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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4575/2018

ATAS/11/2023 du 17.01.2023 ( LCA )

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4575/2018 ATAS/11/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt incident du 17 janvier 2023

9ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à VERSOIX, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Sarah BRAUNSCHMIDT SCHEIDEGGER

 

 

demandeur

 

contre

ALLIANZ SUISSE, SOCIÉTÉ D'ASSURANCES SA, sise Richtiplatz 1, WALLISELLEN

 

 

défenderesse

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après: l’assuré), né le ____ 1975, était employé de la société B______ en tant que plongeur-casserolier depuis février 2011, et était, à ce titre, assuré contre la perte de gain maladie dans le cadre d'une police d'assurance collective d'indemnités journalières conclue par l'employeur auprès d’ALLIANZ SUISSE, SOCIÉTÉ D'ASSURANCES SA (ci-après : ALLIANZ, l'assureur perte de gain maladie ou la défenderesse).

2.        Par courrier du 27 avril 2017, l'employeur a licencié l’assuré avec effet au 31 juillet 2017.

3.        Par déclaration de maladie du 13 juin 2017, l’employeur a indiqué que l’assuré avait complètement cessé son activité le 2 mai 2017 en raison d’une maladie. Le salaire de base brut avant le début de l’incapacité de travail était de CHF 4'163.40 par mois, versé treize fois l’an. L’assuré bénéficiait déjà de prestations d’une assurance-accidents pour le sinistre n° 2017 7239488.

4.        Le 31 juillet 2017, ALLIANZ a mis en œuvre une expertise confiée à la clinique D______. La doctoresse C______, spécialiste en psychiatrie, a examiné l’assuré le 16 septembre 2017 et rendu son rapport le 6 octobre 2017. Elle a posé le diagnostic de trouble de l’adaptation, réaction mixte, anxieuse et dépressive (F43.22). Au jour de l’examen, la capacité de travail était entière, sans baisse de rendement.

5.        Par courrier du 9 octobre 2017, ALLIANZ, se référant aux conclusions de l’expertise D______, a invité l’assuré, dont le contrat de travail avait été résilié, à chercher un nouvel emploi et à s’inscrire auprès d’une caisse de chômage. Le rapport d’expertise ayant été transmis tardivement, ALLIANZ allait verser les prestations en faveur de l’assuré jusqu’au 15 octobre 2017.

6.        Par courrier du 9 mars 2018, l’assuré a contesté l’expertise effectuée par la clinique D______ et a sommé ALLIANZ de lui verser les indemnités journalières et de procéder à une nouvelle expertise somatique et psychiatrique.

7.        Le 25 avril 2018, l'assuré a déposé une demande de prestations auprès de l'office cantonal de l'assurance-invalidité (ci-après : l'OAI), invoquant une incapacité de travail totale du 17 janvier au 30 avril 2017, de 50 % du 2 au 21 mai 2017 et totale dès le 22 mai 2017.

8.        Par courrier du 27 avril 2018, ALLIANZ a répondu au docteur E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, que l’expertise réalisée par la clinique D______ en septembre 2017 demeurait valable, dans la mesure où la sanction prononcée à l’égard de cet établissement visait d’autres expertises. L'assureur perte de gain maladie s’interrogeait en outre sur les motifs qui empêchaient l’assuré, qui aurait souffert de mobbing sur son lieu de travail, de chercher une autre activité, dès lors qu’il ne travaillait plus depuis longtemps pour son employeur.

9.        Par pli du 9 mai 2018, l’assuré a sollicité une nouvelle expertise ainsi que le versement des indemnités journalières jusqu’à fin août 2018 au minimum, afin de tenir compte d’un délai de transition de cinq mois dès le courrier d’ALLIANZ du 26 mars.

10.    Par mémoire du 21 décembre 2018, l'assuré a assigné ALLIANZ par devant la chambre de céans, sous suite de dépens, en paiement d'une somme de CHF 46'646.40 à laquelle s'ajoutait un intérêt moratoire de 5 % l'an dès le 10 mars 2018 ; ainsi qu’en paiement d’un montant de CHF 126.20 par jour dès le 1er janvier 2019.

Le demandeur a fait valoir que l’expertise effectuée par la clinique D______ devait être écartée. Des manquements aux règles de l’art avaient été constatés dans la réalisation des expertises menées par cet établissement, si bien que le département genevois de l’emploi, des affaires sociales et de la santé lui avait retiré l’autorisation d’exploiter pour une durée de trois mois, mesure qui avait été confirmée par le Tribunal fédéral.

Le demandeur a ensuite exposé que les troubles psychiques dont il souffrait depuis le mois de mai 2017, qui nécessitaient un traitement médical, persistaient et l’empêchaient d’exercer une activité lucrative. Il avait ainsi droit aux indemnités journalières de CHF 126.20 par jour (80 % du salaire assuré de CHF 57'576.55 selon le décompte de salaire 2016), soit un montant total de CHF 46'646.40 jusqu’au 31 décembre 2018, après déduction des indemnités déjà versées de CHF 9'134.-, plus intérêts à 5 % l'an dès le 10 mars 2018, date de la réception de la première sommation de payer. À partir du 1er janvier 2019, la défenderesse devait lui payer CHF 126.20 par jour pendant 730 jours au maximum conformément à la police d’assurance applicable en l’espèce.

Enfin, le demandeur a sollicité son audition et celle de témoins (dont la liste serait déposée ultérieurement) ainsi qu’une expertise neutre et indépendante.

11.    Dans sa réponse du 1er mars 2019, la défenderesse a conclu au déboutement de l’assuré de toutes ses conclusions, avec suite de dépens.

12.    Par pli du 13 mars 2019, le demandeur a sollicité une audience de débats.

13.    Dans sa réplique du 29 avril 2019, le demandeur a notamment persisté à demander la mise sur pied d'une expertise.

14.    Le 8 juillet 2019, la chambre de céans a tenu une audience de débats.

15.    Par ordonnance du 24 octobre 2019, la chambre de céans a requis la production par l’OAI du dossier AI du demandeur.

Celui-ci, transmis le 8 novembre 2019, contenait notamment une communication de l’OAI du 6 mai 2019, informant le demandeur de la mise sur pied d’une expertise psychiatrique auprès du Professeur F______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie ; remplacé par le docteur G______, de même spécialité, par communication du 25 juillet 2019, suite au courrier du conseil du demandeur du 17 mai 2019.

16.    Par arrêt incident du 21 février 2020, la chambre de céans a suspendu l’instance en application de l’art. 126 CPC, jusqu’à réception du rapport d’expertise qui serait mise en œuvre par l’OAI (ATAS/132/2020).

La capacité de travail du demandeur était nulle dans son activité habituelle, ce que la défenderesse ne contestait pas. En revanche, les rapports médicaux au dossier ne permettaient pas de déterminer depuis quand et à quel taux le demandeur était apte à exercer une activité adaptée. Les pièces produites par les parties ne permettaient pas de statuer sur le litige, si bien qu’une expertise psychiatrique était nécessaire afin de clarifier les éventuelles conséquences de l’atteinte à la santé psychique sur sa capacité de travail et la manière dont celle-ci a évolué au fil du temps. Dans la mesure où l’OAI avait déjà ordonné une expertise psychiatrique, il se justifiait de suspendre la procédure jusqu’à réception du rapport d’expertise qui serait mise en œuvre.

17.    Le 11 novembre 2021, le Dr G______ a rendu son rapport d’expertise, complété le 4 février 2022.

18.    Le 30 mars 2022, le demandeur a informé la chambre de céans qu’une première version de l’expertise avait été rendue. L’OAI avait toutefois sollicité des compléments et précisions à l’expert. L’assuré contestait toute valeur probante à cette expertise et sollicitait la reprise de l’instruction, l’expertise diligentée par l’OAI ne permettant en rien d’évaluer son état de santé.

19.    Le 29 avril 2022, la défenderesse a invité la chambre de céans à examiner la valeur probante de l’expertise du Dr G______. Il semblait que sa réalisation avait été rendue difficile du fait de l’attitude du demandeur.

20.    Par ordonnance du 5 mai 2022, la chambre de céans a ordonné la reprise de l’instruction de la cause.

21.    Le 12 juillet 2022, le demandeur a persisté dans ses conclusions, réclamant la somme totale de CHF 92'126.-, sous déduction de la somme de CHF 9'134.- payée par la défenderesse, à titre d’indemnités journalières dès le 2 mai 2017. L’expertise du Dr G______ n’était d’aucune utilité en l’absence d’un examen rétrospectif sur sa capacité de travail. Il a produit deux attestations des Drs E______, et H______, spécialiste en médecine interne générale.

22.    Le 14 septembre 2022, la défenderesse a persisté dans ses conclusions. Le demandeur n’avait pas apporté la preuve de son incapacité de travail, même partielle.

23.    Par plaidoiries écrites du 22 novembre 2022, la défenderesse a conclu au déboutement du demandeur de toutes ses conclusions.

24.    Par plaidoiries écrites du 6 décembre 2022, le demandeur a conclu à ce qu’il soit constaté qu’il avait le droit au paiement de 730 jours d’indemnités journalières à CHF 126.20 le jour et à ce que la défenderesse soit condamnée à lui verser CHF 82'992.- plus intérêt à 5 % l’an dès la date moyenne des sommes versées. Il a également informé la chambre de céans que l’OAI avait l’intention de mettre en œuvre un nouvelle expertise bi-disciplinaire rhumato-psychiatrique. Dans la mesure où la chambre de céans avait estimé qu’une expertise était nécessaire, il semblait opportun de suspendre à nouveau l’instruction de la procédure jusqu’à réception d’un nouveau rapport d’expertise psychiatrique.

Il a produit le rapport d’expertise du Dr G______ et son complément, ainsi que la communication de l’OAI quant à la mise en œuvre d’une expertise bi-disciplinaire et l’avis médical du SMR du 22 novembre 2022.

25.    Le 22 décembre 2022, la défenderesse a confirmé son accord quant à la demande de suspension de la présente procédure. Rappelant que le litige portait sur la période de mai 2017 à mai 2019, il était impératif que l’expertise soit en mesure de se prononcer également pour cette période. Elle invitait ainsi la chambre de céans à soumettre ses propres questions dans le cadre de l’expertise à venir. Elle a également sollicité l’apport du dossier AI actualisé.

26.    Cette écriture a été transmise au demandeur.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 7 du Code de procédure civile suisse du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) et à l'art. 134 al. 1 let. c de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives aux assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale prévue par la LAMal, relevant de la loi fédérale sur le contrat d'assurance, du 2 avril 1908 (loi sur le contrat d’assurance, LCA - RS 221.229.1).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Aux termes de l’art. 126 al. 1 CPC, le tribunal peut ordonner la suspension de la procédure si des motifs d'opportunité le commandent. La procédure peut notamment être suspendue lorsque la décision dépend du sort d'un autre procès.

3.        En l’occurrence, par arrêt incident du 21 février 2020, la chambre de céans a retenu que les pièces produites par les parties ne permettaient pas de statuer sur le litige. Une expertise psychiatrique s’avérait nécessaire afin de clarifier les éventuelles conséquences de l’atteinte à la santé psychique sur sa capacité de travail et la manière dont celle-ci a évolué au fil du temps. Dans la mesure où l’OAI avait déjà ordonné une expertise psychiatrique, il convenait de suspendre la procédure dans l’attente du rapport d’expertise. Ce dernier a été rendu le 11 novembre 2021, puis complété le 4 février 2022. Se prononçant sur cette expertise, le Dr E______ a toutefois relevé, dans son rapport médical du 25 avril 2022, que ce document comportait plusieurs inexactitudes, précisant en particulier que l’attitude de l’expert n’avait pas permis une investigation suffisante et informative. Se fondant sur les observations de ce médecin, le SMR a relevé, dans son avis médical du 22 novembre 2022, qu’il n’était pas en mesure de se prononcer sur la capacité de travail de l’assuré. Le SMR ne parvenait, en particulier, pas à déterminer si les séquelles d’un stress post-traumatique étaient présentes ou pas chez l’assuré sous forme d’un trouble de la personnalité. Sur la base de l’expertise du Dr G______, le Dr E______ semblait également reconnaître des traits caractéristiques d’une personnalité paranoïaque sensitive ainsi que des traits caractéristiques d’une personnalité passive-agressive. Le SMR a ainsi préconisé la réalisation d’une nouvelle expertise bi-disciplinaire avec volets psychiatrique et rhumatologique. Dite recommandation a été suivie par l’OAI, qui a ordonné une nouvelle expertise par courrier du 24 novembre 2022. Le demandeur sollicite dès lors une nouvelle suspension de la procédure dans l’attente du rapport d’expertise, conclusion à laquelle s’est ralliée la défenderesse.

Compte tenu des éléments exposés et de l’accord des parties sur ce point, il se justifie de suspendre à nouveau la présente procédure jusqu’à réception du rapport d’expertise psychiatrique mise en œuvre dans la procédure d’assurance-invalidité. Pour les motifs déjà exposés dans l’arrêt incident du 21 février 2020, le volet psychiatrique de l’expertise ordonnée est en effet susceptible d’avoir une incidence sur la présente procédure.

4.        Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 114 let. e CPC).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant sur incident

 

1.        Suspend l'instance en application de l’art. 126 CPC, jusqu'à réception du rapport d'expertise qui sera mise en œuvre par l’OAI.

2.        Invite le demandeur à informer la chambre de céans dès réception du rapport d’expertise mise en œuvre par l’OAI.

3.        Réserve la suite de la procédure.

4.        Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (Tribunal fédéral suisse, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14), sans égard à sa valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoqués comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) par le greffe le