Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/400/2024 du 23.05.2024 ( CHOMAG ) , ADMIS/RENVOI
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/1231/2023 ATAS/400/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 23 mai 2024 Chambre 3 |
En la cause
A______ représentée par le Syndicat SIT, mandataire | recourante |
contre
OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI
|
intimé |
A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée) s’est annoncée auprès de l’assurance-chômage et un délai-cadre d’indemnisation a été ouvert en sa faveur à compter du 1er décembre 2022.
b. Le 4 janvier 2023, une certaine Madame B______ (recte : Madame C______ [C______]) a adressé un courriel à une collaboratrice administrative de l’office régional de placement (ORP) du canton de Vaud. Elle y explique en substance qu’une annonce a été publiée auprès de cet office pour un poste de fille au pair pour la famille D______, que l’assurée a répondu à cette annonce, qu’elle n’a pu se présenter à un premier rendez-vous en raison d’un accident, qu’elle s’est présentée à un second rendez-vous durant lequel il y a eu un « temps d’essai » (sic), mais que le salaire qu’elle demandait (27.-) était trop élevé par rapport à celui proposé (CHF 23.80).
c. Par décision du 18 janvier 2023, le service juridique de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) a prononcé la suspension de son droit à l’indemnité pour une durée de 34 jours au motif que l’assurée s’était privée, en raison de prétentions salariales, d’un emploi convenable en qualité de fille au pair à 100% auprès d’une famille habitant à F______ (poste d’une durée déterminée d’une année, avec entrée en fonction le 1er février 2023).
Aux dires de l’assurée, celle-ci avait eu un rendez-vous avec l’employeur, qui lui avait demandé si elle parlait un peu l’anglais et si elle possédait un permis de conduire ; à la fin de l’entretien, il lui avait fait comprendre que le poste n’était pas pour elle, car un permis de conduire était indispensable.
Cependant, selon les informations figurant au dossier, un permis de conduire et un véhicule n’étaient pas exigés par l’employeur. Celui-ci, par courriel du 4 janvier 2023, avait expliqué avoir proposé un salaire horaire de CHF 23.80 alors que, selon l’assurée, son salaire horaire aurait dû s’élever à CHF 27.-.
d. Le 23 janvier 2023, l’intéressée s’est opposée à cette décision en exposant, en substance, qu’elle n’avait pas refusé le poste pour des motifs financiers. On lui avait indiqué qu’elle ne pouvait l’obtenir parce qu’elle n’avait pas le permis de conduire indispensable à l’emploi. Si, dans la première annonce parue dans « Job‑Room », il n’était nullement question de posséder un permis de conduire, ni de pratiquer la langue anglaise, ces deux exigences apparaissaient clairement dans une deuxième annonce, parue sur « Baby-sitting 24 ».
L’assurée a en outre allégué que sa « personne de contact auprès de l’office régional de placement de Gland » lui avait envoyé un WhatsApp lui indiquant clairement qu’elle n’était pas en faute, puisque c’était l’employeur qui avait renoncé à l’engager.
e. Interrogée par l’OCE, Mme C______, par courrier du 28 janvier 2023, a expliqué en substance qu’un premier entretien avait dû être annulé en raison d’un accident, qu’un second entretien a eu lieu, qu’il a été convenu d’un « temps d’essai » que l’assurée a accompli à satisfaction mais, qu’interrogée sur ses prétentions salariales, elle avait mentionné un salaire horaire de CHF 27.-, qu’elle pensait justifié par ses années d’expérience et qu’elle avait ainsi refusé le salaire horaire proposé, de CHF 23.80. L’employeur a également indiqué que la possession d’un permis de conduire et la connaissance de l’anglais n’étaient pas des critères d’embauche. Seule la langue espagnole était demandée. Le texte des annonces parues dans la Tribune de Genève était le suivant : « cherche JF au pair parlant espagnol, canton de Vaud, tél : … ».
f. Par décision du 27 mars 2023, l’OCE a rejeté l’opposition.
Il a rappelé qu’il appartenait à l’assurée de tout mettre en œuvre pour obtenir le poste proposé en démontrant clairement à son employeur potentiel sa motivation par rapport au poste offert. Or, par ses prétentions salariales, elle avait fait échouer la proposition d’emploi qui lui aurait permis de réduire le dommage causé à l’assurance-chômage et ce, alors même que le poste assigné correspondait en tous points à la définition d’un travail convenable.
Il n’y avait aucune raison de douter des propos de l’employeur, ce dernier n’ayant aucun motif de vouloir nuire à l’intéressée. Il ne ressortait d’ailleurs nullement des annonces parues tant sur « Job-Room » que dans la Tribune de Genève et 24 HEURES qu’un permis de conduire était exigé pour le poste. Quant à l’annonce parue sur Baby-sitting 24, elle ne concernait pas le poste en question, mais à un autre poste de baby-sitter visant à garder occasionnellement un nourrisson de moins de deux ans le soir, de 19h00 à 23h00 (le poste litigieux concernait un emploi de fille au pair pour s’occuper d’un enfant de deux ans, de 8h00 à 12h00 et de 14h00 à 17h00).
B. a. Par écriture du 6 avril 2023, l’intéressée a interjeté recours contre cette décision.
Elle maintient qu’elle n’a pas refusé le poste pour des motifs financiers et que c’est l’employeur potentiel qui a refusé son dossier aux motifs qu’elle ne parlait pas anglais et n’avait pas de permis de conduire.
La recourante affirme s’être contentée d’indiquer quel avait été son dernier salaire horaire (27.- CHF/heure bruts) pour répondre à la question qui lui avait été posée. En aucun cas, elle n’a émis cette prétention salariale pour ce poste.
La recourante répète que Mme B______, personne de contact auprès de l’ORP de Gland pour ce poste, a reconnu qu’elle n’était pas en faute.
b. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 9 mai 2023, a conclu au rejet du recours.
c. Par écriture du 30 mai 2023, la recourante a allégué que l’entretien avec Mme D______, potentiel employeur, s’était très bien passé et qu’il lui avait très clairement été indiqué que sa candidature était écartée parce qu’elle ne disposait pas d’un permis de conduire et ne parlait pas l’anglais. Elle réaffirme que l’annonce parue dans Baby-sitting 24 concerne bien le poste litigieux. La future employeuse était enceinte, raison pour laquelle il est fait mention d’un nourrisson.
d. Par écriture du 16 juin 2023, l’intimé a réaffirmé que l’annonce parue sur Baby‑sitting 24 ne concerne pas le poste litigieux.
e. Une audience de comparution personnelle s’est tenue en date du 31 août 2023. Cette audience avait notamment pour objectif d’entendre Mmes D______ et B______. La première a fait défaut en s’excusant. La seconde est décédée avant l’audience.
La recourante a éclairci un point : Mme C______, n’était en réalité pas sa conseillère. Elle avait compris – à tort – qu’elle travaillait pour l'ORP de Gland. En réalité, elle avait été engagée par Mme D______ pour mettre une annonce, notamment sur la plateforme Job-Room.
L’intimé a confirmé que Mme C______ n'avait aucun lien avec l'ORP et servait simplement d'intermédiaire pour la famille.
La recourante a expliqué avoir d’abord rencontré Mme C______ à Nyon. Lors de ce premier entretien, la question de la maîtrise de l'anglais et du permis de conduire n'a pas été abordée. Celle du salaire ne l'a pas non plus été dans les détails. Mme C______ lui a simplement indiqué qu'il s'agissait d'une famille aisée qui lui verserait sans aucun doute un salaire correct, sans plus de précisions.
Le second entretien s'est déroulé dans la famille, à F______. La recourante s’est présentée à l'heure, à 8h00 du matin. L'entretien s'est très bien déroulé. C'est alors que la question de la maîtrise de l'anglais et de la possession d'un permis de conduire a été abordée. Elle a rencontré le petit G______, avec qui cela s'est bien passé également. C'est parce qu'il lui a été demandé combien elle gagnait à son poste précédent qu’elle a mentionné le montant de 27.- CHF/h. Jamais il ne lui a été demandé si elle accepterait un montant plus bas. A aucun moment non plus n’a été mentionnée la somme de 23.80 CHF/h. A la fin de l'entretien, on lui a signifié qu’elle n’obtenait pas le poste, mais qu’elle pourrait les recontacter si elle passait le permis de conduire.
La recourante, qui habite Collex-Bossy, a affirmé que travailler pour une famille de F______ n’aurait pas été un problème pour elle. Elle a en effet l'habitude de faire des trajets importants en transports publics. Elle a ainsi travaillé à Founex et à Cologny. Si elle avait obtenu le poste, elle aurait pris le Léman Express jusqu'à Nyon, puis le petit train.
Enfin, la recourante a montré son téléphone, où les messages de Mme C______ (en provenance du numéro 079 ______) apparaissaient sous la dénomination « poste ORP Gland ». Cette personne lui confirme qu’elle n’a commis aucune erreur et que c'est une décision de la famille.
f. Interrogée par écrit par la Cour de céans, Mme D______ a répondu en date du 26 septembre 2023 qu’elle avait effectivement demandé l’assistance de Mme C______ pour trouver une personne répondant à ses attentes. Elle cherchait une personne à même de s’occuper principalement de son premier enfant, afin de lui permettre de se concentrer sur son enfant à naître. L’horaire envisagé était de 8h00 à 16h00, cinq jours par semaine. Les raisons de ne pas retenir la candidature de l’assurée étaient multiples : peu ou pas de connaissance de l’anglais, difficulté de trouver l’adresse (un premier rendez-vous avait été annulé, l’assurée n’ayant pas trouvé le chemin, son mari ayant eu un accident en cours de route), une prétention salariale élevée. De manière globale, Mme D______ dit n’avoir pas eu un « bon feeling » avec l’assurée et n’avoir pas souhaité lui confier son enfant. Elle dit lui avoir conseillé d’apprendre à conduire pour ne plus dépendre de son mari. A son souvenir, l’assurée a évoqué un salaire de 4'800.- CHF/mois, soit 30.- CHF/h. Elle a aussi réclamé un défraiement de CHF 27.50 pour l’entretien d’embauche.
g. Ces propos ont été corroborés par les réponses de Madame E______, à qui la Cour de céans a posé les mêmes questions, étant précisé que cette personne, connaissance de Mme D______, a assisté à l’entretien d’embauche afin de faire profiter Mme D______ de son expérience.
Les raisons évoquées par cette personne pour ne pas retenir la candidature de la recourante sont énoncées comme suit : « difficulté de communication en raison de la langue, aucun sens de l’orientation ou de savoir comment s’aider, car elle n’a pas été capable de trouver une simple adresse ». Mme D______ lui a indiqué que c’était déjà le deuxième rendez-vous, l’assurée n’ayant pas trouvé la maison la première fois. Il a fallu guider l’assurée par téléphone pour qu’elle arrive à destination. La recourante a évoqué le fait que le trajet depuis son domicile était long et coûteux. S’y ajoutait une prétention salariale élevée au vu du profil et une mauvaise impression générale. Mme D______ était convaincue qu’il était possible de trouver, à salaire égal, un meilleur profil. Selon Mme E______, il était question d’un salaire demandé de de 4'800.- CHF/mois, soit 30.- CHF/h.
h. Par écriture du 3 octobre 2023, la recourante a contesté avoir discuté des horaires et répété qu’elle avait simplement évoqué le montant de 27.- CHF/h. parce qu’il lui avait été demandé combien elle gagnait auparavant. Elle conteste également avoir dû être guidée jusqu’à bon port, arguant qu’elle n’avait pas le numéro de Mme D______. Elle ajoute à ce propos : « J’ai essayé contacter à Mme B______, n’est pas répondu, vous n’est pouvez pas imaginer comme je fais pour trouver l’adresse, grâce que je maitrise bien la langue français, je peux arriver » (sic).
i. Par écriture du 16 octobre 2023, l’intimé a persisté dans ses conclusions,
Il estime que les courriers démontrent bien que c’est par son comportement et ses prétentions salariales que l’assurée a fait échouer une proposition d’emploi convenable.
j. Le 15 novembre 2023, la recourante, par le biais de son conseil, a apporté un complément à son recours. Elle y reconnaît ne pas avoir pu honorer un premier rendez-vous en raison du fait que son mari, qui l’emmenait en voiture, a eu un accident en chemin. Elle en a immédiatement informé Mme D______ et un second rendez-vous lui a été fixé, auquel elle s’est rendue en transports publics et à pied. Elle conteste une fois de plus avoir réclamé le salaire mentionné dans les courriers. Elle relève qu’alors que Mme C______ évoquait un salaire horaire de CHF 27.- (alors même qu’elle n’assistait pas à l’entretien), les personnes qui l’ont reçue évoquent un montant de CHF 30.-. Elle relève que ni Mme D______, ni son amie, ni Mme C______ n’ont jamais prétendu qu’elle avait refusé le poste. Elle allègue avoir, le 1er avril 2023, signé un contrat de travail à plein temps et pour une durée indéterminée en tant qu’assistante maternelle, ce qui démontre sa volonté de retrouver un emploi et sa motivation. C’est d’ailleurs celle-ci qui l’a poussée à se rendre à l’entretien à deux reprises, la seconde par ses propres moyens, et à s’occuper de l’enfant durant une heure et demie à la demande de l’employeur potentiel. Elle en tire la conclusion que sa candidature a été rejetée non par sa faute mais tout simplement parce qu’elle ne correspondait pas aux attentes de Mme D______, ce que l’on ne saurait lui reprocher. Quant au fait qu’elle ait évoqué sa précédente rémunération, elle fait remarquer que cela est normal au cours d’un processus de recrutement. Elle émet l’hypothèse que les difficultés linguistiques ont peut-être amené Mme D______ à penser qu’il s’agissait-là d’une revendication de sa part.
k. Par écriture du 14 décembre 2023, l’intimé a persisté dans ses conclusions.
l. Les autres faits seront repris - en tant que de besoin - dans la partie "en droit" du présent arrêt.
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2. Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).
3. Le litige porte sur le bien-fondé de la suspension de 34 jours du droit à l’indemnité de la recourante, pour avoir fait échouer une possibilité d’emploi convenable.
4.
4.1 L'assuré a droit à l'indemnité de chômage s'il satisfait, entre autres conditions, aux exigences du contrôle (art. 8 al. 1 let. g LACI). À cet effet, il lui incombe, avec l'assistance de l'office du travail compétent, d'entreprendre tout ce qu'on peut raisonnablement exiger de lui pour éviter le chômage ou l'abréger; en particulier, il est tenu de rechercher du travail et d'apporter la preuve des efforts fournis dans ce but (art. 17 al. 1 LACI). L’assuré est tenu d’accepter tout travail convenable qui lui est proposé (art 17 al. 3 LACI).
4.2 La condition de satisfaire aux exigences du contrôle, posée par l’art. 8 al. 1
let. g LACI, renvoie aux devoirs de l’assuré et prescriptions de contrôle prévus par l’art. 17 LACI. Les al. 1 à 3 de cette disposition-ci imposent aux chômeurs des devoirs matériels, qui concernent la recherche et l’acceptation d’un emploi, la participation aux mesures de marché du travail et aux séances et entretiens obligatoires, ainsi que des devoirs formels, qui ont pour objet l’inscription au chômage et la revendication régulière des prestations au moyen de formules officielles (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014 [ci-après : Commentaire], n. 1 ad art. 17 LACI).
4.3 En règle générale, l’assuré doit accepter immédiatement tout travail en vue de diminuer le dommage à l’assurance (art. 16 al. 1 LACI). Si la liberté de choix de l’activité professionnelle est garantie par l’art. 27 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101), elle est toutefois restreinte en situation individuelle de chômage. Seuls les emplois non convenables au sens de l’art. 16 al. 2 LACI peuvent être refusés. Le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu lorsqu’il est établi que celui-ci refuse un travail convenable (art. 30 al. 1 let. d LACI). Cette règle, notoire, s’applique même lorsque l’assuré n’a pas encore pu y être rendu attentif par l’autorité
(Boris RUBIN, La suspension du droit à l’indemnité de chômage, in DTA 2017
p. 11).
4.4 Les éléments constitutifs d’un refus d’emploi sont réunis non seulement en cas de refus d’emploi expressément formulé, mais encore lorsqu’un assuré fait échouer la perspective de conclure un contrat de travail en raison d’une attitude inappropriée. Tel est le cas notamment lorsque l’assuré ne prend pas contact avec l’employeur ou ne le fait pas dans le délai utile (arrêts du Tribunal fédéral 8C_379/2009 du 13 octobre 2009 ; C 245/06 du 2 novembre 2007 et C 30/06 du
8 janvier 2007), ne répond pas à un appel d’un employeur (s’il peut s’attendre à une telle sollicitation), fait valoir certaines restrictions lors de la fixation du rendez-vous d’embauche (arrêt du Tribunal fédéral 8C_865/2014 du
17 mars 2015), se présente tardivement à l’entretien, hésite à accepter l’emploi lors des pourparlers (DTA 1982 p. 41 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_616/2010 du 28 mars 2011). Des manifestations peu claires, un manque d’empressement faisant douter de la réelle volonté du chômeur d’être engagé (arrêt du Tribunal fédéral C 293/03 du 5 novembre 2004), voire un désintérêt manifeste (arrêts du Tribunal fédéral C 81/02 du 24 mars 2003 et C 72/02 du 3 septembre 2002), constituent déjà des comportements assimilés, selon la jurisprudence, à un refus d’emploi. Concernant les pourparlers au sujet du salaire, l’assuré doit d’emblée être ouvert à la négociation, sauf s’il apparaît clairement que le salaire proposé est inférieur à l’usage et que l’acceptation de l’emploi concerné lui ferait subir les inconvénients liés à l’application de l’art. 24 al. 3 LACI. Lorsqu’un assuré ne fait que répondre à la question précise de savoir quel était son dernier salaire, il n’est pas possible d’assimiler cette réponse à des prétentions salariales (arrêt du Tribunal fédéral 8C_337/2008 du 1er juillet 2018).
En résumé, selon la jurisprudence, il y a refus d’une occasion de prendre un travail convenable non seulement lorsque l’assuré refuse expressément un travail convenable qui lui est assigné, mais également déjà lorsque l’intéressé s’accommode du risque que l’emploi soit occupé par quelqu’un d’autre ou fait échouer la perspective de conclure un contrat de travail (ATF 122 V 34
consid. 3b ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_446/2020 du 28 janvier 2021
consid. 3.1 et 8C_379/2009 précité consid. 3).
4.5 La violation de ces obligations expose l’assuré à une suspension de son droit à l’indemnité.
L’art. 30 al. 1 LACI dispose que le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu notamment lorsqu’il est établi que celui-ci ne fait pas tout ce qu’on peut raisonnablement exiger de lui pour trouver un travail convenable (let. c), n’observe pas les prescriptions de contrôle du chômage ou les instructions de l’autorité compétente, notamment refuse un travail convenable, ne se présente pas à une mesure de marché du travail ou l’interrompt sans motif valable, ou encore compromet ou empêche, par son comportement, le déroulement de la mesure ou la réalisation de son but (let. d).
4.6 La durée de la suspension est proportionnelle à la gravité de la faute (art. 30 al. 3 LACI ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 254/06 du 26 novembre 2007 consid. 5.3).
L’OACI distingue trois catégories de fautes - légères, moyennes et graves - et prévoit, pour chacune d'elles, une durée minimale et maximale de suspension : de 1 à 15 jours en cas de faute légère, de 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne et de 31 à 60 jours en cas de faute grave (art. 45 al. 3 OACI).
Selon l’art. 45 al. 4 OACI, il y a faute grave lorsque, sans motif valable, l’assuré abandonne un emploi réputé convenable sans être assuré d’obtenir un nouvel emploi (let. a) ou qu’il refuse un emploi réputé convenable (let. b). Des antécédents remontant à moins de deux ans justifient une prolongation de la durée de suspension (art. 45 al. 5 OACI ; Boris RUBIN, op. cit., n. 114 ss ad art. 30).
En tant qu'autorité de surveillance, le SECO a adopté un barème indicatif à l'intention des organes d'exécution. Un tel barème constitue un instrument précieux pour les organes d'exécution lors de la fixation de la sanction et contribue à une application plus égalitaire des sanctions dans les différents cantons. Cela ne dispense cependant pas les autorités décisionnelles d'apprécier le comportement de l'assuré compte tenu de toutes les circonstances - tant objectives que subjectives - du cas d'espèce et de fixer la sanction en fonction de la faute (arrêts du Tribunal fédéral 8C_758/2017 du 19 octobre 2018 consid. 5 ; 8C_425/2014 du 12 août 2014 consid. 5.1).
Il n’est pas nécessaire qu’un assuré ait été renseigné au sujet de son obligation d’accepter un emploi convenable pour qu’une sanction puisse être prononcée en cas de refus d’emploi (Boris RUBIN, op. cit., n. 11 ad art. 16, n. 63 ad art. 30).
4.7 La quotité de la suspension du droit à l'indemnité de chômage dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d'appréciation, soumise à l'examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d'appréciation de manière contraire au droit, soit si elle a commis un excès positif ("Ermessensüberschreitung") ou négatif ("Ermessens-unterschreitung") de son pouvoir d'appréciation ou a abusé ("Ermessens-missbrauch") de celui-ci (arrêts du Tribunal fédéral 8C_194/2013 du 26 septembre 2013 consid. 5.2 ; 8C_33/2012 du 26 juin 2012 consid. 2.2 ; arrêt 8C_31/2007 du 25 septembre 2007 consid. 3.1, non publié in ATF 133 V 640 mais dans SVR, 2008, ALV, n° 12, p. 35).
5.
5.1 En l’espèce, l’intimé considère que la recourante, par son comportement, a fait échouer une possibilité concrète d’emploi qui lui aurait permis de réduire le dommage causé à l’assurance. Il lui reproche en particulier d’avoir émis des prétentions salariales trop élevées.
5.2 La recourante conteste les faits qui lui sont reprochés. A réitérées reprises, elle a allégué que si elle a évoqué le salaire horaire de quelques CHF 27.- qu’elle obtenait dans son poste précédent, c’est parce que la question lui a été spécifiquement posée. Elle affirme n’avoir jamais refusé le montant proposé par l’employeur potentiel, dont elle indique qu’il a écarté sa candidature principalement pour des raisons linguistiques (absence de maîtrise de l’anglais) et la non-détention d’un permis de conduire.
5.3 La décision litigieuse est fondée initialement sur le bref courriel adressé en date du 4 janvier 2023 par Mme C______ à l’ORP du canton de Vaud. En quelques lignes, cette personne explique que le salaire réclamé par l’assurée était trop élevé (CHF 27.- contre les CHF 23.80 proposés). Cela étant, on soulignera que cette personne n’a pas assisté à l’entretien d’embauche et qu’elle n’était pas directement impliquée dans le processus de décision. Elle n’a fait qu’apporter son assistance à Mme D______ dans ses recherches en faisant publier une annonce.
Dès le début, l’assurée, sommée de s’expliquer, a affirmé que le poste lui avait échappé en raison de son manque de maitrise de l’anglais et du fait qu’elle n’était pas titulaire du permis de conduire. Jamais au fil de la procédure ses déclarations n’ont varié sur ce point.
La personne directement impliquée, à savoir Mme D______, dûment interrogée par la Cour de céans, a expliqué pour sa part que de « multiples » raisons avaient présidé à sa décision de ne pas retenir la candidature de l’assurée. Si elle mentionne effectivement une prétention salariale élevée, cela ne semble pas avoir été le critère décisif. Elle évoque surtout le fait de ne pas avoir eu « un bon feeling » et mentionne aussi la non-maîtrise de la langue anglaise, le fait que l’assurée n’ait pas été autonome pour ses transports ou encore, qu’elle ait rencontré des difficultés à trouver son domicile.
Il n’en demeure pas moins, comme le fait remarquer à juste titre la recourante, que celle-ci a fait preuve d’une motivation évidente, tout d’abord en répondant à l’annonce – dont on relèvera qu’elle ne faisait pas l’objet d’une assignation formelle de la part de l’ORP – et en se rendant par deux fois à l’adresse de l’employeur, éloignée de son propre domicile, la seconde fois en utilisant les transports publics. On notera aussi qu’elle a effectué un « temps d’essai » (en réalité : un essai d’une heure et demie), dont il a été admis qu’il avait été effectué à satisfaction (cf. courrier de Mme C______ du 28 janvier 2023).
Pour le surplus, on ne saurait lui reprocher d’avoir évoqué devant un potentiel employeur le montant de son dernier salaire. En effet, il s’agit là d’un élément central dans le cadre d’un entretien d’embauche. La Cour considère qu’il n’est pas établi, au vu des éléments versés au dossier, au degré de la vraisemblance prépondérante requis, que l’assurée a refusé le salaire proposé. De manière tout à fait constante, elle a protesté de sa bonne foi et allégué que, si elle a évoqué le montant de sa dernière rémunération, c’est parce que la question lui avait été directement posée. Au vu des problèmes rencontrés par l’employeur potentiel et la recourante pour communiquer et de l’obligation d’avoir recours pour cela aux services d’un tiers en la personne de Mme E______, il est fort possible qu’un malentendu se soit produit, l’employeur pensant que le chiffre articulé constituait une prétention non négociable de la part de la recourante.
Quoi qu’il en soit, l’employeur, pour justifier sa décision, a évoqué avant tout un problème de « feeling », ce dont on peut conclure que si la candidature de l’assurée a été écartée, c’est effectivement pour plusieurs raisons, avant tout parce qu’elle ne correspondait pas aux attentes de Mme D______, sans que l’on puisse pour autant lui reprocher d’avoir, par son comportement, indéniablement conduit le potentiel employeur à ce résultat. Une mère de famille qui s’apprête à confier sa progéniture à une tierce personne doit pouvoir le faire en toute confiance, parfois en se fiant simplement à son intuition, ce qui semble ressortir des explications de Mme D______, qui a ensuite étayé son sentiment par un certain nombre d’éléments objectifs. Comme elle l’a confié à Mme E______ en indiquant avoir la conviction qu’elle pouvait trouver « un meilleur profil », elle a préféré poursuivre ses investigations dans l’espoir de trouver une personne correspondant mieux à ses critères. On ne peut en conclure qu’il est établi que la recourante aurait adopté un comportement ayant fait échouer une possibilité concrète d’emploi.
Au vu des circonstances, aucune faute ne peut lui être reprochée. Le recours est donc admis et la décision litigieuse annulée.
***
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet.
3. Annule la décision du 27 mars 2023.
4. Renvoie la cause à l’intimé pour calcul des prestations dues.
5. Condamne l’intimée à verser au recourant la somme de CHF 1’000.- à titre de participation à ses frais et dépens.
6. Dit que la procédure est gratuite.
7. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Diana ZIERI |
| La présidente
Karine STECK
|
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d’Etat à l’économie par le greffe le