire ; insuffisance artérielle stade I diagnostiquée en 2002, associée à une occlusion de l’artère tibiale antérieure au foyer de fracture, mise en évidence par l’artériographie faite le 21 janvier 2008 par le service de radiodiagnostic et radiologie interventionnelle du CHUV, à Lausanne ; neuropathie du nerf péronier profond droit après sa résection en 98. Status post séquestrectomie du tibia droit en 2005 pour ostéomyélite chronique ; suspicion actuelle d’ostéite chronique à bas bruit pandiaphysaire du tibia droit, associée à une éventuelle hernie musculaire de la loge antéro-externe droite. Il a proposé un alésage de propreté du tibia, lequel n’a, par la suite, plus été jugé nécessaire, en l’absence de signe d’une infection chronique au niveau du tibia.

f. L’assuré a séjourné à la CRR du 11 au 25 mai 2011, pour un diagnostic de douleurs chroniques de la jambe droite d’origine multifonctionnelle ; selon le rapport de la CRR, la capacité de travail de l’assuré était totale dans une activité adaptée ; sur cette base, la SUVA a limité sa prise en charge à un traitement médicamenteux. Un consilium psychiatrique du 17 mai 2011 a conclu à des capacités adaptatives faibles de l’assuré, sans psychopathologie avérée.

g. Le 8 mai 2012, le docteur D______, médecin d’arrondissement de la SUVA, spécialiste FMH en médecine physique et réadaptation et rhumatologie, a examiné l’assuré ; celui-ci se plaignait de douleurs résiduelles à la jambe droite ; il présentait un syndrome douloureux chronique, sans lien avec l’accident de 1996.

h. Par décision du 29 juin 2012, confirmée sur opposition le 23 juillet 2013, la SUVA a mis un terme à la prise en charge du traitement médical, les troubles de l’assuré étant exclusivement de nature maladive. La décision sur opposition a exclu un lien de causalité adéquate entre le syndrome douloureux chronique et les accidents de 1996 et 2000.

i. Le 8 septembre 2015, le docteur E______, à Annecy, a suggéré, à la suite d’une scintigraphie osseuse, une ostéomyélite chronique et proposé une intervention d’hyperalésage.

B. a. Le 13 décembre 2017, l’assuré – alors employé comme plâtrier-peintre par F______ et assuré par la SUVA – a été victime d’un accident (chute sur du carrelage). Il s’est fait mal à la jambe droite. Les 10 et 15 janvier 2018, le docteur G______, spécialiste FMH en pneumologie, a attesté d’une probable ostéomyélite chronique en relevant que l’affection de l’assuré était une suite de l’accident de 1996.

b. Le 23 janvier 2018, le docteur H______, spécialiste en chirurgie orthopédique et médecin d’arrondissement de la SUVA, a estimé que les troubles actuels de l’assuré étaient en relation de causalité probable avec l’accident de 1996.

c. Dans un rapport du 20 mars 2018, rendu dans le cadre d’une consultation multidisciplinaire d’orthopédie infectieuse, le docteur I______, chef de clinique auprès du service de chirurgie orthopédique des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), a indiqué qu’un SPECT-CT de la jambe droite faisait fortement penser à une procédure d’ostéomyélite chronique à bas bruit, nécessitant une intervention chirurgicale.

d. Par rapports des 19 novembre et 5 décembre 2018, le docteur J______, médecin chef de clinique auprès du service de chirurgie orthopédique des HUG, a indiqué que l’assuré avait bénéficié, le 18 novembre 2018, d’une cure d’ostéomyélite avec alésage du tibia droit. Les prélèvements effectués au cours de cette opération avaient permis de constater un staphylococcus epidermis, aussitôt traité par antibiotiques.

e. Le 27 novembre 2018, le Dr H______ a confirmé qu’il s’agissait d’une résurgence du cas accident de 1996.

f. Le 28 janvier 2019, le Dr J______ a attesté d’une ostéomyélite chronique du tibia droit avec un pronostic moyen, l’assuré présentant des douleurs.

g. Le 26 juin 2019, l’assuré a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI).

h. Le 18 juillet 2019, la SUVA a alloué à l’assuré une indemnité journalière de CHF 70.95 dès le 16 décembre 2017 et le 19 juillet 2019, elle l’a informé que les troubles actuels de sa jambe droite n’étaient plus en relation de causalité avec l’accident du 13 décembre 2017, mais avec celui du 19 décembre 1996.

i. Une IRM du 5 août 2019 a conclu à des signes d’ostéomyélite chronique du tibia droit.

j. Dans un rapport du 15 janvier 2020, le Dr H______ a relevé que l’assuré se plaignait de douleurs persistantes depuis plus de 10 ans, et d’un résultat nul de
la dernière intervention, remontant au 18 novembre 2018. Il a posé le diagnostic de « séquelles d’ostéomyélite stabilisée après intervention en 2005, reprise en 2018, sans diagnostic formel à ce jour », en lien probable avec l’accident de 1996, tout en précisant qu’une ostéomyélite était douteuse, même avant l’intervention pratiquée en novembre 2018. En effet, le Dr H______ se disait frappé par
la quiescence de l’ostéomyélite entre 2015 et 2018, y compris à la date de cette intervention.

k. Le 25 mars 2020, le Dr H______ a indiqué que l’incapacité de travail n’était pas justifiée et que la situation médicale était stabilisée ; c’était à tort qu’une reprise chirurgicale pour ostéomyélite avait été effectuée en novembre 2018. En l’absence de complications consécutives à cette nouvelle intervention, l’état de santé de l’assuré était identique à celui défini par la SUVA avant cette opération.

l. Par courrier du 26 mars 2020, le docteur K______, chef de clinique au département de chirurgie des HUG, a indiqué au médecin-conseil de la SUVA que les prélèvements effectués lors de la cure d’ostéomyélite avaient montré des staphylocoques epidermis, traités par antibiothérapie ; les douleurs de l’assuré étaient difficilement expliquées mais une ostéomyélite chronique ne pouvait pas être formellement exclue ; une reprise chirurgicale devait être discutée.

m. Par projet de décision du 3 avril 2020, l’OAI a envisagé de n’octroyer aucune rente d’invalidité à l’assuré. Il présentait certes une incapacité de travail durable de 100%, toutes activités confondues, et ce dès le mois de janvier 2019 (début du délai d’attente d’un an). De ce fait, l’incapacité de travail se confondait avec l’incapacité de gain et le degré d’invalidité (100%). Cependant, dès le mois de janvier 2020, soit à l’échéance du délai d’attente d’un an, la capacité de travail de l’assuré était à nouveau entière, y compris dans son activité habituelle de peintre en bâtiment. Même s’il pouvait, en principe, prétendre à une rente entière limitée dans le temps (du 1er janvier au 31 mars 2020), la non-réalisation des conditions d’assurance y faisait obstacle. En effet, lors de la survenance de l’invalidité, en janvier 2020, l’assuré ne comptait pas trois ans d’assurance. Par ailleurs, une rente extraordinaire d’invalidité, destinée aux personnes handicapées de naissance ou aux invalides précoces, n’entrait pas en ligne de compte.

n. Par avis du 6 avril 2020, le Dr H______ a estimé que le courrier du 26 mars 2020 du Dr K______ ne répondait en rien aux questions qui étaient posées. Sur le plan infectieux et bactériologique, le fait de retrouver du staphylocoque epidermis – qui était un type de staphylocoque potentiellement retrouvé sur la peau et contaminant – mais sans communiquer l’analyse des infectiologues, ne justifiait à lui seul ni la reprise chirurgicale effectuée en novembre 2018, ni aucune autre opération future de même nature. Par ailleurs, les problèmes d’ostéomyélite chronique étaient « difficiles » et de nouvelles infections pouvaient survenir de nombreuses années après un épisode initial. Aussi le Dr H______ a-t-il précisé qu’il s’opposait à toute nouvelle reprise chirurgicale, sans un deuxième avis médical, qu’il comptait demander au professeur L______, spécialiste FMH en orthopédie et traumatologie de l'appareil locomoteur exerçant au CHUV.

o. Le 14 avril 2020, le Prof. L______ a estimé qu’avant de faire une nouvelle intervention, il était nécessaire de faire une scintigraphie osseuse ou un SPECT-CT de la jambe, de manière à confirmer ou exclure une infection en lien avec le problème orthopédique. Si la scintigraphie osseuse était négative ou si le SPECT-CT ne montrait pas d’activité augmentée à presqu’un an et demi de la dernière opération, on pourrait alors conclure qu’il n’y avait certainement pas d’infection, et mettre les plaintes chroniques de l’assuré en relation avec autre chose qu’un problème orthopédique. En revanche, si la scintigraphie était positive et le SPECT-CT également, on pourrait, à ce moment-là, rediscuter d’une reprise chirurgicale.

p. Le 13 mai 2020, le docteur M______, médecin-conseil de la SUVA, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a estimé, sur dossier, que l’assuré présentait un comportement d’invalidation et qu’il s’agissait d’un syndrome douloureux somatoforme chronique ou encore d’une majoration des symptômes physiques pour des raisons psychologiques, aucun de ces deux diagnostics ne donnant, en principe, le droit à une incapacité de travail définitive.

q. Par décision du 2 juin 2020, l’OAI a refusé l’octroi d’une rente d’invalidité à l’assuré sur la base des explications avancées dans le projet de décision du 3 avril 2020.

r. Le 16 septembre 2020, la consultation d’orthopédie infectieuse des HUG a constaté qu’une récente IRM retrouvait des signes d’ostéomyélite chronique du tibia droit. Une intervention chirurgicale était discutée (alésage avec prélèvement bactériologique et antibiothérapie adaptée).

s. Le 18 septembre 2020, le Prof. L______ a indiqué que, sur la base des examens complémentaires effectués, il était impossible de confirmer avec une certitude absolue l’absence d’une infection chronique, de sorte qu’une scintigraphie aux leucocytes marqués était nécessaire ; celle-ci a été effectuée le 30 novembre 2020, montrant l’absence d’argument en faveur d’une ostéomyélite du tibia droit.

t. Le 8 décembre 2020, les médecins de la consultation multidisciplinaire d’orthopédie infectieuse des HUG, dont le Dr K______, ont estimé qu’il n’y avait pas d’indication à une prise en charge chirurgicale, après avoir effectué toutes les investigations nécessaires, dont un CT-scan aux leucocytes marqués.

u. Par appréciation du 16 décembre 2020, le Dr H______ a conclu qu’il n’existait pas d’infection active et que rien n’expliquait une incapacité de travail ; le cas était stabilisé depuis 2012. Comme l’expliquait déjà le Dr D______ dans son rapport relatif à l’examen médical du 8 mai 2012 : « le bilan du jour fait qu’il n’existe plus de trouble résiduel lié à l’accident de 1996 […] Nous sommes clairement passés dans un contexte de prise en charge au long cours par l’assurance-maladie de base. Nous nous trouvons toujours en présence d’une syndrome douloureux chronique qui doit être pris en charge de manière multidisciplinaire ». Selon le Dr H______, cette conclusion du Dr D______ était toujours d’actualité. Dans le contexte du syndrome douloureux chronique, la relation de causalité avec l’évènement initial n’était plus donnée ; il n’y avait pas de droit à une IPAI.

v. Par décision du 21 décembre 2020, la SUVA a mis fin à ses prestations, frais médicaux et indemnités journalières, au 3 janvier 2021, faute de lien de causalité entre le syndrome douloureux chronique et l’accident du 19 décembre 1996.

w. L’assuré, représenté par un avocat, a fait opposition à la décision précitée le
1er février 2021, en faisant valoir qu’une analyse psychiatrique et physiologique complète était encore nécessaire.

x. Par décision incidente du 22 février 2021, la SUVA a refusé de restituer l’effet suspensif à l’opposition ; le recours dirigé contre cette décision a été déclaré sans objet par arrêt du 12 avril 2021 (ATAS/324/2021).

y. Par décision du 18 mars 2021, la SUVA a rejeté l’opposition de l’assuré, au motif que les troubles de l’assuré n’étaient plus en lien avec l’accident de 1996 ou de 2017, étant relevé que le lien de causalité entre les troubles psychiques de l’assuré et l’accident avait été nié dans la décision du 23 juillet 2013, qui était entrée en force. Il n’y avait pas d’indication à une reprise chirurgicale et le cas était stabilisé ; un suivi par des spécialistes de la douleur n’était pas un traitement à la charge de l’assureur-accidents.

z. Dans un rapport du 22 avril 2021, la docteure N______, spécialiste FMH en médecine interne, a attesté d’un suivi de l’assuré depuis janvier 2019, lequel présentait des douleurs constantes, sous forme de brûlure, une faiblesse et lâchage du membre inférieur droit, de l’angoisse, de l’asthénie et des troubles du sommeil ; il était en investigation à la consultation de la douleur.

C. a. Le 28 avril 2021, l’assuré, représenté par son avocat, a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) à l’encontre de la décision sur opposition du 18 mars 2021, en concluant, préalablement, à la restitution de l’effet suspensif au recours et, principalement,
à l’annulation de la décision et à ce que la SUVA continue de fournir ses prestations légales, subsidiairement, au renvoi de la cause à la SUVA.

b. Par arrêt du 4 juin 2021 (ATAS/569/2021), la chambre de céans a rejeté la demande de restitution de l’effet suspensif au recours.

c. Le 14 janvier 2022, le Dr H______ a rendu une appréciation médicale selon laquelle la réalisation d’un examen FDG-PET bénéficiait, en littérature, de publications favorables mais ne permettait pas mieux d’affirmer ou d’infirmer
si l’on était en présence d’une infection (ostéomyélite chronique) ; le dossier était long, complexe et devait pouvoir bénéficier d’une expertise bi-disciplinaire en orthopédie et infectiologie ; potentiellement, l’examen FDG-PET devait être pris en charge par la SUVA mais à la demande des experts.

d. Par arrêt du 11 avril 2022 (ATAS/350/2022), la chambre de céans a estimé que ce dernier avis du Dr H______ ne permettait plus de considérer que les avis précédents de celui-ci, des 15 janvier et 16 décembre 2020 – qui écartaient la présence d’une ostéomyélite chronique – étaient probants. Par ailleurs, le
Dr H______ ne déterminait pas clairement le moment où il considérait que l’état de santé était stabilisé. Il semblait se référer à l’année 2012, tout en citant ensuite le 15 janvier 2020. Or, à cet égard, la SUVA, par la prise en charge de la rechute / séquelle tardive annoncée par l’assuré, avait admis que l’état de santé n’était, depuis cette date, pas stabilisé. Elle avait, d’ailleurs, versé des indemnités journalières et remboursé les frais de traitement de l’assuré. Dans ces conditions, on ne pouvait pas admettre que l’état de santé était resté stabilisé depuis 2012. En l’état, la SUVA – qui avait presté jusqu’au 3 janvier 2021 – n’avait pas établi que l’état de santé était stabilisé au 3 janvier 2021, de sorte que l’assuré avait droit, dès cette date, à la poursuite du versement de l’indemnité journalière et au remboursement de ses frais de traitement. Une instruction médicale complémentaire était nécessaire pour déterminer si l’état de santé de l’assuré était stabilisé, s’il présentait une ostéomyélite chronique ou tout autre affection somatique et psychique en lien de causalité avec l’accident de 1996 et, le cas échéant, les conséquences de telles affections sur sa capacité de travail. Aussi la chambre de céans a-t-elle partiellement admis le recours, annulé la décision sur opposition du 18 mars 2021 et renvoyé la cause à la SUVA pour instruction complémentaire par le biais d’une expertise avec volets orthopédique, infectiologique et psychiatrique et nouvelle décision.

e. Le 25 mai 2022, la SUVA a saisi le Tribunal fédéral d’un recours contre l’arrêt du 11 avril 2022 (ATAS/350/2022), concluant à son annulation en tant qu’il reconnaissait à l’assuré le droit, dès le 3 janvier 2021, à la poursuite de l’indemnité journalière et au remboursement des frais de traitement.

f. Le 28 juin 2022, la SUVA a adressé au conseil de l’assuré la liste des questions qu’elle entendait poser au centre d’expertises O______ à Bâle (ci-après : O______), tout en lui transmettant les noms des experts pressentis pour chaque spécialité médicale : soit la docteure P______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur (volet orthopédique), le professeur Q______, spécialiste FMH en médecine interne générale et en infectiologie (volet infectiologique), le docteur R______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie (volet psychiatrique), et le docteur S______, spécialiste FMH en médecine interne générale (leadership).

g. Le 12 juillet 2022, le conseil de l’assuré a fait savoir à la SUVA qu’il était d’accord avec les questions et le centre d’expertises proposés, tout en précisant qu’il souhaitait que soient ajoutées les questions suivantes :

-          évaluer l’exigibilité, en pourcent, d’une activité lucrative adaptée et indiquer le domaine d’activité adapté ;

-          dire s’il y a une diminution de rendement et la chiffrer ;

-          évaluer les chances de succès d’une réadaptation professionnelle ;

-          évaluer la possibilité d’améliorer la capacité de travail par des mesures médicales.

Par ailleurs, il convenait également d’informer les experts du fait que son client touchait déjà une rente, en lien avec une atteinte à la main droite.

h. Le 9 août 2022, la SUVA a indiqué au conseil de l’assuré que l’expertise
à venir faisait suite à l’arrêt du 11 avril 2022 (ATAS/350/2022), portant essentiellement sur la stabilisation de l’état de santé et le lien de causalité entre les troubles de l’assuré et l’accident de 1996. Cela étant, elle acceptait de poser les questions relatives à l’exigibilité d’une activité adaptée et à la possibilité d’améliorer la capacité de travail par des mesures médicales. En revanche, elle refusait de soumettre aux experts la question relative aux chances de succès d’une réadaptation professionnelle, cette thématique étant exclusivement du ressort de l’assurance-invalidité.

i. Par arrêt 8C_343/2022 du 11 octobre 2022, le Tribunal fédéral a rejeté le recours interjeté par la SUVA. Compte tenu de l’absence de preuve quant à la disparition du lien de causalité entre les atteintes subsistantes et l’accident de 1996, l’arrêt du 11 avril 2022 (ATAS/350/2022) attaqué ne violait pas le droit en tant qu’il constatait que la SUVA devait poursuivre le versement des prestations au-delà du 3 janvier 2021, jusqu’au moment où l’instruction médicale aurait été complétée et où une décision sur le droit aux prestations d’assurance pourrait être rendue.

j. Le 9 mai 2023, les experts d’O______ ont rendu leurs conclusions de manière consensuelle. En l’absence de diagnostic psychiatrique et infectiologique retenu par les experts concernés, seule l’experte orthopédiste a posé des diagnostics en lien de causalité avec l’événement du 19 décembre 1996, certains influençant la capacité de travail temporairement (état consécutif à une chute sur la jambe droite le 13 décembre 2017) et d’autres durablement, à savoir :

1. syndrome douloureux chronique de la jambe droite avec/en présence de tissus mous de la jambe droite traumatisés à plusieurs reprises par la fracture ouverte et de multiples opérations de révision aux dates suivantes :

- 19 décembre 1996 (ostéosynthèse du tibia droit) ;

- 22 avril 1998 (ablation du matériel d’ostéosynthèse de la jambe droite, résection d’une partie du nerf fibulaire profond dans la cicatrice, suivie d’une neuropathie) ;

- 29 avril 1998 (débridement de la jambe droite en présence d’un hématome post-opératoire) ;

- 25 février 2005 (biopsie, séquestrectomie, curetage de la cavité osseuse et mise en place d’une éponge en présence d’un séquestre osseux possible dans la jambe droite, les analyses en laboratoire n’ayant pas confirmé ce possible diagnostic) ;

- 8 novembre 2018 (traitement de l’ostéomyélite par fenestration et traitement antibiotique de la jambe droite en présence d’une ostéomyélite chronique présumée du tibia droit, non confirmée par les analyses en laboratoire) ;

2. fracture du scaphoïde droit le 26 mai 2000 et rupture spontanée du tendon du long extenseur du pouce droit, traitée par transfert du tendon extenseur le 6 février 2001.

Lors de l’accident du 19 décembre 1996, l’assuré avait subi une fracture ouverte de la jambe droite. Les séquelles résiduelles de cet événement consistaient uniquement en un syndrome douloureux chronique au niveau de cette jambe, en présence de tissus mous traumatisés à plusieurs reprises par la fracture ouverte et de multiples opérations de révision. Une ostéomyélite était, au degré de la vraisemblance confinant à la certitude, inexistante. En conséquence, les experts ne recommandaient ni de procéder à un examen FDG-PET à la recherche d’une ostéomyélite, ni d’effectuer une nouvelle intervention chirurgicale.

Il n’était pas non plus possible de poser un diagnostic psychiatrique en lien causal avec l’accident pouvant expliquer les troubles. En effet, l’extrême difficulté de l’assuré d’exercer des activités très lourdes s’avérait compréhensible mais il n’avait jamais exercé jusqu’à présent des activités de substitution adaptées à la charge physique qu’il était en mesure d’assumer. Une charge douloureuse, telle qu’elle était alléguée par l’assuré, était cependant difficilement compatible avec les activités de la vie quotidienne décrites et ne correspondait pas à l’impression clinique. Des composantes somatoformes de la douleur ne pouvaient, dès lors, être ni objectivées, ni validées, l’existence de composantes somatoformes des troubles mis en exergue demeurant par voie de conséquence hypothétique. Dans tous les cas, il ne fallait pas s’attendre à des pertes fonctionnelles majeures qui seraient dues à une composante somatoforme des douleurs.

Enfin, les experts ont estimé que l’activité exercée jusqu’à présent dans le bâtiment n’était plus exigible. En revanche, dans une activité légère, permettant d’alterner les positions, exercée principalement en position assise, n’impliquant ni port/soulèvement de charges, ni utilisation d’échelles (ou d’objets semblables), ni marche sur un sol inégal, ni postures forcées de la jambe droite (résultant par exemple de l’actionnement d’une pédale), la capacité de travail était de 90%.

k. Par courrier du 17 août 2023, la SUVA a informé l’assuré qu’au vu des conclusions du rapport d’expertise du 9 mai 2023, en particulier de l’exigibilité de l’exercice à 90% d’une activité adaptée aux limitations fonctionnelles retenues par les experts, elle mettrait fin au paiement des soins médicaux et de l’indemnité journalière avec effet au 30 septembre 2023. Elle examinait, actuellement, s’il avait droit à d’autres prestations (rente et/ou IPAI).

l. Le 22 août 2023, la SUVA a invité le Dr H______ à bien vouloir examiner si l’atteinte de l’assuré à sa jambe droite méritait l’octroi d’une IPAI – question non traitée par les experts dans la mesure où les questions qui leur avaient été posées concernaient la causalité.

m. Le Dr H______ a répondu le jour même qu’en se référant à son « examen final » et à l’expertise qui lui donnait globalement raison sur l’appréciation somatique du dossier, il n’y avait pas d’atteinte à l’intégrité évaluable selon les tables.

n. Le 12 septembre 2023, la SUVA a fixé le degré d’invalidité de l’assuré à 13% au 1er octobre 2023 sur la base du raisonnement et des calculs suivants : il convenait de déterminer le revenu avec invalidité sur la base de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ci-après : ESS) et d’établir la comparaison suivante : en se référant au tableau TA1 (tirage « skill level »), secteur privé, ligne « total », un homme pouvait réaliser, dans une activité de niveau 1, un revenu mensuel de CHF 5'261.-, soit CHF 63'132.- par année. En tenant compte de la durée normale du travail s’élevant à 41.7 heures, le revenu avec invalidité se montait à
CHF 5'484.59 par mois ou CHF 65'815.11 par année, ce qui, au vu de l’évolution des salaires nominaux (-0.7% en 2021, 1.1% en 2022 selon le tableau T1.1.10 et 1.8% selon l’évaluation trimestrielle actuelle en septembre 2023), correspondait à
CHF 67'262.62 pour un emploi à plein temps en 2023 et à CHF 60'536.36 pour une exigibilité de 90% telle que retenue par les experts. En accordant, en outre, un abattement supplémentaire de 10%, justifié tant par le double handicap membre inférieur/membre supérieur que par le statut précaire de l’assuré (dont la demande d’asile avait apparemment été rejetée et suivie d’un renvoi au Kosovo avant son retour en Suisse), le revenu avec invalidité se montait à CHF 54'483.-. S’agissant du revenu sans invalidité, il convenait de se référer à la grille salariale de la convention nationale pour le secteur principal de la construction (CN), plus précisément au salaire prévu pour un ouvrier non qualifié (classe « C », zone « rouge » vu le lieu du domicile et du dernier emploi exercé), ce qui correspondait, en 2023, à CHF 62'504.- (soit 4'808.- x 13). En comparant ce dernier montant au revenu avec invalidité (CHF 54'483.-), la perte de gain se montait à CHF 8'021.- et le degré d’invalidité à 13% (62'504 – 54'483 x 100 / 62'504 = 12,83%, arrondis à 13%). Étant donné que le préjudice économique n’était pas plus important que celui déjà reconnu pour les séquelles de l’accident subi en 2000 (rente de 15%), il n’existait pas de droit plus étendu que la rente d’invalidité en cours.

o. Par décision du 12 septembre 2023, la SUVA a informé l’assuré qu’à compter du 1er octobre 2023, son droit à la rente serait inchangé, soit toujours calculé sur la base d’une incapacité de gain de 15%. Par ailleurs, une IPAI ne pouvait pas être octroyée selon l’appréciation médicale du 22 août 2023.

p. Le 13 octobre 2023, l’assuré a formé opposition à cette décision et soutenu, en substance, que son revenu sans invalidité devait être déterminé sur la base de l’ESS 2020 (tableau TA, tirage « skill level »), secteur privé, ligne 41-43 (construction), ce qui correspondait, pour un homme, à CHF 5'731.- par mois (ou CHF 74'503.- par année) pour une activité de niveau 1. Quant au revenu avec invalidité, il était également contesté – car plus élevé que le gain de valide retenu – et devait être fixé à CHF 48'453.- pour une capacité de travail de 90%, ce qui correspondait à CHF 36'340.- après déduction d’un abattement de 25%. En comparant les revenus avec et sans invalidité, la perte de gain s’élevait à
CHF 38'164.- et le taux d’invalidité « à 49%, arrondi à 50% ». Le taux d’IPAI, qui était également contesté, devait tenir compte de l’ensemble du dommage et pouvait en l’état être estimé à 30%.

q. Par décision du 7 décembre 2023, la SUVA a rejeté cette opposition.

D. a. Le 19 janvier 2024, l’assuré a saisi la chambre de céans d’un recours contre cette décision, concluant, principalement, à son annulation, à l’octroi d’une rente et d’une IPAI à un taux d’au moins 50% pour la première, respectivement 30% minimum pour la seconde et, subsidiairement, au renvoi de la cause à l’intimée pour instruction complémentaire et nouvelle décision. Il a également conclu, préalablement :

-         à être autorisé à compléter son recours après production par l’intimée du dossier 01.42292.00.0 se rapportant à son atteinte au poignet droit ;

-         à ce qu’un complément d’expertise auprès d’O______ soit ordonné ;

-          à ce qu’une évaluation de son potentiel de réintégration professionnelle soit ordonnée.

À l’appui de sa position, il a fait valoir, pour l’essentiel, que le mandat d’expertise avait pour objet d’évaluer l’accident du 19 décembre 1996 et ses conséquences et qu’aucune question n’avait été posée aux experts d’O______ concernant l’atteinte au poignet droit et son influence sur la capacité globale de travail. La décision litigieuse reposait sur l’expertise O______. Or, celle-ci ne pouvait être prise pour base pour fixer le taux de rente global pour les deux atteintes, car la capacité de travail dans l’ancienne activité et dans une activité adaptée avait été appréciée par les experts O______ exclusivement en relation avec l’événement du 19 décembre 1996, lequel était cité dans toutes les questions aux experts. Partant, même si l’expertise O______ avait force probante concernant l’atteinte à la jambe, elle en était dépourvue s’agissant d’une évaluation globale tenant compte non seulement de l’atteinte à la jambe droite mais aussi au poignet droit. Aussi, en tenant compte de la totalité des atteintes, la capacité de travail résiduelle pouvait être estimée à 30 à 50% au maximum, dans une activité adaptée, et non pas à 90% comme les experts l’avaient retenu en rapport avec la seule atteinte à la jambe. Le calcul du taux d’invalidité était par ailleurs contesté. Il en allait de même du taux de l’IPAI, qui ne tenait pas compte de l’ensemble du dommage.

b. Par réponse du 20 février 2024, l’intimée a conclu au rejet du recours. À l’appui de sa position, elle a relativisé, en substance, l’importance de l’atteinte accidentelle au poignet droit du 26 mai 2000. Se référant à la pièce 13 du dossier SUVA 01.42292.00.9 relatif à cet événement, elle a relevé que, selon le rapport d’examen final du 15 octobre 2001 du docteur T______, spécialiste FMH en chirurgie et médecin-conseil de la SUVA, la reprise de l’activité antérieure d’aide plâtrier-peintre était certes difficilement envisageable, en tout cas à 100%, mais que sa capacité de travail était entière dans une activité légère ne nécessitant pas d’habileté manuelle particulière. Sur la base de cet avis médical et d’une comparaison des revenus, l’intimée avait octroyé une rente d’invalidité de 15% à partir du 1er mai 2002 et une IPAI de 10% pour les suites de l’accident du 26 mai 2000 (cf. décision du 16 octobre 2002, non versée à ce stade au dossier 01.42292.00.9). Pour les suites de l’accident du 19 décembre 1996 à la jambe droite, les experts d’O______ avaient reconnu que le recourant avait une capacité de travail de 90% dans une activité adaptée, à savoir une activité légère, alternée, exercée en position assise, sans soulèvement ou port de charges, sans monter sur des échelles, sans marche sur sol inégal et sans postures forcées de la jambe droite. Or, selon l’intimée, ces limitations n’étaient pas incompatibles avec une activité telle que retenue dans le cadre de la décision de rente du 16 octobre 2002.

c. Par courrier du 5 avril 2024 à la chambre de céans, le recourant a observé que le dossier 01.42292.00.9 lui avait, certes, été transmis le 15 mars 2024 mais que celui-ci ne contenait pas la décision du 16 octobre 2002 à laquelle l’intimée se référait dans sa réponse du 20 février 2024.

d. Le 9 avril 2024, la chambre de céans a ordonné la production de cette décision.

e. Par réplique du 5 mai 2024, le recourant a accusé réception de la décision du 16 octobre 2002 et relevé que celle-ci retenait comme exigence pour tenir compte des limitations fonctionnelles liées à l’atteinte à la main une activité légère, permettant de ménager la main lésée d’une part, et ne requérant pas « d’habilité » (recte : habileté) manuelle particulière d’autre part. Or, le rapport d’expertise O______ du 9 mai 2023 ne traitait pas des limitations fonctionnelles liées à la main. Du reste, dans leurs réponses aux questions de l’intimée, les experts précisaient que la réduction de la capacité de travail de 10% se fondait « exclusivement sur les conséquences orthopédiques objectivables de l’accident » à la jambe. Or, la capacité de travail et le salaire exigible devaient être appréciés en tenant compte de toutes les difficultés, qui étaient au nombre de trois (atteinte à la main, atteinte à la jambe et ressources intrapsychiques significativement limitées) et de toutes les interactions de ces difficultés entre elles. Or, comme relevé par l’expert psychiatre R______, au vu des faibles capacités intellectuelles du recourant, le choix des professions possibles se trouvait considérablement limité (cf. p. 16, dernier § et p. 19, avant-dernier § du volet psychiatrique de l’expertise). Aussi le recourant a-t-il soutenu qu’il faisait partie des assurés dont il fallait présumer qu’ils ne pouvaient, en principe, pas entreprendre de leur propre chef tout ce que l’on pouvait raisonnablement attendre d’eux pour tirer profit de leur capacité résiduelle de travail.

f. Le 31 mai 2024, l’intimée a dupliqué en soutenant que les limitations fonctionnelles et la capacité de travail telles qu’elle les avait retenues ne prêtaient pas le flanc à la critique. Par ailleurs, le marché équilibré du travail comportait un nombre suffisant d’activités physiques ou manuelles simples correspondant à des travaux légers respectant les limitations fonctionnelles de l’intéressé.

g. Le 4 juin 2024, une copie de cette écriture a été transmise, pour information, au recourant.

h. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

i. Les autres faits et documents seront mentionnés – en tant que de besoin – dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

 

 

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l’art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-accidents, à moins que la loi n’y déroge expressément.

1.3 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pour la période du 18 décembre au 2 janvier inclusivement (art. 38 al. 4 let. c LPGA et art. 89C let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]), le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le point de savoir si le recourant peut prétendre, par voie de révision, à une augmentation de la rente d’invalidité de 15% et de l’IPAI de 10% que l’intimée lui a allouées par décision du 16 octobre 2002 – entrée en force.

3.              

3.1 Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort
(art. 4 LPGA ; ATF
142 V 219 consid. 4.3.1 ; 129 V 402 consid. 2.1).

La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1 ; 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière (ATF 148 V 356 consid. 3 ; 148 V 138 consid. 5.1.1). Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé : il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1 ; 119 V 335 consid. 1 et 118 V 286 consid. 1b et les références).

Le fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc » ; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb ; RAMA 1999 n° U 341 p. 408, consid. 3b). Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré.

3.2 Le droit à des prestations suppose en outre l'existence d'un lien de causalité adéquate. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 148 V 138 consid. 5.1.1 et les références).

En présence d’une atteinte à la santé physique, le problème de la causalité adéquate ne se pose guère, car l’assureur répond aussi des complications les plus singulières et les plus graves qui ne se produisent habituellement pas selon l’expérience médicale (ATF 127 V 102 consid. 5b/bb et les références). En revanche, il en va autrement lorsque des symptômes, bien qu'apparaissant en relation de causalité naturelle avec un événement accidentel, ne sont pas objectivables du point de vue organique. Dans ce cas, il y a lieu d'examiner le caractère adéquat du lien de causalité en se fondant sur le déroulement de l'événement accidentel, compte tenu, selon les circonstances, de certains critères en relation avec cet événement (ATF 117 V 359 consid. 6 ; 117 V 369 consid. 4b ; 115 V 133 consid. 6 ; 115 V 403 consid. 5).

Dans la mesure où le caractère naturel et le caractère adéquat du lien de causalité doivent être remplis cumulativement pour octroyer des prestations d'assurance-accidents, la jurisprudence admet de laisser ouverte la question du rapport de causalité naturelle dans les cas où ce lien de causalité ne peut de toute façon pas être qualifié d'adéquat. En revanche, il n'est pas admissible de reconnaître le caractère adéquat d'éventuels troubles psychiques d'un assuré avant que les questions de fait relatives à la nature de ces troubles (diagnostic, caractère invalidant) et à leur causalité naturelle avec l'accident en cause soient élucidées au moyen d'une expertise psychiatrique concluante (ATF 147 V 207 consid. 6.1 et les références).

3.3 L’assuré a droit au traitement médical approprié des lésions résultant de l’accident (art. 10 al. 1 LAA). S’il est totalement ou partiellement incapable de travailler (art. 6 LPGA) à la suite d’un accident, il a droit à une indemnité journalière (art. 16 al. 1 LAA). Le droit à l’indemnité journalière naît le troisième jour qui suit celui de l’accident. Il s’éteint dès que l’assuré a recouvré sa pleine capacité de travail, dès qu’une rente est versée ou dès que l’assuré décède (art. 16 al. 2 LAA).

3.4 En vertu de l'art. 18 al. 1 LAA, l'assuré invalide (art. 8 LPGA) à 10% au moins par suite d'un accident a droit à une rente d'invalidité. Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 18 al. 1 LAA). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2). Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA).

La comparaison des revenus s'effectue, en règle générale, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus ; ATF 128 V 29 consid. 1 ; voir également SVR 2010 IV n° 11 p. 35, arrêt du Tribunal fédéral 9C_236/2009 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_266/2016 du 15 mars 2017 consid. 3.1).

3.5 Selon l’art. 19 al. 1 LAA, le droit à la rente prend naissance dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité ont été menées à terme. Le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente.

Dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une
sensible amélioration de l’état de santé de l’assuré et qu’aucune mesure de réadaptation de l’assurance-invalidité n’entre en considération, il appartient à l’assureur-accidents de clore le cas en mettant fin aux frais de traitement ainsi qu’aux indemnités journalières et en examinant le droit à une rente d’invalidité et à une indemnité pour atteinte à l’intégrité (ATF 144 V 354 consid. 4.1 ; 143 V 148 consid. 3.1.1 ; 134 V 109 consid. 4.1 et les références).

L’art. 19 al. 1 LAA délimite temporellement le droit au traitement médical et le droit à la rente d’invalidité, le moment déterminant étant celui auquel l’état de santé peut être considéré comme relativement stabilisé (arrêt du Tribunal fédéral U 391/00 du 9 mai 2001 consid. 2a).

4.             Selon l’art. 11 de l'ordonnance sur l'assurance-accidents du 20 décembre 1982 (OLAA - RS 832.202), les prestations d’assurance sont également versées en cas de rechutes et de séquelles tardives ; les bénéficiaires de rentes d’invalidité doivent toutefois remplir les conditions posées à l’art. 21 de la loi.

Sous la note marginale « traitement médical après la fixation de la rente »,
l’art. 21 LAA prévoit que lorsque la rente a été fixée, les prestations pour soins et remboursement de frais (art. 10 à 13) sont accordées à son bénéficiaire notamment lorsqu’il souffre d’une rechute ou de séquelles tardives et que des mesures médicales amélioreraient notablement sa capacité de gain ou empêcheraient une notable diminution de celle-ci (al. 1, let. b). L’assureur peut ordonner la reprise du traitement médical (al. 2). En cas de rechute et de séquelles tardives et, de même, si l’assureur ordonne la reprise du traitement médical, le bénéficiaire de la rente peut prétendre, outre la rente, les prestations pour soins et remboursement de frais (art. 10 à 13). Si le gain de l’intéressé diminue pendant cette période, celui-ci a droit à une indemnité journalière dont le montant est calculé sur la base du dernier gain réalisé avant le nouveau traitement médical (al. 3).

Selon la jurisprudence, les rechutes et les séquelles tardives ont ceci en commun qu’elles sont attribuables à une atteinte à la santé qui, en apparence seulement, mais non dans les faits, était considérée comme guérie. Il y a rechute lorsque c’est la même atteinte qui se manifeste à nouveau. On parle de séquelles tardives lorsqu’une atteinte apparemment guérie produit, au cours d’un laps de temps prolongé, des modifications organiques ou psychiques qui conduisent souvent à un état pathologique différent (ATF 123 V 137 consid. 3a ; 118 V 293 consid. 2c et les références).

Les rechutes et les séquelles tardives se rattachent donc par définition à un événement accidentel effectif. Corrélativement, elles ne peuvent faire naître une obligation de l’assureur-accidents (initial) de verser des prestations que s’il existe un lien de causalité naturelle et adéquate entre les nouvelles plaintes de l’intéressé et l’atteinte à la santé causée à l’époque par l’accident assuré (ATF 118 V 296 consid. 2c et les références ; RAMA 2006 n° U 570 p. 74 consid. 1.5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral U 80/05 du 18 novembre 2005 consid. 1.1).

Les rechutes et les séquelles tardives supposent en règle générale que le droit au traitement médical ait pris fin. Lorsque le cas né de l’accident initial a été clos par l’octroi d’une rente d’invalidité, l’art. 11 OLAA fait dépendre le droit aux prestations d’assurance de la réalisation des conditions de l’art. 21 LAA. Cette réserve de l’art. 11 OLAA est toutefois sans portée véritable dans la mesure où les art. 21 al. 1 let. b et 21 al. 3 LAA prévoient précisément un droit aux prestations d’assurance en cas de rechute et de séquelles tardives. Lorsque ces éventualités conduisent à une aggravation durable de la capacité de gain, la rente préexistante doit être révisée en application de l’art. 17 al. 1 LPGA (André NABOLD, in
Marc HÜRZELER/ Ueli KIESER [éditeurs], Kommentar zum Schweizerischen Sozialversicherungsrecht, UVG, 2018, n. 92 ad art. 6 LAA).

5.              

5.1 Dans le cadre du développement continu de l’AI, la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI – RS 831.20), le règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201) et l’art. 17 LPGA notamment ont été modifiés avec effet au 1er janvier 2022 (modifications des 19 juin 2020 et 3 novembre 2021 ; RO 2021 705 et RO 2021 706).

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2 et les références).

Dans les cas de révision selon l'art. 17 LPGA, conformément aux principes généraux du droit intertemporel (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1), il convient d’évaluer, selon la situation juridique en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, si une modification déterminante pour le droit à la rente est intervenue jusqu’à cette date. Si tel est le cas en matière d’assurance-invalidité, les dispositions de la LAI et celles du RAI dans leur version valable jusqu'au 31 décembre 2021 sont applicables, la date de la modification se déterminant selon l’art. 88a RAI. En revanche, l’augmentation par voie de révision d’une rente d’invalidité de l’assurance-accidents en cas de rechute ou de séquelles tardives doit avoir lieu – comme en cas d’octroi initial d’une rente – au moment de l’arrêt du traitement médical. Il n’y a pas lieu d’appliquer par analogie les art. 88a al. 2 et 88bis al. 1 RAI (cf. ATF 140 V 65 consid. 4.2).

5.2 En l’espèce, c’est par décision du 29 juin 2012, confirmée sur opposition le 23 juillet 2013 que l’intimée a mis fin à la prise en charge du traitement en lien avec l’accident de 1996. Suite à l’annonce de l’accident de 2017, l’intimée a considéré que la lésion présentée par le recourant à la jambe droite était en réalité en lien avec l’accident de 1996 ; elle a pris en charge, à ce titre, les frais de traitement et le versement de l’indemnité journalière. Ce faisant, l’intimée a reconnu la survenance d’une rechute, voire de séquelles tardives en lien avec l’accident de 1996, justifiant le versement de nouvelles prestations (cfATAS/350/2022 du 11 avril 2022 consid. 6.1). Le versement de ces prestations (indemnités journalières et frais de traitement) ayant duré jusqu’au 30 septembre 2023 (cf. courrier de la SUVA du 17 août 2023), c’est donc à la lumière de l’art. 17 al. 1 LPGA, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2022, qu’il y a lieu de déterminer si la rente d’invalidité de 15% octroyée par décision du 16 octobre 2002 doit être révisée. Cela étant, le point de savoir si l’on applique cette disposition dans sa nouvelle teneur n’a pas de portée pratique pour l’issue du litige (cf. ci-après : consid. 5.3).

5.3 Selon l’art. 17 al. 1 LPGA révisé, la rente d’invalidité est, d’office ou sur demande révisée pour l’avenir, à savoir augmentée réduite ou supprimée, lorsque le taux d’invalidité de l’assuré subit une modification d’au moins 5 points de pourcentage (let. a), ou atteint 100% (let. b).

En tant qu’elle prévoit que la modification du taux d’invalidité doit atteindre « au moins 5 points de pourcentage » et ne pas simplement être « notable » (cf. l’art. 17 al. 1 LPGA dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021), la nouvelle formulation de cette disposition ne modifie cependant pas les conditions de la révision d’une rente LAA, déjà précisées par la jurisprudence sous l’ancien droit : si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable,
la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l'avenir, à savoir augmentée
ou réduite en conséquence, ou encore supprimée (art. 17 al. 1 LPGA). Tout changement important des circonstances, propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l'état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 144 I 103 consid. 2.1 ; 134 V 131 consid. 3). Tel est le cas lorsque la capacité de travail s’améliore grâce à l’accoutumance ou à une adaptation au handicap. En revanche, une simple appréciation différente d’un état de fait qui, pour l’essentiel, est demeuré inchangé n’appelle pas une révision au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA (ATF 144 I 103
consid. 2.1). S'il existe un motif de révision en ce sens, la demande de rente doit être examinée de manière complète (« tous azimuts ») en droit et en fait, sans être liée par des appréciations antérieures (ATF 141 V 9 consid. 2.3 et 6.3.2). En matières d’assurance-accidents et d’assurance-militaire, la modification des circonstances est considérée comme notable lorsque le degré d'invalidité diffère d’au moins 5% (ATF 145 V 141 consid. 7.3.1 ; 140 V 85 consid. 4.3). La base de comparaison déterminante dans le temps pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d'une révision de la rente est constituée par la dernière décision entrée en force qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit (arrêt du Tribunal fédéral 8C_671/2020 du 14 avril 2021 consid. 3.1 et la référence).

6.              

6.1 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 132 V 93 consid. 4 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).

6.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre (ATF 143 V 124 consid. 2.2.2). L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

6.3 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

6.3.1 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 137 V 210 consid. 1.3.4 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; 125 V 351 consid. 3b/bb).

6.3.2 Le but des expertises multidisciplinaires est de recenser toutes les atteintes à la santé pertinentes et d'intégrer dans un résultat global les restrictions de la capacité de travail qui en découlent. L'évaluation globale et définitive de l'état de santé et de la capacité de travail revêt donc une grande importance lorsqu'elle se fonde sur une discussion consensuelle entre les médecins spécialistes participant à l'expertise. La question de savoir si, et dans quelle mesure, les différents taux liés aux limitations résultant de plusieurs atteintes à la santé s'additionnent, relève d’une appréciation spécifiquement médicale, dont le juge ne s'écarte pas, en principe (cf. ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.3 ; cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_162/2023 du 9 octobre 2023 consid. 2.3 et les références).

6.3.3 Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l'art. 44 LPGA, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères : s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 et les références ; 142 V 58 consid. 5.1 et les références ; 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4 et les références). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon l'art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_691/2021 du 24 février 2022 consid. 3.4).

6.3.4 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 135 V 465 consid. 4.5 et les références ; 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

6.3.5 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; SVR 2008 IV n. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).

7.             La procédure dans le domaine des assurances sociales est régie par le principe inquisitoire d'après lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par l'assureur (art. 43 al. 1 LPGA) ou, éventuellement, par le juge (art. 61 let. c LPGA). Ce principe n'est cependant pas absolu. Sa portée peut être restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Si le principe inquisitoire dispense les parties de l'obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve, dans la mesure où, en cas d'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences, sauf si l'impossibilité de prouver un fait peut être imputée à la partie adverse. Cette règle ne s'applique toutefois que s'il se révèle impossible, dans le cadre de la maxime inquisitoire et en application du principe de la libre appréciation des preuves, d'établir un état de fait qui correspond, au degré de la vraisemblance prépondérante, à la réalité (ATF 139 V 176 consid. 5.2 et les références).

Dans le cadre de l’application de l’art. 43 al. 1 LPGA, l’assureur dispose d’une grande latitude pour déterminer quels moyens doivent être mis en œuvre pour déterminer les faits pertinents. L’objet de la preuve dépend de la situation concrète en fait et en droit. Le principe inquisitoire commande ainsi de déterminer l’état de fait pertinent dans la mesure où cela s’avère nécessaire pour pouvoir se prononcer, au degré de la vraisemblance prépondérante, sur le droit aux prestations (arrêt du Tribunal fédéral 8C_815/2012 consid. 3.2.1). Si une révision des prestations a été demandée en application de l’art. 17 al. 1 LPGA, cela implique que l’assureur se penche sur l’évolution de l’état de santé jusqu’à la prise d’une décision sur opposition. Il lui incombe ainsi de procéder aux investigations nécessaires pour la période concernée (Ueli KIESER, ATSG-Kommentar, 4e éd., 2020, ad art. 43 LPGA, p. 760 n. 23).

 

8.              

8.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 142 V 435 consid. 1 et les références ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6. 1 et la référence).

8.2 Le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985
p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

9.              

9.1 À titre liminaire, il sied de rappeler que dans son arrêt du 11 avril 2022 (ATAS/350/2022), confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_343/2022 du 11 octobre 2022, la chambre de céans avait estimé, en synthèse, qu’en prenant en charge la rechute, voire les séquelles tardives de l’accident du 19 décembre 1996 (par le versement d’indemnités journalières et le remboursement des frais de traitement) du fait de la causalité des troubles à la jambe droite du recourant avec ce premier événement (cf. dossier 16.36233.96.6, doc. 280), l’intimée ne pouvait pas mettre un terme à l’octroi de ces prestations provisoires au 3 janvier 2021 alors qu’elle n’avait pas établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, la disparition du lien de causalité entre les troubles subsistants et l’accident à cette date.

Dans le cadre de l’instruction médicale complémentaire, que la chambre de céans a ordonnée par arrêt du 11 avril 2022 (ATAS/350/2022), les experts d’O______ ont conclu, en synthèse, que la question de la cessation de la relation de causalité des troubles du membre inférieur droit avec l’accident du 19 décembre 1996 ne se posait pas, dans la mesure où il subsistait des séquelles causées par cet accident. Ces dernières se présentaient sous la forme d’un diagnostic qui n’était ni infectiologique (absence d’ostéomyélite ou autre), ni psychiatrique (absence de diagnostic relevant de cette spécialité médicale), mais seulement orthopédique (syndrome douloureux chronique au niveau de la jambe droite). En outre, il n’y avait plus lieu d’attendre de la poursuite du traitement médical une amélioration notable de l’état de santé en rapport avec l’accident. En effet, les fractures étaient intégralement consolidées en position axiale et une récupération supplémentaire des tissus mous n’était plus à escompter. Aucune mesure thérapeutique ne s’imposait dès lors, même si « l’intégration à une prise en charge de la douleur » et une réévaluation de la médication pouvaient être judicieuses. Le syndrome douloureux chronique au niveau de la jambe droite ne permettait plus au recourant d’exercer sa dernière activité de plâtrier-peintre. En revanche, dans une activité légère, permettant d’alterner les positions, exercée principalement en position assise, n’impliquant ni port / soulèvement de charges, ni utilisation d’échelles (ou d’objets semblables), ni marche sur un sol inégal, ni postures forcées de la jambe droite (résultant par exemple de l’actionnement d’une pédale), la capacité de travail était de 90%. Même dans le cadre d’une activité adaptée ainsi définie, une réduction de la capacité de travail de 10%, à 90%, existait d’un point de vue médical global, compte tenu de l’ampleur de la douleur que l’experte orthopédiste jugeait compréhensible. Cette réduction se justifiait par un « besoin accru de pauses en raison de la part plausible et médicalement compréhensible des troubles dont les symptômes (tuméfaction et douleur) augment[aient] en fonction du moment de la journée et de la sollicitation » (cf. dossier 16.36233.96.6, doc. 632, p. 9).

Alors que le recourant « reconnaît à l’expertise O______ une force probante quant à l’atteinte à la jambe », il n’en estime pas moins que cette expertise « n’a aucune force probante pour une évaluation globale tenant compte des deux atteintes » (cf. recours, p. 3). De son côté, l’intimée considère que l’experte P______ a procédé à un examen clinique complet, notamment des membres supérieurs et inférieurs, et que dans le cadre de l’évaluation consensuelle, les symptômes au niveau de la jambe et du poignet ont été pris en compte tant dans l’anamnèse que dans les diagnostics retenus.

La chambre de céans constate que le rapport d’expertise d’O______ a été rendu en pleine connaissance du dossier, qu’il comporte une anamnèse et un status fouillé dans chaque spécialité médicale concernée, qu’il tient compte des plaintes de l’assuré et que les diagnostics et les conclusions sont bien motivés. Aussi convient-il, en principe, d’en reconnaître la valeur probante, sous réserve toutefois de la problématique suivante : puisque les experts sont parvenus à la conclusion qu’il n’y avait plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de santé du recourant et que le cas était ainsi stabilisé, l’intimée était fondée à clore le cas en mettant fin aux frais de traitement ainsi qu’aux indemnités journalières et en examinant le droit à une rente d’invalidité et à une IPAI. En outre, compte tenu de l’existence d’une rente d’invalidité de 15% avec effet au 1er mai 2002, octroyée par décision du 16 octobre 2002 en lien avec l’accident du 26 mai 2000 (fracture du scaphoïde droit), c’est également à juste titre que la décision (initiale) du 12 septembre 2023, confirmée sur opposition par la décision litigieuse, indique que « nous avons examiné si les séquelles supplémentaires résultant de la rechute de l’accident du 19.12.1996 donnaient droit à une rente d’invalidité plus élevée ». Cependant, lorsque les faits déterminants pour le droit à la rente se sont modifiés au point de faire apparaître un changement important de l’état de santé motivant une révision de la rente (au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA), le degré d’invalidité doit être fixé à nouveau sur la base d’un état de fait établi de manière correcte et complète, sans référence à des évaluations antérieures de l’invalidité. Ainsi, la réévaluation de l’état de santé et de la capacité de travail doit se faire à l’aune de l’état de santé sous tous ses aspects (« gesundheitliche Gesamtsituation » ; cf. l’ATF 141 V 9 consid. 2.3 et 6.3.2).

À cet égard, la chambre de céans relève à l’examen des « documents déterminants pour la fixation de la rente » (cf. dossier 16.36233.96.6, doc. 645) que l’évaluation de la capacité de travail du recourant par les experts ne correspond pas à la réévaluation de la capacité de travail requise par la jurisprudence précitée. Cela se reflète, notamment, dans le fait que l’intimée procède à une évaluation séparée des deux événements accidentels en ces termes : « le préjudice économique [soit le taux d’invalidité de 13% résultant des séquelles de l’accident de 1996 à la jambe] n’est pas plus important que celui déjà reconnu pour les séquelles de l’accident [au poignet droit] subi en 2000 », pour lequel l’intéressé bénéficie d’une rente de 15% (cf. dossier 16.36233.96.6, doc. 645). Par ailleurs, l’omission de réévaluer la capacité de travail et le degré d’invalidité sur la base des atteintes accidentelles cumulées au poignet droit et à la jambe droite ressort également des réponses des experts aux « questions spécifiques du cas ». Ces réponses sont, en effet, limitées
à la jambe droite, conformément aux questions de l’intimée qui se rapportent uniquement à l’accident de 1996, notamment pour ce qui concerne la capacité de travail (cf. dossier 16.36233.96.6, doc. 632, p. 7-9). Cette focalisation des experts sur ce seul événement se reflète également dans l’exigibilité retenue par l’intimée, en vue de la détermination du degré d’invalidité :

« Capacité de 90% dans une activité adaptée au sens des conclusions des experts. À cette capacité restreinte, on peut ajouter – même sur le salaire ESS pour les tâches du niveau de compétence 1 – un abattement de 10% supplémentaires justifié tant par le double handicap membre inférieur/membre supérieur que par
le statut personnel précaire de l’intéressé […] » (dossier 16.36233.96.6, doc. 645).

C’est le lieu d’observer que, même si l’abattement de 10% précité tient compte, entre autres, du handicap supplémentaire au membre supérieur droit, il ne saurait suppléer à l’absence d’appréciation de la capacité de travail du recourant par les experts en fonction de la double atteinte aux membres inférieur et supérieur droits, conformément à l’ATF 141 V 9 précité. On ajoutera que cette lacune du rapport d’expertise ne saurait pas non plus être comblée par le rajout, dans la décision (initiale) du 12 septembre 2023, d’une limitation fonctionnelle venant compléter celles retenues par les experts en ces termes : « et ne sollicitant que modérément le poignet droit ». On constate que cette limitation fonctionnelle additionnelle – pour laquelle l’intimée ne cite aucun rapport médical –, ne correspond d’ailleurs pas
à l’exigence d’une « activité légère et ne nécessitant pas d’habileté manuelle particulière », attestée en son temps par le Dr T______ dans le cadre de son examen final du 15 octobre 2001 (cf. dossier 01.42292.00.9, doc. 13, p. 3).

9.2 Estimant que l’expertise d’O______ peut se voir reconnaître une valeur probante sans réserves, l’intimée fait valoir que l’experte P______ a aussi examiné les membres supérieurs et constaté, « à droite, dans la région de l’articulation métacarpo-phalangienne du pouce, [une] cicatrice exempte de manifestations inflammatoires et tissus mous atrophiés [et] qu’à l’examen superficiel rapide, la fonction observée (par ex. se vêtir / se dévêtir) ne traduit aucune altération massive » (cf. dossier 16.36233.96.6, doc. 632, p. 28). Ce faisant, l’intimée omet de mentionner que l’experte orthopédiste précise elle-même que « conformément à la question posée, l’examen clinique se concentre sur le membre inférieur droit » (cf. dossier 16.36233.96.6, doc. 632, p. 26), ce qui est, d’ailleurs, en cohérence avec « l’examen superficiel rapide » des membres supérieurs mais ne saurait pallier l’absence d’évaluation de la capacité de travail et des limitations fonctionnelles par les experts d’O______, sur la base d’un examen approfondi des atteintes à la santé du recourant, résultant non seulement de l’événement du 19 décembre 1996 mais aussi de celui du 26 mai 2000.

9.3 Une telle évaluation n’ayant pas eu lieu à ce jour, la chambre de céans s’abstiendra d’examiner plus avant le degré d’invalidité retenu par l’intimée, la fixation de ce dernier apparaissant en tout état prématurée. Aussi incombera-t-il à l’intimée de compléter l’instruction médicale dans le sens des considérants, le cas échéant en ordonnant un complément d’expertise.

10.         Reste à examiner si le recourant peut prétendre à une IPAI dépassant celle qui lui a déjà été reconnue à hauteur de 10%, en lien avec la seule atteinte à la main droite.

10.1 Aux termes de l'art. 24 LAA, si par suite d'un accident, l'assuré souffre d'une atteinte importante et durable à son intégrité physique, mentale ou psychique, il a droit à une indemnité équitable pour atteinte à l'intégrité (al. 1). L'indemnité est fixée en même temps que la rente d'invalidité ou, si l'assuré ne peut prétendre à une rente, lorsque le traitement médical est terminé (al. 2). D'après l'art. 25 LAA, l'indemnité pour atteinte à l'intégrité est allouée sous forme de prestation en capital (al. 1, 1re phr.) ; elle ne doit pas excéder le montant maximum du gain annuel assuré à l'époque de l'accident et elle est échelonnée selon la gravité de l'atteinte à l'intégrité (al. 1, 2e phr.). Elle est également versée en cas de maladie professionnelle (cf. art. 9 al. 3 LAA). Le Conseil fédéral édicte des prescriptions détaillées sur le calcul de l'indemnité (al. 2).

L'atteinte à l'intégrité, au sens de l'art. 24 al. 1 LAA, consiste généralement en un déficit corporel (anatomique ou fonctionnel) mental ou psychique. La gravité de l'atteinte, dont dépend le montant de l'indemnité, se détermine uniquement d'après les constatations médicales. L'évaluation incombe donc, avant tout, aux médecins qui doivent, d'une part, constater objectivement quelles limitations subit l'assuré et, d'autre part, estimer l'atteinte à l'intégrité en résultant (arrêt du Tribunal fédéral 8C_656/2022 du 5 juin 2023 consid. 3.4 et les références).

10.2 En cas de concours de plusieurs atteintes à l’intégrité physique, mentale ou psychique, dues à un ou plusieurs accidents, l’indemnité pour atteinte à l’intégrité est fixée d’après l’ensemble du dommage. L’indemnité totale ne peut dépasser
le montant maximum du gain annuel assuré. Il est tenu compte, dans le taux d’indemnisation, des indemnités déjà reçues en vertu de la loi (art. 36 al. 3 OLAA).

La jurisprudence a reconnu la légalité de cette disposition réglementaire, également dans le cas où les atteintes à l'intégrité sont dues à différents accidents (arrêt du Tribunal fédéral 8C_812/2010 du 2 mai 2011 consid. 6).

Si un événement assuré se solde par une atteinte à l'intégrité alors qu'un événement antérieur a déjà donné lieu au versement d'une indemnité pour atteinte à l'intégrité, le principe veut que les indemnités déjà perçues en vertu de la loi soient imputées en pourcentage et non selon le montant (arrêt du Tribunal fédéral 8C_812/2010 du 2 mai 2011 consid. 6.4.4).

En pratique, il est recommandé d’évaluer d’abord chaque dommage séparément et de procéder ensuite à une évaluation globale des atteintes. Toutefois, en l’absence d’une appréciation globale des atteintes à l’intégrité, les taux individuels peuvent s’additionner lorsque les atteintes concernent différentes parties du corps et qu’elles n’ont pas d’influence les unes sur les autres (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_643/2022 du 7 juin 2023 consid. 4.5 et les références).

10.3 Selon la jurisprudence, il y a lieu d'additionner le pour cent correspondant à chacune des atteintes, même celles qui n'atteignent pas 5% (ATF 116 V 156 consid. 3b ; RAMA 1988 p. 230).

10.4 En l’occurrence, la question d’une éventuelle IPAI n’a pas été soumise aux experts. Il ressort toutefois de la très succincte appréciation du 16 décembre 2020 du Dr H______, confirmée par ce médecin le 22 août 2023 mais relative au seul accident de décembre 1996, qu’il « n’existe pas d’atteinte sous-jacente des articulations du genou et de la tibio-tarsienne et donc [qu’il] n’existe pas d’IPAI dans le cas précis » (cf. dossier 16.36233.96.6, doc. 423, p. 16 in fine). Ce faisant, ce médecin ne précise pas si l’octroi d’une IPAI est injustifié parce que l’atteinte serait nulle – au sens d’une (ou plusieurs) table(s) de la SUVA, qu’il ne cite d’ailleurs pas – ou parce que sans être nulle, elle n’atteindrait pas le minimum requis de 5%. Sachant que dans cette deuxième hypothèse, il y aurait lieu, en l’espèce, d’additionner le pour cent correspondant à chacune des deux atteintes (soit en tenant compte aussi des atteintes à l’intégrité résultant de l’accident de 1996 qui n’atteindraient pas 5%) et de procéder ensuite à une évaluation globale des atteintes aux membres inférieur et supérieur droits (cf. ci-dessus : consid. 10.2 et 10.3), on ne saurait considérer qu’il serait établi, en l’état de l’instruction médicale, que l’atteinte au membre inférieur droit, s’ajoutant à celle – déjà indemnisée à hauteur de 10% – de la main droite, ne permettrait pas au recourant de prétendre à une IPAI supplémentaire. L’instruction médicale devra donc être complétée également sur ce plan.

11.          

11.1 Compte tenu de ce qui précède, le recours est partiellement admis, la décision sur opposition du 7 décembre 2023 est annulée et la cause est renvoyée à l’intimée pour instruction complémentaire au sens des considérants (9.2 et ss. et 10.4), le cas échéant au moyen d’un complément d’expertise, et nouvelle décision.

11.2 Le recourant, représenté par un avocat et obtenant partiellement gain de cause, a droit à une indemnité à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]), fixée en l'espèce à CHF 2'000.-.

11.3 Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

*****

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision sur opposition du 7 décembre 2023.

4.        Renvoie la cause à l’intimée pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

5.        Alloue au recourant une indemnité de CHF 2'000.- à titre de dépens, à charge de l’intimée.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le