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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4252/2022

ATAS/247/2023 du 06.04.2023 ( AVS ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4252/2022 ATAS/247/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 6 avril 2023

5ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à SAINT JULIEN EN GENEVOIS, FRANCE

 

 

recourante

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, sise rue des Gares 12, GENÈVE

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Le 21 avril 2021, la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse ou l’intimée) a rendu une décision d’affiliation à partir du 1er août 2020 concernant Madame A______ (ci-après : l’intéressée ou la recourante), ressortissante britannique domiciliée en France.

b. Par courriel du 28 mars 2022, l’intéressée a informé la caisse du fait que sa demande de permis pour travailleurs frontaliers (permis G) avait été refusée « en raison du Brexit ». Elle voulait cependant rester affiliée en Suisse. Son bureau était sis auprès de la société à responsabilité limitée B______ à Carouge.

c. Le 12 avril 2022, la caisse a rendu une décision de clôture du dossier d'indépendante de l’intéressée au 31 décembre 2021. Elle a retenu que les ressortissants suisses ou d’un État de l’Union européenne (UE) exerçant des activités indépendantes, simultanément ou en alternance, dans plusieurs pays de l’UE ou de l’Association européenne de libre-échange (AELE) étaient généralement soumis au régime de sécurité sociale de leur état de résidence. La caisse invitait l’intéressée à entreprendre les démarches auprès du système de sécurité sociale français pour le paiement de ses charges sociales, dès le 1er janvier 2022.

d. L’intéressée s’est opposée à cette décision par courrier du 19 avril 2022. Elle souhaitait maintenir son affiliation en qualité d’indépendante en Suisse et y payer les « taxes et charges sociales », car elle n’avait ni clients, ni activités en France. L’essentiel de ses revenus provenait de ses clients en Suisse et le reste de sa clientèle était au Royaume-Uni ou aux États-Unis. Elle s’est prévalue d’un entretien téléphonique avec un collaborateur de l’office cantonal des assurances sociales (ci-après : l'OCAS), qui lui aurait affirmé qu’elle pouvait maintenir son affiliation en qualité d’indépendante en Suisse, sans permis, à condition qu’elle s’acquitte de ses « taxes et charges sociales » et ne travaille pas plus de huit jours en Suisse. Elle respecterait ces conditions. Elle avait déjà établi des factures pour un montant de CHF 26'000.- en 2022, et payé les premières factures liées aux taxes et charges sociales pour cet exercice.

e. Par décision du 16 novembre 2022, la caisse a écarté l’opposition. L’intéressée exerçait une activité de consultante et coach à Genève alors qu’elle était domiciliée en France. Le droit communautaire ne lui était plus applicable en 2022, pas plus que la nouvelle convention conclue entre la Suisse et le Royaume-Uni. L’intéressée ne pouvant plus exercer d’activité lucrative en Suisse, elle ne pouvait pas prétendre être affiliée à l’AVS.

B. a. L’intéressée a interjeté recours contre la décision de la caisse par courrier adressé à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) le 12 décembre 2022. Elle a repris les arguments développés à l’appui de son opposition, ajoutant qu’elle avait facturé des honoraires de plus de CHF 87'000.- en 2022 en citant son numéro AVS et son compte bancaire en Suisse. Partant, la décision de clôture était rendue « trop tard » pour cette année.

b. Par réponse du 9 janvier 2023, l’intimée a conclu au rejet du recours. Le fait d’avoir ses clients en Suisse n’était pas déterminant du point de vue de l’affiliation. Le critère pertinent était le lieu de l’activité professionnelle, en l’occurrence la France – hormis éventuellement huit jours par année. Un doute sur la fin de l’affiliation au 31 décembre 2021 pouvait subsister. Si la recourante entendait contester cette date, l’intimée requérait la production de la décision de refus de permis de travail de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

c. Le 12 janvier 2023, la chambre de céans a invité la recourante à lui faire parvenir sa réplique et la décision de l’OCPM lui refusant un permis G.

d. Dans sa réplique du 27 janvier 2023, la recourante a requis le report de la fin de son affiliation au 31 décembre 2022, au vu de la décision rendue le 9 janvier 2023 seulement. En juillet 2022, elle avait signalé à l'OCAS qu’elle continuerait à travailler en Suisse dans l’attente de la décision et on ne lui avait pas indiqué de ne pas le faire.

Elle a produit le courrier du 7 juillet 2022 de l’intimée accusant réception de son opposition, sur lequel elle avait apposé une annotation manuscrite annonçant qu’elle continuerait à travailler en Suisse en respectant les conditions fixées (pas plus de huit jours de travail en Suisse physiquement).

e. La chambre de céans a transmis copie de cette écriture à l’intimée le 3 février 2023.

f. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             La modification du 21 juin 2019 de la LPGA, entrée en vigueur le 1er janvier 2021, est applicable dans la mesure où le présent recours n’était pas pendant à cette date (art. 82a LPGA a contrario).

3.             Le recours a été déposé dans le délai prévu par la loi (art. 60 LPGA).

Sur la forme, selon l'art. 61 let. b LPGA, l’acte de recours doit contenir un exposé succinct des faits et des motifs invoqués, ainsi que les conclusions ; si l’acte n’est pas conforme à ces règles, le tribunal impartit un délai convenable au recourant pour combler les lacunes, en l’avertissant qu’en cas d’inobservation le recours sera écarté. Cette disposition découle du principe de l'interdiction du formalisme excessif et constitue l'expression du principe de la simplicité de la procédure qui gouverne le droit des assurances sociales. C'est pourquoi le juge saisi d'un recours dans ce domaine ne doit pas se montrer trop strict lorsqu'il s'agit d'apprécier la forme et le contenu de l'acte de recours (ATF 143 V 249 consid. 6.2). La motivation est suffisante lorsque le recourant manifeste sa volonté d’être considéré en tant que tel d’une part, et de faire modifier la situation juridique consacrée par la décision, d’autre part (Susanne BOLLINGER, Basler Kommentar zum ATSG, 2020, n. 28 ad art. 61 LPGA). En l'espèce, la motivation est pour le moins succincte. On comprend néanmoins ce qu’entend obtenir la recourante, de sorte qu’elle reste suffisante.

Partant, le recours est recevable.

4.             Le litige, tel que circonscrit par la décision litigieuse, porte sur l’affiliation de la recourante à l’AVS dès le 1er janvier 2022.

5.             L’assujettissement à l’AVS peut résulter tant des dispositions de la LAVS – soit du droit national – que du droit international.

5.1 Au plan international, on peut citer en premier lieu l’accord entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681).

5.1.1 L’ALCP prévoit à son art. 13 que le frontalier indépendant est un ressortissant d’une partie contractante qui a sa résidence sur le territoire d’une partie contractante et qui exerce une activité non salariée sur le territoire de l’autre partie contractante, en retournant à son domicile en principe chaque jour, ou au moins une fois par semaine (al. 1). Les frontaliers indépendants n’ont pas besoin d’un titre de séjour. Cependant, l’autorité compétente de l’État concerné peut doter le frontalier indépendant d’un titre spécifique pour une durée de cinq ans au moins pour autant qu’il produise la preuve aux autorités nationales compétentes qu’il exerce ou veut exercer une activité indépendante. Il est prolongé pour cinq ans au moins pour autant que le frontalier produise la preuve qu’il exerce une activité indépendante (al. 2). Le titre spécifique est valable pour l’ensemble du territoire de l’État qui l’a délivré (al. 3). L’art. 2 de l’annexe I à l’ALCP prévoit que sans préjudice des dispositions de la période transitoire arrêtée à l’art. 10 du présent accord et au chapitres VII de la présente annexe, les ressortissants d’une partie contractante ont le droit de séjourner et d’exercer une activité économique sur le territoire de l’autre partie contractante selon les modalités prévues aux chapitres II à IV. Ce droit est constaté par la délivrance d’un titre de séjour ou spécifique pour les frontaliers. On rappellera que les frontaliers peuvent se prévaloir des dispositions de l’ALCP sur les avantages sociaux (ATF 134 V 284 consid. 4.4.2). L’assujettissement obligatoire à l'AVS ne tombe toutefois pas dans le champ d'application matériel d'un avantage social, mais concerne une prestation de sécurité sociale au sens de l'art. 4 § 1 let. c du règlement du règlement (CEE) n°1408/71 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté (ATF 138 V 186 consid. 3.4.1), et de l’art. 3 § 1 let. c du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (RS 0.831.109.268.1).

5.1.2 Le règlement n° 883/2004, que les parties à l’ALCP appliquent entre elles depuis le 1er avril 2012, reprend à son art. 11 § 3 let. a le principe de la lex loci laboris auparavant ancré à l’art. 13 § 2 let. a du règlement n°1408/71. Ce principe consacrait l'assujettissement du travailleur à un seul régime de sécurité sociale, soit celui de l'État membre où il travaillait, même s'il résidait sur le territoire d'un autre État ou si l'entreprise ou l'employeur qui l'occupait avait son siège ou son domicile sur le territoire d'un autre État membre (ATF 138 V 533 consid. 3.1). L’art. 13 § 2 du règlement n° 883/2004 prévoit que la personne qui exerce normalement une activité non salariée dans deux ou plusieurs États membres est soumise à la législation de l'État membre de résidence, si elle exerce une partie substantielle de son activité dans cet État membre (let. a) ; ou à la législation de l'État membre dans lequel se situe le centre d'intérêt de ses activités, si la personne ne réside pas dans l'un des États membres où elle exerce une partie substantielle de son activité (let. b). Les personnes visées aux § 1 à 4 sont traitées, aux fins de la législation déterminée conformément à ces dispositions, comme si elles exerçaient l'ensemble de leurs activités salariées ou non salariées et percevaient la totalité de leurs revenus dans l'État membre concerné (art. 13 § 5 du règlement n° 883/2004). Pour déterminer si une partie substantielle de l'activité salariée est exercée dans un État membre, les critères du temps de travail et/ou de la rémunération doivent être pris en compte ; la réunion de moins de 25 % des critères précités indique qu'une partie substantielle des activités n'est pas exercée dans l'État membre concerné (art. 14 § 8 du règlement n° 987/2009) (cf. également ATF 142 V 280 consid. 6.1).

5.1.3 Le détachement constitue la plus importante exception au principe de l'affiliation au lieu de travail. Quiconque est envoyé pour travailler pour une durée limitée dans un autre État reste soumis, pendant cette période, à la législation de l'État d'où il est détaché. En droit européen, cette règle ne vaut pas seulement pour les salariés, mais - contrairement à la plupart des conventions de sécurité sociale - aussi pour les indépendants. La durée du détachement s'élève à douze mois mais peut être prolongée (Paul CADOTSCH / Marie-Pierre CARDINAUX, Les effets de l'accord sur l'assujettissement et l'obligation de cotiser à l'AVS in Das Personenverkehrsabkommen mit der EU und seine Auswirkungen auf die soziale Sicherheit der Schweiz, 2001, p. 134). L’art. 6 de la loi fédérale sur les mesures d’accompagnement applicables aux travailleurs détachés et aux contrôles des salaires minimaux prévus par les contrats-types de travail du 8 octobre 1999 (LDét – RS 823.20) institue une procédure d’annonce des missions pour lesquelles un employeur sis à l’étranger détache des travailleurs en Suisse. L’ordonnance sur les travailleurs détachés en Suisse du 21 mai 2003 (ODét - RS 823.201) prévoit à son art. 6 que la procédure d’annonce prévue par la loi est obligatoire pour tous les travaux d’une durée supérieure à huit jours par année civile – sauf pour certains travaux énumérés à l’al. 2, pour lesquels l’annonce est obligatoire sans durée minimale.

5.2 La recourante étant de nationalité britannique, il convient également de rappeler ce qui suit.

5.2.1 Le Royaume-Uni est sorti de l’Union européenne (UE) le 31 janvier 2020. Partant, depuis le 1er janvier 2021, soit à l’issue de la phase transitoire s’étant achevée le 31 décembre 2020, l’ALCP ne s’applique plus aux relations entre la Suisse et le Royaume-Uni, et les ressortissants de ce dernier ne sont plus considérés comme ressortissants UE / AELE mais comme ressortissants d’un État tiers.

5.2.2 Le 25 février 2019, la Suisse et le Royaume-Uni ont signé un accord sur les droits acquis des citoyens, qui est appliqué depuis le 1er janvier 2021 (FF 2020 1041). Selon cet accord (art. 1 et 4 notamment), les ressortissants suisses et britanniques conservent à vie les droits de séjour et autres droits acquis au titre de l’ALCP jusqu’au 31 décembre 2020. Ledit accord s’applique également aux ressortissants du Royaume-Uni qui ont exercé leur droit en tant que travailleurs frontaliers en Suisse conformément à l’ALCP, avant la date spécifiée et qui continuent de le faire par la suite (art. 10).

5.2.3 La Convention sur la coordination de la sécurité sociale entre la Confédération suisse et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (RS 0.831.109.367.2), appliquée provisoirement dès le 1er novembre 2021, englobe notamment dans son champ d’application personnel les ressortissants du Royaume-Uni (art. 2 al. 1 let. a). Elle s’applique aux personnes résidant légalement en Suisse ou au Royaume-Uni, conformément à son art. 3 al. 1.

Cette convention vise à garantir aux assurés une large égalité de traitement et un accès facilité aux prestations de sécurité sociale. Elle évite une double assurance ainsi que les lacunes d’assurance pour les personnes ayant affaire aux deux systèmes de sécurité sociale (Communiqué de presse de l’OFAS du 1er novembre 2021, accessible sous https://www.bsv.admin.ch/bsv/fr/home/publications-et-services/medieninformationen/nsb-anzeigeseite-unter-aktuell.msg-id-85669.html, cf. également Bulletin à l’intention des caisses de compensation AVS et des organes d’exécution des prestations complémentaires n° 444 du 1er novembre 2021).

5.3 Au plan interne, l’art. 1a al. 1 LAVS prévoit l’assurance obligatoire notamment des personnes physiques domiciliées en Suisse (let. a) et des personnes physiques qui exercent en Suisse une activité lucrative (let. b).

5.3.1 Les conditions d’assujettissement figurant à l’art. 1a LAVS relèvent de règles de droit interne et sont applicables sous réserve de dispositions de droit international qui prévalent sur l’assujettissement à l’assurance et l’obligation de cotiser (Michel VALTERIO, Droit de l'assurance-vieillesse et survivants [AVS] et de l'assurance-invalidité [AI], 2011, p. 23 n. 34 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 160/00 du 9 octobre 2000 consid. 3c). Conformément à l’art. 1a al. 1 let. b LAVS, la seule activité lucrative en Suisse suffit à fonder l’assurance, que ladite activité puisse, ou non, ouvrir le droit à une rente (VALTERIO, eod. loc., p. 29 n. 51). Les annexes aux directives sur l’assujettissement aux assurances AVS et AI [DAA] publiées par l’OFAS dans leur version au 1er janvier 2021 rappellent certaines règles en matière d’assujettissement. Selon l’annexe 5, relative à l’assujettissement d’un ressortissant d’un État non contractant exerçant une activité indépendante, le revenu est assuré à l’AVS lorsque le lieu de travail est en Suisse, même si l’intéressé est domicilié à l’étranger. La notion de ressortissant d’État contractant est définie au chiffre 1016.1 DAA comme le ressortissant d’un État tiers auquel aucune convention de sécurité sociale ou accord international n’est applicable.

5.3.2 Le Tribunal fédéral a souligné à plusieurs reprises que l'obtention d'une autorisation de séjour ou d'établissement de la police des étrangers n'est pas un critère décisif pour déterminer si une personne s'est valablement constitué un domicile au sens du droit civil. Il a clairement exclu les décisions de la police des étrangers de la liste des empêchements en admettant la constitution d'un domicile – et par conséquent l'assujettissement à l'AVS – d'une personne sans activité lucrative, qui contestait son affiliation d'office, au motif qu'elle ne bénéficiait d'aucun permis de séjour (par exemple arrêt du Tribunal fédéral 9C_914/2008 du 31 août 2009 consid. 6.1 et les références). Par ailleurs, la nature de l'activité exercée importe peu : le gain soumis à cotisations peut aussi bien provenir d'une activité licite que d'une activité illicite, en particulier d'un travail « au noir ». Le ressortissant étranger qui travaille illégalement en Suisse est donc aussi soumis à l'assurance obligatoire (ATF 118 V 79 consid. 2b). Une activité exercée sans autorisation de travail est ainsi également prise en compte et conduit à un assujettissement à l’AVS (KIESER, Rechtsprechung des Bundesgerichts zum AHVG, 4ème éd. 2020, n. 15 ad art. 1a LAVS ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 628/04 du 20 décembre 2005 consid. 3.4).

6.             En l’espèce, la chambre de céans retient ce qui suit.

6.1 Au plan international, la recourante ne peut se prévaloir de la convention bilatérale conclue par la Suisse et le Royaume-Uni, dès lors qu’elle ne lui est pas applicable, faute de domicile dans l’un de ces deux États.

6.2 Bien que les éléments au dossier ne permettent pas de déterminer si un permis G a été concrètement délivré à la recourante par le passé, il ne paraît pas exclu selon un examen prima facie que celle-ci aurait pu prétendre à un tel titre sous l’empire de l’ALCP. On peut ainsi se demander si un droit à une telle autorisation aurait dû lui rester acquis en vertu de l’accord conclu par la Suisse et le Royaume-Uni à la suite du Brexit. Or, il faut ici rappeler que les dispositions de l’ALCP relatives au droit des étrangers sont suffisamment précises et claires quant à leur contenu pour fonder une décision dans un cas d'espèce, raison pour laquelle elles sont en principe directement applicables (self-executing, sur cette notion, cf. Ueli KIESER, Alters- und Hinterlassenen-versicherung in Soziale Sicherheit, SBVR vol. XIV, 3ème 2016, n. 17), si bien qu’on a renoncé à les transposer dans le droit national. Les dispositions d'exécution de l’ALCP se trouvent dans l’ordonnance sur l’introduction progressive de la libre circulation des personnes entre, d’une part, la Confédération suisse et, d’autre part, l’Union européenne et ses États membres, ainsi qu’entre les États membres de l’Association européenne de libre-échange (OLCP – RS 142.203). Les dispositions de l’annexe I à l’ALCP concernant le séjour confèrent un droit individuel à l'obtention d'une des autorisations de séjour de police des étrangers mentionnées à l'art. 4 OLCP, soit notamment les autorisations frontalières UE/AELE. Lorsque les conditions d'octroi sont réunies, le pouvoir d'appréciation de la police des étrangers est limité lors de l'octroi de l'autorisation (ATF 129 II 249 consid. 3.3 et les références).

Malgré ce qui précède, la recourante s’est, selon ses propres déclarations, vu refuser l’octroi d’un permis G. Dès lors qu’elle n’a pas déféré à la requête de la chambre de céans tendant à la production de la décision de refus de l’OCPM, il n’est pas possible de vérifier les motifs de cette décision et les éventuelles conséquences de sa possible non-conformité au droit international sur la question de l’assujettissement à l’AVS, notamment compte tenu du caractère self-executing des droits conférés par l’ALCP, qui pourraient être acquis à la recourante en vertu de l’accord helvético-britannique. 

6.3 Cela étant, l’absence de permis G octroyé en vertu de l’ALCP et des éventuels droits acquis que cet accord peut conférer à des ressortissants britanniques ne suffit pas à exclure l’affiliation de la recourante à l’AVS.

Les caisses de compensation qui statuent sur l’affiliation et sur l’obligation de cotiser des personnes domiciliées en Suisse et/ou y exerçant une activité lucrative ne sont pas liées par les décisions rendues par les autorités de police des étrangers (arrêt non publié du tribunal cantonal lucernois du 4 mai 2015 5V15 100 consid. 3.1, dont le Tribunal fédéral a confirmé l’analyse au consid. 2.2 de son arrêt 9C_421/2015 du 25 juin 2015).

En matière d’assujettissement à l’AVS, nonobstant l’absence d’autorisation de travail et/ou de séjour, il n’existe pas de motif de traiter différemment les frontaliers des personnes résidant et travaillant en Suisse. L’intimée ne peut ainsi pas être suivie en tant qu’elle nie l’affiliation au seul motif que la recourante n’est pas autorisée à travailler en Suisse, alors même qu’il apparaît que celle-ci y exerce une activité lucrative et remplit ainsi la condition visée à l’art. 1a al. 1 let. b LAVS. On notera à ce sujet qu’au vu des honoraires élevés annoncés par la recourante pour son activité en Suisse, il apparaît pour le moins douteux qu’ils soient générés par une activité déployée sur moins de huit jours, soit la limite temporelle à l’obligation d’annonce qu’impose la LDét.

Au vu des circonstances, il convient de souligner qu’en l’espèce, l’assujettissement à l’AVS en vertu du seul droit interne est admis sans préjudice d’une éventuelle affiliation à une institution étrangère d’assurance-vieillesse en vertu d’un autre ordre juridique, en l’absence de toute disposition de droit international applicable tendant à éviter la double assurance. Il n’est, en outre, pas inutile de rappeler que le prélèvement des cotisations sur les revenus que la recourante tire de son activité en Suisse ne saurait être considéré comme une régularisation de son statut, du point de vue de la police des étrangers, notamment eu égard à l’art. 115 al. 1 let. c de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), qui prévoit, notamment, qu’est puni d’une peine privative de liberté d’un an au plus ou d’une peine pécuniaire quiconque exerce une activité lucrative sans autorisation.

6.4 Au vu des éléments qui précèdent, le revenu que la recourante tire de son activité en Suisse est en principe soumis à cotisations.

La décision de l’intimée s’avère ainsi non conforme au droit, et la cause lui sera renvoyée à charge pour celle-ci de déterminer le montant de ce revenu et les cotisations dues à ce titre.

7.             Le recours est admis.

La recourante n’étant pas représentée, elle ne peut prétendre à des dépens (art. 61 let. g LPGA).

8.             Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet au sens des considérants.

3.        Annule la décision de l’intimée du 16 novembre 2022.

4.        Renvoie la cause à l’intimée pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le