Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/784/2024 du 03.10.2024 ( CHOMAG ) , REJETE
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/204/2023 ATAS/784/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 3 octobre 2024 Chambre 3 |
En la cause
A______ | recourant |
contre
CAISSE DE CHÔMAGE SIT
| intimée |
A. a. Les 2 septembre 2019 et 2 juin 2022, Monsieur A______ (ci-après : l'assuré) s’est annoncé auprès de l’assurance-chômage. Lors de sa première inscription, il a demandé à la Caisse de chômage du SIT (ci-après : la caisse de chômage) l’octroi des suppléments correspondant aux allocations familiales pour ses deux filles, nées en 1998 et 2000, encore étudiantes.
b. Du 2 au 6 août 2021, l'assuré a travaillé pour B______, pour un revenu de CHF 1'512.08 brut.
c. Entre le 9 et le 27 août 2021, il a exercé une autre activité salariée par l'intermédiaire de l'agence temporaire C______, pour un revenu de CHF 4'312.83.
d. Les caisses d'allocations familiales de ses employeurs lui ont versé les allocations pour ses filles pour les périodes du 1er au 8 août, puis du 9 au 27 août 2021.
e. Le 31 octobre 2022, l'assuré a réclamé à la caisse de chômage le versement des suppléments correspondant aux allocations familiales pour la période du 28 au 31 août 2021, non couverte par les caisses de ses employeurs.
f. Par décision n°1______ du 8 novembre 2022, confirmée sur opposition le 3 janvier 2023, la caisse de chômage a rejeté sa demande. Elle a constaté qu’en août 2021, son revenu avait dépassé 80% du gain assuré, de sorte qu’il n’avait eu droit à aucune indemnité compensatoire. Or, les suppléments correspondant aux allocations familiales ne pouvaient être versés que si le droit à l’indemnité de chômage était ouvert.
B. a. Par écriture du 23 janvier 2023, complétée le 19 février 2023, l'assuré a interjeté recours auprès de la Cour de céans en arguant, en substance, que dans la mesure où il était resté inscrit à l'assurance-chômage de manière continue durant son délai-cadre, y compris entre le 28 et le 31 août 2021, il avait droit aux suppléments d'indemnités correspondant aux allocations familiales durant la période non couverte par les caisses d'allocations familiales de ses employeurs.
b. Invitée à se déterminer, l'intimée, dans sa réponse du 15 mai 2023, a conclu au rejet du recours.
c. Une audience de comparution personnelle s'est tenue en date du 22 février 2024, à l’issue de laquelle chacune des parties a persisté dans ses conclusions.
d. Interpellé par la Cour de céans sur les questions soulevées par le recourant concernant ses directives en matière d’allocations familiales, l’office fédéral des assurances sociales (OFAS) a répondu en date du 26 mars 2024. Il a expliqué que ses directives en la matière s’appuyaient entièrement sur le Bulletin LACI IC du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) et l’interprétation de la loi de celui-ci. Pour le surplus, il a confirmé, après consultation du SECO, qu’en l’occurrence, le recourant ne pouvait se voir reconnaître le droit aux suppléments correspondant aux allocations familiales en l’absence de versement d’indemnités de chômage. Les directives en matière d’allocations familiales ayant été modifiées en 2002, une telle situation ne devrait toutefois plus se produire.
e. Les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.
f. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie « en droit » du présent arrêt.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pendant la période du 18 décembre au 2 janvier inclusivement (art. 38 al. 4 let. c LPGA et art. 89C let. c LPA), le recours est recevable.
2. Le litige porte sur le droit du recourant au supplément pour enfant prévu par l’art. 22 al. 1 LACI, à hauteur de CHF 73.70 selon le recourant, singulièrement sur la question de savoir si le fait de bénéficier effectivement des indemnités de chômage est la condition préalable à l’ouverture du droit audit supplément.
3.
3.1 La loi fédérale du 24 mars 2006 sur les allocations familiales (LAFam; RS 836.2) règle le droit aux prestations familiales des salariés, des indépendants et des personnes sans activité lucrative.
Les allocations familiales sont des prestations en espèces, uniques ou périodiques, destinées à compenser partiellement la charge financière représentée par un ou plusieurs enfants (art. 2 LAFam et 4 al. 1 de la loi genevoise sur les allocations familiales du 1er mars 1996 [LAF - J 5 10]).
Ont notamment droit aux allocations familiales les salariés au service d’un employeur assujetti obligatoirement assurés à l’AVS à ce titre (art. 13 al. 1 LAFam), les personnes exerçant une activité lucrative indépendante obligatoirement assurées à l’AVS à ce titre (art. 13 al. 2bis LAFam) et celles obligatoirement assurées à l’AVS en tant que personnes sans activité lucrative (art. 19 al. 1 LAFam).
3.2
3.2.1 Outre la législation fédérale et cantonale sur les allocations familiales, il existe des réglementations spéciales pour certaines catégories de personnes, dont les chômeurs.
L’art. 22 al. 1 LACI prévoit, en son premier alinéa, que l’indemnité journalière pleine et entière s’élève à 80% du gain assuré. S’agissant des allocations familiales, il est précisé que l'assuré perçoit en outre un supplément qui correspond au montant, calculé par jour, de l'allocation pour enfant et de l'allocation de formation professionnelle légales auxquelles il aurait droit s'il avait un emploi. Ce supplément n'est toutefois versé qu'aux conditions suivantes :
a. les allocations ne sont pas versées à l'assuré durant la période de chômage;
b. aucune personne exerçant une activité lucrative ne peut faire valoir de droit aux allocations pour ce même enfant.
Le supplément que prévoit l’art. 22 LACI est un droit subsidiaire dépendant de l’indemnité journalière. Le droit à ce supplément est donné par le droit à l’indemnité (éventuellement réduite). La personne assurée touche un supplément, calculé par jour, qui correspond au montant, calculé par jour, des allocations légales pour enfants et formation professionnelle auxquelles il aurait droit s’il avait un emploi (Bulletin LACI IC C82).
3.2.2 Selon le ch. 526 des Directives pour l’application de la loi sur les allocations familiales (LAFam [DAFam], dans leur teneur en vigueur dès le 1er janvier 2021), le droit aux allocations familiales prime le droit au supplément correspondant à l’allocation pour enfant et à l’allocation de formation qui s’ajoute à l’indemnité journalière de l’art. 22, al. 1 LACI. Ce supplément n’est versé que s’il existe un droit à l’indemnité journalière de l’assurance-chômage, si l’assuré ne touche pas d’allocations familiales durant la période de chômage et si aucune personne exerçant une activité lucrative ne peut faire valoir un droit aux allocations familiales pour le même enfant. Il est également versé durant les jours d’attente et de suspension (Bulletin LACI IC C87a). Par contre, aucun droit à l’indemnité journalière de l’assurance-chômage et donc aucun droit au supplément n’existe pendant la perception d’une allocation de maternité.
3.3
3.3.1 Lorsque l’assuré réalise un gain intermédiaire, sa situation est régie par l’art. 24 LACI, dont le premier alinéa indique qu’est réputé intermédiaire tout gain que le chômeur retire d'une activité salariée ou indépendante durant une période de contrôle. L'assuré qui perçoit un gain intermédiaire a droit à la compensation de la perte de gain. Est réputée perte de gain la différence entre le gain assuré et le gain intermédiaire, ce dernier devant être conforme, pour le travail effectué, aux usages professionnels et locaux (art. 24 al. 3 LACI). Selon l'art. 41a al. 1 OACI, lorsque l'assuré réalise un revenu inférieur à son indemnité de chômage, il a droit à des indemnités compensatoires pendant le délai-cadre d'indemnisation. A noter que cette disposition a été jugée conforme à la loi (ATF 127 V 479 ; voir également SVR 1999 ALV n° 8 consid. 2c).
Pour déterminer si la limite de 80% du gain assuré est atteinte, il faut prendre en compte les revenus de tous les rapports de travail (ATF 150 V 44 consid. 5.3).
Une prétention aux indemnités compensatoires n'existe que si le revenu global de la personne assurée demeure inférieur à l'indemnité de chômage à laquelle elle pourrait prétendre. Il s'ensuit qu'une perte de gain ne dépassant pas 20% du gain assuré n'ouvre pas droit à l'indemnité puisqu'elle reste dans les normes du travail convenable selon l'art. 16 LACI (ATF 150 V 44 consid. 5.3, voir également l’ATF 127 V 479 = DTA 2002 p. 118). En effet, à teneur de la disposition précitée, en règle générale, l’assuré doit accepter immédiatement tout travail en vue de diminuer le dommage. Toutefois, selon l'art. 16 al. 2 let. i LACI, n'est pas réputé convenable tout travail qui procure à l'assuré une rémunération qui est inférieure à 70% du gain assuré, sauf si l'assuré touche des indemnités compensatoires conformément à l'art. 24 (gain intermédiaire) (…), étant précisé que selon la jurisprudence, tant qu'un assuré a droit à des indemnités compensatoires en vertu de l'art. 24 al. 4 LACI, le seuil du travail convenable se situe à 70% ou 80% du gain assuré (selon le taux d'indemnisation applicable) (ATF 150 V 444 consid. 5.3).
3.3.2 Le ch. 526.2 DAFam prévoit que si un chômeur retire d’une activité salariée ou indépendante un gain intermédiaire atteignant le revenu mensuel minimal (à savoir CHF 597 en 2021), l’employeur ou la caisse d’allocation familiale doit lui verser les allocations familiales pour la durée de ladite activité. Les revenus provenant de plusieurs activités lucratives sont additionnés. Lorsque l’activité donnant lieu à un gain intermédiaire commence et prend fin au cours d’un même mois, l’assurance-chômage verse le supplément pour la période au cours de laquelle le chômeur n’a pas droit à des allocations familiales.
3.4 En résumé, lorsque l’assuré réalise un revenu inférieur à son indemnité de chômage, il a droit à des indemnités compensatoires (art. 41a. al. 1 OACI) se montant à 70 ou 80% de la perte de gain, selon le taux d’indemnisation auquel il a droit (cf. art. 24 al. 1 LACI 3e phrase et art. 22 LACI).
Une perte de gain ne dépassant pas 20 ou 30% du gain assuré n'ouvre donc pas droit à l'indemnité puisqu'elle reste dans les normes du travail convenable selon l'art. 16 LACI (Bulletin LACI IC B94 ; ATF 150 V 44 consid. 5.3 dernier §).
Selon ce système, l'assuré qui bénéficie d'un gain intermédiaire touchera dans tous les cas un montant supérieur ou égal à son indemnité de chômage, ce qui lui permettra d'augmenter son revenu. Toutefois, si l'assuré exerce une activité lucrative qui lui procure un revenu correspondant au moins à celui de l'indemnité de chômage, on ne se trouve plus en présence d'un gain intermédiaire indemnisable au sens de l'art. 24 LACI (ATF 121 V 353 et références citées). En d’autres termes, selon cette jurisprudence, un chômeur partiel ne saurait prétendre des indemnités de chômage, lorsque le revenu qu'il tire de son activité lucrative dépendante et résiduelle satisfait aux conditions d'un travail convenable, et notamment excède le montant de l'indemnité maximale (70% ou 80% de la perte de gain prise en considération) qu'il pourrait toucher en cas de chômage complet.
4. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ;125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).
5.
5.1 En l’espèce, les parties admettent que le recourant a réalisé un gain intermédiaire supérieur aux 80% de son gain assuré, de sorte qu’aucune indemnité compensatoire ne lui est due. Elles s’opposent toutefois sur la question du versement du supplément correspondant aux allocations familiales pour les jours où le recourant ne les a pas perçues par le biais de la caisse d’allocations familiales de l’un de ses employeurs, le recourant concluant au versement, pro rata, dudit supplément correspondant aux allocations familiales, d’un montant de CHF 73.70, ce que l’intimée conteste.
5.2 A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la LACI distingue entre l’indemnité journalière au sens de l’art. 22 LACI et l’indemnité compensatoire au sens de l’art. 24 LACI, en fonction de l’existence – ou non – d’un gain intermédiaire. En cas de gain intermédiaire, l’indemnisation s’effectue conformément à l’art. 41a al. 1 OACI ainsi qu’à l’art. 24 LACI, lequel renvoie à l’art. 22 LACI. Lorsque l’assuré ne réalise aucun gain intermédiaire, l’indemnisation se fait uniquement selon l’art. 22 LACI.
Dans le cas d’espèce, le recourant a réalisé un gain intermédiaire. Pour pouvoir bénéficier d’une indemnité compensatoire, ledit gain doit être inférieur aux 80% de son gain assuré (art. 41a al. 1 OACI). En d’autres termes, la perte de gain doit être supérieure à 20%.
Or, comme il l’admet lui-même, le recourant a réalisé un gain intermédiaire supérieur aux 80% du gain assuré. Sa perte de gain, qui est donc inférieure à 20% de son gain assuré, reste en réalité dans les normes du travail convenable au sens de l’art. 16 LACI et ne doit pas être indemnisée par l’assurance-chômage (cf. ATF 150 V 44). C’est donc à juste titre que le recourant n’a pas perçu d’indemnités compensatoires, ce qu’il ne conteste du reste pas.
Dès lors qu’il n’a pas de droit à une indemnité compensatoire, le calcul à effectuer lorsque le gain intermédiaire est inférieur à l'indemnité de chômage n'a pas lieu d'être et l’art. 22 LACI ne trouve tout simplement pas application. L’éventualité de l’octroi d’un supplément correspondant aux allocations familiales, prévu par cette dernière disposition, n’entre donc pas en ligne de compte. Le paragraphe C82 du Bulletin LACI IC ne fait en réalité que rappeler ce qui précède, lorsqu’il stipule que « le supplément que prévoit l’art. 22 LACI est un droit subsidiaire dépendant de l’indemnité journalière. Le droit à ce supplément est donné par le droit à l’indemnité (éventuellement réduite) ».
Eu égard à ce qui précède, c’est donc à juste titre que la caisse intimée n’a pas versé, au pro rata, le supplément correspondant aux allocations familiales.
6. Le recours est rejeté et la décision sur opposition confirmée.
Le recourant, qui succombe et qui n’est pas représenté, ne peut prétendre une indemnité à titre de dépens (art. 61 let. g LPGA a contrario).
Par ailleurs, les assureurs sociaux qui obtiennent gain de cause devant une juridiction de première instance n'ont en principe pas droit à une indemnité de dépens (ATF 126 V 149 consid. 4).
Pour le surplus, la procédure est gratuite.
***
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. Le rejette.
3. Dit que la procédure est gratuite.
4. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Diana ZIERI |
| La présidente
Karine STECK |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le