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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/342/2023

ATAS/286/2023 du 25.04.2023 ( CHOMAG ) , REJETE

Recours TF déposé le 15.06.2023, rendu le 06.12.2023, REJETE, 8C_386/2023
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/342/2023 ATAS/286/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 25 avril 2023

8ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié ______, CHÊNE-BOURG, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Jean-Marc COURVOISIER

 

 

recourant

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE, sise rue de Montbrillant 40, GENÈVE

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______ 1968, a travaillé dès le 1er juin 2017 pour la société anonyme B______ SA (ci-après : la société), en qualité de chef du département de développement international business (« Head of Department - International Business Development »).

b. Le 30 août 2018, la société a délivré une attestation aux termes de laquelle l’assuré était au bénéfice d’un contrat à durée indéterminée, non résilié à ce jour et dont la résiliation n’était pas envisagée. Le salaire mensuel brut se montait à CHF 12’500.- et le dernier salaire versé était celui du mois de mai 2018. Elle était actuellement dans l’incapacité provisoire d’honorer le salaire de l’assuré en raison de mauvais résultats financiers au cours de l’été 2018 et parce qu’elle était dans l’attente d’une indemnité d’assurance destinée à couvrir le dommage consécutif à un incendie survenu le 28 février 2018 dans les locaux de la société.

c. Le 30 novembre 2018, la société a licencié l'assuré avec effet immédiat, au motif qu'elle était dans l'impossibilité d’honorer son salaire depuis le mois de juin 2018 et de pouvoir garantir son versement à l'avenir, du moins avant d'avoir perçu les indemnisations relatives à l'incendie survenu en février 2018. Par courrier de la même date, la société a confirmé à l'assuré son vif intérêt à lui reconfier son poste de travail dans un futur proche, à la condition que la société soit indemnisée par l'assurance en lien avec l'incendie.

d. Le 6 février 2020, l'assuré a déposé au Tribunal des Prud'hommes une demande en paiement de son salaire de juin à novembre 2018.

e. Par jugement du 14 janvier 2021, le Tribunal de première instance a prononcé la faillite de la société.

f. Le 4 février 2021, le Tribunal de première instance a suspendu la procédure de faillite faute d’actifs.

g. Par courrier du 25 février 2021, l’assuré a produit une créance salariale de CHF 100'921.65 dans la faillite de la société.

h. Le 26 février 2021, l’assuré a présenté une demande d’indemnité en cas d’insolvabilité à la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse ou l’intimée) pour un montant mensuel de CHF 12'500.- représentant six mois de salaire non payés (juin à novembre 2018).

B. a. Par décision du 9 mars 2021, la caisse a refusé les indemnités en cas d’insolvabilité, au motif que l’assuré n'avait effectué aucune démarche pour sauvegarder ses prétentions salariales entre le 31 mai 2018, date du dernier paiement de son salaire, et le 14 janvier 2021, date de la mise en faillite de la société, soit pendant plus de 32 mois. Or, si un assuré n’avait pris aucune mesure en vue de récupérer son salaire pendant trois mois après la fin des rapports de travail (par ex. sommation, réquisition de poursuite, action en paiement du salaire, démarches auprès des Prud’hommes), ces indemnités devaient être refusées. Car le but de cette indemnité était de soulager immédiatement le travailleur qui se voyait privé de son salaire et non d’ouvrir une nouvelle voie pour l’encaissement des créances résultant du contrat de travail.

b. Par courrier du 22 mars 2021, l’office cantonal des faillites a informé la caisse que, par jugement du 18 mars 2021, le Tribunal de première instance avait clôturé la liquidation de la faillite par défaut d’actifs.

c. Le 23 avril 2021, l’assuré a formé opposition à la décision du 9 mars 2021 de la caisse, en faisant valoir en substance qu’il avait mis son employeur en demeure, par lettre recommandée, de lui verser les salaires dus, avant même la fin des rapports de travail, et qu’il avait régulièrement exigé des informations de
la part de la direction sur l’évolution des finances de la société. Au vu des particularités du cas (attente de l’indemnisation de la société par l’assurance responsabilité civile du responsable de l'incendie), toute démarche plus incisive à son encontre (réquisition de poursuite par exemple) se serait révélée contreproductive, compte tenu de la promesse d'embauche. Durant la période en question, les employés – dont il faisait partie – avaient jugé préférable, à une exception près, de patienter jusqu’à l’indemnisation de la société par l’assurance responsabilité civile.

Pour étayer ces allégations, l’assuré a produit notamment :

-          une « mise en demeure » du 22 octobre 2018, par laquelle l’assuré mettait la société en demeure de procéder sans délai au paiement de quatre mois de salaire impayés à ce jour ;

-          une coupure de presse relatant un incendie survenu le 28 février 2018 à Tramelan ;

-          un courriel du 21 janvier 2019 à la caisse, dans lequel l'assuré lui fait part de certaines précisions concernant le dépôt de son dossier auprès de la caisse ;

-          un décompte global établi par l’office cantonal des poursuites, adressé le 26 mai 2020 à la société, faisant état, à cette date, d’un total des poursuites et d'actes de défaut de bien à hauteur de CHF 192’863.10, respectivement CHF 6’569.65.- ;

-          une commination de faillite du 10 juillet 2020, notifiée le 21 juillet 2020 à la société, faisant suite à une réquisition de continuer la poursuite initiée par la caisse sur la base d’un jugement du Tribunal des Prud’hommes du 18 février 2019 condamnant la société au paiement de la somme de CHF 14’304.50 avec intérêt à 5% l’an dès le 17 août 2018 ;

-          un courriel du 9 décembre 2020 à la caisse, faisant suite à la communication de faillite déposée par la caisse à l'encontre de son ancien employeur, sollicitant à être aiguillé vers un responsable ou un directeur en mesure de prendre en compte des arguments et de discuter de la situation avec lui ;

-          une attestation établie le 23 mars 2021, par laquelle l'ancien administrateur de la société confirmait que depuis l’incendie survenu le 28 février 2018 jusqu’à la fin des rapports de travail en octobre de la même année, puis périodiquement ensuite jusqu’à la faillite de la société, l'assuré était resté en relation permanente avec la direction, la sommant à maintes reprises de le payer ; dans l’attente d’un rachat ou d’un règlement relatif à l’incendie, l'assuré avait consenti à patienter jusqu’à l'indemnisation par l’assurance, étant précisé qu'entre la date de l’incendie jusqu’à celle de la faillite le 14 janvier 2021, la société n’avait enregistré aucune recette et ne disposait d’aucun actif ; à la demande de l’assuré, la société l’avait chaque mois tenu informé des développements de la situation à compter du mois de juin 2018.

d. Par décision du 15 décembre 2022, la caisse a rejeté l’opposition en faisant valoir principalement que la mise en demeure du 22 octobre 2018 constituait la seule démarche contraignante écrite que l’assuré avait entreprise malgré l’absence de paiement du salaire. Au contraire, l’assuré avait décidé de patienter jusqu’à ce que l’assurance indemnise la société. En agissant de la sorte, l’assuré ne s’était pas conformé à son devoir de diminuer le dommage. Certes, il avait déposé une demande aux Prud'hommes le 6 février 2020. Toutefois, la caisse en ignorait l'issue. La caisse a allégué en outre que le dossier d’insolvabilité de la société contenait deux autres demandes d’indemnité en cas d’insolvabilité formées par des employés de cette dernière. L’une de ces demandes avait abouti à un arrêt du Tribunal fédéral du 7 octobre 2022 lui niant le droit aux indemnités. Celle d'un second employé était accompagnée d’un jugement du Tribunal des Prud’hommes du 18 février 2019 et d’un procès-verbal d’audience établi le 17 juin 2019 par le Tribunal civil à la suite d’une requête en faillite sans poursuite préalable. Cet employé avait également produit une réquisition de poursuite du 19 juin 2019 ainsi qu’une commination de faillite du 29 septembre 2020 qui avait abouti, parallèlement à celle de la caisse du 10 juillet 2020, au jugement de faillite de la société du 14 janvier 2021.

En outre, le contenu de l'entretien entre la caisse et l'assuré en septembre ou octobre 2018 allégué par le recourant n'était pas démontré et l'engagement d'une procédure de faillite à l'encontre de l'employeur n'était absolument pas à l'ordre du jour.

C. a. Le 1er janvier 2023, l’assuré, représenté par un avocat, a saisi la chambre
des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans)
d’un recours contre cette décision, concluant à son annulation et au paiement d’indemnités en cas d’insolvabilité. Subsidiairement, il a conclu au renvoi de la cause à l’intimée pour nouvelle décision. Un incendie en février 2018 avait détruit la totalité des locaux de la société. La procédure d'indemnisation était toujours en cours. À compter de juin 2018, la société n'avait plus de rentrée d'argent, ni réserves financières, ni actifs réalisables, si bien qu'elle était dans l'impossibilité de payer les salaires. Tous les employés avaient toutefois accepté de patienter jusqu'à l'indemnisation par l'assurance et de ne pas requérir la faillite de la société, compte tenu des promesses d'embauche de celle-ci. Dès novembre 2018, la société avait licencié tout son personnel et n'avait plus aucune charge courante. Le recourant a fait valoir qu’en attendant le règlement du sinistre par l’assurance responsabilité civile, il s’était conformé à son obligation de réduire le dommage. À la différence du cas traité dans l'arrêt du Tribunal fédéral
8C_367/2022 du 7 octobre 2022, le recourant avait démontré avoir effectué plusieurs démarches propres à confirmer le sérieux de ses prétentions contre son employeur. Il avait déposé une requête de conciliation auprès du Tribunal des Prud'hommes le 6 février 2020, le déroulement de cette procédure avait toutefois été ralenti par l'apparition du COVID-19, de sorte que le recourant avait finalement produit sa créance dans la faillite de l'employeur.

b. Dans sa réponse du 14 février 2023, l’intimée a conclu au rejet du recours en expliquant que le recourant n’apportait aucun élément nouveau lui permettant de revoir sa position. Enfin, contrairement aux allégations du recourant, un créancier figurant sur le décompte global des poursuites du 26 mai 2020 avait bel et bien requis la faillite de la société aux côtés de la caisse.

c. Par réplique du 9 mars 2023, le recourant a indiqué qu'aucune pièce du dossier ne prouvait qu'un autre créancier aurait requis la faillite de la société à côté de la caisse. Le fait que cette information soit mentionnée dans l'arrêt du Tribunal fédéral 8C_367/2022 précité n'était pas pertinent.

d. Le 23 mars 2023, l'intimée a précisé qu'elle n'avait pas produit les pièces relatives à l'employé qui avait également requis la faillite de la société pour des questions de confidentialité et en raison du fait que, dans son arrêt 8C_367/2022 précité, le Tribunal fédéral avait considéré que la cause portait « sur l'attitude du recourant – et non celle de ses anciens collègues – en lien avec son obligation de réduire le dommage ». Les pièces étaient si nécessaires à la disposition de la chambre de céans.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ – E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA – RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI – RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pour la période du 18 décembre au 2 janvier inclusivement (art. 38 al. 4 let. c LPGA), le recours est recevable.

3.             Le litige porte sur le droit du recourant à une indemnité en cas d’insolvabilité.

4.              

4.1 Aux termes de l’art. 51 al. 1 LACI, les travailleurs assujettis au paiement des cotisations, qui sont au service d’un employeur insolvable sujet à une procédure d’exécution forcée en Suisse ou employant des travailleurs en Suisse, ont droit à une indemnité pour insolvabilité (ci-après : indemnité) lorsqu’une procédure de faillite est engagée contre leur employeur et qu’ils ont, à ce moment-là, des créances de salaire envers lui (let. a), ou que la procédure de faillite n’est pas engagée pour la seule raison qu’aucun créancier n’est prêt, à cause de l’endettement notoire de l’employeur, à faire l’avance des frais (let. b), ou qu’ils ont présenté une demande de saisie pour leur créance de salaire.

L’art. 52 al. 1 LACI prescrit que l’indemnité couvre les créances de salaire portant sur les quatre derniers mois au plus d’un même rapport de travail, jusqu’à concurrence, pour chaque mois, du montant maximal visé à l’art. 3 al. 2 LACI. Les allocations dues aux travailleurs font partie intégrante du salaire.

Conformément à l’art. 53 LACI, lorsque l’employeur a été déclaré en faillite, le travailleur doit présenter sa demande d’indemnisation à la caisse publique compétente dans un délai de 60 jours à compter de la date de la publication de la faillite dans la Feuille officielle suisse du commerce (al. 1). En cas de saisie de l’employeur, le travailleur doit présenter sa demande d’indemnisation dans un délai de 60 jours à compter de la date de l’exécution de la saisie (al. 2). À l’expiration de ces délais, le droit à l’indemnité s’éteint (al. 3).

Selon l’art. 55 al. 1 LACI, le travailleur est tenu de prendre toutes les mesures propres à sauvegarder son droit envers l’employeur, dans la procédure de faillite ou de saisie, jusqu’à ce que la caisse l’informe de la subrogation dans ladite procédure. Une fois que la caisse est devenue partie à la procédure, le travailleur est tenu de l’assister utilement dans la défense de ses droits (al. 1). Le travailleur est tenu de rembourser l’indemnité, en dérogation à l’art. 25 al. 1 LPGA, lorsque sa créance de salaire n’est pas admise lors de la faillite ou de la saisie ou n’est pas couverte à la suite d’une faute intentionnelle ou d’une négligence grave de sa part ou encore que l’employeur a honoré la créance ultérieurement (al. 2).

4.2 L’art. 55 al. 1 LACI institue une obligation pour l’assuré de réduire le dommage (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_327/2020 du 17 juin 2020 consid. 3). Les assurés doivent se comporter comme si l’indemnité en cas d’insolvabilité n’existait pas (Thomas NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung in Soziale Sicherheit, SBVR vol. XIV, 3ème éd. 2016, n. 627).

L’obligation de diminuer le dommage qui incombe à l’assuré avant la résiliation des rapports de travail n’est pas soumise aux mêmes exigences que l’obligation qui lui incombe après la résiliation des rapports de travail. L’étendue des démarches qui peuvent être exigées du travailleur pour récupérer tout ou partie de son salaire avant la fin des rapports de travail dépend de l’ensemble des circonstances du cas concret. On n’exige pas nécessairement de l’assuré qu’il introduise sans délai une poursuite contre son employeur ou qu’il ouvre action contre ce dernier. Il faut en tout cas que le salarié montre de manière non équivoque et reconnaissable pour l’employeur le caractère sérieux de sa prétention de salaire. Du point de vue de l’assurance-chômage, il importe d’éviter que le personnel d’un employeur insolvable renonce à réclamer les arriérés de salaire pendant de nombreux mois, en tablant sur la couverture de ses arriérés par l’assurance-chômage si l’employeur tombe en faillite (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 364/01 du 12 avril 2002 consid. 1b). En vertu de cette obligation, le travailleur doit entreprendre toute démarche utile à l’encontre de son employeur en vue de récupérer sa créance, sous peine de perdre son droit à l’indemnité en cas d’insolvabilité, et il ne peut pas rester inactif en attendant
le prononcé de la faillite de son ex-employeur (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 27/06 du 25 janvier 2007 consid. 3.2.1). Cette obligation vaut également lorsque le rapport de travail est dissout avant l’ouverture de la procédure de faillite. Après la résiliation, l’assuré ne peut pas attendre plusieurs mois avant d’intenter une action judiciaire contre son ex-employeur. Il doit en effet compter avec une éventuelle péjoration de la situation financière de celui-ci et donc avec une augmentation des difficultés, pour l’assurance-chômage, de récupérer les créances issues de la subrogation (arrêt du Tribunal fédéral 8C_749/2016 du 22 novembre 2017 consid. 3.5.3). Les travailleurs doivent également tout entreprendre dans la procédure de faillite afin de sauvegarder leurs prétentions à l’encontre de l’employeur (ATF 127 V 183 consid. 3c). Selon la jurisprudence constante, l’assuré doit poursuivre de manière conséquente et continuer les démarches introduites, ce qui exclut une longue période sans réaction (arrêt du Tribunal fédéral 8C_66/2013 du 18 novembre 2013 consid. 4.2).

4.3 La violation de l’obligation de diminuer le dommage implique que l’on puisse reprocher à l’assuré d’avoir commis une faute intentionnelle ou une négligence grave (arrêt du Tribunal fédéral 8C_898/2011 du 6 juin 2012 consid. 2.2).

Lorsque l’autorité examine si une violation de diminuer le dommage peut être reprochée à l’assuré, l’autorité doit prendre en compte la rapidité de sa réaction, les usages dans la branche, la langue dans laquelle l’assuré peut s’exprimer, ses connaissances juridiques, son éventuel domicile à l’étranger, le rapport entre les frais que l’assuré aurait dû assumer pour faire valoir sa créance et sa situation financière, un éventuel rapport de confiance, un conflit de loyauté, l’intégration dans l’entreprise, les responsabilités assumées et la possibilité de comparer sa situation à celle d’autres collègues (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n. 8 ad art. 55 LACI et les références).

Selon la jurisprudence, un assuré qui attend plus de neuf mois avant de faire valoir ses prétentions de salaire à l’encontre de son employeur, dont elle connaît les difficultés financières, viole l’obligation de réduire le dommage, ce qui entraîne la perte du droit à l’indemnité en cas d’insolvabilité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_801/2011 du 11 juin 2012 consid. 6.2). Un assuré qui reste inactif durant près de trois mois après la fin de ses rapports de travail, reportant les conséquences de l’insolvabilité éventuelle de son ancien employeur sur l’assurance-chômage et faisant passer sciemment les intérêts d’un tiers avant ceux de l’assurance sociale, contrevient manifestement à son obligation de réduire le dommage (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 91/01 du 4 septembre 2001 consid. 2b). Un assuré qui sait que son employeur n’est pas en mesure de le rémunérer et qui s’en accommode sans prendre de mesures contraignantes, se contentant de réclamations orales ou écrites qui n’offrent aucune garantie, viole également cette obligation (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 367/01 du 12 avril 2002 consid. 2b et 2c). Il en va de même de l'assuré qui n’a entrepris aucune démarche entre la résiliation du contrat de travail et l’ouverture de la faillite (arrêt du Tribunal fédéral 8C_630/2011 du 3 octobre 2011 consid. 4.1) et d'un assuré qui attend près de six mois avant de mettre en demeure son employeur de lui verser les arriérés de salaires, étant précisé que des réclamations orales ne suffisent pas à satisfaire à cette obligation (arrêt du Tribunal fédéral 8C_956/2012 du 19 août 2013 consid. 6). Tel est également le cas d’un assuré qui attend plus d’un an pour le dépôt d’une requête en conciliation après la dernière correspondance adressée à son employeur (arrêt du Tribunal fédéral 8C_749/2016 du 22 novembre 2017 consid. 3.5.3), et d’un assuré ayant laissé s’écouler cinq mois entre le défaut de paiement de son salaire et le dépôt d’une action (arrêt du Tribunal fédéral 8C_66/2013 précité consid. 4). En revanche, dans le cas d’un assuré ayant attendu près de six mois pour mettre en demeure son employeur par écrit après des sommations orales, le Tribunal fédéral a nié une violation de l’obligation de diminuer le dommage, dès lors que des pourparlers avaient amené l’employeur à s’acquitter d’une partie des salaires (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 235/04 du 23 décembre 2005 consid. 3.4 et 3.5).

Le Tribunal fédéral a précisé que de manière générale, l’assuré ne se conforme pas à son obligation de diminuer le dommage lorsqu’il n’a pas obtenu l’exécution du contrat par l’employeur pendant une période de plus de deux à trois mois, sans versement d’un acompte ou d’un paiement partiel, qu’il ne peut s'attendre à une amélioration de la situation, et qu’il n’existe pas de raisons objectives justifiant son attente (arrêt du Tribunal fédéral 8C_66/2011 du 29 août 2011 consid. 4.2).

Dans le cas d'un assuré employé par la même société qu'en l'espèce, le Tribunal fédéral a jugé que l'inactivité de celui-ci pendant près de 29 mois, hormis des interpellations orales, une mise en demeure écrite et l'obtention d'une reconnaissance de dette, était constitutive d'une violation fautive de l'obligation de diminuer le dommage, au dépit de l'espoir d'une amélioration de la situation financière de la société grâce à un éventuel dédommagement par l'assurance suite à l'incendie survenu (arrêt du Tribunal fédéral 8C_367/2022 du 7 octobre 2022).

5.             En ce qui concerne la preuve, le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b, 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

6.              

6.1 Au vu du risque de mise en faillite - qui s'est matérialisé début 2021 - et de l'incertitude quant au dédommagement de la société par l'assurance responsabilité civile de l'auteur de l'incendie - dédommagement dont on ignore s'il a finalement eu lieu -, il doit être admis que la situation de la société pouvait encore se dégrader à la suite du licenciement du recourant le 30 novembre 2018. À cet égard, le Tribunal fédéral a jugé qu'il n'est pas déterminant si la société avait encore des charges courantes et/ou des ressources financières à partir de novembre 2018. S'agissant des démarches entreprises par les autres employés pour recouvrer leurs créances salariales, la Tribunal fédéral a précisé dans son arrêt 8C_367/2022 que cette question n'était pas pertinente pour l'issue de la cause, laquelle portait sur l'attitude du recourant - et non celle de ses anciens collègues - en lien avec son obligation de réduire le dommage (arrêt du Tribunal fédéral 8C_367/2022 précité consid. 5.2).

6.2 Entre son licenciement le 30 novembre 2018 et la production de sa créance salariale auprès de l'office des faillites le 25 février 2021, le recourant s'est limité à interpeller oralement son employeur et à déposer le 6 février 2020 une requête en conciliation auprès du Tribunal des Prud'hommes. Or des interventions orales ne suffisent pas pour satisfaire à l'obligation de réduire le dommage, à tout le moins lorsque, comme en l'espèce, l'employeur ne remplit pas ses obligations contractuelles sur une longue période (arrêts du Tribunal fédéral 8C_327/2020 du 17 juin 2020 consid. 6 ; 8C_956/2012 précité consid. 6 et les références). En ce qui concerne le dépôt le 6 février 2020 d'une requête en conciliation auprès du Tribunal des Prud'hommes, le recourant a attendu plus d'un an avant d'engager cette procédure et il n'a pas introduit entre-temps d'autres démarches (par exemple une poursuite ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_749/2016 précité consid. 3.5.3 ; 8C_66/2013 précité). Dans ces conditions, l'inactivité prolongée du recourant entre le 30 novembre 2018 et le 6 février 2020, soit durant près de 14 mois, constitue une violation fautive de son obligation de diminuer le dommage.

S’agissant enfin de la reconnaissance de dette le 30 août 2018 et de la mise en demeure écrite le 22 octobre 2018, celles-ci sont intervenues avant le licenciement du recourant. Quoiqu'il en soit, l'obtention d'une simple reconnaissance de dette ne suffit pas pour satisfaire l'obligation de l'employé de réduire le dommage (arrêts du Tribunal fédéral 8C_367/2022 du 7 octobre 2022 consid. 6.2. et 8C_641/2014 du 27 janvier 2015 consid. 4.3).

6.3 Dans un second moyen, le recourant fait valoir qu’il existait des raisons objectives de ne rien entreprendre contre la société au cours des deux années qui ont précédé la faillite, dans la mesure où la situation financière de la société ne pouvait pas se dégrader, mais qu’elle était au contraire appelée à s’améliorer à brève échéance dès que l’indemnité d’assurance était payée. Ainsi, les démarches juridiques que l’on pourrait habituellement attendre de la part d’un ex-employé – à savoir notamment une réquisition de poursuite, une mise en faillite ou encore une action judiciaire – auraient été inefficaces et même contreproductives, dès lors que l'ancien employeur était prêt à le réengager en cas d'amélioration de la situation financière.

Le seul espoir d'une amélioration de la situation financière de la société ensuite d'un éventuel dédommagement par l'assurance responsabilité civile de l'auteur de l'incendie ne justifie pas une si longue période d'inactivité de la part du recourant, celui-ci n'ayant de surcroît fourni aucun détail concernant l'indemnisation, en particulier sur les raisons de l'absence d'indemnisation pendant trois ans au moment de la faillite. De surcroît, il n'est pas établi que l'immeuble détruit par un incendie le 28 février 2018 à Tramelan dans le Jura bernois, selon la coupure de presse produite, appartenait à la société ni que celle-ci y avait ses bureaux, étant précisé que le siège de la société était à la rue du Rhône à Genève, selon l'extrait du registre du commerce, et que le domicile du recourant est également dans cette ville. Il ressort en outre de l'attestation du 30 août 2018 de la société que la cause de l'incapacité d'honorer le salaire du recourant au cours de l'été 2018 réside également dans les mauvais résultats financiers. Les importants problèmes financiers de l'entreprise - qui étaient connus du recourant - auraient dû l'inciter à entreprendre rapidement des démarches sérieuses en vue de tenter de récupérer sa créance salariale (arrêt du Tribunal fédéral 8C_367/2022 précité consid. 6.2). Il ne pouvait pas se contenter de rester inactif jusqu'à la mise en faillite de la société. On rappellera à ce titre qu'en matière d'indemnité en cas d'insolvabilité, il n'appartient pas à l'assuré d'estimer lui-même si des démarches en vue de récupérer sa créance peuvent ou non être couronnées de succès (ATF 131 V 196 consid. 4.1.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_367/2022 précité consid. 6.2 ; 8C_364/2012 du 24 août 2012 consid. 4.1), la probabilité d'un échec de telles démarches augmentant du reste de manière constante au fil du temps (arrêts du Tribunal fédéral 8C_367/2022 précité consid. 6.2 ; 8C_364/2012 précité consid. 4.1). Quant à l'impossibilité alléguée d'une péjoration de la situation de la société, notre Haute Cour a jugé qu'un lien entre le dommage de l'assurance-chômage et des démarches insuffisantes de l'assuré ne peut pas être nié au motif de l'absence d'indices en faveur d'une détérioration de la situation financière de l'employeur (arrêts du Tribunal fédéral 8C_367/2022 précité consid. 6.2 ; 8C_66/2013 précité consid. 4.4).

7.             Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

8.             Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA en lien avec l’art. 1 al. 1 LACI).


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Maya CRAMER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le