Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1915/2023

ATAS/275/2024 du 25.04.2024 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1915/2023 ATAS/275/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 25 avril 2024

Chambre 5

 

En la cause

A______

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né en ______ 1992, a été victime d’un accident sur la voie publique en date du 22 mai 2010. Il a subi, notamment, un traumatisme thoracique, des contusions pulmonaires, des fractures des côtes et une rupture complète de la rate ; il a dû être amputé de l’avant-bras gauche, suite à une infection, en date du 17 juin 2010.

b. Par décision du 6 octobre 2011, l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé) a reconnu à l’assuré le droit à une allocation pour impotent (ci‑après : API) de degré faible, à compter du 1er mai 2011. La décision était motivée par la constatation que l’assuré avait besoin d’une aide importante et régulière pour accomplir trois actes de la vie quotidienne en raison, notamment, de l’amputation de son avant-bras gauche.

c. En date du 31 mars 2014, l’assuré a sollicité les prestations de l’assurance-invalidité pour adultes ; par décision du 1er avril 2014, l’OAI a reconnu son invalidité à 100%, à compter du 1er mai 2011, et une rente entière extraordinaire lui a été allouée, par décision du 14 août 2014, avec effet rétroactif au 1er mai 2011.

d. Par communication du 9 août 2018, l’OAI a informé l’assuré qu’après avoir examiné son degré d’invalidité et constaté qu’il n’avait pas changé au point d’influencer son droit à la rente, il continuait donc de bénéficier de la même rente que jusqu’à ce jour, avec le même degré d’invalidité de 100%.

e. Par formulaire médical concernant la révision de l’allocation pour impotent complété le 17 septembre 2018, l’assuré a confirmé à l’OAI qu’il n’avait plus besoin de l’aide régulière importante d’autrui pour accomplir les six actes ordinaires de la vie quotidienne, pas plus qu’il n’avait besoin de soins permanents ou d’une surveillance personnelle.

f. Suite à une enquête à domicile concernant l’API, l’infirmière spécialisée mandatée par l’OAI a confirmé, dans son questionnaire médical du 28 novembre 2018, que l’assuré n’avait désormais besoin d’aide que pour l’acte quotidien de faire sa toilette (se laver et se doucher). Dès lors que le besoin d’une aide régulière importante n’était nécessaire que pour un acte ordinaire de la vie, elle recommandait la suppression de l’API.

g. Par courrier du 19 mars 2019, adressé à la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la CCGC), mentionnant comme objet « Allocation pour impotent AI », l’OAI a informé cette dernière que le lieu de séjour de la personne assurée avait changé et lui a demandé de calculer la prestation en espèces, d’établir la décision, de l’expédier et de lui en envoyer une copie. Sous le titre « Modification du droit », il était mentionné que, dès le 1er mai 2019, l’API s’éteignait et qu’il fallait « le cas échéant, réclamer la restitution des montants payés en trop ».

h. Par projet de décision du 1er février 2019, l’OAI a informé l’assuré de son intention de supprimer l’API « à la fin du mois qui suivait la date de décision (30 avril 2019) » dès lors que suite à l’enquête faite à son domicile, il était admis qu’il n’avait besoin d’une aide régulière importante que pour un acte ordinaire de la vie.

i. Par décision du 19 mars 2019, l’OAI a constaté que son projet de décision du 1er février 2019 n’avait pas été contesté par l’assuré et a confirmé la suppression de l’API, dès après le 30 avril 2019. Il était mentionné qu’un recours contre la décision n’aurait pas d’effet suspensif.

j. En dépit de cette décision, l’API a continué à être versée à l’assuré par la CCGC, après le 30 avril 2019.

B. a. Par décision datée du 26 mai 2023 et intitulée « Allocation pour impotent de l’AVS/AI : Décision de suppression », l’OAI a informé l’assuré que conformément à son « prononcé du 19 mars 2019 », son droit à l’API était supprimé au 30 avril 2019. Il était indiqué qu’un recours était ouvert contre la présente décision auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) dans les 30 jours dès sa notification. Il était précisé qu’à l’échéance du délai de recours, la décision entrerait en force.

b. Par décision de la CCGC, également datée du 26 mai 2023 et intitulée « Allocation pour impotent de l’AVS/AI : Décision de restitution », l’assuré était informé qu’il devait restituer les prestations trop perçues ou indûment touchées qui s’élevaient, pour la période allant du 1er mai 2019 au 31 mai 2023, à CHF 23'402.-. Il était précisé qu’à l’échéance du délai de recours, la décision entrerait en force et que l’assuré avait la possibilité de demander une remise de l’obligation de restitution, dans les 30 jours après l’entrée en force de la présente décision.

C. a. Par courrier posté le 7 juin 2023, intitulé « allocation pour impotent » et adressé à la chambre de céans, l’assuré a accusé réception « de votre lettre du 26 mai 2023 » mentionnant qu’il n’avait pas reçu la décision du 19 mars 2019 mais seulement le projet de décision du 1er février 2019. Il demandait que la décision de lui « supprimer la rente » soit reconsidérée car il s’agissait d’une source d’aide financière et morale ; il se plaignait du fait qu’avec « juste un bras », il ne pouvait pas se faire à manger, ni se laver correctement, ni repasser, ni étendre le linge, ni effectuer les tâches usuelles de la vie courante, pour ce qui était du nettoyage du domicile.

b. Par réponse du 3 juillet 2023, l’OAI a déclaré donner « suite au recours » que l’assuré avait interjeté le 6 juin 2023 ; l’OAI précisait que l’action du recourant était dirigée contre la décision de suppression que la CCGC avait établie le 26 mai 2023, au nom et pour le compte de l’OAI. La réponse reprenait ensuite la chronologie des différents actes et concluait que la décision de suppression notifiée le 26 mai 2023 était « nulle et non avenue » dans la mesure où l’assuré s’était déjà vu notifier une décision le 19 mars 2019, portant extinction de son droit à une API et qu’on ne pouvait pas rendre deux décisions, de même nature, sur le même objet. Selon l’OAI, c’était contre la décision du 19 mars 2019 que l’assuré aurait dû « s’opposer » (recte : faire recours) et à ce stade, il pouvait tout au plus solliciter la remise de son obligation de restituer s’il croyait avoir perçu de bonne foi les sommes réclamées. Enfin, l’OAI estimait que, dès lors que la décision attaquée du 26 mai 2023 portant suppression de l’API était nulle et non avenue, à défaut d’être sans objet, le recours de l’assuré ne pouvait « porter que sur le principe même de la restitution ».

c. Par courrier du 4 juillet 2023, l’OAI a complété sa réponse en mentionnant qu’en date du 23 mai 2023, l’OAI avait été interpellé sur le fait que le versement de l’API perdurait malgré la décision de suppression rendue en 2019, raison pour laquelle il avait sollicité la CCGC pour mettre fin au versement et réclamer la restitution du trop-perçu. L’OAI joignait, en annexe, une note de son service juridique, datée du 3 juillet 2023, selon laquelle la décision du 19 mars 2019 avait été envoyée à l’assuré sous pli recommandé et n’avait pas été retournée par la Poste, de sorte qu’elle avait été valablement notifiée et était entrée en force, ainsi qu’une photocopie de l’enveloppe portant la mention et le numéro de recommandé ainsi que le nom et l’adresse de l’assuré, qui apparaissaient à travers la fenêtre transparente de l’enveloppe et montraient qu’un pli recommandé destiné à l’assuré était contenu dans ladite enveloppe.

d. Invité à répliquer par la chambre de céans, le recourant a répondu par courrier du 21 juillet 2023 qu’il prenait note que dès lors qu’il n’avait pas contesté la décision du 19 mars 2019, il ne pouvait plus revenir sur la décision prise à l’époque, mais qu’il était difficile de gérer son budget, d’une part, en raison de la suppression de l’API et d’autre part, en raison du remboursement qui lui était réclamé, raison pour laquelle il demandait qu’il soit renoncé à ce qu’il rembourse les montants correspondant à l’API perçue depuis 2019. Il demandait également pour quelles raisons il n’était pas bénéficiaire d’une rente invalidité à 100% car ce qu’il percevait ne correspondait pas à une rente complète.

e. Par duplique du 15 août 2023, l’OAI s’est déterminé en considérant que les questions portant sur le montant de la rente d’invalidité perçue par le recourant ne faisaient pas l’objet du présent litige, raison pour laquelle il persistait dans ses conclusions telles que prises dans ses écritures du 4 juillet 2023 et dans celles de la CCGC du 3 juillet 2023.

f. Par courrier du 24 août 2023, la chambre de céans a demandé à l’OAI de lui fournir le « track and trace » établi par la Poste, concernant la notification de la décision du 19 mars, postée en recommandé le 20 mars 2019.

g. Par courrier du 5 septembre 2023, l’OAI a répondu que le « track and trace » de la décision du 19 mars, postée sous pli recommandé le 20 mars 2019 (no recommandé 98.32 113948.10242791), n’était plus disponible auprès de la Poste en raison du fait que la Poste limitait les résultats de ses recherches à 365 jours suivant l’envoi, ce qui était confirmé dans une note téléphonique jointe en annexe et datée du 29 août 2023 par laquelle le service logistique de l’OAI confirmait ce qui précédait, après avoir téléphoné au « Contact Center » de la Poste.

h. Par courrier du 21 mars 2024, la chambre de céans a attiré l’attention des parties sur le délai écoulé entre la décision de fin de versement de l'API du 19 mars 2019 et la décision de restitution du 26 mai 2023 et leur a demandé de se déterminer sur les conséquences d’une éventuelle péremption de l'API.

i. Par courrier du 8 avril 2024, l’OAI s’est déterminé en précisant qu’après examen de la situation, il estimait ne pouvoir réclamer la restitution de l'API « que pour les trois années précédant la décision de restitution du 26 mai 2023, soit dès le 1er mai 2020 ».

j. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

k. Les autres faits et pièces seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

3.             Le recours a été interjeté dans la forme prévue par la loi. Néanmoins, sa recevabilité sera examinée plus en détail ci-après.

4.             À titre préalable, il convient de rappeler que le recours vise deux décisions : en premier lieu, une décision de l’OAI de suppression de l’API, datée du 26 mai 2023, et en second lieu, une décision de demande de restitution de l'API prise par la CCGC mais pour le compte de l’OAI, datée également du 26 mai 2023.

5.             S’agissant de la première décision de suppression de l’API, elle a été déclarée nulle et non avenue par l’OAI, dans le cadre de sa réponse au recours.

5.1 Le recours au tribunal cantonal des assurances selon les art. 56 ss LPGA est un moyen de droit ordinaire ; il a un effet dévolutif. Dès le dépôt du recours, l’administration perd ainsi la maîtrise sur l’objet du litige, qui passe au tribunal (ATF 136 V 2 consid. 2.5 ; ATF 130 V 138 consid. 4.2), ce dont il découle notamment en principe qu’elle n’a plus, dès ce moment, la faculté de procéder à des mesures d’instruction nouvelles ou complémentaires (ATF 127 V 228 consid. 2b/aa ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_923/2018 du 6 mai 2019 consid. 3.2), sauf néanmoins des mesures d’instructions simples et ponctuelles (ATF 127 V 228 consid. 2b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_403/2010 du 31 décembre 2010 consid. 3.2 ; Margit MOSER-SZELESS, in Commentaire romand, LPGA, 2018, n. 103 ad art. 53 LPGA ; Jean MÉTRAL, in Commentaire romand, LPGA, 2018, n. 56 ad art. 56 LPGA). Si le tribunal entre en matière et statue sur le fond, son jugement remplace la décision administrative et, en cas de recours, constitue l’objet de la contestation devant le Tribunal fédéral (ATF 111 V 58 consid. 1 ; Jean MÉTRAL, op. cit., n. 53 ad art. 56 LPGA).

La portée de l’effet dévolutif est atténuée par l’art. 53 al. 3 LPGA – en vertu duquel, jusqu’à l’envoi de son préavis à l’autorité de recours, l’assureur peut reconsidérer une décision ou une décision sur opposition contre laquelle un recours a été formé – (ATF 136 V 2 consid. 2.5), possibilité dont l’idée à l’origine est la simplification de la procédure (économie de procédure) et qui déroge aux conditions strictes d’une reconsidération au sens de l’art. 53 al. 2 LPGA
(ATF 127 V 228 consid. 2b/bb ; Margit MOSER-SZELESS, op. cit., n. 103 et 104 ad art. 53 LPGA).

Dans le cadre de l’art. 53 al. 3 LPGA, l’autorité peut revoir librement sa décision, en faveur du recourant, sans être liée par les conditions restrictives de la reconsidération d’une décision entrée en force (cf. art. 53 al. 2 LPGA). Si la nouvelle décision rendue pendente lite fait entièrement droit aux conclusions du recourant, le recours devient sans objet et la cause doit être radiée du rôle, la décision y afférente de l’autorité de recours devant au surplus statuer sur les frais et dépens en tenant compte de l’intervention des deux parties. Dans le cas contraire, la procédure se poursuit à propos de ce qui reste litigieux, sans qu’il soit nécessaire de recourir contre la nouvelle décision (ATF 127 V 228 consid. 2b/bb ;
ATF 113 V 237 ; ATF 107 V 250 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_22/2019 du 7 mai 2019 consid. 3.1, 8C_1036/2012 précité consid. 3.3 et 8C_18/2009 du 31 juillet 2009 consid. 3 ; ATAS/173/2021 précité consid. 7b ; Thomas FLÜCKIGER, in Basler Kommentar, 2020, n. 102 ad art. 53 LPGA ; Jean MÉTRAL, op. cit., n. 54 ad art. 56 LPGA ; Margit MOSER-SZELESS, op. cit., n. 106 ad art. 53 LPGA ; en cas de reformatio in peius [art. 61 let. d LPGA], cf. Thomas FLÜCKIGER, op. cit., n. 104 ad art. 53 LPGA ; Ueli KIESER, op. cit., n. 90 ad art. 53 LPGA ; Jean MÉTRAL, op. cit., n. 55 ad art. 56 LPGA).

Partant, la chambre de céans est liée par la réponse de l’OAI visant à constater la nullité de la décision de suppression de l’API, étant précisé qu’on ne peut rendre deux décisions de même nature, sur le même objet et qu’une décision antérieure, soit celle du 19 mars 2019, a déjà été rendue, concernant le même objet et les mêmes parties.

Pour admettre une telle nullité, il est toutefois nécessaire de s’assurer que la première décision, soit celle du 19 mars 2019, a bien été notifiée au recourant.

5.2 Le principe inquisitoire, qui régit la procédure dans le domaine de l'assurance sociale (cf. art. 43 al. 1 et 61 let. c LPGA), exclut que la charge de l'apport de la preuve (« Beweisführungslast ») incombe aux parties, puisqu'il revient à l'administration, respectivement au juge, de réunir les preuves pour établir les faits pertinents. Dans le procès en matière d'assurances sociales, les parties ne supportent en règle générale le fardeau de la preuve que dans la mesure où la partie qui voulait déduire des droits de faits qui n'ont pas pu être prouvés en supporte l'échec. Cette règle de preuve ne s'applique toutefois que s'il n'est pas possible, dans les limites du principe inquisitoire, d'établir sur la base d'une appréciation des preuves un état de fait qui correspond, au degré de la vraisemblance prépondérante, à la réalité (ATF 128 V 218 consid. 6 ; ATF 117 V 261 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_632/2012 du 10 janvier 2013 consid. 6.2.1), étant précisé que le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération (ATF 139 V 176 consid. 5.3 et les références). Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

5.3 En l’espèce, le recourant ne conteste pas formellement, dans ses écritures, avoir reçu la décision du 19 mars 2019 ; il allègue se souvenir du projet de décision mais déclare, néanmoins, ne pas se souvenir de la décision.

Étant précisé que la décision reprend intégralement le contenu du projet de décision.

En l’absence de suivi « track and trace » de la Poste, il faut se fonder sur des indices afin d’établir si la décision a bien été reçue par l’assuré.

L’intimé a gardé au dossier une copie de l’enveloppe fermée contenant la décision ; la fenêtre transparente de l’enveloppe qui apparait sur la photocopie permet de voir qu’elle contenait un pli recommandé adressé au recourant, à son adresse de l’époque. La copie montre également que l’enveloppe est munie d’un numéro de référence de recommandé.

Une note du service logistique de l’OAI explique la raison pour laquelle la Poste n’a pas été en mesure de répondre à la demande de suivi de l’envoi, le délai de 365 jours étant dépassé.

Il est établi et admis par le recourant qu’un projet de décision a été rendu en date du 1er février 2019 et qu’il n’a pas été contesté ; il est de plus usuel en matière d’assurance-invalidité qu’en l’absence de contestation du projet de décision, l’OAI rende une décision à bref délai. Dans le cas présent, le délai écoulé entre le projet de décision du 1er février et la décision du 19 mars 2019 est conforme à la pratique de l’OAI.

Compte tenu des éléments susmentionnés, la chambre de céans considère qu’il est établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que la décision du 19 mars 2019 a été valablement notifiée au recourant et qu’elle est entrée en force. Il s’agit donc de deux décisions identiques ; or, une deuxième notification d’une décision (soit celle du 26 mai 2023) est en principe privée d’effet si la première (soit celle du 19 mars 2019) a été faite régulièrement (ATF 119 V 89 consid. 4b ; ATA/743/2003 du 7 octobre 2003 ; P. MOOR, Droit administratif, vol II, 3ème éd., p. 353).

Dans la mesure où on ne peut rendre deux décisions de même nature sur le même objet et qu’une décision antérieure, soit celle du 19 mars 2019, a déjà été rendue, concernant le même objet et les mêmes parties, la chambre de céans constate que la décision de l’OAI de suppression de l’API, datée du 26 mai 2023, est nulle.

5.4 Il résulte de ce qui précède que le premier grief du recourant, concernant l’objet de la décision, non pas du 26 mai 2023, mais du 19 mars 2019, soit que les conditions de la suppression de l’API ne sont pas réunies, est tardif. Étant encore précisé que le recourant n’allègue pas de justes motifs permettant une restitution éventuelle du délai de recours.

Ce premier volet du recours sera donc déclaré irrecevable pour tardiveté.

6.             Compte tenu de ce qui précède et comme allégué par l’intimé, l’objet du litige se réduit à la contestation de la décision de demande de remboursement du trop- perçu, datée du 26 mai 2023, prise par la CCGC au nom de l’OAI et correspondant au montant total de l'API versée à l’assuré, après la décision de suppression de cette dernière.

7.             En l’espèce, il sied tout d’abord de préciser qu’il n’est à aucun moment mentionné dans la décision de l’OAI du 19 mars 2019 que l’éventuel trop-perçu doit être restitué.

Par conséquent, et à teneur des pièces du dossier, ce n’est que dans la décision de la CCGC du 26 mai 2023 que l’assuré a été informé, pour la première fois, de son obligation de restituer les montants de l'API versés après le 30 avril 2019.

7.1 Selon l’art. 25 al. 1 1re phr. LPGA, les prestations indûment touchées doivent être restituées. Selon la jurisprudence, il faut pour cela que les conditions d'une révision procédurale (art. 53 al. 1 LPGA) ou d'une reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA) de la décision initiale soient remplies (ATF 130 V 380 consid. 2.3.1, ATF 130 V 318 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_469/2013 du 24 février 2014 consid. 2, non publié à l’ATF 140 V 70, mais in : SVR 2014 UV n° 14 p. 44 ; dans les deux cas avec références).

En vertu de l’art. 53 LPGA, les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision si l’assuré ou l’assureur découvrent subséquemment des faits nouveaux importants ou trouvent des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits auparavant (al. 1). L’assureur peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force lorsqu’elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable (al. 2).

7.2 La suppression ou la réduction d’une rente d’invalidité de l’assurance-accidents intervient avec effet rétroactif (« ex tunc ») et les mensualités perçues ainsi indûment doivent être restituées même s'il n'y a pas eu violation de l'obligation d'annoncer (ATF 142 V 259 consid. 3.2 ; voir également PETREMAND in Commentaire de la LPGA, 2018, n° 47 et 49 ad art. 25).

7.3 En vertu de l'art. 25 al. 2 1ère phr. LPGA (dans sa teneur en vigueur à compter du 1er janvier 2021), le droit de demander la restitution s'éteint trois ans après le moment où l'institution d’assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation.

Jusqu’au 31 décembre 2020, l’art. 25 al. 2 1ère phr. aLPGA prévoyait que le droit de demander la restitution s’éteignait un an après le moment où l’institution d’assurance avait eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation.

L’application du nouveau délai de péremption aux créances déjà nées et devenues exigibles sous l’empire de l’ancien droit est admise, dans la mesure où la péremption était déjà prévue sous l’ancien droit et que les créances ne sont pas encore périmées au moment de l’entrée en vigueur du nouveau droit. Si, au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle disposition, le délai de péremption relatif ou absolu en vertu de l’art. 25 al. 2 aLPGA a déjà expiré et que la créance est déjà périmée, celle-ci reste périmée (OFAS, Lettre circulaire AI n° 406, du 22 décembre 2020, modifiée le 31 mars 2021 et les références).

Les délais de l’art. 25 al. 2 LPGA sont des délais (relatif et absolu) de péremption, qui doivent être examinés d'office (ATF 133 V 579 consid. 4 ; ATF 128 V 10 consid. 1).

7.4 Le délai de péremption relatif d'une année (de trois ans depuis le 1er janvier 2021) commence à courir dès le moment où l'administration aurait dû connaître les faits fondant l'obligation de restituer, en faisant preuve de l'attention que l'on pouvait raisonnablement exiger d'elle (ATF 122 V 270 consid. 5a). L'administration doit disposer de tous les éléments qui sont décisifs dans le cas concret et dont la connaissance fonde - quant à son principe et à son étendue - la créance en restitution à l'encontre de la personne tenue à restitution (ATF 111 V 14 consid. 3). Si l'administration dispose d'indices laissant supposer l'existence d'une créance en restitution, mais que les éléments disponibles ne suffisent pas encore à en établir le bien-fondé, elle doit procéder, dans un délai raisonnable, aux investigations nécessaires (ATF 133 V 579 consid. 5.1 non publié). À titre d'exemple, le Tribunal fédéral a considéré dans le cas de la modification des bases de calcul d'une rente par une caisse de compensation à la suite d'un divorce qu'un délai d'un mois pour rassembler les comptes individuels de l'épouse était largement suffisant (SVR 2004 IV N°41, consid. 4.3).

À défaut de mise en œuvre des investigations, le début du délai de péremption doit être fixé au moment où l’administration aurait été en mesure de rendre une décision de restitution si elle avait fait preuve de l'attention que l'on pouvait raisonnablement exiger d'elle. Dans tous les cas, le délai de péremption commence à courir immédiatement s'il s'avère que les prestations en question étaient clairement indues (ATF 133 V 579 consid. 5.1 non publié).

Contrairement à la prescription, la péremption prévue à l’art. 25 al. 2 LPGA ne peut être ni suspendue ni interrompue et lorsque s’accomplit l’acte conservatoire que prescrit la loi, comme la prise d’une décision, le délai se trouve sauvegardé une fois pour toutes (arrêt du Tribunal fédéral C 271/04 du 21 mars 2006 consid. 2.5).

Lorsque la restitution est imputable à une faute de l’administration, on ne saurait considérer comme point de départ du délai le moment où la faute a été commise, mais bien celui auquel l’administration aurait dû, dans un deuxième temps (par exemple à l’occasion d’un contrôle comptable), se rendre compte de son erreur en faisant preuve de l’attention requise (ATF 124 V 380 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral C 80/05 du 3 février 2006). Le délai de péremption d'une année commence à courir dans tous les cas aussitôt qu'il s'avère que les prestations en question étaient indues (ATF 133 V 579 consid. 5.1). Cette jurisprudence vise un double but, à savoir obliger l'administration à faire preuve de diligence, d'une part, et protéger l'assuré au cas où celle-ci manquerait à ce devoir de diligence, d'autre part (ATF 124 V 380 consid. 1).

7.5 En l’espèce, il est établi que la décision de l’OAI du 19 mars 2019 a clairement confirmé la suppression de l’API, dès après le 30 avril 2019 et ceci nonobstant recours.

Par conséquent, dès après le 30 avril 2019, l’assuré n’avait plus droit au versement de l’API. L’OAI a d’ailleurs informé la CCGC, par courrier du 19 mars 2019, que dès le 1er mai 2019, le droit de l’assuré à l’API s’éteignait et qu’il fallait « le cas échéant, réclamer la restitution des montants payés en trop ».

La CCGC n’a pas réagi à ces instructions et a continué à verser mensuellement l'API au recourant.

Compte tenu des directives claires données par l’OAI à la CCGC, cette dernière était informée, dès le 19 mars 2019, de la cessation de paiement de l’API et de la nécessité, le cas échéant, de réclamer à l’assuré la restitution du trop-perçu.

7.6 C’est donc à partir du 19 mars 2019 que la CCGC connaissait clairement les faits fondant l'obligation de restituer, dès lors qu’elle devait exécuter l’instruction donnée par l’OAI de stopper les versements et d’exiger, cas échéant, la restitution de prestations. La CCGC disposait de tous les éléments qui sont décisifs dans le cas concret et dont la connaissance fondait - quant à son principe et à son étendue - la créance en restitution à l'encontre de la personne tenue à restitution (ATF 111 V 14 consid. 3).

Or, ce n’est que par courrier daté du 26 mai 2023 et intitulé « Allocation pour impotent de l’AVS/AI : Décision de restitution » que la CCGC s’est adressée à l’assuré pour lui demander la restitution des montants de l'API versés par erreur depuis le 1er mai 2019.

Compte tenu du délai de péremption relatif de trois ans de l’art. 25 al. 2 LPGA, et comme le reconnait l’OAI dans son courrier du 8 avril 2024, la restitution des montants indus ne peut être demandée que pour les trois années précédant la décision de restitution du 26 mai 2023.

7.7 Compte tenu de ce qui précède, c’est à tort que la CCGC a demandé à l’assuré, dans sa décision querellée du 26 mai 2023, le remboursement de l’intégralité des montants de l'API versés à tort, pour la période allant du 1er mai 2019 au 31 mai 2023, sans tenir compte de l’art. 25 al. 2 LPGA. En effet, les prestations périodiques versées avant le 26 mai 2020 sont couvertes par la péremption relative de l’art. 25 al. 2 LPGA et leur restitution ne peut être requise par l’OAI.

8. À l’aune de ce qui précède, le recours est partiellement admis, la décision de restitution de l'API du 23 mai 2023 est annulée et la cause est renvoyée à l’OAI pour nouveau calcul des montants devant être remboursés par l’assuré, soit les montants de l'API perçus indument du 26 mai 2020 jusqu’au 31 mai 2023, et nouvelle décision de restitution.

9. Le recourant, qui obtient partiellement gain de cause, mais qui n'est pas représenté en justice et qui n'a pas allégué ou démontré avoir déployé des efforts dépassant la mesure de ce que tout un chacun consacre à la gestion courante de ses affaires, n'a pas droit à des dépens.

10.         Étant donné que, depuis le 1er juillet 2006, la procédure n'est plus gratuite (art. 69 al. 1bis LAI), au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.-.

 

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Constate la nullité de la décision de suppression de l'allocation pour impotent du 26 mai 2023 et déclare le recours contre la décision de suppression du 19 mars 2019 irrecevable, car tardif.

2.        Déclare le recours contre la décision de restitution de l'allocation pour impotent du 26 mai 2023 recevable.

Au fond :

3.        Admet partiellement le recours.

4.        Annule la décision de restitution de l'allocation pour impotent du 26 mai 2023.

5.        Renvoie la cause à l’intimé pour nouvelle décision au sens des considérants.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le