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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/901/2023

ATAS/769/2023 du 11.10.2023 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/901/2023 ATAS/769/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 11 octobre 2023

Chambre 4

 

En la cause

Madame A______

 

recourante

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l'intéressée ou la recourante), née le ______ 1958, perçoit une rente de vieillesse AVS.

b. Le 26 novembre 2018, elle a déposé une requête de prestations complémentaires mentionnant percevoir une rente AVS de CHF 940.- par mois.

c. Le droit aux prestations complémentaires lui a été refusé le 21 janvier 2019, au motif que les dépenses reconnues étaient entièrement couvertes par le revenu déterminant, lequel comprenait une rente AVS de 22'200.- et une rente de 2ème pilier de CHF 26'943.-.

B. a. Le 18 janvier 2022, l’intéressée a déposé une nouvelle requête de prestations complémentaires, mentionnant notamment percevoir une rente AVS de CHF 2'122.-.

b. Par décision du 3 février 2022, le service des prestations complémentaires (ci-après: SPC ou l’intimé) a octroyé des prestations complémentaires fédérales (ci-après : PCF) et cantonales (ci-après : PCC) à l'intéressée dès le 1er janvier 2022. Aucune prestation n'était due pour janvier 2022, puis elles s'élevaient à CHF 1'364.- par mois dès le 1er février 2022 et à CHF 1'864.60 dès le 1er mars 2022. Un montant de CHF 500.60 était réservé au règlement des primes d'assurance-maladie.

Le revenu déterminant de l'intéressée défini dans les plans de calculs se composait d’une rente de l'AVS de CHF 22'572.- et d’une rente 2ème pilier de CHF 26'976.-, ainsi que d'une dette de CHF 857.45 pour le mois de janvier 2022, puis d'une rente 2ème pilier de CHF 14'676.- et d'une dette de CHF 857.45 dès le mois de février 2022.

c. Par décision du 29 juillet 2022, le SPC a recalculé le droit aux PCF et PCC de l'intéressée, relevant qu'il existait un trop-perçu pour la période du 1er février au 31 juillet 2022, de CHF 8'184.-. Les nouveaux plans de calculs joints mentionnaient dans les revenus de l'intéressée des rentes de l'AVS, en sus de celles du 2ème pilier.

d. Le 10 août 2022, le SPC a recalculé le droit aux prestations de la recourante pour la période du 1er février au 31 août 2022, prenant en compte des rentes AVS et 2ème pilier dans ses revenus.

e. Le même jour, le SPC a rendu une décision de remboursement des réductions individuelles de primes d'assurance-maladie pour l'année 2022, d'un montant de CHF 2'104.20.

f. Le 25 août 2022, le SPC a transmis à l'intéressée une demande de restitution de la somme de CHF 10'812.50, se composant de PCF et PCC (CHF 8'184.-), frais médicaux (CHF 524.30) et subsides pour l'assurance-maladie de base (CHF 2'104.20), expliquant avoir recalculé son droit aux prestations dès le 1er février 2022 en tenant compte de sa rente AVS, qui ne figurait pas dans sa décision du 3 février 2022.

g. L'intéressée a formé opposition à cette décision de restitution le 30 août 2022, en demandant la remise de son obligation de restituer la somme réclamée par le SPC, invoquant que c’était ce dernier qui avait fait une erreur, qu’elle était de bonne foi et que sa situation financière était précaire.

h. Par décision sur opposition du 22 septembre 2022, le SPC a rejeté l'opposition et confirmé sa demande de restitution. L'intéressée n'a pas recouru contre cette décision.

i. Par décision du 7 décembre 2022, le SPC a informé l'intéressée que la remise de l'obligation de restitution ne pouvait pas lui être accordée, la condition de la bonne foi n’étant pas réalisée.

j. L'intéressée a formé opposition à cette décision le 27 décembre 2022.

k. Par décision sur opposition du 15 février 2023, le SPC a rejeté cette opposition.

C. a. Le 13 mars 2023, l'intéressée a interjeté un recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice contre cette décision, concluant à son annulation.

b. Par réponse du 6 avril 2023, l'intimé a conclu au rejet du recours.

c. La recourante a persisté dans ses conclusions le 28 avril 2023.

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA [loi applicable par renvoi de l'art. 1 LPC pour les PCF et l'art. 1A al. 1 let. b LPCC pour les PCC] ; art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité [LPFC - J 4 20] ; art. 43 et 43B let. c LPCC).

1.3 Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA).

2.             Le litige porte sur la question de savoir si la recourante peut bénéficier d’une remise de l’obligation de restituer la somme de CHF 10'812.50 versée durant la période entre le 1er février et 31 juillet 2022.

3.                       

3.1 Selon l'art. 25 al. 1 LPGA, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile. Ces deux conditions matérielles sont cumulatives et leur réalisation est nécessaire pour que la remise de l'obligation de restituer soit accordée (ATF 126 V 48 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_364/2019 du 9 juillet 2020 consid. 4.1).

L'art. 4 de l'ordonnance fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 11 septembre 2002 (OPGA - RS 830.11) précise que la restitution entière ou partielle des prestations allouées indûment, mais reçues de bonne foi, ne peut être exigée si l'intéressé se trouve dans une situation difficile (al. 1). Est déterminant, pour apprécier s'il y a une situation difficile, le moment où la décision de restitution est exécutoire (al. 2).

3.2 Au niveau cantonal, à teneur de l’art. 24 de la LPCC, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile (al. 1). Le règlement fixe la procédure de la demande de remise ainsi que les conditions de la situation difficile (al. 2).

L’art. 15 al. 1 du règlement relatif aux prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 25 juin 1999 (RPCC-AVS/AI - J 4 25.03) prévoit que la restitution entière ou partielle des prestations allouées indûment, mais reçues de bonne foi, ne peut être exigée si l'intéressé se trouve dans une situation difficile.

3.3 Conformément à l’art. 33 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 29 mai 1997 (LaLAMal – J 3 05), les subsides indûment touchés doivent être restitués en appliquant par analogie l'article 25 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (al. 1). Lorsque des subsides ont été indûment touchés par un bénéficiaire des prestations du service, ce service peut en demander la restitution au nom et pour le compte du service de l'assurance-maladie (al. 2).

3.4 Savoir si la condition de la bonne foi, présumée en règle générale (art. 3 du Code civil suisse, du 10 décembre 1907 - CC - RS 210), est réalisée doit être examiné dans chaque cas à la lumière des circonstances concrètes (arrêt du Tribunal fédéral 8C_269/2009 du 13 novembre 2009 consid. 5.2.1). La condition de la bonne foi doit être remplie dans la période où l’assuré concerné a reçu les prestations indues dont la restitution est exigée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4.1 et les références).

La jurisprudence constante considère que l’ignorance, par le bénéficiaire, du fait qu’il n’avait pas droit aux prestations ne suffit pas pour admettre qu’il était de bonne foi. Il faut bien plutôt qu’il ne se soit rendu coupable, non seulement d’aucune intention malicieuse, mais aussi d’aucune négligence grave. Il s’ensuit que la bonne foi, en tant que condition de la remise, est exclue d'emblée lorsque les faits qui conduisent à l'obligation de restituer (violation du devoir d’annoncer ou de renseigner) sont imputables à un comportement dolosif ou à une négligence grave. En revanche, l'assuré peut invoquer sa bonne foi lorsque l'acte ou l'omission fautifs ne constituent qu'une violation légère de l'obligation d'annoncer ou de renseigner (ATF 138 V 218 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_43/2020 du 13 octobre 2020 consid. 3 et 9C_16/2019 du 25 avril 2019 consid. 4).

On parlera de négligence grave lorsque l'ayant droit ne se conforme pas à ce qui peut raisonnablement être exigé d'une personne capable de discernement dans une situation identique et dans les mêmes circonstances (ATF 110 V 176 consid. 3d ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2019 du 25 avril 2019 consid. 4). La mesure de l'attention nécessaire qui peut être exigée doit être jugée selon des critères objectifs, où l'on ne peut occulter ce qui est possible et raisonnable dans la subjectivité de la personne concernée (faculté de jugement, état de santé, niveau de formation, etc. ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_413/2016 du 26 septembre 2016 consid. 3.1 ; Sylvie PÉTREMAND, in Commentaire romand, LPGA, 2018, n. 69 ad art. 25 LPGA). Il faut ainsi en particulier examiner si, en faisant preuve de la vigilance exigible, l’assuré aurait pu constater que les versements ne reposaient pas sur une base juridique. Il n’est pas demandé à un bénéficiaire de prestations de connaître dans leurs moindres détails les règles légales. En revanche, il est exigible de lui qu’il vérifie les éléments pris en compte par l’administration pour calculer son droit aux prestations. On peut attendre d'un assuré qu'il décèle des erreurs manifestes et qu'il en fasse l'annonce (arrêt du Tribunal fédéral 9C_498/2012 du 7 mars 2013 consid. 4.2). On ajoutera que la bonne foi doit être niée quand l’enrichi pouvait, au moment du versement, s’attendre à son obligation de restituer, parce qu’il savait ou devait savoir, en faisant preuve de l’attention requise, que la prestation était indue (art. 3 al. 2 CC ; ATF 130 V 414 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_319/2013 du 27 octobre 2013 consid. 2.2).

Le Tribunal fédéral a retenu une négligence grave excluant toute bonne foi dans le cas d’un assuré qui aurait pu déceler que la feuille de calcul comportait une erreur manifeste en faisant preuve de l’attention nécessaire, ce quand bien même il avait annoncé des revenus que le SPC avait omis de prendre en compte. Lorsqu'une prestation complémentaire n'est que légèrement trop élevée, l'attention requise et l'obligation de signaler l'erreur lors du contrôle des relevés sont moins strictes que dans le cas de la perception d'une prestation de plusieurs centaines de francs trop élevée chaque mois, qui devrait être constatée sans plus attendre (arrêt du Tribunal fédéral 9C_385/2013 du 19 septembre 2013 consid. 4.4).

Il va de même pour un couple qui n’avait pas réagi à une décision erronée accroissant les prestations complémentaires versées, alors qu’il avait annoncé la perception d’une nouvelle rente devant aboutir à une diminution des prestations. Le Tribunal fédéral a relevé qu’un examen sommaire de la feuille de calcul, qui ne présentait aucune difficulté de lecture ou de compréhension, aurait permis à l’intéressé de constater que les revenus annoncés n’avaient pas été pris en considération. Le manque de vigilance de l’assuré, qui avait omis de contrôler la feuille de calcul et d’informer l’administration de l’erreur manifeste qu’elle venait de commettre, excluait sa bonne foi (arrêt du Tribunal fédéral 9C_189/2012 du 21 août 2012 consid. 4).

4.             Dans le domaine des assurances sociales notamment, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 et les références).

Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

5.              

5.1 En l'espèce, l'intimé a requis de la recourante la restitution de la somme de CHF 10'812.50 par le biais d'une décision à présent définitive. La demande en restitution est liée à la prise en compte rétroactive de la rente AVS de la recourante, laquelle avait été omise par erreur par l’intimé dans le calcul des prestations à compter du 1er février 2022. Il n'est pas contesté que la recourante a communiqué en temps voulu percevoir une telle rente. Cela étant, il lui appartenait de contrôler les plans de calculs joints à la décision, ce d'autant plus qu'il ressort de son opposition du 27 décembre 2022 qu'elle avait trouvé le montant octroyé élevé. Elle aurait pu ainsi constater que les plans de calculs concernant le mois de janvier 2022 incluaient une rente AVS, mais que ceux dès le 1er février 2022 omettaient d'en tenir compte et que cela avait une conséquence directe et importante sur son droit aux prestations complémentaires, lequel ne lui était pas ouvert lorsque sa rente AVS était prise en compte, alors qu’il l’était dans le cas contraire.

5.2 La recourante soutient avoir contacté par téléphone l’intimé pour s'assurer que le calcul de ses prestations était correct, ce qui lui aurait été confirmé par son interlocuteur. Elle n’a toutefois produit aucune pièce attestant ses dires. Quoi qu'il en soit, elle ne pouvait pas se contenter d'un simple appel téléphonique et d'une assurance générale que les calculs étaient contrôlés avant que les prestations soient accordées à leurs bénéficiaires. Elle aurait dû s’adresser par écrit à l’intimé.

5.3 C'est donc à juste titre que l’intimé a considéré que la condition de la bonne foi n'était pas réalisée.

5.4 Les conditions de la bonne foi et de la situation difficile sont cumulatives. En d'autres termes, les deux doivent être réalisées pour que la remise de l'obligation de restituer puisse être acceptée. Cela signifie également que si l'une des conditions n'est pas remplie, il n'est pas nécessaire d'examiner l'autre. La situation économique de la recourante ne sera dès lors pas analysée, l'octroi d'une remise devant lui être refusée, sa bonne foi étant exclue.

6.             Infondé, le recours sera rejeté.

7.             Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le