Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/308/2024 du 02.05.2024 ( LAA ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/3111/2022 ATAS/308/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 2 mai 2024 8ème Chambre |
En la cause
A______
| recourant |
contre
SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS
| intimée |
A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______ 1978, est domicilié en France et était occupé chez B______, société de placement de personnel, dont le siège est à Genève. À ce titre, il était assuré auprès de la SUVA Caisse nationale suisse d'assurance en cas d’accidents (ci-après : SUVA).
b. Le 21 octobre 2021, il a subi un accident dans le cadre d'une mission temporaire sur un chantier. Selon la déclaration d’accident du 27 octobre 2021, de lourdes charges lui étaient tombées sur le dos et l’avant-bras.
c. Selon le rapport du 18 novembre 2021 du docteur C______, l’assuré était en incapacité totale de travailler depuis le jour de l’accident.
d. Les suites de l’accident ont été prises en charge par la SUVA.
e. Selon le rapport du 2 janvier 2022 du docteur D______, généraliste en France, l’assuré avait fait une chute avec une lourde charge et ressenti à la suite de cet évènement des douleurs lombaires à gauche, à l’épaule et à l'avant-bras. Il y avait des contractures lombaires bien palpables. Le diagnostic de ce médecin était contusion sur chute. Les douleurs persistaient. L’état n’était pas stabilisé et l’incapacité de travail perdurait. Il n’y avait pas de facteur étranger aux atteintes.
f. Par courrier du 21 février 2022, la SUVA a conseillé à l’assuré de s’annoncer à l’assurance-invalidité, afin de pouvoir bénéficier éventuellement de mesures d’ordre professionnel.
g. Selon la notice relative à l'entretien téléphonique du 7 mars 2022 entre l’assuré et la SUVA, l’assuré pouvait désormais marcher normalement lorsqu’il était à chaud, et n’avait pas de douleur particulière à la marche. Lorsqu’il se penchait en avant et qu’il se redressait, il ressentait des douleurs en bas du dos et au niveau de la nuque. Lors du port de charges, il souffrait également de douleurs sous forme de décharges électriques dans tout le dos. Il avait en outre mal à la nuque du côté droit, lorsqu’il tournait la tête. L’avant-bras allait mieux. Il a précisé enfin qu’il avait glissé en portant des charges.
h. Dans son appréciation médicale du 28 avril 2022, le docteur E______, chirurgien orthopédique FMH et médecin-conseil de la SUVA, a considéré que l’assuré présentait des altérations de type dégénératif sans lien avec l’accident, selon les bilans radiographiques qui confirmaient des discopathies et des anomalies de la colonne de type dégénératif. Partant, seule une décompensation passagère d’un état pathologique préalable, avec un retour à l’état antérieur trois mois après la date du sinistre annoncé, pouvait être acceptée. Il n’y avait pas de décompensation durable de l’état antérieur, en l’absence de fracture et d’autres anomalies durables.
i. Selon l’imagerie par résonance magnétique (ci-après : IRM) du rachis cervical du 2 mai 2022, l’assuré présentait une discarthrose mineure C3-C4 et C5-C6 sans protrusion herniaire ni conflit disco-radiculaire, et une discopathie plus prononcée à l’étage C6-C7 avec une protrusion herniaire qui comprimait le sac dural et déformait la moelle, sans anomalie du signal intra-médullaire de type myélopathie cervicarthrosique, mais pouvant expliquer les manifestations cliniques.
j. Dans le cadre d'un bilan après une chute avec traumatisme lombaire et de l’épaule droite, une IRM de cette dernière articulation a été effectuée le 12 mai 2022. Selon le rapport y relatif, cet examen mettait en évidence un hypersignal et œdème de l’appareil ligamentaire coraco-claviculaire, compatibles avec une atteinte partielle et donc une entorse de l’appareil ligamentaire, sans évidence d’atteinte de l’articulation acromio-claviculaire en elle-même. Il y avait également une hétérogénéité du tendon supra-épineux distal et du tendon infra-épineux distal et antérieur ouvrant le diagnostic différentiel d’une atteinte en rapport avec une tendinopathie ou une contusion tendineuse post-traumatique.
k. Le 12 mai 2022, un scanner du bassin a été également effectué, mentionnant comme indication « traumatisme de la colonne lombaire suite à une chute ». Le rapport y relatif a conclu à ce qu’il n’y avait pas d’évidence de contusion ou de fracture post-traumatique.
l. Selon l’appréciation du 23 mai 2022 du Dr E______, l’IRM du 2 mai 2022 confirmait les lésions dégénératives de la colonne cervicale.
m. Aux termes du rapport de consultation du 3 juin 2022 du docteur F______, neurochirurgien FMH, l’assuré a fait une chute en portant une poutrelle de 4 m. Dans les suites de l’accident, il se plaignait de douleurs cervicales et lombaires à caractère mécanique. Puis des douleurs à l’épaule droite étaient progressivement apparues. Ce médecin a conclu que la symptomatologie lombaire était certainement en relation avec l’insuffisance discale L5-S1 avec un caractère inflammatoire. Cette symptomatologie n’avait pas de lien direct avec la chute, mais était plutôt le résultat d’un état dégénératif progressif. Une prise en charge chirurgicale n’était pas justifiée. Aussi, ce médecin a encouragé l’assuré à entreprendre une gymnastique de renforcement musculaire.
n. Le 24 juin 2022, le Dr E______ s’est prononcé sur les IRMs du 12 mai 2022. Il a constaté qu’il n’y avait pas d’anomalie des ligaments acromio-claviculaires sur les images. Au demeurant, lors du premier bilan médical du mois d’octobre 2021, aucune anomalie au niveau de l’épaule n'avait été notée. Ce médecin ne pouvait adhérer à l'existence d'un lien de causalité pour le moins probable entre les anomalies constatées à l’épaule droite, en l’absence de signalement d’anomalie à l’épaule droite au moment de l’accident et de l’absence de certitude d’une anomalie traumatique sur le bilan radiographique réalisé en mai 2022, soit six mois après l’accident.
o. Le 30 juin 2022, la doctoresse G______, spécialiste en médecine interne générale, a prolongé l'incapacité de travail totale de l'assuré pour le mois de juillet 2022.
B. a. Par décision du 7 juillet 2022, la SUVA a informé l’assuré que l’état de santé tel qu’il aurait été sans l’accident pouvait être considéré comme atteint six mois après cet évènement au plus tard. Partant, elle allait clore le dossier au 17 juillet 2022 et mettre fin aux prestations d’assurance à la même date. Pour les frais de traitement, elle lui laissait le soin de s’annoncer auprès de l’assurance-maladie en France.
b. Selon le rapport du 4 août 2022 du docteur H______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil moteur, chirurgie de l’épaule et du coude, ainsi que médecin du sport, une IRM révélait des signes de tendinopathie de la coiffe et des stigmates d’entorse acromio-claviculaire. Il a posé les diagnostics d’une arthropathie acromio-claviculaire, possiblement post-traumatique, et d'une tendinopathie de la coiffe. Il avait proposé à l'assuré une infiltration cortisonée de l'articulation acromio-articulaire, ce que ce dernier n'avait toutefois pas accepté.
c. Le 5 août 2022, la Dresse G______ a attesté une incapacité de travail pour le mois d'août.
d. À la même date, l’assuré a formé opposition à la décision de la SUVA. Il a soutenu que les IRMs des lombaires et de l’épaule droite du 12 mai 2022 révélaient des éléments post-traumatiques.
e. Par décision du 17 août 2022, la SUVA a rejeté l’opposition de l’assuré, sur la base des appréciations de son médecin-conseil. Elle a par ailleurs relevé que le Dr H______ tenait seulement possible une arthropathie acromio-claviculaire post-traumatique. Or, la simple possibilité ne suffisait pas pour engager la responsabilité de la SUVA.
C. a. Par acte posté le 17 septembre 2022, l’assuré a interjeté recours contre cette décision, au motif qu’il n’avait pas pu reprendre une activité professionnelle depuis son accident en raison de son état de santé. Ses médecins attestaient par ailleurs que ses douleurs étaient possiblement dues à un choc post-traumatique.
b. Dans sa réponse du 5 octobre 2022, la SUVA a conclu au rejet du recours, tout en renvoyant à la décision sur opposition, en ce qui concerne les motifs.
c. Le 14 avril 2023, le recourant a fait l'objet d'une expertise orthopédique par le docteur I______, à la demande de l'assureur perte de gain de l'employeur. Celui-ci a mentionné, dans son rapport du 20 avril 2023, que l'accident était survenu, alors que le recourant portait une poutre en bois d'environ 40 kg de 4 m de long sur son épaule droite. En raison du sol glissant, il a fait une chute sur le côté gauche. L'expert a retenu les diagnostics de scapulalgies persistantes à l'épaule droite avec status après probable entorse acromio-claviculaire stade I et de tendinopathie sans déchirure du sous- et du sus-épineux, de lombalgies chroniques avec discopathie L5-S1 avec réaction sous-chondrale et de cervicalgies en rémission partielle avec discopathies pluriétagées de C3-C4 à C6-C7. L'examen par IRM de la colonne cervicale avait montré l'absence de lésion d'origine traumatique et la présence de discopathies. L'examen de l'épaule droite en mai 2022 avait montré les séquelles d'une probable entorse de grade I de l'articulation acromio-claviculaire et d'une tendinopathie. L'expert a par ailleurs constaté des signes de non organicité selon Waddell et des autolimitations. La capacité de travail dans l'activité habituelle n'était plus exigible depuis l'accident, mais elle était totale dans une activité adaptée. Les limitations fonctionnelles interdisaient des travaux impliquant de se pencher en avant ou de travailler en porte-à-faux et le port ou le soulèvement de charges de plus de 5 kg avec le membre supérieur droit. Il y avait également une restriction pour les mouvements au-delà de l'horizontale de l'épaule droite. Quant au traitement, l'expert a indiqué que l'infiltration de l'articulation acromio-claviculaire droite pouvait donner des résultats favorables et, en cas d'échec, une résection de l'extrémité distale de la clavicule.
d. Dans son rapport du 2 mai 2023, à la demande de la Cour de céans, la Dresse G______ a précisé que le recourant était en incapacité de travail totale jusqu'au 17 juillet 2022, date de la fin d'indemnisation par l'intimée, mais il était trop tôt d'envisager une reprise de travail à cette date comme ouvrier en bâtiment. N'ayant pas vu le recourant avant son accident, elle ne savait pas s'il avait souffert auparavant de douleurs cervicales et lombaires.
e. Dans son appréciation du 24 mai 2023, le Dr E______ a confirmé ses précédentes conclusions. L'IRM et le rapport du Dr F______ montraient qu'il n'y avait pas de lien avec l'accident en raison des discopathies observées. En ce qui concerne l'épaule droite, le médecin de l'intimée n'a pas retenu d'anomalie qui aurait pu être causée par l'accident et en a conclu qu'il y avait un état dégénératif préexistant avec une arthropathie. La modification temporaire de cet état pathologique ancien de l'épaule droite n'avait été modifié que temporairement, sans décompensation déterminante, en l'absence de fracture ou luxation.
f. Entendu en date du 6 juin 2023 par la Cour de céans, le recourant a déclaré ce qui suit:
« J'ai repris le travail dans le bâtiment en septembre 2022. Cependant, les douleurs au dos et aux cervicales, ainsi qu'à l'épaule ont repris rapidement, si bien que je suis de nouveau en arrêt de travail depuis le 17 novembre 2022. C'est l'assurance perte de gain de l'employeur qui m'indemnise. Je précise à cet égard que je n'ai pas pris d'assurance-maladie. J'avais un délai de trois mois pour choisir entre une assurance-maladie en Suisse ou en France. Cependant, j'ai choisi de ne pas m'assurer, la prime étant élevée et, pour l'assurance suisse, j'avais choisi auparavant une franchise de CHF 2'500.-. De ce fait, les frais médicaux sont actuellement à ma charge. Je suis actuellement toujours en incapacité de travail.
J'ai requis les prestations de l'assurance-invalidité en Suisse.
J'ai effectivement une formation dans la vente. Toutefois, on ne trouve pas toujours du travail dans ce domaine.
Je précise par ailleurs que les douleurs à l'épaule ont été provoquées par l'accident. Tout au plus, je peux admettre que les atteintes au dos et aux cervicales sont dues à une dégénérescence.
Je tiens à souligner également que le Dr E______ ne m'a jamais examiné. »
g. Dans son rapport du 27 juin 2023, le Dr H______ a diagnostiqué une arthropathie acromio-claviculaire possiblement post-traumatique et une tendinopathie de la coiffe.
h. Par écritures du 27 juin 2023, le recourant s'est plaint de ne pas avoir été suffisamment entendu lors de son audition et que le procès-verbal y relatif ne mentionnait pas tout ce qui avait été dit. Concernant son dos, il a considéré que c'était le jeu des assurances de faire passer des atteintes à ce niveau comme une maladie dégénérative après la quarantaine. L'intimée n'avait pas non plus pris en considération les rapports du Dr H______. Son état de santé ne s'était pas dégradé par magie du jour au lendemain.
i. Dans son rapport du 30 juin 2023, le Dr H______ a attesté que l'IRM de l'épaule droite montrait un hypersignal au niveau des ligaments coraco-claviculaires qui ne correspondait pas à des vaisseaux. Il s'agissait donc d'une séquelle de traumatisme sans déchirure ligamentaire. L'entorse acromio-claviculaire était donc post-traumatique.
j. Par ordonnance du 26 octobre 2023, la chambre de céans a mis en œuvre une expertise orthopédique concernant les atteintes à l'épaule droite et l'a confiée au docteur J______, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur.
k. Dans son expertise du 17 janvier 2024, l'expert a constaté une arthropathie acromio-claviculaire post-traumatique à droite avec une dyskinésie scapulo-humérale et une contracture musculaire du deltoïde. La capacité de travail était nulle dans l'activité habituelle, mais de 100% dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles en lien avec l'accident, à savoir l'absence de port de charges supérieures à 15 kg et de travail au-dessus de l'horizontale. Le recourant présentait en outre au moment de l'expertise une atteinte à l'intégrité de 10%. Des traitements médicaux étaient encore nécessaires pour améliorer sensiblement l'état de santé.
l. À la demande de l'intimée, le Dr I______ s'est prononcé sur les nouvelles pièces médicales du dossier. Dans son rapport du 18 mars 2024, il a admis que les scapulalgies persistantes à l'épaule droite étaient dans un rapport de causalité probable avec l'accident, mais non pas les lombalgies chroniques et les cervicalgies dont le statu quo sine était atteint trois mois après l'accident. Il n'a pas admis une atteinte à l'intégrité pour les scapulalgies. Le Dr I______ était en outre d'accord avec l'expert judiciaire en ce qui concerne la capacité de travail.
m. Par écritures du 5 avril 2024, l'intimée a conclu à l'admission du recours, à l'annulation de la décision sur opposition et au renvoi de la cause à l'intimée pour le versement des prestations d'assurance au-delà du 17 juillet 2022.
n. Selon le certificat du 25 mars 2024 du docteur K______, psychiatre-psychothérapeute FMH, le recourant était suivi par ce médecin suite à son accident et bénéficiait d'un traitement médicamenteux.
o. Par écriture du 10 avril 2024, le recourant a relevé qu'il y avait une faute de frappe dans le rapport d'expertise judiciaire concernant les limitations fonctionnelles dans le sens qu'il ne devait pas porter avec le bras droit des charges supérieures à 5 kg, au lieu de 15 kg. Il souffrait par ailleurs d'une dépression nécessitant un suivi chez un psychiatre, en raison du fait qu'il avait dû se battre pour rétablir la vérité. En plus des indemnités journalières et l'accès aux soins, il réclamait une indemnité pour tort moral et des dépens pour les frais engagés.
p. Par écriture du 22 avril 2024, le recourant s'est déterminé sur les écritures du 5 avril 2024 de l'intimée.
q. Sur ce, la cause a été gardée à juger.
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2. Interjeté dans les délai et forme prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
3. Est litigieuse en l’occurrence la question de savoir si le recourant peut bénéficier des prestations de l’assureur-accidents pour les atteintes au niveau de la colonne lombaire et cervicale, ainsi que de l’épaule droite, au-delà du 17 juillet 2022. La réponse à cette question dépend de celle de savoir si ces atteintes étaient à cette date encore dans un rapport de causalité avec l’accident du 21 octobre 2021.
4.
4.1 Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA; ATF 129 V 402 consid. 2.1, ATF 122 V 230 consid. 1 et les références).
4.2 La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1; ATF 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).
Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé: il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).
4.3 Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1, ATF 119 V 335 consid. 1 et ATF 118 V 286 consid. 1b et les références).
4.4 Le fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement «post hoc, ergo propter hoc»; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb; RAMA 1999 n° U 341 p. 408, consid. 3b). Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré.
4.5 Une fois que le lien de causalité naturelle a été établi au degré de la vraisemblance prépondérante, l’obligation de prester de l’assureur cesse lorsque l'accident ne constitue pas (plus) la cause naturelle et adéquate du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui serait survenu tôt ou tard même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine) (RAMA 1994 n° U 206 p. 328 consid. 3b; RAMA 1992 n° U 142 p. 75 consid. 4b).
4.6 Dans le cadre de lombalgies ou de lombosciatalgies sans constatation d’une aggravation radiologique, le statu quo est en principe retrouvé après 3 ou 4 mois, la symptomatologie étant alors à mettre sur le compte de l’âge (arrêt du Tribunal fédéral 8C_508/2008 du 22 octobre 2008 consid. 4.2).
S’agissant de l’aggravation d’un état antérieur dégénératif au niveau de la colonne vertébrale, sans lésions structurelles, le statu quo sine est dans la règle atteint après 6 ou 9 mois, mais au plus tard après un an (arrêt du Tribunal fédéral op. cit.).
5. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).
6.
6.1 En l'espèce, en ce qui concerne des douleurs au dos, le Dr E______ constate, dans ses rapports du 28 avril et 23 mai 2022, que le recourant présente des altérations de type dégénératif sans lien avec l’accident, selon les bilans radiographiques qui montrent uniquement des discopathies et des anomalies de la colonne de type dégénératif. Il admet dès lors seulement une décompensation passagère d’un état pathologique préalable, avec un retour à l’état antérieur trois mois après la date du sinistre annoncé et non une décompensation durable de l’état antérieur, en l’absence de fracture et d’autres anomalies durables.
Le rapport relatif au scanner du bassin effectué le 12 mai 2022 conclut à ce qu’il n’y a pas d’évidence de contusion ou de fracture post-traumatique.
Le Dr F______ conclut, dans son rapport du 3 juin 2022, que la symptomatologie lombaire est certainement en relation avec l’insuffisance discale L5-S1 avec un caractère inflammatoire et qu'elle n’a pas de lien direct avec la chute. Elle est plutôt le résultat d’un état dégénératif progressif.
Le Dr I______ relève, dans son expertise du 14 avril 2023, des lombalgies chroniques avec une discopathie L5-S1 associée à une réaction sous-chondrale, et des cervicalgies en rémission partielle avec discopathies pluriétagées de C3-C4 à C6-C7. L'examen par IRM de la colonne cervicale ne montre aucune lésion d'origine traumatique, mais met en évidence des discopathies. Les atteintes aux niveaux lombaire et cervical n'ont dès lors aucun lien avec l'accident. Le
Dr I______ le confirme dans son expertise sur dossier du 18 mars 2024. L'accident n'a ainsi aggravé que de façon temporaire un état dégénératif préexistant à la colonne lombaire et cervicale.
Il résulte de ces rapports que, de façon quasiment unanime, les médecins consultés admettent des atteintes dégénératives au niveau des lombaires et des cervicales. Or, comme exposé ci-dessus, il y a une présomption que l'état de santé antérieur est retrouvé après trois ou quatre mois en ce qui concerne les lombalgies, ou, en cas d'aggravation d'un état dégénératif au niveau de la colonne vertébrale, après six à neuf mois, au maximum une année.
Cela étant, les rapports médicaux ne permettent pas d'admettre un rapport de causalité entre les atteintes au niveau de la colonne vertébrale et l’accident au-delà du 17 juillet 2022, à savoir presque neuf mois après l’accident. Partant, l’intimée était en droit de mettre fin à ses prestations à cette date en ce qui concerne ces atteintes.
6.2 S'agissant des atteintes à l'épaule droite, l'intimée admet finalement une aggravation durable de l'état de santé du recourant, en lien avec l'accident. Cela est au demeurant confirmé par l'expertise judiciaire et le Dr I______, ainsi que le Dr H______.
Cela étant, la Cour de céans tient pour établi au degré de la vraisemblance prépondérante que les atteintes à l'épaule sont dans un rapport de causalité avec l'accident.
7. Selon l'expertise judiciaire, le statu quo ante vel sine n'a jamais été atteint concernant l'épaule droite. L'expert préconise une infiltration de cortisone et éventuellement une prise en charge chirurgicale consistant en une résection acromio-claviculaire. Pour la contracture au niveau du muscle deltoïde et la dyskinésie scapulo-thoracique, une physiothérapie est indiquée. Le retour au statu quo ante pourrait éventuellement être possible avec un traitement adéquat.
Les limitations fonctionnelles interdisent le port de charges lourdes (supérieures à 15 kg) et la mobilité du bras droit au-dessus l'horizontale, selon cette expertise. La capacité de travail est nulle dans l'activité habituelle, mais de 100% dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles.
Ces constatations sont confirmées par le Dr I______, dans son expertise du 18 mars 2024, sauf en ce que ce médecin estime que le port de charges doit être au maximal de 5 kg. Cela rend au demeurant plausible qu'une faute de frappe s'est glissé dans l'expertise du Dr J______, dans laquelle le port de charges supérieures à 15 kg est indiqué à titre de limitation fonctionnelle, comme le recourant le fait valoir.
8. Dans ses dernières écritures, le recourant semble également considérer que son état dépressif est en lien avec l'accident et réclamer la prise en charge du traitement psychiatrique. Toutefois, dans la mesure où ni la décision sur opposition ni le recours initial ne portent sur des prestations éventuellement dues pour des troubles psychiques, les conclusions du recourant y relatives excèdent l'objet du litige et sont dès lors irrecevables.
En effet, en procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent en principe être examinés et jugés que les rapports juridiques à propos desquels l'autorité administrative compétente s'est prononcée préalablement d'une manière qui la lie sous la forme d'une décision. Dans cette mesure, la décision détermine l’objet de la contestation qui peut être déféré en justice par la voie d'un recours. Le juge n'entre donc pas en matière, sauf exception, sur des conclusions qui vont au-delà de l’objet de la contestation (ATF 134 V 418 consid. 5.2.1 et les références).
9. Il en va de même en ce que le recourant demande une indemnité pour son préjudice moral dans ses dernières écritures. Cette conclusion est par conséquent également irrecevable.
10. Le recourant ne précise pas quelles prestations il réclame à l'intimée. Implicitement, il réclame toutefois des indemnités journalières, voire une rente, et la prise en charge des frais médicaux au-delà du 17 juillet 2022, ainsi qu'une indemnité pour atteinte à l'intégrité.
Cela étant, il convient de lui octroyer le droit aux indemnités journalières et à la prise en charge des frais médicaux au-delà de cette date en rapport avec les scapulalgies de l'épaule droite, conformément aux conclusions de l'intimée.
La cause sera par ailleurs renvoyée à l'intimée pour se prononcer sur le droit éventuel à une rente, après avoir procédé à une comparaison des revenus sans et avec invalidité, dans l'hypothèse où le recourant présente toujours une incapacité de travail totale dans son ancienne profession. L'intimée devra également se prononcer sur le droit à une indemnité pour une éventuelle atteinte à l'intégrité, après la fin des traitements médicaux auxquels le recourant devra encore se soumettre pour les scapulalgies à l'épaule droite.
11. Cela étant, le recours sera partiellement admis, la décision du 17 août 2022 annulée et le recourant mis au bénéfice des indemnités journalières et de la prise en charge des frais médicaux en rapport avec les atteintes à l'épaule droite, au sens des considérants. La cause sera par ailleurs renvoyée à l'intimée pour nouvelle décision sur la durée du droit aux indemnités journalières et à la prise en charge des frais médicaux pour lesdites atteintes, ainsi que le droit à une rente et à une indemnité pour atteinte à l'intégrité.
12. Le recourant demande enfin la condamnation de l'intimée au paiement de ses frais. Toutefois, dans la mesure où il n'est pas représenté par un avocat, il ne peut prétendre à des dépens, en application de l'art. 61 let. g LPGA. En effet, en l'absence d'un avocat, le recourant n'a droit au remboursement des frais que lorsqu'il s'agit d'un cas compliqué avec une valeur litigieuse élevée (KIESER, ATSG-Kommentar, 2020, ad art. 61 ch. 2017). Ces conditions ne sont pas remplies en l'espèce.
13. La procédure est gratuite.
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L'admet partiellement.
3. Annule la décision du 17 août 2022.
4. Octroie au recourant le droit aux indemnités journalières et à la prise en charge des frais médicaux en rapport avec les atteintes à l'épaule droite au-delà du 17 juillet 2022, au sens des considérants.
5. Renvoie la cause à l'intimée pour nouvelle décision sur la durée du droit aux indemnités journalières et à la prise en charge des frais médicaux en lien avec lesdites atteintes, ainsi que le droit à une rente et à une indemnité pour atteinte à l'intégrité.
6. Dit que la procédure est gratuite.
7. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Pascale HUGI |
| La présidente suppléante
F______a CRAMER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le