Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/377/2024 du 27.05.2024 ( LPP ) , ADMIS
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/4397/2022 ATAS/377/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 27 mai 2024 Chambre 6 |
En la cause
HELVETIA FONDATION COLLECTIVE DE PRÉVOYANCE DU PERSONNEL
| demanderesse |
contre
A______ Et GASTROSOCIAL appelée en cause |
défendeur |
|
|
A. a. Monsieur B______ (ci-après : l’intéressé ou le défendeur) exploite l’entreprise individuelle C______ (ci-après : l’entreprise), qui a été inscrite au registre du commerce le 4 juillet 2019.
b. Le 8 octobre 2019, l’intéressé a conclu une convention d’assurance auprès de la Fondation collective de prévoyance du personnel Helvetia (ci-après : la fondation ou la demanderesse), portant sur l’affiliation pour la prévoyance professionnelle dès le 1er juillet 2019 du personnel de son entreprise.
B. a. La fondation a notamment adressé à l’intéressé une sommation le 10 novembre 2020 pour arriérés de cotisations au 9 novembre 2020 de CHF 1'856.05, incluant une indemnité de CHF 300.- pour frais de gestion. Elle l’a en outre invité en 2021 à lui faire part d’une éventuelle adaptation des salaires assurés. Elle lui a fait parvenir une seconde sommation en date du 9 avril 2021 pour les arriérés de cotisations au 8 avril 2021 de CHF 5'954.50, incluant une indemnité de CHF 300.- pour frais de gestion.
c. Par courrier du 4 juin 2021, la fondation a résilié le contrat de prévoyance de l’entreprise pour le 1er mai 2021, en raison des difficultés de collaboration avec celle-ci.
À la même date, elle a adressé à l’intéressé une facture portant sur les contributions dues par l’entreprise, lesquelles se montaient à CHF 7'725.70.
d. La fondation a fait établir un commandement de payer 1______ en date du 23 novembre 2022 à l’encontre de l’intéressé, portant sur des montants de CHF 8'516.70 pour les primes, mentionnant un taux d’intérêt de 5% dès le 14 octobre 2022, de CHF 8.- pour les frais de poursuite, de CHF 291.95 pour les intérêts, de CHF 60.- pour l’établissement du commandement de payer et de CHF 13.30 pour les frais ultérieurs de notification le 26 novembre 2022.
L’intéressé s’est opposé à ce commandement de payer le 26 novembre 2022.
e. Le 7 décembre 2022, la fondation a adressé à l’intéressé un extrait de compte affichant un solde de CHF 8'532.70 dû par l’entreprise. Ce montant incluait les cotisations dues selon les factures, des frais de rappels et de poursuite, des intérêts de CHF 428.85 au 31 décembre 2021, ainsi que des frais de poursuite de deux fois CHF 8.-. Il était précisé que le taux d’intérêt était fixé à 5% et que le décompte serait considéré comme approuvé sans nouvelles de l’entreprise dans les 30 jours.
C. a. Par demande du 22 décembre 2022 devant la chambre de céans, la fondation a conclu, sous suite de frais et dépens, au versement par le défendeur de CHF 8'516.70, CHF 291.95 d’intérêts, plus intérêts à 5% sur la créance en capital à partir du 14 octobre 2022 et d’une indemnité des procédés (sic) de CHF 500.- ; à la mainlevée définitive de l’opposition dans la poursuite 1______ à concurrence de ces montants, hormis les frais du commandement de payer qui seraient décomptés préalablement des paiements du défendeur, conformément à la loi.
Elle a soutenu que le défendeur était débiteur des cotisations de prévoyance, en sa qualité d’employeur. Les intérêts et les frais de CHF 500.- liés au commandement de payer étaient dus selon le règlement de la demanderesse.
b. Le 31 janvier 2022, le défendeur a transmis à la chambre de céans des extraits de compte de la caisse de pension Gastrosocial (ci-après : Gastrosocial) concernant une affiliation depuis janvier 2020 et les cotisations de prévoyance professionnelle de son entreprise, ainsi qu’un courrier de celle-ci du 18 janvier 2023 attestant que le paiement des cotisations de la prévoyance professionnelle de l’entreprise auprès d’elle était à jour.
c. Dans ses déterminations du 21 février 2023, la demanderesse a persisté dans ses conclusions. Les pièces transmises par le défendeur révélaient la couverture des salariés de l’entreprise par une autre institution de prévoyance pendant une période se chevauchant partiellement avec celle durant laquelle elle avait été affiliée auprès de la demanderesse. À partir du 1er mai 2021, la demanderesse n’avait plus facturé de cotisations, mais uniquement les frais de poursuite, les intérêts et les indemnités de recouvrement. Le défendeur ne l’avait jamais informée d’une autre affiliation et ne lui avait pas annoncé la sortie de l’entreprise. Il n’avait pas réagi à la liste des salaires qui lui avait été envoyée. La demanderesse ne pouvait donc savoir que l’entreprise ne devait plus être assurée auprès d’elle.
d. Le 22 février 2023, le demandeur a transmis à la chambre de céans sa demande du 24 février 2020 sollicitant l’affiliation des collaborateurs de l’entreprise dès le 1er janvier 2020 auprès de Gastrosocial, et la confirmation d’affiliation que cette institution de prévoyance lui avait adressée.
e. Dans une écriture reçue par la chambre de céans le 20 mars 2023, le défendeur a conclu au rejet de la demande. Il a soutenu que de nombreux échanges téléphoniques avaient eu lieu entre lui, son comptable et la demanderesse au sujet du changement d’affiliation. Il lui avait également adressé un courrier, dont il ne disposait plus, et qu’il l’invitait à produire. Il ressortait du décompte du 7 décembre 2022 produit par la demanderesse que le solde était de CHF 26.10 en faveur de l’entreprise au 31 décembre 2019. Il exploitait un autre établissement, « D______ », également affilié auprès de Gastrosocial depuis 2005. Lorsqu’il avait repris l’entreprise C______, la caisse de compensation du canton de Genève lui avait indiqué qu’il devait également affilier les employés de cette entité auprès de Gastrosocial. Il avait de bonne foi réglé les cotisations auprès de cette institution de prévoyance dès le 1er janvier 2020. Il n’était pas normal qu’il paie les mêmes cotisations à deux institutions de prévoyance. La demanderesse devait être invitée à faire valoir ses prétentions auprès de Gastrosocial.
Il a produit un extrait de compte de Gastrosocial pour la période du 1er janvier 2020 au 19 janvier 2023, selon lequel les cotisations dues pour décembre 2020 s’élevaient à CHF 1'313.20, et un récapitulatif des cotisations reçues par Gastrosocial au 31 décembre 2020, concernant le défendeur et un collaborateur de l’entreprise.
f. Dans sa réplique du 14 avril 2023, la demanderesse a persisté dans ses conclusions. Les sorties devaient lui être annoncées immédiatement selon le contrat d’affiliation, ce qui n’avait pas été fait. Elle ne disposait ni d’une lettre, ni d’une note relative à un appel téléphonique. Le défendeur n’avait pas non plus réagi à réception des factures de cotisations. Le contrat prévoyait que les soldes figurant sur les décomptes étaient acceptés à défaut d’opposition écrite dans les quatre semaines. Par conséquent, le solde du compte devait être considéré comme reconnu au moins jusqu'à fin 2021, y compris les cotisations pour cette année. La demanderesse a précisé ne pas contester que l’entreprise était affiliée à Gastrosocial depuis janvier 2020.
g. Le 4 décembre 2023, la chambre de céans a invité la demanderesse à se déterminer sur le maintien de ses conclusions, eu égard à l’interdiction générale de la double assurance, et sur le sort des cotisations versées pour la période durant laquelle le demandeur était également affilié auprès de Gastrosocial.
h. La demanderesse s’est déterminée le 6 décembre 2023, affirmant que les cotisations réclamées étaient celles dues durant la période d’affiliation auprès d’elle.
i. La chambre de céans a transmis copie de cette écriture au défendeur le 11 décembre 2023.
j. Par ordonnance du 10 avril 2024, la chambre de céans, après avoir souligné l’interdiction générale de la double assurance en prévoyance professionnelle, a appelé en cause Gastrosocial et l’a invitée à se déterminer sur la demande.
k. L’appelée en cause a déféré à cette requête le 23 avril 2024, indiquant que l’entreprise était affiliée auprès d’elle depuis le 1er janvier 2020, conformément à l’attestation qu’elle a produite.
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. b de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives à la prévoyance professionnelle opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit, y compris en cas de divorce ou de dissolution du partenariat enregistré, ainsi qu’aux prétentions en responsabilité (art. 331 à 331e du Code des obligations [CO ‑ RS 220 ] ; art. 52, 56a, al. 1, et art. 73 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 [LPP ‑ RS 831.40] ; ancien art. 142 du Code civil [CC - RS 210]).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie, la compétence à raison du lieu n’étant pas contestée au vu du siège de l’entreprise à Genève.
2. Le litige tel que circonscrit par les conclusions de la demande porte sur le paiement par le défendeur de CHF 8'516.70, CHF 291.95 d’intérêts, plus intérêts à 5% sur la créance en capital à partir du 14 octobre 2022, d’une indemnité de CHF 500.- et sur la mainlevée définitive de l’opposition dans la poursuite 1______ à concurrence de ces montants.
3. L’ouverture de l’action prévue à l’art. 73 al. 1 LPP n’est soumise, comme telle, à l’observation d’aucun délai (Raymond SPIRA, Le contentieux des assurances sociales fédérales et la procédure cantonale, Recueil de jurisprudence neuchâteloise, 1984).
La demande respectant la forme prévue à l'art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), elle est recevable.
4. La prévoyance professionnelle selon la LPP doit permettre aux personnes âgées, aux survivants et aux invalides, avec les prestations de l'AVS/AI, de maintenir de manière appropriée leur niveau de vie antérieur (cf. art. 111 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst - RS 101).
Dans cet objectif de prestations, la loi déclare la prévoyance professionnelle obligatoire dans certaines limites (art. 8 LPP) et décrit les prestations minimales à fournir par les institutions de prévoyance enregistrées (art. 13 ss LPP).
4.1 Aux termes de l’art. 11 al. 1 LPP, tout employeur occupant des salariés soumis à l’assurance obligatoire doit être affilié à une institution de prévoyance inscrite dans le registre de la prévoyance professionnelle.
L’art. 10 LPP dispose que l’assurance obligatoire commence en même temps que les rapports de travail ; pour les bénéficiaires d’indemnités journalières de l’assurance-chômage, elle commence le jour où ils perçoivent pour la première fois une indemnité de chômage (al. 1). L’obligation d’être assuré cesse, sous réserve de l’art. 8 al. 3 à l’âge de référence (art. 13) (let. a) ; en cas de dissolution des rapports de travail (let. b) ; lorsque le salaire minimum n’est plus atteint (let. c) ; lorsque le droit aux indemnités journalières de l’assurance-chômage s’éteint (let. d) (al. 2). Durant un mois après la fin des rapports avec l’institution de prévoyance, le salarié demeure assuré auprès de l’ancienne institution de prévoyance pour les risques de décès et d’invalidité. Si un rapport de prévoyance existait auparavant, c’est la nouvelle institution de prévoyance qui est compétente (al. 3).
4.2 L’art. 66 LPP prévoit que l’institution de prévoyance fixe dans ses dispositions réglementaires le montant des cotisations de l’employeur et de celles des salariés. La somme des cotisations (contribution) de l’employeur doit être au moins égale à la somme des cotisations de tous les salariés. La contribution de l’employeur ne peut être fixée plus haut qu’avec son assentiment (al. 1). L’employeur est débiteur de la totalité des cotisations envers l’institution de prévoyance. Celle-ci peut majorer d’un intérêt moratoire les cotisations payées tardivement (al. 2). Il transfère à l’institution de prévoyance sa contribution ainsi que les cotisations des salariés au plus tard à la fin du premier mois suivant l’année civile ou l’année d’assurance pour laquelle les cotisations sont dues (al. 4).
4.3 La relation entre l'employeur et la fondation collective repose sur une convention dite d'affiliation (Anschlussvertrag ; art. 11 LPP) qui est un des contrats innommés issus du droit et de la pratique de la prévoyance professionnelle. Par ce contrat, l’institution de prévoyance s'engage à fournir les prestations découlant de la LPP pour l'employeur. En contrepartie, celui-ci s'engage à payer les primes dont elle demande le paiement. En remplissant ces incombances, les parties s'acquittent de leurs obligations contractuelles (arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 149/06 du 11 juin 2007 consid. 6.2).
4.3.1 Selon la convention d’affiliation conclue par les parties, les personnes à assurer et les salaires de base correspondants doivent être communiqués à la [défenderesse] au début de chaque année (ch. 4.2 in fine). L’employeur s'engage à verser les contributions facturées par Helvetia à la [défenderesse]. Les adaptations de contributions en particulier en raison d'adaptations tarifaires ou des modifications des bases de calcul actuariel ainsi que des contributions supplémentaires demeurent réservées. Il s'engage à retenir les contributions réglementaires sur les salaires des employés et à les verser régulièrement (au moins chaque trimestre) (ch. 5.1). Un crédit d'intérêts est accordé pour les paiements effectués avant l'échéance, tandis que des intérêts débiteurs sont facturés pour des paiements effectués avec retard même sans procédure de recouvrement. La [défenderesse] a le droit de fixer des taux d'intérêt conformes aux conditions du marché. Les taux d'intérêts peuvent être adaptés en tout temps
aux nouvelles conditions. Tout solde en faveur de la [défenderesse] à la fin d'une
année, ainsi que les intérêts débiteurs, sont reportés à l'année civile suivante à titre de créance en capital. Tout solde en faveur de l'entreprise affiliée, y compris les intérêts éventuels créditeurs, sont comptabilisés à titre de paiement d'acompte pour les contributions de l'année suivante. Pour la fin de l'année civile, la [défenderesse] établit un relevé du compte d'encaissement. Le solde indiqué sur ce relevé sera considéré comme approuvé dans la mesure où l'entreprise affiliée ne le conteste pas par écrit dans un délai de quatre semaines après réception du relevé (ch. 5.4).
4.4 Selon le ch. 7.1 de la convention, celle-ci a une durée de validité fixe de 5 ans et peut être résiliée pour la première fois à l'échéance de cette durée avec effet au 31 décembre. Conformément au ch. 7.3 première phrase, en cas de retard de paiement ou en cas de non-respect des obligations concernant la coopération, la [défenderesse] a le droit de résilier le contrat avec effet immédiat.
En cas de résiliation de la convention d'affiliation, le chiffre 3 du règlement pour frais de gestion est applicable. La résiliation de la convention d'affiliation peut entraîner l'application du règlement sur la liquidation partielle ou totale. En cas de résiliation de la convention d'affiliation, la fortune de l'œuvre de prévoyance en question est transférée à la nouvelle institution de prévoyance compétente ou, en cas de liquidation simultanée de l'entreprise, elle est utilisée par analogie aux dispositions réglementaires concernant le libre passage. Le ch. 7.7 prévoit les modalités applicables en cas de résiliation au transfert de la réserve mathématique pour les prestations d’invalidité, de survivants ou de retraite, ainsi qu’en cas d’incapacité de travail survenue avant la résiliation.
Le règlement pour frais de gestion de la défenderesse dispose à son chiffre 2.1 que pour les charges suivantes, la [défenderesse] prélève des indemnités de frais, qui sont facturées à l'entreprise affiliée : en cas de cotisations encore impayées, CHF 300.- pour une sommation par lettre signature en rapport avec le paiement des cotisations arriérées encore dues, et en cas de poursuites (non compris les frais officiels) CHF 500.- pour une réquisition de poursuite.
5. Il y a double assurance lorsque le même salaire pour la même activité est assuré auprès de deux institutions de prévoyance pour la prévoyance professionnelle (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-3068/2020 du 4 août 2021 consid. 3.3).
5.1 Les véritables doubles assurances ne sont pas compatibles avec le but et la systématique de la prévoyance professionnelle en tant qu'assurance minimale obligatoire. Si de telles assurances étaient autorisées, l'assuré devrait payer deux fois des cotisations pour le même risque et aurait en principe aussi un double droit aux prestations, ce qui donnerait régulièrement lieu à des réductions de prestations, eu égard à l'interdiction de la surassurance. En outre, il faudrait des règles particulières relatives à l’obligation de prester des institutions de prévoyance concernées dans de tels cas. Or, la LPP ne contient aucune norme sur la proportion dans laquelle deux institutions de prévoyance doivent prester, ni de dispositions sur les actions récursoires entre institutions de prévoyance. Une telle réglementation ne découle notamment pas de l'art. 23 LPP ni de la jurisprudence y relative. Selon cette disposition, l'institution de prévoyance reste tenue de fournir des prestations pour l'assuré transféré dans une autre institution si l'incapacité de travail qui a entraîné l'invalidité ultérieure est survenue alors que le salarié était assuré auprès d'elle. Par ailleurs, le législateur a adopté à l'art. 10 al. 3 LPP une réglementation visant non seulement à éviter les lacunes dans la couverture d'assurance, mais aussi à exclure les doubles assurances. Bien que les travaux législatifs soient muets sur la question de la double assurance, le mandat constitutionnel, la réglementation légale, le sens et le but de la loi permettent de conclure à un silence qualifié du législateur en ce sens que les véritables doubles assurances sont exclues (ATF 120 V 15 consid. 4a).
5.2 Selon la jurisprudence, une double assurance n'entraîne pas une dissolution informelle d’une affiliation d’office ordonnée à juste titre auprès de l’institution supplétive en application de l’art. 60 al. 1 et 2 LPP. Un employeur affilié d’office, qui se réaffilie auprès d’une autre institution de prévoyance en violation du délai de résiliation auprès de l’institution supplétive, supporte les conséquences contractuelles découlant de cette situation (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-3631/2020 du 23 mars 2022 consid. 7.1 et 7.2 et A-3556/2016 du 12 avril 2018 consid. 4.4.2). Dans un tel cas, l’employeur ne peut être libéré de l’obligation de verser les cotisations que s’il n’emploie pas de personnel soumis à l’assurance (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-643/2020 du 3 septembre 2021 consid. 7.2). Lorsqu’à la suite de l'annonce de la résiliation de son contrat d'affiliation, un employeur est affilié d'office à l'institution supplétive et qu'il apparaît après coup que celui-ci a demandé et obtenu sa réaffiliation auprès de son institution de prévoyance avec effet rétroactif au jour de sa sortie, il sied de distinguer selon que la réaffiliation est intervenue avant ou après l'affiliation d'office. Dans le premier cas, celle-ci se révèle a posteriori inutile et doit donc être annulée, puisqu'il s'avère qu'au moment où elle a été prononcée, l'employeur était déjà valablement affilié à une institution de prévoyance. Dans le second cas, au contraire, l'employeur n'est pas encore affilié à une institution de prévoyance lorsque la décision de l'affilier d'office est rendue, laquelle n'est dès lors pas contestable sous l'angle du droit des assurances sociales (arrêt du Tribunal administratif fédéral A-3556/2016 du 12 avril 2018 consid. 2.3.2 et les références). Dans le cas d’une entreprise ayant été affiliée d’office par décision de l’institution supplétive, et qui arguait du fait qu’elle s’était ensuite affiliée avec effet rétroactif à une autre institution de prévoyance, le Tribunal fédéral a confirmé l’affiliation d’office, soulignant que celle-ci ne pouvait pas être dissoute de manière informelle par une nouvelle affiliation à une autre institution de prévoyance, éventuellement avec effet rétroactif, mais devait être résiliée en bonne et due forme selon les modalités communiquées à l’entreprise (arrêt du Tribunal fédéral 9C_141/2013 du 7 avril 2013 consid. 2.1 et 2.2).
Dans un cas portant sur le versement de cotisations liées à la retraite anticipée, la jurisprudence cantonale a considéré que l’interdiction de la double assurance ne permet pas d’exiger la restitution des cotisations versées à l’institution de prévoyance auquel l’employeur s’est affilié, alors qu’en raison d’une erreur de sa part, il était également affilié à une autre institution de prévoyance (arrêt du Tribunal administratif du canton de Berne du 20 novembre 2020 dans la cause 200.2019.347.LPP consid. 4.2 et 5.1). Les juges neuchâtelois ont rappelé, dans un cas où un employeur s’était affilié dans un premier temps à une première institution de prévoyance, tout en entendant assurer une partie de ses collaborateurs à une autre institution de prévoyance, que selon le principe ancré à l’art. 7 al. 1 de de l’ordonnance sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 18 avril 1984 (OPP 2 - RS 831.441.1), l’affiliation de l’employeur à une institution de prévoyance enregistrée entraîne l’assurance auprès de cette institution de tous les salariés soumis à la loi. Partant, tout en soulignant qu’une double assurance est exclue, ils ont confirmé la validité de l’affiliation à la première institution jusqu’à sa résiliation et l’obligation de l’employeur d’assurer auprès d’elle tous ses salariés (arrêt du Tribunal administratif du canton de Neuchâtel du 26 juin 2002 TA.2001.434 consid. 7).
6. Le fardeau de la preuve de la notification d’un acte et de sa date incombe en principe à l’autorité qui entend en tirer une conséquence juridique (ATF 136 V 295 consid. 5.9). En ce qui concerne plus particulièrement la notification d’une décision ou d’une communication de l’administration, elle doit au moins être établie au degré de la vraisemblance prépondérante requis en matière d’assurance sociale. Ce degré suppose en règle générale la notification d’une décision par courrier recommandé, la preuve au degré de la vraisemblance prépondérante de la notification d’une décision ne pouvant résulter d’une simple description du déroulement usuel des tâches administratives (ATF 121 V 5 consid. 3b). L’autorité supporte donc les conséquences de l’absence de preuve (ou de vraisemblance prépondérante) en ce sens que si la notification ou sa date sont contestées et qu’il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l’envoi (ATF 129 I 8 consid. 2.2). La preuve de la notification d’un acte peut néanmoins résulter d’autres indices ou de l’ensemble des circonstances, en particulier de la correspondance échangée ou de l’absence de protestation de la part d’une personne qui reçoit des rappels (arrêt du Tribunal fédéral 9C_433/2015 du 1er février 2016 consid. 4.1).
Ces principes sont applicables mutatis mutandis s’agissant de communications à une assurance par un administré.
7. Lorsque le créancier requiert une poursuite sans titre à la mainlevée préalable, il doit en cas d'opposition au commandement de payer agir par la voie de la procédure ordinaire ou administrative pour faire reconnaître son droit conformément à l'art. 79 al. 1 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP - RS 281.1).
Le juge des assurances est le juge ordinaire selon l'art. 79 LP, et il a qualité pour lever une opposition à la poursuite en statuant sur le fond (ATF 109 V 46 consid. 4).
Les frais de poursuite sont d'office supportés par le débiteur lorsque la poursuite aboutit. Il n'y a donc effectivement pas lieu de prononcer la mainlevée définitive pour les frais du commandement de payer, dont le sort suit celui de la poursuite (art. 68 LP) (arrêt du Tribunal fédéral 5A_8/2008 du 11 avril 2008 consid. 4).
8. En l’espèce, il n’est pas contesté que l’entreprise du défendeur a été valablement affiliée auprès de la demanderesse. Il n’existe aucun élément dans le dossier de celle-ci démontrant que le défendeur aurait résilié le contrat d’affiliation conclu par ses soins – étant au demeurant souligné qu’on peut se demander si une telle résiliation aurait été valable, au vu de la durée d’affiliation stipulée de cinq ans. Le demandeur n’a pas non plus été en mesure de produire une telle pièce, ni le moindre élément en ce sens. Il ne soutient pas non plus avoir réagi aux courriers de la demanderesse, notamment en lien avec l’annonce des salaires en 2021. Il n’allègue pas non plus s’être opposé au décompte que la demanderesse lui a adressé le 7 décembre 2022. Conformément aux principes rappelés ci-dessus, le défendeur doit supporter les conséquences de l’absence de preuve ou d’indices suggérant des démarches liées à une résiliation, ou qu’il aurait contesté les factures qui lui ont été adressées en lien avec son affiliation. Partant, la chambre de céans ne peut que constater la validité du contrat d’affiliation jusqu’à sa résiliation par la demanderesse. Le défendeur a certes conclu avec l’appelée en cause un contrat de prévoyance assurant les collaborateurs de son entreprise, et la double assurance en matière de prévoyance professionnelle est en principe exclue. Cela étant, comme cela ressort de la jurisprudence, cette interdiction ne permet pas à un employeur d’éluder les obligations qui découlent d’une affiliation valablement conclue ou décidée. Ces principes sont applicables au cas d’espèce, a fortiori dès lors qu’il s’agit dans la présente cause d’une affiliation requise par le défendeur lui-même, qui plus est antérieure à l’adhésion au contrat de prévoyance avec l’appelée en cause. On se trouve ici dans un cas analogue à celui tranché dans l’arrêt neuchâtelois précité.
Les obligations du défendeur découlant de la couverture de son entreprise auprès de la défenderesse subsistent ainsi après le 1er janvier 2020, nonobstant la conclusion d’un deuxième contrat de prévoyance dès cette date auprès de l’appelée en cause.
9. S’agissant de la quotité des montants dus, le défendeur ne les conteste pas. Il convient de rappeler qu’il n’a pas non plus réagi au décompte qui lui a été adressé en décembre 2022 par la demanderesse. Il n’existe ainsi pas de motif de s’écarter du montant des cotisations réclamé par la demanderesse.
En ce qui concerne les frais ajoutés aux cotisations, liés à l’établissement du commandement de payer, ils sont prévus par le règlement de la demanderesse, de sorte qu’ils doivent également être confirmés.
Pour ce qui a trait aux intérêts réclamés, l’institution de prévoyance peut majorer les cotisations payées tardivement d'un intérêt moratoire, conformément à la loi. Le taux d'intérêt se détermine en premier lieu selon la convention conclue par les parties dans le contrat de prévoyance et, à défaut, selon les dispositions légales sur les intérêts moratoires des art. 102 ss de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO - RS 220). Aux termes de l'art. 102 al. 1 CO, le débiteur d'une obligation exigible est mis en demeure par l'interpellation du créancier. Lorsque le jour de l'exécution a été déterminé d'un commun accord, ou fixé par l'une des parties en vertu d'un droit à elle réservé et au moyen d'un avertissement régulier, le débiteur est mis en demeure par la seule expiration de ce jour (art. 102 al. 2 CO). Le débiteur qui est en demeure pour le paiement d'une somme d'argent doit un intérêt moratoire à 5 % (arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 106/03 du 26 août 2004 consid. 4.1). L’art. 105 al. 3 CO dispose que des intérêts ne peuvent être portés en compte pour cause de retard dans le paiement des intérêts moratoires (interdiction de l’anatocisme). Cette interdiction n’est pas applicable aux contrats de compte courant. Le Tribunal fédéral a toutefois précisé que les intérêts ne sont susceptibles de rapporter eux-mêmes des intérêts que si, par novation, ils sont devenus des éléments du capital. À défaut de reconnaissance du solde, les intérêts ne peuvent donc pas porter intérêts. La doctrine considère, au sujet de l'art. 105 al. 3 CO, que les parties peuvent convenir que les paiements partiels effectués par le débiteur éteignent tout d'abord la créance principale avant d'éteindre la dette en intérêts moratoires ; dans ce cas, une fois la dette principale éteinte, l'intérêt moratoire échu se transforme par novation en un montant en capital, sur lequel l'intérêt moratoire convenu est dû. Il doit toutefois y avoir entente des parties à cet égard ; une simple comptabilisation en compte courant n'est pas suffisante (ATF 130 III 694 consid. 2.2.3 et les références).
En l’espèce, dès lors que le contrat d’affiliation prévoit le paiement trimestriel des cotisations, les intérêts sont dus dès l’expiration de ces échéances, sans qu’une interpellation ne soit nécessaire. Le taux de 5% appliqué est conforme à la loi. La transformation des intérêts en créance est également prévue par le règlement de la demanderesse, de sorte que celle-ci est fondée à réclamer des intérêts sur une créance partiellement composée d’intérêts. Pour le surplus, si elle n’a pas détaillé le montant de CHF 291.95 réclamé à titre d’intérêts sur sa créance jusqu’au 13 octobre 2022, force est de constater que ce chiffre légèrement inférieur à la somme que représenteraient des intérêts à 5% sur la créance de CHF 8'593.05 due au 31 décembre 2021 – réduite à CHF 8'516.70 par le subside du fonds de garantie de CHF 76.35 crédité le 14 septembre 2022 – courant du 1er janvier au 13 octobre 2022, qui s’élèveraient en tout à quelque CHF 337.-. Partant, le demandeur doit également s’acquitter de ce montant.
Il s’ensuit que la demanderesse a droit au versement des montants faisant l’objet du commandement de payer notifié au défendeur.
10. La demande est admise.
La demanderesse, qui n’est pas représentée, n’a pas droit à des dépens.
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 73 al. 2 LPP et art 89H al. 1 LPA).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare la demande recevable.
Au fond :
2. Condamne le défendeur à payer à la demanderesse les sommes de CHF 8'516.70 avec intérêts à 5% l’an dès le 14 octobre 2022, de CHF 291.95 d’intérêts et de CHF 500.- de frais de sommation.
3. Prononce la mainlevée définitive de l'opposition au commandement de payer 1______ à due concurrence des montants susmentionnés.
4. Dit que la procédure est gratuite.
5. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Adriana MALANGA |
| La présidente
Valérie MONTANI |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le