Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/585/2024 du 25.07.2024 ( PC ) , ADMIS/RENVOI
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/142/2024 ATAS/585/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 25 juillet 2024 Chambre 5 |
En la cause
A______
| recourante |
contre
SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES | intimé |
A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née en ______ 1969, est divorcée et mère de deux enfants majeurs, B______, né en ______ 1999 et C______, née en ______ 1998. Elle perçoit des prestations complémentaires depuis plusieurs années.
b. Par décision du 20 septembre 2023, le service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC) a demandé le remboursement d'un montant de CHF 18'049.- pour la période allant du 1er janvier 2022 au 30 septembre 2023 et a informé l’assurée de la diminution du montant des prestations complémentaires versées.
B. a. Sur opposition de l’assurée, postée le 25 octobre 2023, le SPC a pris une décision sur opposition du 28 novembre 2023, concluant au remboursement, après de nouveaux calculs, d'un montant réduit à CHF 16'849.-, en lieu et place de CHF 18'049.-.
b. Le SPC confirmait le montant pris en compte à titre de rente de l’assurance-invalidité en 2022, soit CHF 43'293.- pour la recourante, à quoi s’ajoutait un montant de CHF 2’547.- correspondant au montant de la rente pour l’enfant B______, dont l’assurée n’avait pas tenu compte. Au total, les rentes invalidité octroyées pour l’année 2022 totalisaient bien le montant global de CHF 45'840.-. S’agissant du montant pris en compte à type de prévoyance professionnelle, une fois annualisé, ce dernier s’élevait à CHF 22'677.60.
c. S’agissant des pensions alimentaires, il était rappelé que suite au jugement du Tribunal de première instance (ci-après : TPI) du 28 mars 2018, Monsieur D______ (ci‑après : l’ex-époux ou le père) avait été condamné à verser aux deux enfants majeurs B______ et C______ une pension alimentaire mensuelle de CHF 200.- pour chacun des enfants. Selon les déclarations de l’assurée, l’ex‑époux s’était acquitté du paiement des pensions alimentaires dues à ses enfants jusqu’au mois d’octobre 2022. Le crédirentier de la pension alimentaire, soit le fils B______, n’avait entamé aucune démarche judiciaire afin de recouvrer les pensions impayées qui lui étaient dues depuis le 1er novembre 2022. S’agissant de la fille C______, elle avait déposé une réquisition de poursuites, auprès de l’office des poursuites, pour recouvrer les pensions alimentaires dues de novembre 2022 à mars 2023, en date du 13 mars 2023. Compte tenu de l’omission de l’enfant B______ d’entamer des démarches judiciaires afin d’obtenir le paiement de sa pension alimentaire, et du retard de l’enfant C______ pour déposer une réquisition de poursuites, le SPC avait tenu compte du versement d’une pension mensuelle à partir du 1er novembre 2022, mais réduite à CHF 200.- en lieu et place de CHF 400.-, en raison des démarches entreprises, par l’un des enfants majeurs, pour le recouvrement de sa pension alimentaire. À l’issue des calculs opérés par le SPC et compte tenu de la prise en compte partielle, dans les revenus, du montant annuel de la pension alimentaire, soit CHF 2'400.- en lieu et place de CHF 4'800.-, le montant réclamé en remboursement par le SPC, pour la période allant du 1er janvier 2022 au 30 septembre 2023, avait été réduit à CHF 16'849.- (soit le montant de CHF 22'334.- déjà versé moins le montant de CHF 5'485.- dû, selon les calculs incluant le versement de la pension alimentaire).
C. a. Par acte posté en date du 15 janvier 2024, à destination de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), la recourante a conclu à l’annulation de ladite décision au motif, notamment, que les procédures de recouvrement de la pension alimentaire étaient vaines dès lors que le père des enfants n’avait pas les moyens financiers de s’acquitter de la pension alimentaire. De plus, son fils avait aussi déposé une poursuite à l'encontre de son père. La recourante faisait également valoir que ce dernier ne percevait plus les allocations familiales, depuis le mois d’août 2023, et les montants pris en compte au regard de la rente invalidité et de la rente du second pilier étaient inexacts, ce qui affectait le montant global du revenu et la quotité des prestations complémentaires. Enfin, la recourante demandait que l’effet suspensif du recours soit restitué.
b. Par arrêt incident du 5 février 2024 (ATAS/63/2024), la chambre de céans a déclaré le recours recevable, constaté que le volet de la décision querellée portant sur la demande de remboursement du trop-perçu, par CHF 16'849.-, était assorti de l'effet suspensif, rejeté la demande d'effet suspensif du recours concernant le volet portant sur la diminution du montant des prestations complémentaires et réservé la suite de la procédure.
c. Le 9 février 2024, l'intimé a conclu au rejet du recours. Il ignorait que l'enfant B______ avait adressé une réquisition de poursuite à l'encontre de son père. Cela étant, le commandement de payer avait été frappé d'opposition et aucun élément ne démontrait que le fils avait poursuivi la procédure. Rien ne démontrait non plus que le père n'était plus en mesure de s'acquitter de la pension alimentaire depuis le 1er novembre 2022, de sorte que celle-ci avait, à juste titre, été prise en compte à titre de dessaisissement de revenus.
d. Par réplique postée le 30 mars 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions.
e. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Le délai de recours est de 30 jours (art. 60 al. 1 LPGA ; art. 43 LPCC ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable.
2. Le litige porte sur la question de savoir si c’est à juste titre que l’intimé a requis de la recourante la restitution des prestations complémentaires, tant dans son principe que dans la quotité, pour la période courant du 1er janvier 2022 au 30 septembre 2023, et a supprimé toute prestation hors réduction individuelle des primes de l'assurance-maladie depuis le 1er mai 2023.
3. Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).
Des modifications législatives et réglementaires sont entrées en vigueur au 1er janvier 2021 dans le cadre de la Réforme des PC (LPC, modification du 22 mars 2019, RO 2020 585, FF 2016 7249 - OPC-AVS/AI [ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971- RS 831.301], modification du 29 janvier 2020, RO 2020 599).
Conformément à l’al. 1 des dispositions transitoires de la modification du 22 mars 2019, l’ancien droit reste applicable trois ans à compter de l’entrée en vigueur de cette modification aux bénéficiaires de prestations complémentaires pour lesquels la réforme des PC entraîne, dans son ensemble, une diminution de la prestation complémentaire annuelle ou la perte du droit à la prestation complémentaire annuelle.
Par ailleurs, selon la circulaire concernant les dispositions transitoires de la réforme des PC (C-R PC), valable dès le 1er janvier 2021, il n’est nécessaire d’établir un calcul comparatif durant le délai transitoire que pour les cas dans lesquels le calcul de la prestation complémentaire se fonde sur l’ancien droit. Dès que le calcul est établi selon le nouveau droit, ce dernier reste applicable pour le reste de la période transitoire (ch. 3104).
En l’occurrence, les calculs comparatifs effectués le 8 décembre 2020 en prévision de l'entrée en vigueur du nouveau droit montrent que celui-ci n'entraîne ni une perte du droit à la prestation complémentaire annuelle, ni une diminution de celle-ci, mais au contraire une augmentation du montant alloué, en raison des nouveaux forfaits pris en considération pour la dépense du loyer. Le nouveau droit, plus favorable, a donc été appliqué depuis le 1er janvier 2021, de sorte qu'il doit continuer à l'être. Les dispositions applicables seront par conséquent citées dans leur nouvelle teneur.
4. Les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse et qui remplissent les conditions personnelles prévues aux art. 4, 5, 6 et 8 LPC, ainsi que les conditions relatives à la fortune nette prévues à l’art. 9a LPC, ont droit à des prestations complémentaires. Ont ainsi droit aux prestations complémentaires notamment les personnes qui perçoivent une rente de l'assurance-invalidité, conformément à l'art. 4 al. 1 let. c LPC, et dont la fortune nette est, selon l’art. 9a al. 1 LPC, inférieure à CHF 100'000.- pour les personnes seules (let. a), CHF 200'000.- pour les couples (let. b) et CHF 50'000.- pour les enfants ayant droit à une rente d’orphelin ou donnant droit à une rente pour enfant de l’AVS ou de l’AI (let. c).
Les prestations complémentaires fédérales se composent de la prestation complémentaire annuelle et du remboursement des frais de maladie et d’invalidité (art. 3 al. 1 LPC). L’art. 9 al. 1er LPC dispose que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants, mais au moins au plus élevé des montants suivants : la réduction des primes la plus élevée prévue par le canton pour les personnes ne bénéficiant ni de prestations complémentaires ni de prestations d’aide sociale (let. a) ; 60% du montant forfaitaire annuel pour l’assurance obligatoire des soins au sens de l’art. 10 al. 3 let. d LPC (let. b).
5. Selon l’art. 11 al. 1 LPC, les revenus déterminants comprennent notamment le produit de la fortune mobilière et immobilière (let. b), les rentes, pensions et autres prestations périodiques, y compris les rentes de l’AVS et de l’AI (let. d), les allocations familiales (let. f), ainsi que les pensions alimentaires prévues par le droit de la famille (let. h).
En vertu de l’art. 11a LPC, la renonciation à des revenus ou parts de fortune est également prise en compte à titre de revenu déterminant. L'al. 2 de la disposition précitée énonce que les autres revenus, parts de fortune et droits légaux ou contractuels auxquels l'ayant droit a renoncé sans obligation légale et sans contre-prestation adéquate sont pris en compte dans les revenus déterminants comme s'il n'y avait pas renoncé.
6. Ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes qui remplissent les conditions de l’art. 2 LPCC et dont le revenu annuel déterminant n'atteint pas le revenu minimum cantonal d'aide sociale applicable (art. 4 LPCC).
Le montant de la prestation complémentaire correspond à la différence entre les dépenses reconnues et le revenu déterminant du requérant (art. 15 al. 1 LPCC).
Aux termes de l’art. 5 al. 1 LPCC, le revenu déterminant est calculé conformément aux règles fixées dans la loi fédérale et ses dispositions d'exécution, moyennant certaines adaptations, notamment : les prestations complémentaires fédérales sont ajoutées au revenu déterminant (let. a) et en dérogation à l'art. 11 al. 1 let. c LPC, la part de la fortune nette prise en compte dans le calcul du revenu déterminant est de un huitième, respectivement de un cinquième pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse, et ce après déduction notamment des franchises prévues par cette disposition (let. c).
7.
7.1 S'agissant de la restitution de prestations complémentaires fédérales, l'art. 25 al. 1 1ère phr. LPGA, en relation avec l'art. 2 al. 1 let. a de l'ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA ‑ RS 830.11), énonce que les prestations indûment touchées doivent être restituées par le bénéficiaire ou par ses héritiers.
Selon l'art. 3 al. 1 OPGA, l’étendue de l’obligation de restituer est fixée par une décision.
L'obligation de restituer suppose que soient remplies les conditions d'une révision procédurale (art. 53 al. 1 LPGA) ou d'une reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA) de la décision – formelle ou non – par laquelle les prestations en cause ont été allouées (ATF 142 V 259 consid. 3.2 et les références ; 138 V 426 consid. 5.2.1 et les références ; 130 V 318 consid. 5.2 et les références).
À cet égard, la jurisprudence constante distingue la révision d'une décision entrée en force formelle, à laquelle l'administration est tenue de procéder lorsque sont découverts des faits nouveaux ou de nouveaux moyens de preuve susceptibles de conduire à une appréciation juridique différente (ATF 129 V 200 consid. 1.1 ; 127 V 466 consid. 2c et les références), de la reconsidération d'une décision formellement passée en force de chose décidée sur laquelle une autorité judiciaire ne s'est pas prononcée quant au fond, à laquelle l'administration peut procéder pour autant que la décision soit sans nul doute erronée et que sa rectification revête une importance notable. Ainsi, par le biais d'une reconsidération, on corrigera une application initiale erronée du droit (ATF 147 V 167 consid. 4.2 et la référence). L'obligation de restituer des prestations complémentaires indûment touchées et son étendue dans le temps n’est pas liée à une violation de l'obligation de renseigner (ATF 122 V 134 consid. 2e). Il s'agit simplement de rétablir l'ordre légal après la découverte du fait nouveau (arrêt du Tribunal fédéral 9C_398/2021 du 22 février 2022 consid. 5.1).
Au plan cantonal, l'art. 24 al. 1 1ère phr. LPCC prévoit que les prestations indûment touchées doivent être restituées. Conformément à l’art. 43A LPCC, les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision si le bénéficiaire ou le service découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits avant (al. 1). Le SPC peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force lorsqu’elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable (al. 2).
L'art. 14 du règlement relatif aux prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 25 juin 1999 (RPCC-AVS/AI - J 4 25.03) précise que le SPC doit demander la restitution des prestations indûment touchées au bénéficiaire, à ses héritiers ou aux autres personnes mentionnées à l'art. 2 OPGA appliqué par analogie (al. 1). Il fixe l'étendue de l'obligation de restituer par décision (al. 2).
7.2 En vertu de l'art. 25 al. 2 1ère phr. LPGA (dans sa teneur en vigueur à compter du 1er janvier 2021), le droit de demander la restitution s'éteint trois ans après le moment où l'institution d’assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation.
Les délais de l’art. 25 al. 2 LPGA sont des délais (relatif et absolu) de péremption, qui doivent être examinés d'office (ATF 146 V 217 consid. 2.1 et les références ; 142 V 20 consid. 3.2.2 et les références). Contrairement à la prescription, la péremption prévue à l’art. 25 al. 2 LPGA ne peut être ni suspendue ni interrompue et lorsque s’accomplit l’acte conservatoire que prescrit la loi, comme la prise d’une décision (ATF 119 V 431 consid. 3c), le délai se trouve sauvegardé une fois pour toutes (ATF 138 V 74 consid. 5.2 et les références). En tant qu'il s'agit de délais de péremption, l’administration est déchue de son droit si elle n'a pas agi dans les délais requis (cf. ATF 134 V 353 consid. 3.1 et les références).
8. En l'espèce, il sied de constater que la décision du 20 septembre 2023 de l'intimé, comportant des nouveaux calculs des prestations complémentaires fédérales et cantonales pour la période du 1er janvier 2022 au 30 septembre 2023, est une décision de reconsidération de ses précédentes décisions, qui a été prise dans le respect des délais de péremption. Ces éléments ne sont d'ailleurs pas contestés par la recourante.
Reste à déterminer si les nouveaux calculs de l'intimé sont corrects, au regard des griefs élevés par cette dernière.
8.1 Il a déjà été répondu à la question du droit applicable (cf. consid. 3 supra), et l'argumentation de la recourante selon laquelle la situation devrait être analysée sous l'angle des anciennes dispositions doit être écartée.
8.2 La recourante fait valoir qu'elle est une mère célibataire, percevant des prestations de l'assurance-invalidité, vivant seule avec deux enfants sans emploi à charge, et qu'au vu de sa faible situation financière, elle aurait le droit de bénéficier de prestations complémentaires. Elle invoque en outre que le montant du subside à l'assurance-maladie qu'elle percevait a été réduit, ce qui a impacté négativement sa situation financière.
Bien que la chambre de céans puisse concevoir que la situation économique de la recourante ne soit pas simple, les circonstances dont elle se prévaut ne fondent pas, en elles-mêmes, un droit à des prestations complémentaires, indépendamment du calcul précis des revenus et des dépenses à prendre en compte selon la législation applicable. L'argument n'a donc pas de portée propre par rapport à ceux qui suivent.
8.3 La recourante reproche à l'intimé d'avoir pris en considération les pensions alimentaires dues à ses enfants par son ex-époux, alors qu'ils ne les percevaient plus depuis novembre 2022.
La prise en compte de rentes, pensions et autres prestations périodiques suppose que l'assuré les ait effectivement reçues et qu'il puisse en disposer. Si tel n'est pas le cas, il faut encore examiner s'il n'y a pas un dessaisissement de revenus au sens de l'art. 11 al. 1 let. g aLPC (disposition abrogée dès le 1er janvier 2022 et remplacée par l'art. 11a LPC) (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI, 2015, n. 127 ad art. 11).
Selon la jurisprudence, les contributions d'entretien qui ont fait l'objet d'une convention relative aux effets accessoires du divorce ou qui ont été fixées par le juge font partie du revenu déterminant le droit aux prestations complémentaires, sans égard au fait que ces contributions sont ou non effectivement versées par l'ex-conjoint. C'est uniquement dans les cas où le caractère irrécouvrable de la créance en paiement des contributions alimentaires est établi que de telles contributions ne sont pas prises en compte dans le revenu déterminant. En règle générale, on considère qu'une créance en paiement des contributions alimentaires est irrécouvrable seulement lorsque son titulaire a épuisé tous les moyens de droit utiles à son recouvrement. On peut toutefois s'écarter de cette règle – et admettre le caractère irrécouvrable d'une créance même en l'absence de démarches en vue de son recouvrement – s'il est clairement établi que le débiteur n'est pas en mesure de faire face à son obligation. Un tel fait peut ressortir en particulier d'une attestation officielle (établie par exemple par l'autorité fiscale ou par l'office des poursuites) relative au revenu et à la fortune du débiteur de la pension alimentaire. En effet, lorsque sur la base de ces preuves, il peut être établi que les pensions alimentaires sont irrécouvrables pour leur titulaire, on ne saurait exiger de sa part qu'il entreprenne une procédure de recouvrement, voire un procès civil, dans la mesure où ces démarches apparaîtraient comme dénuées de sens et ne changeraient, selon toute vraisemblance, rien au caractère irrécouvrable de la prétention (arrêt du Tribunal fédéral P 68/02 du 11 février 2004 consid. 3.2 et les références ; cf. directives concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI, état au 1er janvier 2022, ch. 3523.01).
La preuve du caractère irrécouvrable de la créance incombe au bénéficiaire des prestations complémentaires (ATF 121 V 204 consid. 6 et les références).
En l'occurrence, en vertu d'une transaction passée devant le TPI le 28 mars 2018, l'ex-époux est tenu de verser à chacun de ses enfants, allocations familiales non comprises, une somme de CHF 200.- par mois à titre de contribution à leur entretien, jusqu'à la fin de leur formation ou de leurs études, pour autant que celles-ci soient sérieuses et régulières, mais au maximum jusqu'à 25 ans.
La recourante allègue que son ex-époux n'a plus versé les contributions d'entretien en faveur des enfants depuis le mois de novembre 2022, ce qui est confirmé par les extraits de comptes bancaires produits.
Au surplus, il apparaît que C______ a déposé une réquisition de poursuite à l'encontre de son père en mars 2023 et requis la mainlevée de l'opposition que celui-ci avait formée, ce qui a abouti à un jugement du TPI du 6 novembre 2023 prononçant la mainlevée définitive de l'opposition. Quant à son frère B______, il avait lui aussi, au mois de février 2023, déposé une réquisition de poursuite, portant sur les pensions impayées de novembre 2022 à janvier 2023, élément qui était inconnu de l'intimé lors de la notification de la décision querellée. Il n'est cependant pas établi que B______ ait demandé la mainlevée de l'opposition élevée contre le commandement de payer, à l'inverse de sa sœur. Aucune pièce qui attesterait de cette démarche n'est en effet produite et la recourante soutient que même si son fils allait au bout de la procédure civile, il serait quasiment utopique pour lui de se voir verser une quelconque pension.
Au vu des éléments au dossier, la chambre de céans ne peut que souscrire à l'appréciation de l'intimé et confirmer la décision du 28 novembre 2023 en tant qu'elle prend en considération un montant annualisé de CHF 2'400.- à titre de pension alimentaire depuis novembre 2022. Bien que B______ ait adressé une réquisition de poursuite à l'encontre de son père, il n'apparaît pas qu'il aurait continué les démarches de recouvrement et sollicité la mainlevée de l'opposition. Au vu de la jurisprudence citée plus haut, il ne peut dès lors être considéré qu'il a épuisé toutes les voies de droit pour recouvrer sa créance. Il ne ressort en outre pas de la procédure menée par sa sœur – qui ne semble pas avoir donné de suite au jugement de mainlevée définitive et requis la continuation de la poursuite – que le débirentier serait insolvable. Aucun autre élément de la procédure, tel un extrait du registre des poursuites du père faisant état d'actes de défaut de biens, ne tend non plus à le démontrer. Dans ces circonstances, la décision de l'intimé de tenir compte des contributions d'entretien dues à B______ en tant que bien dessaisi apparaît conforme au droit, étant rappelé que la preuve du caractère irrécouvrable de la créance appartient au bénéficiaire de prestations complémentaires.
Les enfants de la recourante ont par ailleurs la possibilité de contacter le service cantonal d’avance et de recouvrement des pensions alimentaires qui a pour missions, en vertu de la loi sur l’avance et le recouvrement des pensions alimentaires du 22 avril 1977 (LARPA - E 1 25) d’aider, sur demande, de manière adéquate et gratuitement toute personne créancière d’une pension alimentaire en vue d’obtenir l’exécution des prestations fondées sur un jugement ou sur une promesse juridiquement valable, et de verser à la personne créancière d’une pension alimentaire, sur demande et pour une durée déterminée, des avances de pensions alimentaires si les conditions légales sont remplies (art. 2 LARPA).
8.4 La recourante reproche à l'intimé d'avoir commis plusieurs erreurs de calcul.
Elle se prévaut en premier lieu de ce que le montant de prestations perçues mentionné dans l'attestation pour la déclaration d'impôts divergerait de celui des plans de calcul.
Comme le souligne à juste titre l'intimé, l'attestation précitée ne contient pas uniquement les prestations en espèces, mais également les prestations en nature, à savoir le remboursement des frais médicaux qui font l'objet de décisions séparées (sur ces notions, cf. art. 3 LPC). Il est donc normal que des divergences puissent exister entre les deux documents.
La recourante critique ensuite le montant des rentes de l'assurance-invalidité retenu pour la période du 1er janvier au 30 avril 2023 (CHF 46'992.-). Elle n'oppose cependant aucun argument aux explications motivées de l'intimé qui indique que le montant précité correspond aux sommes annualisées de sa rente et de celles de ses enfants, pour la période en question.
À ce propos, il sied de souligner que l'utilisation du terme « annuelle » à l'art. 3 al. 1 let. a LPC entend mettre en évidence que le calcul y relatif est un calcul annuel (cf. Message concernant la troisième révision de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI [3ème révision], du 20 novembre 1996, FF 1997 I 1137, p. 1152).
Le résultat recherché par la recourante, visant à établir ses revenus en fonction des montants de rentes d'invalidité qu'elle a perçus rétroactivement sur l'année pour elle-même et ses enfants, divisés par douze et multipliés par le nombre de mois de la période considérée, ne peut donc être appliqué dans les situations où, comme en l'espèce, des changements se sont produits en cours d'année. Dans ces cas, il faut au contraire procéder à un nouveau calcul de la prestation complémentaire annuelle, conformément aux art. 25 al. 1 let. b OPC-AVS/AI et 19 LPCC.
La recourante ne peut non plus être suivie lorsqu'elle affirme que le montant des rentes de l'assurance-invalidité pris en considération serait erroné dans la mesure où sa fille, qui a atteint l'âge de 25 ans en avril 2023, ne perçoit plus de rente pour enfant depuis lors.
Il ressort en effet des tableaux de l'intimé qu'il a précisément établi un nouveau calcul dès le mois de mai 2023 afin de tenir compte de la baisse de ressources depuis lors. En conformité avec l'art. 10 al. 1 let. a ch. 3 LPC, il a cependant également dû retrancher des dépenses reconnues la charge financière que représente C______, celle-ci n'ayant plus de droit à une rente pour enfant de l'assurance-invalidité. Ainsi, contrairement à ce que soutient la recourante, il n'y a pas d'incohérence entre la diminution du montant global de rentes de l'assurance-invalidité perçues et l'absence, corrélativement, d'augmentation des prestations complémentaires.
Concernant le montant des prestations complémentaires cantonales pour la période du 1er janvier au 30 avril 2023, la recourante confond le montant qui lui est dû à ce titre avec les prestations complémentaires fédérales qui doivent, en vertu de l'art. 5 al. 1 let. a LPCC, être intégrées dans le revenu déterminant.
La décision de l'intimé à cet égard ne contient pas d'incohérence et est conforme au droit.
8.5 Dans son écriture de recours, la recourante a exposé qu'elle ne percevait plus de rente de l'assurance-invalidité en faveur de son fils B______ depuis le mois de septembre 2023, ce qui n'avait pas été pris en compte par l'intimé. Dans ses écritures, l'intimé a en outre précisé que la suppression de la rente pour enfant a pris effet au 30 septembre 2023, raison pour laquelle ce fait lui était inconnu lors du prononcé de la décision du 20 septembre 2023. Il était par ailleurs postérieur à la période litigieuse.
Il n'y a aucune raison de revenir sur la date de suppression de la rente d'invalidité de B______ au 30 septembre 2023, cet élément n'étant pas contesté par la recourante. Cela étant, contrairement à ce qu'indique l'intimé, dans la mesure où les décisions du 20 septembre et 28 novembre 2023 ne déploient pas uniquement leurs effets jusqu'au 30 septembre 2023 – puisqu'elles nient le droit de la recourante à des prestations complémentaires hors réduction individuelle de primes dès le 1er mai 2023 de manière non limitée dans le temps –, il ne peut être considéré que ce fait est postérieur à la période litigieuse et ne pourrait être pris en compte dans la présente procédure.
Cependant, l'intimé a dans l'intervalle, en date du 2 février 2024, rendu une nouvelle décision intégrant la suppression de la rente d'invalidité pour enfant dans la situation de fait.
Dans cette mesure, il n'est pas nécessaire de renvoyer la cause à l'intimé pour prise de décision sur ce point.
8.6 La recourante soutient, enfin, que les allocations familiales de son fils ont été supprimées en août 2023, ce qui impliquerait que les calculs de l'intimé – prenant en compte cette ressource jusqu'au 30 septembre 2023 – seraient erronés. À ce propos, l'intimé précise pour sa part que les allocations familiales ont déjà été supprimées au 30 juin 2023, selon les registres de la centrale de compensation. Il prétend néanmoins qu'à défaut d'explications et de pièces permettant de comprendre la raison de cette suppression, alors que le fils était encore en formation, il faudrait en tenir compte dans les ressources à titre de dessaisissement de revenus. Il faudrait en effet considérer que les allocations familiales ont été supprimées déjà au 1er juillet 2023, en raison d'une violation de l'obligation de renseigner ou d'un motif similaire. La recourante le conteste et affirme qu'elle a communiqué à l'organe compétent l'attestation de formation de son fils.
Une attestation délivrée par l'Université de Genève le 6 février 2023 figure au dossier de l'intimé, mentionnant que le fils de la recourante était inscrit au semestre de printemps 2023, du 20 février au 17 septembre 2023. On imagine mal que cette attestation n'ait pas été communiquée à la caisse compétente pour le versement des allocations familiales, à défaut de quoi celles-ci n'auraient manifestement pas été versées jusqu'au 30 juin 2023.
Sur la base des éléments figurant au dossier, il ne peut être retenu, sous l'angle de la vraisemblance prépondérante applicable en matière d'assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références), que la suppression des allocations familiales est due à une violation de l'obligation de renseigner ou à un motif similaire. Il n'y a par conséquent pas de place pour la prise en compte de revenus dessaisis au sens de l'art. 11a al. 2 LPC. Les plans de calcul qui portent sur la période du 1er juillet au 30 septembre 2023 et intègrent les allocations familiales dans le revenu déterminant sont donc erronés et le recours doit être admis sur ce point.
8.7 Dans un autre moyen, la recourante se prévaut de la violation du principe de la proportionnalité et de l'art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), dans la mesure où la réduction de son droit aux prestations complémentaires la place dans une situation financière très délicate et met en danger sa dignité humaine et celle de ses enfants, qui sont encore à sa charge.
Ces arguments doivent être rejetés. Hormis la question de la prise en considération des allocations familiales dans le revenu déterminant, les calculs opérés par l'intimé s'avèrent conformes au droit et, même s'ils entraînent une diminution des prestations versées à la recourante, ne sauraient être tenus pour contraires aux principes constitutionnels susmentionnés, en tant qu'ils sont fondés sur la législation applicable en matière de prestations complémentaires. Au surplus, le fait que la décision litigieuse ne soit pas confirmée sur un point par la chambre de céans ne suffit pas à dire que les principes invoqués ont été violés. Les critiques de la recourante à cet égard n'ont en outre pas de portée propre par rapport à la contestation en elle-même de la prise en considération des allocations familiales dans le revenu déterminant.
8.8 En dernier lieu, la recourante invoque le principe de la bonne foi et le fait qu'elle n'a pas rapporté de fausses déclarations sur sa situation, ni n'a omis de renseigner l'intimé sur de quelconques augmentations de revenus.
Il sied de rappeler que l'obligation de restituer des prestations complémentaires indûment touchées et son étendue dans le temps n’est pas liée à une violation de l'obligation de renseigner, mais qu'il s'agit simplement de rétablir l'ordre légal et de corriger une application initiale erronée du droit (cf. consid. 10 supra).
La bonne foi dont se prévaut la recourante n'est ainsi pas décisive en ce qui concerne le principe de la restitution.
L'art. 25 al. 1 2ème phr. LPGA énonce cependant que la restitution des prestations indûment touchées ne peut être exigée lorsque l’intéressé était de bonne foi et qu’elle le mettrait dans une situation difficile.
Au surplus, en vertu de l'art. 3 OPGA, l'assureur est tenu d'indiquer la possibilité d'une remise dans la décision de restitution (al. 2). L’assureur décide dans sa décision de renoncer à la restitution lorsqu’il est manifeste que les conditions d’une remise sont réunies (al. 3).
L’art. 4 OPGA précise que la restitution entière ou partielle des prestations allouées indûment, mais reçues de bonne foi, ne peut être exigée si l’intéressé se trouve dans une situation difficile (al. 1). Est déterminant, pour apprécier s’il y a une situation difficile, le moment où la décision de restitution est exécutoire (al. 2). Les autorités auxquelles les prestations ont été versées en vertu de l’art. 20 LPGA ou des dispositions des lois spéciales ne peuvent invoquer le fait qu’elles seraient mises dans une situation difficile (al. 3). La demande de remise doit être présentée par écrit. Elle doit être motivée, accompagnée des pièces nécessaires et déposée au plus tard 30 jours à compter de l’entrée en force de la décision de restitution (al. 4). La remise fait l’objet d’une décision (al. 5).
Au vu des normes citées ci-dessus, la question de la bonne foi de la recourante devra être analysée, de pair avec celle de sa situation financière difficile, une fois que la décision concernant le montant des prestations indûment touchées à restituer sera entrée en force. La remise de l'obligation de restituer est en effet une procédure distincte et subséquente à celle de la restitution, qui n'est traitée sur le fond que si la décision à cet égard est entrée en force (arrêt du Tribunal fédéral 8C_118/2022 du 9 août 2022 consid. 4.3.2 et la référence).
Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et la décision du 28 novembre 2023 sera annulée en tant qu'elle prend en compte dans le revenu déterminant des allocations familiales pour la période du 1er juillet au 30 septembre 2023.
9.
9.1 La cause sera ainsi renvoyée à l'intimé afin qu'il procède à de nouveaux calculs des prestations complémentaires et rende ensuite une nouvelle décision.
9.2 Bien qu'obtenant partiellement gain de cause, la recourante, non représentée, n'a pas droit à des dépens.
9.3 Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario et 89H al. 1 LPA).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L'admet partiellement.
3. Annule la décision de l'intimé du 28 novembre 2023 en tant qu'elle tient compte des allocations familiales dans le revenu déterminant pour la période du 1er juillet au 30 septembre 2023 et la confirme pour le surplus.
4. Renvoie la cause à l'intimé, pour nouveaux calculs au sens des considérants et nouvelle décision.
5. Dit que la procédure est gratuite.
6. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Véronique SERAIN |
| Le président
Philippe KNUPFER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le