Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/979/2023 du 12.12.2023 ( PC ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
rÉpublique et | 1.1 canton de genÈve![endif]>![if> | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/4155/2022 ATAS/979/2023 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 12 décembre 2023 Chambre 15 |
En la cause
A______
| recourante |
contre
SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES
| intimé |
A. a. Madame A______ (ci-après : l’intéressée ou la recourante), née en 1975, est au bénéfice de prestations complémentaires depuis 2011.![endif]>![if>
b. Par décision du 7 juillet 2021, le service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) a indiqué à l’assurée avoir appris son départ de Genève et devoir dès lors interrompre le versement des prestations complémentaires dès le 31 juillet 2021. ![endif]>![if>
c. L’opposition de l’intéressée a été considérée irrecevable par le SPC par décision du 4 novembre 2021. ![endif]>![if>
d. Sur recours de l’intéressée, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre de céans) a jugé que les conditions de la restitution de délai étaient remplies, de sorte qu’elle a admis le recours et renvoyé le dossier au SPC pour nouvelle décision. ![endif]>![if>
B. a. Par décision du 28 octobre 2022, le SPC a statué sur le fond de l’opposition formée par l’intéressée contre l’arrêt de ses prestations complémentaires au 31 juillet 2021. Il a rejeté l’opposition au motif que l’intéressée était restée plus de trois mois hors de Suisse, soit du mois de juin à la fin du mois d’octobre 2021, sans en avoir informé le SPC. Dès le 1er janvier 2022 (recte : 1er novembre 2021), le SPC avait repris le versement des prestations. ![endif]>![if>
b. Par acte du 7 décembre 2022, l’intéressée a saisi la chambre de céans d’un recours contre cette nouvelle décision en concluant, frais à charge de l’État et indemnité de procédure en sa faveur, à son annulation, au constat du caractère exécutoire de la décision du 10 novembre 2021 par laquelle le SPC a décidé la reprise du versement des prestations dès le 1er novembre 2021, et à l’allocation de prestations complémentaires du 1er août 2021 au 31 octobre 2021, plus subsidiairement du 1er au 31 août 2021. L’intéressée s’était rendue en Éthiopie le 11 juin 2021 (arrivée sur place le 12 juin 2021), avec l’intention d’y rester 6 jours selon les écritures de son conseil. Une heure avant son vol, elle avait perdu ou s’était fait voler son permis C dans l’aéroport de Genève et avait aussitôt porté plainte. Le 14 juin 2021, elle avait pris contact avec l’Ambassade suisse pour l’informer de ce fait et pour demander un document lui permettant de rentrer en Suisse. Après plusieurs relances à l’attention de l’Ambassade et de l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM), l’intéressée avait été informée, le 31 août 2021, que l’OCPM validait son visa de retour. Le 23 septembre suivant, l’intéressée a reçu l’information qu’elle pouvait recevoir le visa de retour. Elle avait ensuite pris le premier vol que ses moyens lui permettaient de payer et était ainsi arrivée à Genève le 22 octobre 2021. À son arrivée, elle avait trouvé la décision du SPC lui indiquant que les prestations complémentaires étaient interrompues dès le 31 juillet 2021. Elle s’y était opposée. L’intéressée avait reçu par la suite une décision datée du 10 novembre 2021, par laquelle le SPC indiquait reprendre le versement des prestations avec effet au 1er novembre 2021. Elle n’a pas contesté cette décision. Dans la décision sur opposition du 28 octobre 2022, le SPC a mentionné avoir interrompu le versement dès le 31 juillet 2021 et l’avoir repris dès le 1er janvier 2022 et non le 1er novembre 2021, de sorte que l’intéressée, qui n’avait pas contesté la décision de reprise des prestations, souhaitait qu’il soit constaté que cette décision était exécutoire. Elle contestait avoir quitté de manière définitive la Suisse pour plus de trois mois et s’être créée un domicile en Éthiopie de juin à octobre 2021. S’il y avait une présomption d’interruption de résidence habituelle en Suisse lors d’un séjour de plus de trois mois, celle-ci devait être réfutée en l’espèce puisque l’intéressée avait été empêchée pour des motifs importants de rentrer en Suisse. Et même dans l’hypothèse d’une interruption présumée, ce n’était qu’à partir du 91ème jour à l’étranger que les prestations devaient être interrompues, soit le 11 septembre 2021, de sorte que l’intéressée devait pouvoir percevoir des prestations jusqu’au 31 août 2021. Dans ce cas, seules les prestations de septembre et d’octobre 2021 auraient pu être supprimées. ![endif]>![if>
c. Par acte du 9 janvier 2023, le SPC a fait parvenir sa réponse. La suppression des prestations avait été dictée par le fait que l’intéressée avait quitté la Suisse pour plus de trois mois et non pas parce qu’elle s’était constituée une résidence à l’étranger. Il indiquait que l’assurée avait quitté la Suisse le 11 juin 2021 en sachant qu’elle ne disposait pas de titre l’autorisant à rentrer en Suisse et était restée près de 5 mois à l’étranger. Sans motifs impératifs, elle avait choisi de quitter la Suisse, de sorte que les prestations complémentaires, lesquelles visaient à assurer le minimum vital en Suisse, devaient être interrompues. Ces prestations avaient été à nouveau versées dès son retour en Suisse, soit dès le 1er novembre 2021. Le SPC concluait ainsi au rejet du recours.![endif]>![if>
d. Le 7 février 2023, l’intéressée a répliqué. Elle a pris note du fait que le SPC confirmait qu’elle avait droit aux prestations complémentaires dès le 1er novembre 2021. Son séjour à l’étranger avait été dicté par un motif important (cas de force majeure qui avait empêché son retour en Suisse) et son séjour n’avait pas excédé 365 jours, de sorte qu’elle avait droit à l’intégralité des prestations supprimées. Dans le cas où le motif n’était pas jugé important, elle avait droit à des prestations durant les 90 premiers jours à l’étranger, soit jusqu’au 31 août 2021.![endif]>![if>
e. Par acte du 2 mars 2023, le SPC a dupliqué en insistant sur le fait que la perte du permis C empêchant l’intéressée de rentrer en Suisse était antérieure au départ de Suisse. Il persistait dans ses conclusions en rejet du recours, sans se prononcer sur la durée de l’interruption. ![endif]>![if>
f. Par acte du 1er juin 2023, l’intéressée a relevé que de façon crasse, le SPC ne s’était pas prononcé sur le droit aux prestations durant les 90 premiers jours et a pris des conclusions en indemnisation de CHF 2'500.-. ![endif]>![if>
g. Cette détermination a été transmise au SPC.![endif]>![if>
h. La cause a été gardée à juger. ![endif]>![if>
1. ![endif]>![if>
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25). ![endif]>![if>
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).![endif]>![if>
1.3 Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours (du 7 décembre 2022) a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).![endif]>![if>
1.4 Interjeté dans les formes et délais légaux, le recours est recevable. ![endif]>![if>
2. Le litige porte sur le droit aux prestations complémentaires de la recourante pour la période du 1er août au 31 octobre 2021, puisqu’il est établi et non contesté que cette dernière a, à nouveau, eu droit et a reçu ses prestations dès le 1er novembre 2021 et ce, sans qu’elle n’ait dû entreprendre de démarche judiciaire. ![endif]>![if>
2.1 La modification du 22 mars 2019 de la LPC et la modification du 29 janvier 2020 de l'ordonnance du 15 janvier 1971 sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité (OPC ; RS 831.301) sont entrées en vigueur le 1er janvier 2021. La disposition de l'art. 4 al. 3 LPC, qui précise la résidence habituelle en Suisse selon l'al. 1, a été nouvellement introduite dans le cadre de la réforme des PC pour des raisons de sécurité juridique et d'égalité de traitement (cf. FF 2016 7517). Comme cette modification de la loi n'a pas d'influence directe sur le droit aux PC et le montant des PC annuelles, elle s'appliquera dans tous les cas à partir du 1er janvier 2021 (cf. Office fédéral des assurances sociales [OFAS], Circulaire sur le droit transitoire de la réforme des PC [Circ. PC], valable dès le 1er janvier 2021, no 1202). C'est donc l'art. 4 LPC dans sa nouvelle version (y compris l'al. 3) qui est déterminant en l'espèce.![endif]>![if>
2.2 Selon l'art. 4 al. 1 LPC, les personnes ayant leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse ont droit à des prestations complémentaires si elles touchent une rente de l'AVS ou de l'AI ou si elles auraient droit à une telle rente en vertu de la let. b ou d de la disposition précitée.![endif]>![if>
2.3 Est considérée comme résidence habituelle la présence effective et légale en Suisse (no 2320.01 des directives sur les PC à l'AVS et à l'AI [DPC] publiées par l'OFAS, état : 1er janvier 2022). La résidence habituelle est considérée comme interrompue lorsqu'une personne séjourne plus de trois mois (90 jours) d'affilée ou plus de trois mois (90 jours) au total au cours d'une année civile à l'étranger (art. 4 al. 3 LPC ; no 2330.01 DPC). Les prestations complémentaires sont suspendues rétroactivement au début du mois au cours duquel la personne a passé le 91e jour à l'étranger (art. 1 al. 1 OPC). Les prestations complémentaires sont à nouveau versées à partir du mois qui suit le retour en Suisse (art. 1 al. 3 OPC). Les jours d'entrée et de sortie du pays ne sont pas considérés comme un séjour à l'étranger (art. 1 al. 4 OPC).![endif]>![if>
2.4 Exceptionnellement, la résidence habituelle n'est pas interrompue en cas de séjour à l'étranger d'une durée maximale d'un an, si des motifs importants le justifient (art. 4 al. 4 LPC en relation avec l'art. 1a al. 1 OPC). Sont considérés comme motifs importants de manière exhaustive : une formation, une maladie ou un accident du bénéficiaire ou d'un proche au sens de l'art. 29septies de la loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l'assurance-vieillesse et survivants (LAVS ; RS 831.10) qui a commencé le séjour à l'étranger en même temps que le bénéficiaire, si cela rend impossible un retour en Suisse ou l'empêchement du retour en Suisse pour cause de force majeure (art. 1a al. 4 let. a-c OPC).![endif]>![if>
2.5 La notion de force majeure englobe en principe les événements sur lesquels le bénéficiaire de PC n'a aucun contrôle (commentaire de l'OFAS de janvier 2020 sur la modification de l'OPC, dispositions d'exécution de la réforme des PC, p. 5). ![endif]>![if>
3. ![endif]>![if>
3.1 Sur la base du dossier, il est établi et non contesté que la recourante a séjourné du 12 juin au 22 octobre 2021 à l’étranger, soit plus de 90 jours. Il est en revanche contesté et doit être examiné s'il existait un motif important qui justifierait que la recourante puisse percevoir ses prestations malgré l’interruption de sa résidence en Suisse. ![endif]>![if>
3.2 À cet égard, la recourante fait valoir, sous la plume de son conseil, qu'elle entendait se rendre en Éthiopie pour 6 jours et qu’elle a perdu ou s’est fait voler son permis C alors qu’elle était encore en Suisse. ![endif]>![if>
Il ressort cependant des pièces au dossier que la recourante avait acquis un billet d’avion pour son retour en Suisse pour le 19 juillet 2021. Il est vrai, comme le relève l’intimé, que la recourante a quitté la Suisse en sachant qu’elle ne disposait pas d’un titre lui permettant de rentrer chez elle. Cela étant, au vu du séjour initialement prévu et des démarches immédiatement entreprises par la recourante afin d’obtenir un nouveau titre, cette dernière pouvait vraisemblablement s’attendre à rentrer en Suisse comme prévu en juillet 2021. Elle n’aurait ainsi pas dépassé la durée de 90 jours, de sorte que la présomption selon laquelle elle aurait interrompu sa résidence en Suisse n’aurait pas trouvé à s’appliquer.
Au vu du temps que l’administration a pris pour établir un nouveau titre destiné à la recourante, temps qui s’explique vraisemblablement par la période estivale et la pandémie qui sévissait encore à cette époque, la recourante n’a pas pu utiliser le billet d’avion préalablement acheté et n’a réellement été en mesure de planifier son retour qu’à partir du 23 septembre 2021. Aussi doit-on admettre que dans ce cas exceptionnel, la recourante a été empêchée par la force majeure de rentrer en Suisse dans un délai de 90 jours.
Les jours passés à l’étranger au-delà du mois de septembre 2021 ne se justifiaient toutefois pas. La recourante savait depuis son départ qu’elle serait amenée à rentrer en Suisse dès qu’elle aurait récupéré un titre de séjour et aurait dû faire en sorte d’être prête à le faire, notamment en déplaçant son billet d’avion d’ores et déjà acquis. L’on ne saurait en effet considérer que le motif important a subsisté jusqu’au 22 octobre 2021.
Lorsque le motif important qui justifiait le séjour à l’étranger disparaît, les jours supplémentaires passés à l’étranger sont considérés comme étant sans motif important et comptent pour le calcul de la durée maximale de trois mois au sens de l’art. 4 al. 3 LPC, de sorte qu’il se justifiait de supprimer les prestations complémentaires du mois d’octobre 2021.
La décision attaquée sera dès lors annulée en ce sens qu’elle supprime les prestations complémentaires de la recourante entre le 1er août et le 30 septembre 2021 et confirmée pour le surplus.
La chambre de céans dira que l’assurée a droit à des prestations complémentaires du 1er août au 30 septembre 2021.
Au vu du sort du litige et compte tenu du fait que la recourante, représentée par un conseil, obtient partiellement gain de cause, la chambre de céans lui allouera à charge de l’intimé des dépens de CHF 1'500.-.
Pour le surplus, la procédure est gratuite.
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare recevable le recours.![endif]>![if>
Au fond :
2. L’admet partiellement. ![endif]>![if>
3. Annule la décision du 28 octobre 2022, dans la mesure où elle confirme la suppression des prestations complémentaires de la recourante entre le 1er août et le 30 septembre 2021.![endif]>![if>
4. Dit que la recourante a droit à des prestations complémentaires entre le 1er août et le 30 septembre 2021.![endif]>![if>
5. Confirme la décision attaquée pour le surplus.![endif]>![if>
6. Alloue à la recourante CHF 1'500.- à titre de dépens à la charge de l’intimé. ![endif]>![if>
7. Dit que la procédure est gratuite.![endif]>![if>
8. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.![endif]>![if>
La greffière
Nathalie KOMAISKI |
| La présidente
Marine WYSSENBACH |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le