Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/931/2024 du 27.11.2024 ( AI ) , REJETE
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/4130/2023 ATAS/931/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 27 novembre 2024 Chambre 4 |
En la cause
A______ représentée par Me Dimitri TZORTZIS, avocat
| recourante |
contre
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE |
intimé |
A. a. Madame A______ (ci-après : l’assuré ou la recourante) est née le ______ 1967, originaire d’Espagne, entrée en Suisse le 20 décembre 1995, célibataire et mère d’un fils né le ______ 1991.
b. Elle a fait un apprentissage de commerce de 1984 à 1986 et a eu, depuis lors, divers emplois de secrétaire dans le domaine de la finance, en dernier lieu pour B______, à Genève.
B. a. Elle a demandé les prestations de l’assurance-invalidité le 23 décembre 2020, en raison d’une incapacité de travail dès le 1er mars 2011 à 100% due à un trouble anxio-dépressif chronique.
b. Dans un rapport du 15 mars 2021, la docteure C______, spécialiste FMH en médecine interne et générale, du Centre médical D______, a indiqué suivre l’assurée depuis le 7 août 2019 à la fréquence de quatre fois par année environ et qu’elle souffrait d’une hyperlipidémie importante, d’une douleur abdominale fonctionnelle ainsi que d’une douleur cervicale et de céphalées de tension, diagnostics qui étaient sans incidence sur sa capacité de travail.
c. Dans un rapport du 28 octobre 2021, le docteur E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a indiqué que l’assurée souffrait d’une dysthymie, d’un trouble somatoforme douloureux persistant, d’une modification durable de la personnalité liée à un stress post-traumatique et d’un probable déficit de l’attention avec hyperactivité (ci-après : TDAH). L’assurée avait été très attachée à son père, auquel un cancer avait été diagnostiqué en 2008. Lorsque l’état de son père s’était aggravé, elle avait arrêté son activité professionnelle pour s’en occuper et ce, jusqu’à son décès. À la suite de ce dernier, elle décrivait un état de cataclysme psychique, apragmatique, voire catatonique, qui avait duré six mois. Progressivement, elle avait recommencé des activités basiques, mais avait commencé à sentir des douleurs, tout d’abord de manière intermittente, puis persistante. Elle était inapte à travailler à plein temps depuis que la maladie de son père s’était déclarée. Elle passait sa journée enfermée chez elle s’occupant à peine de son ménage. Son réseau social était très restreint. Elle voyait sa mère deux à trois fois par année et son frère et son fils exceptionnellement. Les relations restaient distantes. L’assurée ne prenait pas de traitement médicamenteux. Tout ce qui avait été essayé avait dû être stoppé en raison d’effets secondaires. La compliance thérapeutique était très bonne.
d. Dans un rapport du 12 septembre 2022, la Dre C______ a indiqué à l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : l’OAI ou l’intimé) ne pas avoir vu l’assurée en 2022 et s’est référé à son rapport de mars 2021. Le problème principal de celle-ci était psychiatrique. Il n’y avait pas de restriction somatique. Le traitement prescrit était de la physiothérapie et de l’antalgie simple en réserve pour les plaintes somatiques.
e. Le 17 avril 2023, le Dr E______ a indiqué que depuis son dernier rapport, l’assurée n’avait connu aucun changement significatif dans son fonctionnement habituel. Elle avait des conflits avec son fils qu’elle ne voyait plus depuis trois ans, ce qui l’avait passablement perturbée, bien qu’actuellement, elle adoptait une position conformiste sans être indifférente. Elle s’occupait à peine de son ménage et restait très isolée, avec des relations quasiment inexistantes. Elle avait une attitude passive, bien installée dans un vécu dépressif qui bloquait toute initiative possible, aussi bien sur le plan professionnel qu’occupationnel. Avec le traitement de psychothérapie, elle avait évolué de manière légèrement satisfaisante concernant sa qualité de vie, mais sa capacité de reprendre une activité professionnelle restait nulle pour une durée définitive.
f. Une expertise de l’assurée a été effectuée le 26 juillet 2023 par le docteur F______, spécialiste FMH en médecine physique et rééducation et rhumatologie, et le docteur G______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, du Service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : le SMR).
Dans leur rapport du 20 septembre 2023, les experts ont retenu les diagnostics, avec répercussion durable sur la capacité de travail, de trouble mixte de la personnalité, avec traits émotionnellement labiles de type borderline, traits paranoïaques et traits anankastiques, totalement décompensés entre 2011 et 2018 et partiellement décompensés depuis 2018 (diagnostic principal). Comme diagnostics associés, ils retenaient un épisode dépressif sévère, sans symptômes psychotiques jusqu’en 2018, actuellement moyen. Les experts n’ont retenu aucun syndrome somatique, en particulier ostéoarticulaire, depuis 2018. Comme diagnostics sans répercussion sur la capacité de travail, ils ont retenu un syndrome douloureux diffus sans substrat organique, de légers troubles statiques du rachis dorsal, un trouble hyperkinétique avec perturbation de l’activité et de l’attention ainsi qu’une dysthymie.
Sur le plan psychiatrique, l’assurée avait été incapable de travailler à 100% à partir du 3 mars 2011, date du décès de son père, et à 50% à compter de 2018, sans évolution depuis lors.
Sur le plan rhumatologique, l’état de santé objectivable, au niveau ostéoarticulaire, ne justifiait pas de limitations fonctionnelles durables.
g. L’OAI a rendu un projet de décision le 29 septembre 2023, octroyant à l’assurée une demi-rente d’invalidité dès le 1er juin 2021. Depuis le 3 mars 2011 (début du délai d’attente d’un an), sa capacité de travail était de 0% jusqu’en 2019, puis de 50% dans toute activité. Elle avait un statut d’active. Sa demande de prestations ayant été déposée le 23 décembre 2020, son droit à la rente ne pouvait naître que le 1er juin 2021. Sa capacité de travail se confondait avec sa capacité de gain et son degré d’invalidité était de 50% dès le 1er juin 2021.
h. Le 6 novembre 2023, l’assurée, assistée d’un conseil, a formé opposition au projet de décision de l’OAI, concluant à l’octroi d’une rente entière d’invalidité.
i. Par décision du 9 novembre 2023, l’OAI a confirmé son projet de décision, considérant que la procédure d’audition suite au projet de décision n’avait pas amené de faits nouveaux importants ou nouvelles pièces justifiant une modification de sa précédente appréciation.
C. a. Le 11 décembre 2023, l’assurée a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, concluant à son audition ainsi qu’à celle du Dr E______, à ce qu’une expertise médicale soit ordonnée, et principalement, à l’octroi d’une rente entière d’invalidité, avec suite de frais et dépens.
b. La recourante a été entendue par la chambre de céans le 12 juin 2024.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).
2. Le litige porte sur le droit à de la recourante à une rente entière d’invalidité dès le 1er juin 2021.
3.
3.1 Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).
En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est, en principe, celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).
3.2 En l’occurrence, la décision litigieuse a été rendue après le 31 décembre 2021 et le droit de la recourante a une rente est né avant cette date, de sorte que les dispositions légales applicables sont celles en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021.
3.3 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).
En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.
Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).
Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).
En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.
3.4 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 102 V 165 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).
En 2017, le Tribunal fédéral a modifié sa pratique lors de l'examen du droit à une rente d'invalidité en cas de troubles psychiques. La jurisprudence développée pour les troubles somatoformes douloureux, selon laquelle il y a lieu d'examiner la capacité de travail et la capacité fonctionnelle de la personne concernée dans le cadre d'une procédure structurée d'administration des preuves à l'aide d'indicateurs (ATF 141 V 281), s'applique dorénavant à toutes les maladies psychiques. En effet, celles-ci ne peuvent en principe être déterminées ou prouvées sur la base de critères objectifs que de manière limitée. La question des effets fonctionnels d'un trouble doit dès lors être au centre. La preuve d'une invalidité ouvrant le droit à une rente ne peut en principe être considérée comme rapportée que lorsqu'il existe une cohérence au niveau des limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation de la capacité de travail invalidante n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée (ATF 143 V 409 consid. 4.5 et 143 V 418 consid. 6 et 7).
Même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d’un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1).
Il convient dorénavant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs limitant les capacités fonctionnelles et, d'autre part, les potentiels de compensation (ressources), à l’aide des indicateurs développés par le Tribunal fédéral suivants :
Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l’étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic. Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l’atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés.
Il convient encore d'examiner le succès du traitement et de la réadaptation ou la résistance à ces derniers. Ce critère est un indicateur important pour apprécier le degré de gravité. L’échec définitif d’un traitement indiqué, réalisé lege artis sur un assuré qui coopère de manière optimale, permet de conclure à un pronostic négatif. Si le traitement ne correspond pas ou plus aux connaissances médicales actuelles ou paraît inapproprié dans le cas d’espèce, on ne peut rien en déduire s’agissant du degré de gravité de la pathologie. Les troubles psychiques sont invalidants lorsqu'ils sont graves et ne peuvent pas ou plus être traités médicalement. Des déductions sur le degré de gravité d’une atteinte à la santé peuvent être tirées non seulement du traitement médical mais aussi de la réadaptation.
La comorbidité psychique ne doit être prise en considération qu’en fonction de son importance concrète dans le cas d’espèce, par exemple pour juger si elle prive l’assuré de ressources. Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l’influence du trouble psychique avec l’ensemble des pathologies concomitantes. Un trouble qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidant en tant que tel n’est pas une comorbidité, mais doit à la rigueur être pris en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité.
Il convient ensuite d'accorder une importance accrue au complexe de personnalité de l’assuré (développement et structure de la personnalité, fonctions psychiques fondamentales). Le concept de ce qu’on appelle les « fonctions complexes du Moi » (conscience de soi et de l’autre, appréhension de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation) entre aussi en considération. Comme les diagnostics relevant des troubles de la personnalité sont, plus que d’autres indicateurs, dépendants du médecin examinateur, les exigences de motivation sont particulièrement élevées.
Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles ne doivent pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l’assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut s’assurer qu’une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d’autres difficultés de vie.
Il s’agit, encore, de se demander si l’atteinte à la santé limite l’assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l’exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l’assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d’activité sociale de l’assuré avant et après la survenance de l’atteinte à la santé.
Il faut examiner ensuite la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, pour évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n’est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l’absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d’une incapacité (inévitable) de l’assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s’appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d’autres raisons que l'atteinte à la santé assurée.
Le juge vérifie librement si l’expert médical a exclusivement tenu compte des déficits fonctionnels résultant de l’atteinte à la santé et si son évaluation de l’exigibilité repose sur une base objective.
La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 et 141 V 281 consid. 2.2 et 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_841/2016 du 30 novembre 2017 consid. 4.5.2).
Ce diagnostic doit être justifié médicalement de telle manière que les personnes chargées d’appliquer le droit puissent vérifier que les critères de classification ont été effectivement respectés. Il suppose l’existence de limitations fonctionnelles dans tous les domaines de la vie (tant professionnelle que privée). Les médecins doivent en outre prendre en considération les critères d’exclusion de ce diagnostic retenus par la jurisprudence (ATF 141 V 281 consid. 2.1.1. et 2.2). Ainsi, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, on conclura, en règle ordinaire, à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit à des prestations d'assurance. Au nombre des situations envisagées figurent la discordance entre les difficultés décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses difficultés dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, les grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact (cf. ATF 131 V 49 consid. 1.2).
3.5 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; 133 V 450 consid. 11.1.3; 125 V 351 consid. 3).
Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).
Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l'art. 44 LPGA, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères: s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 et les références ; 142 V 58 consid. 5.1 et les références ; 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4 et les références). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon l'art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références).
Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4). Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).
Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).
3.6 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3).
Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).
4.
4.1 La recourante fait valoir en substance que depuis 2008, elle souffre de troubles psychiques et physiques chroniques, qui ne lui permettent pas de reprendre une activité professionnelle, même à temps partiel, contrairement à ce qu’a retenu l’intimé sur la base de l’expertise du SMR, en se référant aux rapports du Dr E______.
Il convient d’examiner en premier lieu le rapport d’expertise du SMR.
Fondé sur toutes les pièces du dossier, comprenant une anamnèse détaillée, la description des plaintes de la recourante, des diagnostics clairs et une évaluation motivée et convaincante de sa capacité de travail, à la suite d’une évaluation consensuelle des experts, le rapport d’expertise du SMR répond aux réquisits jurisprudentiels permettant de lui reconnaître une pleine valeur probante.
Les experts, et l’expert psychiatre en particulier, ont matériellement pris en compte les indicateurs de gravité développés par le Tribunal fédéral pour fixer la capacité de travail de la recourante.
L’expert psychiatre a retenu comme diagnostics principaux responsables des limitations fonctionnelles de la recourante, un épisode dépressif moyen et un trouble mixte de la personnalité partiellement décompensé. Il a constaté qu’hormis à certains moments de la journée, comme le soir, il n’était pas décrit de sentiment de détresse, ni observé ce sentiment à l’examen. Il était relevé des difficultés mnésiques sur les faits anciens et une fatigue le matin, en amélioration l’après-midi, ainsi qu’une tendance à la rigidité. Il en ressort que l’atteinte de l’assurée apparaît d’une gravité relative.
S’agissant du critère du succès du traitement et de la réadaptation ou la résistance à ces derniers, il ressort du rapport d’expertise que la recourante ne supporte pas les antidépresseurs, de sorte que l’on ne peut pas tirer de conclusions du fait qu’elle n’en prend pas. Il convient de relever qu’elle peut fonctionner sans ce traitement, certes de façon limitée, ce qui relativise la gravité de son atteinte. Son suivi de psychothérapie correspond aux règles d’un traitement lege artis et elle collabore bien à son traitement avec son psychiatre qu’elle voit régulièrement depuis 2015, une fois par semaine, selon le rapport d’expertise.
S’agissant des ressources de la recourante, l’expert psychiatre a indiqué que les éléments recueillis permettaient de constater qu’elles étaient partiellement diminuées. Elle n’avait jamais eu un réseau social très important, mais il avait diminué depuis 2011. Ses centres d’intérêts avaient toujours été réduits. Elle en avait encore quelques-uns, puisqu’elle s’intéressait au développement personnel et appréciait la lecture et la musique. Elle se promenait deux à trois par semaine et restait autonome dans les activités quotidiennes, gérant son ménage, les courses, ses repas et ses affaires administratives.
L’expert psychiatre a pris en compte le complexe de personnalité de la recourante, dans le cadre de l’analyse de ses ressources, relevant qu’elle avait peur de l’abandon et du rejet et que cela l’avait amenée à rompre avec son fils et à faire preuve d’entêtement à ce sujet. Sa rigidité de type anankastique compliquait son rapport à autrui. Elle avait toutefois retrouvé une combativité en 2018 et une capacité à refuser l’échec, qui lui avait permis de sortir partiellement de son isolement social.
Il résulte des considérations qui précèdent que l’expert psychiatre a procédé à une analyse globale et correcte de la situation de la recourante et que sa conclusion selon laquelle une activité professionnelle était exigible d’elle à 50% est convaincante.
La recourante fait valoir sa propre appréciation subjective de sa situation, laquelle n’est pas susceptible de remettre en cause les conclusions des experts.
Les rapports du Dr E______ ne suffisent pas à remettre sérieusement en cause les conclusions des experts, celui-ci n’ayant en particulier pas procédé à l’examen des indicateurs de gravité développés par le Tribunal fédéral. Par ailleurs, il retient dans son rapport du 28 octobre 2021 que la recourante était totalement inapte à travailler à plein temps depuis que la maladie de son père s’était déclarée, sans mentionner l’évolution favorable de la santé de la recourante dès 2018. Or, il ressort de l’expertise que la recourante avait elle-même déclaré qu’à compter de 2018, elle avait commencé à se reprendre en main et qu’elle avait eu comme un déclic. Il n’en parle pas non plus dans son rapport du 17 avril 2023.
Par ailleurs, le diagnostic de PTSD retenu par le Dr E______ n’est pas convainquant. Il a été exclu par l’expert psychiatre, au motif qu’un deuil même entraînant une grande souffrance et se prolongeant au-delà de six mois ne pouvait être considéré comme un traumatisme au sens de la CIM-10 et qu’il n’existait aucun symptôme de PTSD, tels des cauchemars, des flashbacks, une insécurité, une hypervigilance ou une conduite d’évitement.
5. En conclusion, la décision querellée est fondée sur une expertise dont les conclusions sont probantes et elle doit être confirmée.
Le recours sera en conséquence rejeté.
Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 200.- sera mis à la charge de la recourante (art. 69 al. 1 bis LAI).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. Le rejette.
3. Met un émolument de CHF 200.- à la charge de la recourante.
4. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Julia BARRY |
| La présidente
Catherine TAPPONNIER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le