Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/327/2024 du 08.05.2024 ( CHOMAG ) , REJETE
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/235/2024 ATAS/327/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 8 mai 2024 Chambre 4 |
En la cause
A______
| recourant |
contre
CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE
| intimée |
A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant) est né le ______ 1984, de nationalité française et célibataire.
b. Il s’est inscrit à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE) le 28 juillet 2023 pour un placement dès la même date à 100%.
c. Le 10 août 2023, il a transmis le formulaire de demande d’indemnité de chômage à la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse ou l’intimée), indiquant que son dernier employeur était B______ SA (ci-après : la société), sise à Genève, que le rapport de travail avait duré du 1er mars 2021 au 30 juin 2023 et que son employeur avait résilié le contrat de travail le 29 mai 2023 pour le 30 juin suivant, pour des motifs économiques.
Il précisait dans un courrier annexé à la demande qu’il était devenu administrateur de la société à la demande de Monsieur C______, président et unique actionnaire de celle-ci, afin de remplir l’obligation d’avoir un représentant légal de la société résidant en Suisse. La société était domiciliée chez lui depuis 2012.
De mars 2021 à juin 2023, il avait travaillé comme consultant pour la société et il avait été licencié pour des raisons économiques.
Depuis 2012, son rôle d’administrateur de la société s’était limité principalement à la signature occasionnelle de documents comptables et administratifs produits par la fiduciaire de celle-ci. Il avait rempli son rôle d’administrateur sur son temps libre et cela ne l’avait jamais empêché d’occuper des postes à temps plein et d’assurer pleinement ses fonctions chez ses anciens employeurs. Il souhaitait donc rester administrateur de la société pour faciliter sa gestion administrative, étant le seul administrateur résidant en Suisse. Il n’avait actuellement aucune activité rémunérée pour la société et il recherchait activement un emploi depuis juin 2023.
d. Le 14 août 2023, l’office régional de placement (ci-après : l’ORP) a transmis le dossier de l’assuré au service juridique de l’OCE, au motif que celui-ci était inscrit au registre du commerce comme administrateur de la société, avec signature individuelle.
e. Le 22 août 2023, la caisse a demandé à l’assuré de lui transmettre de la documentation complémentaire au plus tard le 13 octobre 2023. Il s’agissait notamment d’un extrait du registre du commerce, mentionnant la date de radiation.
f. L’assuré a transmis des pièces à la caisse le 11 octobre 2023.
g. Le même jour, la caisse lui a demandé à nouveau un extrait du registre du commerce mentionnant la date de radiation.
h. Par décision du 24 octobre 2023, la caisse a rejeté la demande d’indemnité de l’assuré, car il réunissait la double qualité d’employeur et d’employé et il existait un risque qu’il consacre une partie de son temps à son entreprise afin de la sauvegarder. Pour autant qu’il puisse justifier d’une activité soumise à cotisations suffisantes par le biais du versement effectif de ses salaires, seuls la cessation définitive des activités de la société, une rupture totale de ses liens avec celle-ci ou l’accomplissement de six mois minimum dans une tierce entreprise dans une activité salariée postérieure en qualité de simple employé pourraient lui faire bénéficier de l’indemnité de chômage.
i. L’assuré a formé opposition à cette décision.
j. Le 25 octobre 2023, l’assuré a démissionné de sa fonction d’administrateur de la société.
k. Le 2 novembre 2023, la radiation du statut d’administrateur de l’assuré a été publiée par la Feuille officielle du commerce.
l. La caisse a reçu la copie de la radiation du statut d’administrateur le 9 novembre 2023.
m. Par décision sur opposition du 18 décembre 2023, la caisse a partiellement admis l’opposition de l’assuré. Son pouvoir décisionnel découlait de sa qualité d’administrateur et de la loi. Il était l’unique représentant de la société en Suisse et il l’engageait lorsqu’il signait des documents pour elle. L’assuré ne remplissait pas les conditions du droit à l’indemnité à la date de son inscription le 28 juillet 2023 et c’était donc à juste titre qu’une décision de refus lui avait été notifiée. Toutefois, un droit à l’indemnité lui était accordé dès le 25 octobre 2023, dès lors qu’il n’avait plus de lien avec la société dès cette date.
B. a. Le 22 janvier 2024, l’assuré a formé recours contre la décision sur opposition de la caisse auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, concluant à ce qu’il soit reconnu qu’il avait droit à l’indemnité de chômage dès le 28 juillet 2023. Il a fait valoir qu’il n’avait jamais été actionnaire, ni administrateur unique. Il n’avait donc jamais rempli ces deux conditions. En effet, il n’avait jamais eu une position assimilable à celle d’un employeur et n’avait exercé aucune réelle influence sur la société. Le rôle d’administrateur qu’il avait rempli à titre gracieux avait toujours été non exécutif. Par ailleurs, il avait occupé l’emploi de « consultant senior » entre le 1er mars 2021 et le 30 juin 2023 à la demande du président et unique actionnaire de la société, sous sa direction et sans lien avec sa fonction d’administrateur. Il était déraisonnable de penser que cette fonction puisse être considérée déterminante ou considérable au sens de l’art. 31 al. 3 let. c LACI, face au pouvoir décisionnel dont jouissait le président et unique actionnaire de la société.
Sa demande de radiation en tant qu’administrateur de la société était datée du 25 octobre 2023. Elle aurait pu avoir lieu bien plus tôt, si l’intimée avait pris la peine de répondre à ses quatre demandes écrites dont la première avait été faite à peine quelques jours après son inscription. Ce retard dans la décision de l’intimée était d’autant plus inexcusable que la caisse affirmait aujourd’hui qu’elle pouvait lui nier le droit à l’indemnité sans autre forme de vérification. Par conséquent, l’intimée ne pouvait le pénaliser d’une quelconque façon pour le retard de trois mois précédent sa radiation puisqu’elle était l’unique responsable de cette situation. C’était donc uniquement la date de son inscription à l’OCE qui était déterminante pour le calcul et le versement de ses indemnités, indépendamment de la date de sa demande de radiation du registre du commerce.
b. Le 20 février 2024, la caisse a conclu au rejet du recours.
c. Le 13 mars 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions.
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2. À teneur de l’art. 1 al. 1 LACI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-chômage obligatoire et à l’indemnité en cas d’insolvabilité, à moins que la LACI n’y déroge expressément.
3. Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi (56ss LPGA ; art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]), le recours est recevable.
4. Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’intimé niant le droit à l’indemnité de chômage du recourant du 28 juillet au 24 octobre 2023.
5.
5.1 L’art. 8 LACI énumère les conditions d’octroi de l’indemnité de chômage. Conformément à l’art. 8 al. 1 LACI, l’assuré doit, pour bénéficier de cette prestation prévue par l’art. 7 al. 2 let. a LACI, être sans emploi ou partiellement sans emploi (let. a), avoir subi une perte de travail à prendre en considération (let. b), être domicilié en Suisse (let. c), avoir achevé sa scolarité obligatoire et n’avoir pas encore atteint l’âge donnant droit à une rente AVS et ne pas toucher de rente de vieillesse de l’AVS (let. d), remplir les conditions relatives à la période de cotisation ou en être libéré (let. e), être apte au placement (let. f) et satisfaire aux exigences de contrôle (let. g).
Ces conditions sont cumulatives (ATF 124 V 215 consid. 2). Elles sont précisées par plusieurs dispositions de la LACI et de l’ordonnance sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité du 31 août 1983 (OACI – RS 837.02), ainsi que – dans les limites d’admissibilité de telles directives administratives (ATF 144 V 202 ; ATF 144 V 195 ; ATAS/1191/2014 du 18 novembre 2014 consid. 4 et doctrine et jurisprudence citées) – par les instructions édictées par le Secrétariat d’État à l’économie (ci-après: SECO) en sa qualité d’autorité de surveillance de l’assurance-chômage chargée d’assurer une application uniforme du droit (art. 110 LACI), notamment par le biais du Bulletin LACI IC.
5.2 Aux termes de l’art. 31 al. 3 LACI, n’ont pas droit à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail (ci-après: RHT) : les travailleurs dont la RHT ne peut être déterminée ou dont l’horaire de travail n’est pas suffisamment contrôlable (let. a) ; le conjoint de l’employeur, occupé dans l’entreprise de celui-ci (let. b) ; les personnes qui fixent les décisions que prend l’employeur – ou peuvent les influencer considérablement – en qualité d’associé, de membre d’un organe dirigeant de l’entreprise ou encore de détenteur d’une participation financière à l’entreprise; il en va de même des conjoints de ces personnes, qui sont occupés dans l’entreprise (let. c).
Le Tribunal fédéral des assurances a jugé que les exclusions de l’art. 31 al. 3 LACI s’appliquent par analogie à l’octroi de l’indemnité de chômage (ATF 123 V 234 consid. 7b).
La jurisprudence considère, par ailleurs, qu’un travailleur qui jouit d’une situation comparable à celle d’un employeur – ou son conjoint –, n’a pas droit à l’indemnité de chômage (art. 8 ss LACI) lorsque, bien que licencié formellement par une entreprise, il continue à fixer les décisions de l’employeur ou à influencer celles-ci de manière déterminante. Dans le cas contraire, en effet, on détournerait par le biais des dispositions sur l’indemnité de chômage la réglementation en matière d’indemnités en cas de réduction de l’horaire de travail, en particulier l’art. 31 al. 3 let. c LACI. Dans ce sens, il existe un étroit parallélisme entre le droit à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail et le droit à l’indemnité journalière de chômage (arrêt du Tribunal fédéral 8C_481/2010 du 15 février 2011 consid. 3.2).
Lorsque le salarié qui se trouve dans une position assimilable à celle d’un employeur quitte définitivement l’entreprise en raison de la fermeture de celle-ci, il n’y a pas de risque que les conditions posées par l’art. 31 al. 3 let. c LACI soient contournées. Il en va de même si l’entreprise continue d’exister, mais que l’assuré rompt définitivement tout lien avec elle après la résiliation des rapports de travail. Dans un cas comme dans l’autre, il peut en principe prétendre à des indemnités journalières de chômage.
Lorsque le salarié est membre d’un conseil d’administration ou associé d’une société à responsabilité limitée, l’inscription au registre du commerce constitue en règle générale le critère de délimitation décisif (ATF 122 V 270 consid. 3). La radiation de l’inscription permet d’admettre sans équivoque que l’assuré a quitté la société (arrêt du Tribunal fédéral C 211/06 du 29 août 2007 consid. 2.1 et 2.3 et les références). Autrement, en effet, la possibilité demeure que celui-ci réactive l’entreprise et se fasse réengager. En fait, il suffit qu’une continuité des activités soit possible pour que le droit doive être nié en raison d’un risque de contournement de la loi (cf. Boris RUBIN, Assurance-chômage, 2ème éd. 2006,
p. 131). Toutefois, si malgré le maintien de l’inscription au registre du commerce, l’assuré prouve qu’il ne possède effectivement plus ce pouvoir, il n’y a pas détournement de la loi (arrêt du Tribunal fédéral 8C_1016/2012 du 19 août 2013 consid. 4.3 et les arrêts cités).
6.
6.1 En l’espèce, il faut considérer, au vu de la jurisprudence précitée, que du 28 juillet au 24 octobre 2023, date de sa démission de son rôle d’administrateur, le recourant jouissait d’une position assimilable à celle d’un employeur. Quoi qu’en dise le recourant, il a bien concrètement été administrateur de la société, quand bien même son rôle était limité, et a même engagé la société en signant des documents. Tant qu’il n’avait pas démissionné de sa fonction d’administrateur, il persistait un risque qu’il continue des activités pour la société, ce qui suffit pour que le droit à l’indemnité de chômage soit nié. En conséquence, c’est à juste titre que l’intimée lui a refusé ce droit du 28 juillet au 24 octobre 2023.
6.2 L’intimée a réceptionné la demande d’indemnité du recourant le 14 août 2023 et le 22 août suivant, elle a requis de lui la production d’un extrait du registre du commerce mentionnant la date de radiation. Ce courrier permettait au recourant de comprendre que son rôle d’administrateur de la société l’excluait du droit à l’indemnité de chômage, étant encore précisé que nul n'est censé ignorer la loi et nul ne peut tirer des avantages de son ignorance du droit (ATF 124 V 215 consid. 2b/aa p. 220 et arrêt du Tribunal fédéral 9C_97/2009 du 14 octobre 2009 consid. 3.3). Or, ce n’est que le 25 octobre 2023, que le recourant a transmis le document demandé par l’intimée, de sorte qu’il ne peut se plaindre du fait que celle-ci aurait tardé dans la gestion de son dossier.
7. Infondé, le recours doit être rejeté.
La procédure est gratuite.
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. Le rejette.
3. Dit que la procédure est gratuite.
4. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Florence SCHMUTZ |
| La présidente
Catherine TAPPONNIER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le