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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3275/2019

ATAS/515/2024 du 26.06.2024 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3275/2019 ATAS/515/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 26 juin 2024

Chambre 4

 

En la cause

A______

 

 

recourante

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS

 

 

intimée

 


EN FAIT

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née le ______ 1969, a travaillé en qualité d’employée de bureau pour B______ de 1986 au 11 décembre 2014, dernier jour de travail travaillé, avec un délai de congé au 31 août 2015.

B. a. Le 30 avril 2017, en préparant un lit à son domicile, une planche du lit est tombée sur son pied, ce qui lui a occasionné une facture au métatarse gauche, selon la déclaration de sinistre du 4 mai 2017.

b. Le 2 mai 2017, la docteure C______, spécialiste FMH en médecine interne, de la Clinique C______, a attesté d'une incapacité de travail de l’assurée à 100% du 30 avril au 31 mai 2017 et a régulièrement prolongé l’arrêt de travail depuis lors.

c. Le cas a été annoncé à la SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS (ci-après : la SUVA ou l’intimée) le 4 mai 2017 et pris en charge par celle-ci le 19 mai 2017, avec effet au jour de l’accident. Le versement des indemnités journalières a débuté le 3 mai 2017.

d. À teneur d’un rapport médical intermédiaire établi le 28 juin 2017 par la Dre C______, l’assurée n’arrivait toujours pas à poser le pied par terre pour marcher en raison de douleurs importantes. Le pronostic ainsi que la durée du traitement étaient indéterminés. Une nouvelle radiographie serait effectuée dans les prochains jours, car l’évolution était lente. Il ne fallait pas s’attendre à ce que le dommage demeure.

e. Le 30 juin 2017, le docteur E______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin d’arrondissement de la SUVA, a estimé que l’incapacité de travail de l’assurée était toujours justifiée et qu’elle devait durer encore un mois. S'il n’y avait pas de reprise du travail, il faudrait convoquer l'assurée afin de procéder à un examen médical à l’agence.

f. À teneur d’un rapport médical intermédiaire établi par la Dre C______ le 22 août 2017, l’assurée n’arrivait toujours pas à poser le pied par terre. Il fallait s’attendre à ce que le dommage demeure, puisque la douleur au pied persistait et que l’assurée avait de la difficulté à marcher et à rester longtemps debout.

g. Dans un rapport du 24 août 2017, le Dr E______ a indiqué que l’assurée se plaignait toujours de douleurs extrêmement fortes et de ne pas pouvoir utiliser ses béquilles, en raison de douleurs lors du déroulement du pied. Elle se déplaçait en appuyant le côté gauche de son pied sur une trottinette. Elle ne supportait aucun poids sur son pied, même de draps, se sentait mieux allongée et ressentait davantage de douleurs la nuit. Le Dr E______ concluait à un probable syndrome algodystrophique (ci-après : SDRC) dans les suites d’une fracture par écrasement de la deuxième phalange du gros orteil. L’évolution n’était pas favorable, compte tenu des difficultés importantes de l'assurée pour se déplacer. Sa fracture semblait en voie de consolidation, mais pour l’affirmer, il faudrait faire un scanner. L’incapacité de travail était encore justifiée. La pratique de bains écossais, la poursuite du traitement de Miacalcic et une aide de son physiothérapeute pour utiliser les béquilles lui permettraient d’envisager une reprise de travail, au moins partiellement.

h. Le 4 octobre 2017, le Dr E______ a estimé que sans tenir compte des difficultés de l’assurée pour se déplacer, ce qui devait être possible en s’appuyant sur des béquilles, on pouvait s’attendre à une reprise à 50% dès le 3 novembre 2017.

C. a. Par courriel du 20 octobre 2017, l’assurée a transmis à la SUVA une prescription de la Dre C______ en vue d’obtenir une aide au transport pour se rendre à ses rendez-vous médicaux, car elle avait de plus en plus de difficultés à se déplacer.

b. Par décision sur opposition du 16 mars 2018, la SUVA a retenu que l’assurée était capable de travailler à 50% dès le 3 novembre 2017 et à 100% dès le 8 janvier 2018, et que l’incapacité de travail à 100% n’était plus justifiée médicalement pour les seules suites de l’accident du 30 avril 2017.

c. L’assurée a recouru contre cette décision auprès de la chambre de céans.

d. Par décision du 20 mai 2019, la SUVA a informé l’assurée qu’il ressortait des pièces de son dossier médical ainsi que de l’appréciation médicale du 18 avril 2018 qu’aucun lien de causalité certain, ou du moins probable, ne pouvait être établi entre l’événement du 30 avril 2017 et les troubles déclarés, à savoir ses douleurs persistantes lombaires, attestées par la docteure F______, spécialiste FMH en neurologie, le 7 janvier 2019. Par conséquent, la SUVA ne pouvait lui allouer des prestations d’assurance.

Concernant sa demande de remboursement des frais de transport, son service médical avait apprécié que l’utilisation d’un taxi était justifiée en 2017, mais pas en 2018. En effet, selon la LAA, les assureurs pouvaient uniquement rembourser les frais de voyage et de transport correspondant à ceux qu’entraînait l’utilisation des transports en commun (deuxième classe, itinéraire le plus direct). Les frais occasionnés par l’utilisation d’un véhicule privé ou d’un taxi d’une entreprise sociale étaient pris en charge exclusivement en présence des circonstances particulières suivantes :

-          Les transports publics ne pouvaient pas être utilisés pour des raisons médicales (une attestation médicale était exigée) ;

-          Lorsqu’un raccordement au réseau de transports publics était inexistant au lieu de domicile de l’assuré ou qu’il n’existait aucune possibilité acceptable d’emprunter les transports publics (en raison des multiples correspondances ou d’une durée de déplacement trop importante), celui-ci devait effectuer le trajet au moyen de son véhicule privé. Dans ce cas, le trajet entier était indemnisé jusqu’au lieu de traitement le plus proche, sous forme d’indemnité kilométrique (un changement sur une ligne des transports publics « à mi-parcours » n’était pas exigé) ;

-          La capacité ne pouvait pas être mise à profit sans l’utilisation du véhicule privé ou du taxi. Il convenait de prendre en considération le rapport/bénéfice. Selon l’intérêt de l’employeur à une reprise du travail de la part de l’assuré, il prendrait entièrement ou partiellement à sa charge les frais de transport.

La SUVA acceptait, à bien plaire, de prendre en charge les frais de taxi jusqu’au 7 janvier 2018 inclus.

e. Le 3 juin 2019, l’assurée a contesté la décision précitée et produit plusieurs rapports médicaux.

f. Par décision sur opposition du 16 juillet 2019, la SUVA a écarté l’opposition formée à sa décision du 20 mai 2019, retenant que les conclusions du Dr E______ avaient une pleine valeur probante. C’était à bon droit qu’elle avait refusé d’engager sa responsabilité pour les troubles du rachis que présentait l’assurée. L’assurée pouvait en outre utiliser les transports publics pour se rendre sur son lieu de travail.

g. Le 27 août 2019, la Dre C______ a demandé la prise en charge pour l’assurée d’un transport agréé, de son domicile au CHUV pour les consultations liées à son opération prévue le 8 octobre 2019.

D. a. Le 10 septembre 2019, l’assurée a formé recours contre la décision du 16 juillet 2019, auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, concluant à une instruction complémentaire du dossier sur la question du lien de causalité entre son atteinte lombaire et l’accident.

S’agissant des frais de déplacement, la décision du 26 octobre 2017 (recte : 16 mars 2018) n’étant pas définitive, l’intimée n’aurait pas dû refuser la prise en charge des frais de transport sur la base de cette décision, mais suspendre cette question dans l'attente de l'issue de la procédure A/1264/2018. Dans la mesure où l'assurée persistait à nier la présence d'une capacité de travail à 100% jusqu'à ce jour, devant d'ailleurs subir une opération chirurgicale du pied au début du mois d’octobre 2019, la décision de l’intimée était infondée.

b. Par réponse du 8 novembre 2019, l’intimée a conclu au rejet du recours.

c. La recourante a répliqué le 2 décembre 2019.

d. Par arrêt du 21 octobre 2020 (ATAS/995/2020 - A/1264/2018), la chambre de céans a admis le recours interjeté par la recourante contre la décision du 16 mars 2018 et renvoyé la cause à l’intimée pour paiement à la recourante des indemnités journalières à 100% dès le 1er novembre 2017.

e. Par arrêt du 28 octobre 2021 (8C_733/2020), le Tribunal fédéral a rejeté le recours interjeté contre l’arrêt précité.

f. Le 10 décembre 2021, l’intimée a informé la chambre de céans que suite à l’arrêt du Tribunal fédéral, elle avait estimé nécessaire de mettre en œuvre une expertise en vue de déterminer le droit de la recourante à de plus amples prestations d’assurances au-delà du 16 mars 2018. Dans le cadre de cette expertise, l’intimée entendait inviter les experts à se prononcer notamment sur le lien de causalité entre l’accident du 30 avril 2017 et les troubles lombaires présentés dès juillet 2018 par la recourante. En conséquence, l’intimé demandait la suspension de la procédure jusqu’à prise de connaissance de l’expertise à mettre en œuvre.

g. Par arrêt incident du 22 décembre 2021 (ATAS/1339/2021), la chambre de céans a suspendu la base de l’instance dans l’attente de l’expertise mise en œuvre par l’intimée.

E. a. Le 22 décembre 2021, la SUVA a informé l’assurée qu’une expertise médicale s’avérait nécessaire pour l’examen de son droit aux prestations (principalement en lien avec sa décision sur opposition du 16 mars 2018) et que celle-ci porterait également sur ses troubles du rachis dès juillet 2018, sa capacité de travail avant et après les deux interventions qu’elle avait subies et la stabilisation de son état de santé.

b. Le 23 décembre 2021, la SUVA a informé l’assurée que l’expertise serait confiée à un neurologue, un orthopédiste et un médecin désigné pour le leadership de G______, à Bâle.

c. Le 17 janvier 2022, l’assurée a informé la SUVA qu’en raison de son état de santé, elle était très limitée dans tous les actes de la vie quotidienne et notamment dans ses déplacements, pour lesquels elle devait être accompagnée et utiliser une chaise roulante. Par conséquent, il ne pouvait pas être exigé d’elle de se déplacer jusqu’à Bâle, elle proposait en conséquence de mandater le Centre d’expertise H______ (ci-après : le H______). Elle a également fait des remarques sur le contenu de la mission d’expertise.

d. Le 3 mars 2022, la SUVA informé l’assurée que dans la mesure où celle-ci avait fait l’objet de nombreuses investigations en Suisse romande, elle entendait mettre en œuvre l’expertise en dehors de cette région. Elle avait décidé de confier l’expertise à deux médecins travaillant dans des hôpitaux de Berne, lesquels étaient spécialisés en orthopédie et en neurologie. Dans le cadre de la réalisation de l’expertise, un interprète qualifié participerait aux examens et le déplacement accompagné jusqu’à Berne serait pris en charge. La SUVA transmettait à l’assurée une nouvelle version de la mission d’expertise.

e. Le 18 mars 2022, l’assurée a fait valoir qu’elle n’avait jamais été expertisée par le H______ et qu’il était peu judicieux de faire une expertise avec un interprète. Elle s’étonnait du fait que le champ de la médecine générale ait disparu de la mission d’expertise et contestait l’état de fait de la mission d’expertise.

f. Le 11 avril 2022, la SUVA a informé l’assurée que compte tenu de ses craintes quant à la présence d’un interprète, elle avait décidé de confier l’expertise au I______ de Fribourg, soit au docteur J______, spécialiste FMN en chirurgie orthopédique et traumatologique de l’appareil locomoteur, et au docteur K______, spécialiste FMH en neurologie. Elle refusait de désigner le H______, car l’assurée avait été suivie par de nombreux médecins exerçant dans le canton de Genève, afin de préserver l’impartialité des experts. Dans certains centres d’expertise, un médecin spécialiste FMH en médecine interne générale coordonnait les expertises pluridisciplinaires, mais en l’espèce, une expertise comportant des volets orthopédique et neurologique était suffisante. L’état de fait de la mission d’expertise n’était pas partial et ne contenait pas d’erreurs.

g. Le 4 mai 2022, l’assurée s’est opposée à la désignation des médecins du I______ et a contesté la mission d’expertise.

h. Par décision incidente du 27 mai 2022, la SUVA a maintenu son refus de désigner le H______ et précisé qu’elle ne voyait pas de contre-indication à un déplacement accompagné de l’assurée à Fribourg.

S’agissant de l’état de fait rédigé dans la mission d’expertise, il n’était pas partiel et ne contenait pas d’erreurs sur des éléments essentiels, pas plus qu’il ne retenait comme établies les conclusions de ses médecins. Les experts étaient invités à se prononcer sur la période courant dès le 17 mars 2018 et auraient à disposition l’ensemble du dossier constitué.

i. Le 27 juin 2022, l’assurée a formé recours contre la décision précitée.

j. Par arrêt du 14 décembre 2022 (ATAS/1119/2022), la chambre de céans a rejeté le recours, considérant notamment que l'intimée avait consulté la recourante et pris en partie en compte ses souhaits, puisqu’elle avait renoncé à faire procéder à l’expertise à Bâle, puis à Berne, avant de désigner le I______, et qu’elle s’était engagée à prendre en charge un transport accompagné. La recourante n’avait pas produit de rapport médical attestant qu’elle ne pourrait pas se déplacer à Fribourg dans les conditions proposées par l’intimée. Elle ne pouvait choisir son lieu d’expertise selon sa convenance, mais devait faire valoir un motif de récusation formel ou matériel, ce qu’elle n’avait pas fait, sous réserve du fait qu’elle avait contesté le fait qu’il n’y avait pas d’expert en médecine générale désigné, alors que cela avait été prévu dans un premier temps.

k. Le 31 mars 2023, la SUVA a transmis la mission d’expertise au I______.

l. Le 6 avril 2023, le I______ a refusé la mission d’expertise, car il ne disposait plus de disponibilité nécessaire pour la mettre en œuvre.

m. Le 20 avril 2023, L______ (ci-après : L______) a accepté de réaliser cette expertise avec le docteur M______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, et le docteur N______, spécialiste FMH en neurologie.

n. Le 24 avril 2023, la SUVA a informé l’assurée que le I______ avait malheureusement dû renoncer à la mise en œuvre du mandat d’expertise et qu’elle entendait désormais confier celle-ci au L______ et en particulier aux Drs M______ et N______. Un délai de dix jours lui était octroyé pour prendre position sur le service d’expertise proposé. En l’absence de prise de position, elle attribuerait le mandat d’expertise.

o. Le 2 mai 2023, l’assurée, agissant en personne, a indiqué à la SUVA qu’aucun des points souhaités n’avait été repris ou modifié pour passer une expertise consensuelle, ce qui devait être privilégié selon la jurisprudence. Elle refusait donc de se soumettre à l’expertise, tous les éléments en sa faveur n’étant pas consensuels.

p. Par décision du 24 juillet 2023, la SUVA a informé l’assurée qu’il maintenait vouloir mandater le L______ pour l’expertise.

q. Le 6 octobre 2023, le L______ a informé la SUVA que l’assurée ne s’était pas présentée au rendez-vous d’expertise fixé le 5 octobre 2023.

r. Le 13 octobre 2023, la SUVA a informé l’assurée que les experts établiraient leur expertise sur la base du dossier.

s. Les experts ont rendu leur rapport le 9 décembre 2023.

F. a. Le 28 février 2024, la présente procédure a été reprise.

b. Le 8 mars 2024, la recourante émis des critiques contre l’expertise du L______.

c. Le 25 mars 2024, la recourante a transmis à la chambre de céans sa propre évaluation de son cas.

d. Le 26 mars 2024, l’intimée a répondu aux arguments de la recourante.

e. Le 3 avril 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions.

f. Le 24 mai 2024, la recourante a transmis à la chambre de céans un rapport du docteur, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, du 15 mai 2024-

g. Le 29 mai 2024, l’intimée a transmis à la chambre de céans la copie de son dossier à partir de la décision sur opposition du 16 mars 2018.


 

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pour la période du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. b LPGA et art. 89C let. b LPA), le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de refus de l’intimée de reconnaître sa responsabilité pour les troubles du rachis de la recourante et de prendre en charge ses frais de transports en taxi au-delà de l’année 2017.

3.              

3.1 Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA; ATF 129 V 402 consid. 2.1, 122 V 230 consid. 1 et les références).

La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1; 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé : il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1, 119 V 335 consid. 1 et 118 V 286 consid. 1b et les références).

Le fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement «post hoc, ergo propter hoc»; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb; RAMA 1999 n° U 341 p. 408, consid. 3b). Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré.

Une fois que le lien de causalité naturelle a été établi au degré de la vraisemblance prépondérante, l’obligation de prester de l’assureur cesse lorsque l'accident ne constitue pas (plus) la cause naturelle et adéquate du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui serait survenu tôt ou tard même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine) (RAMA 1994 n° U 206 p. 328 consid. 3b; RAMA 1992 n° U 142 p. 75 consid. 4b). En principe, on examinera si l’atteinte à la santé est encore imputable à l’accident ou ne l’est plus (statu quo ante ou statu quo sine) selon le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 126 V 360 consid. 5b; 125 V 195 consid. 2; RAMA 2000 n° U 363 p. 46).

3.2 En principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

Une expertise médicale établie sur la base d'un dossier peut avoir valeur probante pour autant que celui-ci contienne suffisamment d'appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel de l'assuré (RAMA 2001 n° U 438 p. 346 consid. 3d).

3.3 S'agissant de la mise en œuvre d'une expertise consensuelle, le Tribunal fédéral a jugé qu'il est dans l'intérêt des parties d'éviter une prolongation de la procédure en s'efforçant de parvenir à un consensus sur l'expertise, après que des objections matérielles ou formelles ont été soulevées par l'assuré. La recevabilité des objections n'est soumise à aucun délai, étant précisé que conformément au principe de la bonne foi, l'assuré est tenu de les formuler dès que possible (ATF 138 V 271 consid. 1.1). Il existe en principe une obligation de la part de l’assureur de s'efforcer à mettre en œuvre une expertise consensuelle avant de rendre une décision (arrêt du Tribunal fédéral 9C_908/2012 du 22 février 2013 consid. 5.1).

3.4 En vertu de l’art. 13 al. 1 LAA, les frais de voyage, de transport et de sauvetage sont remboursés, dans la mesure où ils sont nécessaires.

Sont notamment pris en charge les frais résultant de traitements médicaux ou investigations prescrits par le médecin ou l’assureur-accidents. Ainsi, les frais de déplacement effectifs au moyen des transports publics pour se rendre à un contrôle médical ou à une séance de physiothérapie sont remboursés (Jean-Maurice FRESARD / Margit MOSER-SZELESS, L’assurance-accidents obligatoire, Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Sécurité sociale, 3ème édition 2016, n. 208 p. 972).

Par ailleurs, la recommandation de la commission ad hoc sinistres LAA pour l’application de la LAA et de l’OLAA (n° 1/94) prévoit que les frais remboursés sont les frais effectifs pour le train, le tram ou le bus et que lorsqu’il n’y a pas de transports publics à disposition ou lorsque les lésions provoquées par l’accident ne permettent pas leur utilisation, une indemnité kilométrique (de 60 centimes) est alors prise en charge.

Il existe dans l'assurance-invalidité - ainsi que dans les autres assurances sociales - un principe général selon lequel l'assuré qui demande des prestations doit d'abord entreprendre tout ce que l'on peut raisonnablement attendre de lui pour atténuer les conséquences de son invalidité (cf. ATF 138 I 205 consid. 3.2).

4.              

4.1 La recourante fait valoir que l’intimée n’avait pas respecté son arrêt et qu’elle avait imposé le centre L______ sans accord consensuel. Les experts avaient réalisé une expertise consensuelle qui ne respectait pas le principe d’impartialité.

La chambre de céans relève à cet égard que le libellé des questions de la mission d’expertise adressée au L______ avait préalablement fait l’objet d’un arrêt de la chambre de céans, entré en force, qui le confirmait. La recourante ne pouvait dès lors plus contester les questions de la mission d’expertise dans le cadre de son interpellation sur ses éventuels motifs de récusation des experts du L______, proposé par l’intimée du fait que le I______ avait refusé de faire l’expertise.

Dans la mesure où la recourante n’a pas requis une décision formelle de l’intimée s’agissant de la mission d’expertise confiée au L______, ni recouru contre cette dernière, elle ne peut plus prévaloir sans le cadre de la présente procédure du fait que cette expertise n’aurait pas été ordonnée de façon consensuelle, ni contester le choix de centre et des Drs M______ et N______ comme experts.

Elle n’a de toute façon pas émis de motifs matériels ou formels suffisants qui justifieraient la récusation de l’expert M______, au seul motif qu’il serait médecin d’assurance et du Dr N______, car il travaillerait pour CRR, ce qui n’est pas le cas.

Elle ne pouvait en outre choisir librement un centre d’expertise, mais devait faire valoir un motif de récusation formel ou matériel justifié, ce qu’elle n’a pas fait.

En conséquence, l’intimée était fondée à maintenir la mission d’expertise au L______ et il ne peut pas être retenu que ce choix ne répondait aux exigences jurisprudentielles en la matière.

4.2 La chambre de céans constate que le rapport d’expertise répond aux réquisits permettant de lui reconnaître une pleine valeur probante.

La recourante semble le contester dans la mesure où elle a fait valoir qu’elle avait demandé au Dr M______ un complément d’analyse au motif qu’il avait indiqué que la première neurolyse du professeur P______, chef du service de chirurgie plastique et de la main du CHUV, avait échoué et qu’elle n’avait obtenu aucune réponse de celui-ci.

À teneur du dossier, la recourante a adressé une demande de complément au Dr M______ le 10 février 2024 et une relance le 24 février 2024, car elle ne partageait pas son opinion selon laquelle la neurolyse du 8 octobre 2019 du Prof. P______ avait échoué. En effet, cette intervention avait en partie été un véritable succès, puisque ses douleurs lombaires avaient disparu. L’expert n’avait ainsi pas fait la différence entre ces dernières et ses douleurs sévères à son orteil gauche.

Comme l’a relevé l’intimée, le Dr M______ a bien indiqué dans son rapport que la neurolyse du nerf plantaire du 8 septembre 2020 était un échec en tant qu’elle concernait les douleurs intenses de la recourante au gros orteil. Dans la mesure où il précisait ensuite que, de manière étonnante, les lombosciatalgies dont souffrait la recourante avaient disparu, le rapport de l’expert était complet et ne justifiait pas de complément.

La recourante n’a ainsi pas fait valoir de critiques remettant en cause la valeur probante de l’expertise.

5.              

5.1 Sur la base de celle-ci, il convient de retenir que la recourant était en mesure d’utiliser les transports publics dès le 8 janvier 2018, à condition de pouvoir s’y asseoir. C’est donc à juste titre que l’intimée a retenu dans la décision querellée que la recourante pouvait utiliser les transports publics pour se rendre sur son lieu de travail et refusé la prise en charge des frais de transports demandés.

5.2 Il ressort en outre clairement du volet orthopédique de l’expertise du L______, comme l’a relevé l’intimée, que le Dr M______ s’est rallié aux conclusions du Dr E______ du 23 avril 2019, selon lesquelles il n’y avait pas de lien de causalité entre les lombosciatalgies droites dont souffraient la recourante et l’événement du 30 avril 2017. Selon le Dr M______, l’IRM lombaire du 31 août 2018 ne montrait en effet pas d’élément traumatique aigu et n’objectivait que des discopathies dégénératives, sans conflit disco-radiculaire. Par ailleurs, le fait de marcher avec des cannes n’était pas reconnu comme une action vulnérante suffisante pour pouvoir générer une hernie discale. L’expert précisait encore que l’événement en cause, qui avait consisté en la chute d’une planche sur le gros orteil gauche, n’avait pas impacté la colonne lombaire.

Cette conclusion n’est pas sérieusement remise en cause par la recourante et c’est donc également à juste titre que l’intimée a retenu dans sa décision sur opposition du 16 juillet 2019, que les problèmes de rachis de la recourante n’étaient pas à sa charge, faute de lien de causalité avec l’accident subi par la recourante le 30 avril 2017.

6.             Infondé, son recours sera rejeté.

La procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).

 


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le