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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4056/2020

ATAS/1161/2022 du 20.12.2022 ( LAA ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4056/2020 ATAS/1161/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 20 décembre 2022

2ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à MARIGNIER, FRANCE

 

recourant

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS, sise Fluhmattstrasse 1, LUCERNE

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré, l’intéressé ou le recourant), né en 1999, a été engagé le 29 mars 2019 en qualité de plâtrier et peintre par la société B______ SA (ci-après : l’employeur), avec siège à Genève. À ce titre, il était assuré auprès de la SUVA - CAISSE NATIONALE SUISSE D’ASSURANCE EN CAS D’ACCIDENTS (ci-après : la SUVA, l’assureur ou l’intimée) pour les accidents professionnels et non professionnels.

b. Alors qu’il effectuait une mission intérimaire auprès de C______ SA, entreprise cliente de son employeur, l’assuré a été victime d’un accident, le 26 août 2019. Selon la déclaration de sinistre du 27 août 2019, l’assuré avait mis le pied dans un trou de faux plancher en descendant d’une échelle. Ce faisant, il s’était « déchiré » la cheville droite, ce qui avait nécessité une interruption immédiate du travail.

c. Par pli du 23 septembre 2019, l’assureur a confirmé qu’il prendrait en charge les suites de cet accident, en octroyant à l’assuré les prestations légales (indemnités journalières et remboursement des frais de traitement).

d. Dans un rapport du 26 août 2019, les docteurs D______ et E______, respectivement médecin adjoint et médecin interne auprès du département de médecine aiguë des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), ont posé le diagnostic de « luxation, entorse des articulations et des ligaments au niveau de la cheville et du pied ». Ce traumatisme de la cheville droite, sans notion de craquement, avait été suivi d’une impotence fonctionnelle immédiate. Lors de l’examen clinique, il avait été constaté un œdème localisé au niveau de la malléole externe droite, ainsi qu’une douleur lors de la palpation de celle-ci. En synthèse, les médecins retenaient une entorse du LLE (NDR : ligament latéral externe) de la cheville droite en précisant que des lésions ostéo-articulaires n’étaient pas visibles sur la radiographie standard de face et de profil qu’ils avaient fait effectuer le même jour. À l’issue de cette consultation, ils ont délivré un arrêt de travail de dix jours en chargeant le médecin traitant (basé en France, dans l’Oise) du suivi et de la réévaluation.

e. Par certificat du 5 septembre 2019, le docteur F______, médecin généraliste exerçant à Chantilly (France), a posé le diagnostic d’entorse du LLE de la cheville droite et prolongé l’arrêt de travail jusqu’au 30 septembre 2019.

f. Le Dr F______ a ensuite prolongé l’arrêt de travail de l’assuré de mois en mois pour les suites de l’accident du 26 août 2019.

g. Le 23 octobre 2019, l’assuré s’est entretenu au téléphone avec la gestionnaire de son dossier auprès de l’assureur. Même s’il lui était possible de poser le pied droit depuis fin septembre 2019, il n’arrivait pas à marcher sans béquilles ni attelle. Son généraliste lui avait indiqué que les ligaments de sa cheville étaient mal ressoudés et qu’une imagerie par résonnance magnétique (ci-après : IRM) était programmée le 5 novembre 2019.

h. Dans un rapport du 9 novembre 2019, le docteur G______, radiologue exerçant à Cergy (France), a pratiqué une IRM de la cheville droite de l’assuré et conclu à un œdème trabéculaire de la malléole externe et de la malléole interne, et de la partie supéro-interne du talus droit, sans fracture identifiable. Il n’y avait ni épanchement intra-articulaire ni lésion post-traumatique tendineuse ou ligamentaire.

i. Invité par l’assureur à donner des précisions sur les circonstances de l’accident, l’assuré a rappelé, par pli du 14 décembre 2019, qu’il s’était tordu la cheville droite dans un trou de faux plancher en descendant d’une échelle. Il a précisé que cela s’expliquait par le fait que faute d’avoir été refermé, le faux plancher était ouvert au moment où il avait voulu poser le pied.

j. Dans un rapport du 10 janvier 2020 adressé à l’assureur, le Dr F______ a indiqué qu’il retenait le diagnostic d’entorse du LLE de la cheville droite avec œdème trabéculaire à l’IRM. Il existait à ce jour une légère amélioration très progressive, mais les douleurs persistaient à la mobilisation et à l’appui. Un arthroscanner était prévu.

k. Interrogé par la SUVA sur la capacité de travail de l’assuré (ainsi que sur le point de savoir si la reprise de l’activité professionnelle était compromise et si un examen médical à l’agence était nécessaire), le docteur H______, médecin d’arrondissement de la SUVA et spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie, s’est déterminé de la façon suivante, dans une brève note datée du 4 février 2020 : « ensemble totalement discordant. Simple entorse au départ, on nous parle aujourd’hui de luxation avec au milieu dans le temps une IRM sub-normale. L’incapacité de travail est donc non médicalement et en cohérence justifiée chez un assuré de 21 ans, qui est par ailleurs migrateur. Merci d’agender dans les meilleurs délais un examen avec le docteur I______ [ ] ».

l. Le 17 août 2020, la doctoresse J______, spécialiste FMH en radiologie, a pratiqué une IRM de la cheville droite de l’assuré à la demande du Dr H______. Dans un rapport du 18 août 2020, elle a conclu à une petite fracture in situ sous-corticale au secteur plantaire de la tête du talus, bordée d’un œdème intra-spongieux et d’une infiltration du sinus du tarse. Pour le reste, elle a relevé l’intégrité des structures ligamentaires de l’articulation talo-crurale et de l’articulation de Chopart notamment. Il n’y avait pas d’argument pour un syndrome douloureux régional complexe (ci-après: SDRC).

m. Dans un rapport du 20 août 2020, qui faisait suite à un examen de l’assuré pratiqué le 7 août 2020, le Dr H______ a retracé l’évolution du cas selon les pièces versées au dossier et posé le diagnostic de mécanisme d’entorse simple de la cheville, sans atteinte ligamentaire. Livrant son appréciation, il a estimé qu’à l’examen clinique la gêne était importante, l’observation montrant que les limitations fonctionnelles et utilisations du pied et de la cheville ne permettaient même pas l’élévation du pied. La palpation était douloureuse et même redoutée, l’observateur pouvait à peine approcher la main, ce qui contrastait avec une antalgie médicamenteuse à la fois orale et locale très minime. C’était pour lever les interrogations sur des atteintes qui n’auraient pas été révélées qu’une IRM, à réaliser en Suisse, avait été prescrite à l’assuré. Cette IRM avait été effectuée le 17 août 2020 par la Dresse J______. Prenant position au sujet des conclusions de cette radiologue, le Dr H______ a estimé que ce qui était appelé « petite fracture sous-corticale » à plus d’un an de l’examen, alors qu’elle n’existait pas au moment de l’examen initial, était plus probablement une image inflammatoire mais sans rapport avec l’événement en vraisemblance prépondérante. Le tableau clinique n’était expliqué de façon cohérente et objective ni par une atteinte qui aurait été causée en vraisemblance prépondérante par l’événement du 26 août 2019 ni par des conséquences délétères qui auraient pu en découler, à l’image d’un SDRC qui n’était pas constaté cliniquement, n’avait jamais été évoqué par les médecins-traitants et que l’on ne retrouvait pas sur l’IRM du 17 août 2020. À ce jour, l’événement avait cessé ses effets en vraisemblance prépondérante. À bientôt une année de sa survenance, il n’existait plus d’élément probant pour la poursuite d’une prise en charge par l’assureur, aucune lésion objective n’étant constatée dans les suites de l’événement initial, et en particulier aucune atteinte ligamentaire.

n. Lors d’un entretien téléphonique avec l’assuré, la gestionnaire de son dossier auprès de l’assureur a indiqué que son service médical ne mentionnait pas que l’assuré était apte à reprendre le travail mais qu’à un an de l’accident, l’incapacité de travail n’était plus justifiée.

B. a. Par décision du 25 août 2020, l’assureur a fait savoir à l’assuré qu’au vu de l’appréciation du Dr H______, il n’existait plus d’élément probant justifiant la poursuite de la prise en charge d’un traitement médical et d’une incapacité de travail de sa part, raison pour laquelle le cas serait clos le 13 septembre 2020 au soir, cette date marquant la fin du versement des prestations d’assurance perçues jusqu’ici (indemnités journalières et frais de traitement).

b. Par courrier du 19 septembre 2020, l’assuré a formé opposition contre cette décision, en exposant qu’il était toujours en incapacité de travail depuis l’accident du 26 août 2019 et actuellement à la charge de ses parents. Il n’avait pas pu poser le pied jusqu’en février 2020, mais avait dû porter des cannes anglaises jusqu’en mai 2020 et suivre des séances de kinésithérapie jusqu’en juillet 2020 à raison de trois séances hebdomadaires en moyenne. Actuellement, il ne pouvait marcher qu’avec une attelle et éprouvait des douleurs malgré le port de celle-ci. À ce jour, il n’avait pas retrouvé toutes les aptitudes de sa cheville (appui, mobilité). Il ne pouvait ni conduire ni rester debout trop longtemps. Le corps médical (médecins, kinésithérapeute, etc.) lui avait fait savoir que cet accident avait fragilisé sa cheville et qu’il aurait des séquelles à vie (mobilité réduite de la cheville). Pour le reste, l’assuré a indiqué qu’il pouvait joindre à son courrier uniquement l’IRM de la Dresse J______ ainsi qu’un rapport du 8 septembre 2020 du Dr F______ relevant que cette IRM montrait une petite fracture sous-corticale avec œdème instraspongieux au niveau de la tête du calcaneum. En effet, le Dr H______ avait gardé tous les « examens et résultats concernant cet accident ».

c. Invité à se prononcer sur le rapport du 8 septembre 2020 du Dr F______, le Dr H______ a indiqué, le 29 septembre 2020, que celui-ci ne modifiait en rien son appréciation du 20 août 2020.

d. Par décision du 23 octobre 2020, l’assureur a rejeté l’opposition en faisant valoir que les limitations fonctionnelles alléguées par l’assuré n’étaient pas corroborées par des éléments objectifs et vérifiables et ne se trouvaient par conséquent pas en relation de causalité vraisemblable avec l’accident.

C. a. Le 21 novembre 2020, l’assuré a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) d’un recours contre cette décision, concluant en substance à son annulation et à la reprise des indemnités journalières, à partir du 14 septembre 2020 et jusqu’à la consolidation de la cheville. À l’appui de ses conclusions, il a réitéré pour l’essentiel les observations faites dans son opposition du 19 septembre 2020 et produit notamment :

-          un rapport du 11 novembre 2020 du docteur K______, spécialiste en médecine physique et réadaptation, exerçant à Paris, certifiant que l’assuré présentait des douleurs de cheville droite en lien avec une atteinte de l’articulation sous-talienne et une fracture de la face plantaire de la tête du talus. Ces lésions anatomiques étaient forcément post-traumatiques et compatibles avec le traumatisme que le recourant avait subi le 26 août 2019 ;

- un rapport du 12 novembre 2020 du docteur L______, responsable de l’imagerie médicale à l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (INSEP), relatif à une IRM de la cheville droite du recourant, concluant à une séquelle d’avulsion proximale du ligament talofibulaire antérieur avec nodule ossifié de la gouttière antérolatérale. Selon ce médecin, « cet événement [était] probablement ancien ». Pour le reste, il n’y avait pas d’anomalie sous talienne postérieure susceptible d’expliquer un syndrome du carrefour postérieur. Il existait en revanche une tendinopathie hypertrophique du corps du tendon calcanéen.

b. Par écriture spontanée du 3 décembre 2020, le recourant a encore versé à la procédure :

-       un rapport d’arthro-IRM de la cheville droite établi le 25 novembre 2020 par la doctoresse M______, radiologue exerçant à Paris, indiquant que dans le contexte clinique de la persistance d’une douleur postéro-latérale à distance d’une entorse, elle avait procédé à une injection intra-articulaire de xylocaïne et de sérum physiologique. Les coupes d’arthro-IRM retrouvaient
le fragment osseux de 7mm sous-malléolaire externe situé à l’attache des ligaments talo-fibulaire antérieur et calcanéo-fibulaire. Il pouvait s’agir d’une séquelle d’arrachement osseux ou d’un ossicule constitutionnel. Ceci était à confronter aux données des clichés simples réalisés au décours de l’entorse. « Il [NDR : le fragment osseux] était enchâssé au sein des ligaments talo-fibulaire sur le versant profond du ligament talo-fibulaire antérieur et calcanéo-fibulaire sur le versant profond du ligament talo-fibulaire antérieur ». L’examen était normal par ailleurs ;

-       un rapport de consultation du 30 novembre 2020 du Dr K______, indiquant que l’arthro-IRM et IRM de la cheville droite qu’il avait prescrite révélait des séquelles d’arrachement osseux ancien au niveau du ligament talo-fibulaire antérieur, sans arthropathie. Concluant à une douleur régionale séquellaire d’un traumatisme de cheville, il a précisé que la conduite à tenir consistait en de la kinésithérapie, un enlèvement de l’attelle de manière progressive et en une infiltration articulaire de la cheville ;

-          un compte rendu d’examen du 1er décembre 2020, dans lequel le Dr K______ indiquait avoir procédé à une infiltration talo-crurale de xylocaïne et de diprostène.

c. Par réponse du 8 février 2021, l’intimée a conclu au rejet du recours, en soutenant qu’en l’absence d’élément probant susceptible de remettre en cause les conclusions du rapport d’examen du 20 août 2020 du Dr H______, il y avait lieu d’admettre qu’au-delà du 13 septembre 2020, le recourant ne présentait plus de trouble en lien de causalité avec son accident du 26 août 2019.

Afin d’étayer ses conclusions, l’intimée a versé au dossier une appréciation complémentaire du 27 janvier 2021 du Dr H______, effectuée à la lumière des pièces récemment produites par le recourant. Se référant à son rapport du 20 août 2020, le Dr H______ a rappelé avoir indiqué que l’événement avait cessé ses effets en vraisemblance prépondérante, mais que de nouveaux examens avaient montré la présence de cicatrices calcifiées calciques et d’allégations douloureuses, ayant fait l’objet d’investigations, et d’une infiltration complémentaire effectuée par le Dr K______, complétée par la prescription de huit séances de rééducation. À ce jour, le Dr H______ ignorait les effets de l’infiltration réalisée fin décembre 2020. Les examens réalisés (arthro-IRM, IRM, arthro-IRM à Paris) pouvaient être pris en charge à titre d’éclaircissement. Les séquelles anciennes d’un arrachement osseux au niveau du LTFA [NDR : ligament talo-fibulaire antérieur] n’étaient que l’expression d’une entorse banale de la cheville, sans que par ailleurs un conflit antérieur à ce niveau n’ait été décrit sur l’IRM. Il n’y avait aucune explication rationnelle au tableau clinique prolongé et à l’arrêt de travail non moins prolongé que présentait le recourant au moment de l’examen médical du 7 août 2020 par le médecin d’arrondissement et même ultérieurement. Ces éléments ressortaient de l’attitude de prise en charge du spécialiste de rééducation fonctionnelle consulté par le recourant, attitude sur laquelle il y avait lieu de s'interroger.

d. Par réplique du 11 mars 2021, le recourant a récapitulé les divers rapports médicaux rendus entre le jour de l’accident et son écriture. Il a notamment joint
à cette dernière un courrier du 10 mars 2021 de Monsieur N______, kinésithérapeute exerçant à Montigny (France), qui attestait suivre le recourant pour les suites de l’accident du 26 août 2019, événement depuis lequel celui-ci souffrait de douleurs à la cheville (tendon d’Achille, malléole externe et partie antérieure de l’articulation). Après un début de rééducation très difficile, notamment à cause de douleurs peu supportables, l’étape suivante avait eu pour objet de travailler la mobilité articulaire qui avait été très limitée du fait de l’immobilisation par attelle et de la décharge par béquilles pendant neuf à dix mois. Le travail mené actuellement tendait au renforcement musculaire et à la proprioception de la cheville en complément de soins à visée antalgique pour les douleurs résiduelles. Après presque un an et demi de soins, les douleurs avaient diminué. La reprise du travail était possible à condition que l’activité physique n’augmente pas les douleurs causées par l’accident.

e. Par pli du 13 mai 2021, le recourant a encore notamment transmis à la chambre de céans :

-       un rapport du 12 mars 2021 du Dr K______, dans lequel celui-ci indiquait avoir vu le recourant pour la première fois en novembre 2020, époque à laquelle il rapportait des douleurs de cheville droite peu améliorées depuis le traumatisme initial. Le recourant présentait des douleurs articulaires sous-talienne et antérieure talo-crurale. La mobilisation talo-crurale et sous-talienne reproduisaient ces douleurs. Après présentation du compte rendu d’IRM du 17 août 2020 de la Dresse J______, concluant à une petite fracture in situ sous-corticale de la tête du talus bordée d’un œdème intraspongieux du sinus du tarse, le Dr K______ était d’avis que ce type de lésion ne pouvait qu’être macro-traumatique et qu’il pouvait survenir secondairement au traumatisme initial décrit par la recourant. Par ailleurs, ces lésions étaient compatibles avec la symptomatologie de ce dernier (douleur sous-talienne et antérieure de cheville) ;

-       un rapport du 19 avril 2021 du docteur O______, radiologue auprès du Groupe Hospitalier R______ (Paris), dans lequel ce dernier indiquait avoir reçu le recourant afin de déterminer si l’arrachement osseux décrit sur les examens récents était bien présent sur les imageries réalisées dans les suites de l’accident. Après relecture des IRM de novembre 2019 et d’août 2020, il constatait que cet arrachement était bien présent sur ces examens. L’absence d’œdème de l’os ou des parties molles ainsi que le caractère corticalisé du fragment osseux plaidaient cependant plutôt en faveur d’un arrachement ancien. Le Dr O______ avait demandé au recourant de récupérer les clichés radiographiques réalisés immédiatement après l’accident afin de déterminer s’il existait bien un lien avec l’accident, ce qu’il n’était pas parvenu à faire. Pour conclure, l’arrachement osseux était bien présent sur les IRM de 2019 et 2020 mais semblait correspondre à une lésion ancienne. Il apparaissait néanmoins « intéressant » de corréler cette dernière aux clichés radiographiques dont il ne disposait pas pour déterminer s’il pouvait bien s’agir d’une fracture secondaire à l’accident du 26 août 2021.

f. Par courrier du 11 janvier 2022, la chambre de céans a informé les parties de son intention de mandater le docteur P______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, professeur honoraire auprès de la faculté de médecine d’une université suisse et ancien médecin-chef d’un service hospitalier de chirurgie orthopédique, en vue de réaliser une expertise judiciaire. Elle a fixé aux parties un délai pour faire valoir d’éventuels motifs de récusation, pour se déterminer sur le libellé des questions destinées à l’expert et pour proposer d’éventuelles questions supplémentaires.

g. Les parties ayant répondu l’une et l’autre qu’elles ne s’opposaient pas à la désignation du Dr P______ et n’avaient pas d’autres questions à lui poser, la chambre de céans a confirmé le mandat d’expertise, par ordonnance du 10 février 2022 (ATAS/95/2022).

h. Le Dr P______ a rendu son rapport d’expertise le 23 mai 2022, établi notamment sur la base d’un examen clinique du recourant (pratiqué le 9 mai 2022) et de l’étude du dossier (y compris les rapports d’imagerie y figurant). L’expert y a retenu le diagnostic avec répercussion sur la capacité de travail d’entorse de la cheville droite, qu’il a jugé être en lien de causalité « certain » avec l’accident du 26 août 2019. L’expert a retenu une capacité de travail nulle, dès l’accident du 26 août 2019, dans l’activité antérieure de plâtrier-peintre. L’expert a ajouté que la capacité de travail avait évolué et qu’en novembre 2021, le recourant avait retrouvé un emploi à plein temps en qualité de barman. On pouvait considérer que dans une activité adaptée, une capacité de travail eût été « possible » dès le 1er avril 2021, date à laquelle l’intéressé avait progressivement pu reprendre des activités telles que la marche et un « début » de course à pied, comme en témoignait le rapport qu’avait établi M. N______, son kinésithérapeute, le 10 mars 2021. Par ailleurs, selon l’expert, il n’était plus envisageable que le recourant exerce une profession lourde dans un chantier, ceci en relation de causalité certaine avec l’accident. L’intéressé n’était en revanche pas limité dans la typologie de son activité actuelle, soit celle de barman dans un restaurant. L’expert a répondu par l’affirmative à la question de savoir si l’état de santé était stabilisé, tout en précisant qu’il l’était depuis le 17 novembre 2021. Enfin, l’expert a retracé l’historique des traitements suivis par le recourant et il s’est déterminé sur les principaux avis médicaux figurant au dossier, dont ceux du Dr H______. La teneur de son rapport sera détaillée ci-après, en tant que besoin, dans les considérants en droit du présent arrêt.

i. Par écriture du 30 juin 2022, l’intimée a indiqué qu’elle contestait la valeur probante de l’expertise judiciaire, affirmant que celle-ci comportait de nombreuses incohérences, contradictions et lacunes, de l’avis de son service médical ; en conséquence, elle sollicitait la mise en œuvre d’une nouvelle expertise. À l’appui de son point de vue, l’intimée s’est référée à une nouvelle appréciation rédigée le 28 juin 2022 par la doctoresse Q______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, appréciation qu’elle a toutefois omis de joindre à son écriture.

j. Par écriture du 8 août 2022, le recourant a rétorqué que l’écriture de l’intimée du 30 juin 2020 était elle-même empreinte de nombreuses incohérences, contradictions et lacunes. Il a notamment souligné que, contrairement à ce que prétendait la Dresse Q______, il était incapable de reprendre sa profession antérieure de plâtrier-peintre, l’expert ayant expressément proscrit la reprise d’un travail « lourd » de chantier. S’agissant de la date à laquelle l’expert avait situé la stabilisation de l’état de santé, soit celle du 17 novembre 2021, le recourant a précisé qu’il avait effectué trois séances de physiothérapie par semaine jusqu’en août 2021, puis qu’en septembre de la même année, il avait dû refuser une première offre de poste fixe en tant que barman, en raison de ses douleurs persistantes et de ses difficultés à rester debout pendant de longues périodes. Il n’avait pu finalement accepter cet emploi de barman que le 17 novembre 2021, à l’issue de longues journées d’entraînement et d’exercices qui lui avaient été prescrits par son kinésithérapeute. Enfin, il s’est opposé à la mise en œuvre d’une nouvelle expertise.

k. À la demande de la chambre de céans, l’intimée a versé à la procédure, le 29 septembre 2022, un exemplaire de l’appréciation de la Dresse Q______, qu’elle avait oublié d’annexer à son pli du 30 juin 2022.

l. Cette pièce a été transmise au recourant, auquel un délai a été accordé pour formuler d’éventuelles observations complémentaires.

m. Par écriture du 15 novembre 2022, le recourant a persisté dans son argumentation, tout en faisant part de son « agacement » vis-à-vis de l’appréciation de la Dresse Q______, qui comportait à son sens de nombreuses incohérences, jouait sur les mots et réclamait des « examens supplémentaires » plus de « 1259 jours » (soit plus de trois ans) après l’accident. Il n’avait jamais eu le moindre antécédent au niveau de la cheville, contrairement à ce que semblait croire la Dresse Q______, ce que corroborait d’ailleurs le fait qu’il avait pu travailler « sans soucis » jusqu’à l’accident du 26 août 2019. De surcroît, l’expert judiciaire P______ – qui était neutre – avait déjà répondu à la majorité des questions évoquées par la Dresse Q______, dont le point de vue était contredit non seulement par l’expert judiciaire, mais également par les autres médecins et thérapeutes qui s’étaient prononcés dans son dossier (notamment les Drs F______, K______, L______ M______, O______, ainsi que M. N______).

n. Le 17 novembre 2022, la chambre de céans a transmis à l’intimée, pour information, un exemplaire de la dernière écriture du recourant. Elle a, par ailleurs, informé les parties que la cause était gardée à juger (sur mesures d’instruction et au fond).

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ – E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA – RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA – RS 832.20).

1.2 Selon l’art. 58 LPGA, applicable par renvoi de l’art. 1 al. 1 LAA, le tribunal des assurances compétent est celui du canton de domicile de l’assuré ou d’une autre partie au moment du recours (al. 1). Si l’assuré ou une autre partie sont domiciliés à l’étranger, le tribunal des assurances compétent est celui du canton de leur dernier domicile en Suisse ou celui du canton de domicile de leur dernier employeur suisse; si aucun de ces domiciles ne peut être déterminé, le tribunal des assurances compétent est celui du canton où l’organe d’exécution a son siège
(al. 2).

1.3 Le recourant est domicilié en France mais son employeur a son siège dans le canton de Genève, de sorte que la chambre de céans est compétente à raison de la matière et du lieu pour juger du cas d’espèce.

2.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était, au 1er janvier 2021, pendant devant la chambre de céans, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 82a LPGA ; RO 2020 5137 ; FF 2018 1597 ; erratum de la CdR de l’Ass. féd. du 19 mai 2021, publié le 18 juin 2021 in RO 2021 358).

3.             Dans la mesure où l’accident est survenu le 26 août 2019, le droit du recourant aux prestations d’assurance est soumis au nouveau droit, en vigueur depuis le 1er janvier 2017 (cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 2.2). Les dispositions légales seront citées ci-après dans leur teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017.

4.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 et 60 LPGA ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA – E 5 10]).

5.             Le litige porte sur le point de savoir si l’intimée était fondée à mettre un terme à ses prestations avec effet au 13 septembre 2020 au soir.

6.              

6.1 Aux termes de l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle.

6.2 En relation avec les art. 10 et 16 LAA, cette disposition implique, pour l'ouverture du droit aux prestations, l'existence d'un rapport de causalité naturelle et adéquate entre l'accident, d'une part, et le traitement médical et l'incapacité de travail de la personne assurée, d'autre part (arrêt 8C_726/2008 du 14 mai 2009 consid. 2.1). Dans le domaine de l'assurance-accidents obligatoire, cependant, en cas d'atteinte à la santé physique, la causalité adéquate se recoupe largement avec la causalité naturelle, de sorte qu'elle ne joue pratiquement pas de rôle (ATF 123 V 102; 122 V 417; 118 V 286 consid. 3a p. 291; 117 V 359 consid. 5d/bb p. 365). Un rapport de causalité naturelle doit être admis si le dommage ne se serait pas produit du tout ou ne serait pas survenu de la même manière sans l'événement assuré. Il n'est pas nécessaire que cet événement soit la cause unique, prépondérante ou immédiate de l'atteinte à la santé. Il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il se présente comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1 p. 438 et les références citées).

6.3 En vertu de l'art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l'atteinte à la santé n'est que partiellement imputable à l'accident.

Lorsqu'un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l'assurance-accidents d'allouer des prestations cesse si l'accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui existerait même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n'est pas rétabli, l'assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l'état maladif préexistant, dans la mesure où il s'est manifesté à l'occasion de l'accident ou a été aggravé par ce dernier (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les arrêts cités). En principe, on examinera si l'atteinte à la santé est encore imputable à l'accident ou ne l'est plus (statu quo ante ou statu quo sine) sur le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales, étant précisé que le fardeau de la preuve de la disparition du lien de causalité appartient à la partie qui invoque la suppression du droit, soit à l'assureur (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les arrêts cités).

6.4 Dans le contexte de la suppression du droit à des prestations, la règle selon laquelle le fardeau de la preuve appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (RAMA 2000 n° U 363 p. 46) entre seulement en considération s’il n’est pas possible, dans le cadre du principe inquisitoire, d’établir sur la base d’une appréciation des preuves un état de fait qui au degré de vraisemblance prépondérante corresponde à la réalité (ATF 117 V 261 consid. 3b et les références). La preuve de la disparition du lien de causalité naturelle ne doit pas être apportée par la preuve de facteurs étrangers à l’accident. Il est encore moins question d’exiger de l’assureur-accidents la preuve négative, qu’aucune atteinte à la santé ne subsiste ou que la personne assurée est dorénavant en parfaite santé. Est seul décisif le point de savoir si les causes accidentelles d’une atteinte à la santé ne jouent plus de rôle et doivent ainsi être considérées comme ayant disparu (arrêt du Tribunal fédéral 8C_441/2017 du 6 juin 2018 consid. 3.3).

7.              

7.1 Aux termes de l’art. 6 al. 2 LAA dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017, l’assurance alloue aussi ses prestations pour les lésions corporelles suivantes, pour autant qu’elles ne soient pas dues de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie : les fractures (let. a), les déboîtements d’articulations, les déchirures du ménisque (let. c), les déchirures de muscles
(let. d), les élongations de muscles (let. e), les déchirures de tendons (let. f), les lésions de ligaments (let. g), les lésions du tympan (let. h).

7.2 Dans un arrêt de principe du 24 septembre 2019 (ATF 146 V 51), le Tribunal fédéral a précisé que selon l’interprétation de l’art. 6 al. 2 LAA, l’application de cette disposition ne présuppose aucun facteur extérieur et donc aucun événement accidentel ou générant un risque de lésion accru au sens de la jurisprudence relative à l'ancien art. 9 al. 2 de l'ordonnance sur l'assurance-accidents (aOLAA - RS 832.202). Cependant, la possibilité pour l’assureur-accidents de rapporter la preuve prévue par l’art. 6 al. 2 LAA impose de distinguer la lésion corporelle assimilée, d’une lésion corporelle figurant dans la liste due à l'usure et à la maladie à charge de l’assurance-maladie. Dans ce contexte, la question d'un événement initial reconnaissable et identifiable est également pertinente après la révision de la LAA – notamment en raison de l'importance d'un lien temporel (couverture d'assurance; compétence de l'assureur-accidents; calcul du gain assuré; questions juridiques intertemporelles). Par conséquent, dans le cadre de son devoir d’instruction (cf. art. 43 al. 1 LPGA), l'assureur-accidents doit clarifier les circonstances exactes du sinistre à l’annonce d’une lésion selon la liste. Si la lésion est imputable à un événement accidentel au sens de l'art. 4 LPGA, l'assureur-accidents est tenu de verser des prestations jusqu'à ce que l'accident ne représente plus la cause naturelle et suffisante, c'est-à-dire que l’atteinte à la santé est fondée uniquement et exclusivement sur des causes autres qu’accidentelles (voir consid. 5.1 et 8.5). Si, en revanche, tous les critères de la définition de l'accident au sens de l'art. 4 LPGA ne sont pas remplis, l'assureur-accidents est généralement responsable pour une lésion selon la liste selon l'art. 6 al. 2 LAA dans la version en vigueur depuis le 1er janvier 2017, à moins qu’il puisse prouver que la lésion est principalement due à une usure ou maladie (consid. 9.1).

8.              

8.1 Conformément à l'art. 16 LAA, l'assuré totalement ou partiellement incapable de travailler (art. 6 LPGA) à la suite d'un accident a droit à une indemnité journalière (al. 1). Le droit à cette indemnité naît le troisième jour qui suit l'accident. Il s'éteint dès que l'assuré a recouvré sa pleine capacité de travail, dès qu'une rente est versée ou dès que l'assuré décède (al. 2).

La notion d'incapacité de travail, à laquelle renvoie l'art. 16 al. 1 LAA comme condition du droit à l'indemnité journalière, est définie à l'art. 6 LPGA. Est réputée incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l'aptitude de l'assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d'activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique (art. 6, 1ère phrase, LPGA). En cas d'incapacité de travail durable dans l'ancienne profession, l'assuré est en revanche tenu, en vertu de son devoir de diminuer le dommage, d'utiliser dans un autre secteur sa capacité fonctionnelle résiduelle (art. 6, 2ème phrase, LPGA; Jean-Maurice FRÉSARD / Margit MOSER-SZELESS, L'assurance-accidents obligatoire, in Soziale Sicherheit - Sécurité sociale, SBVR XIV, 2016, n. 213). À cet égard, la jurisprudence considère qu'un délai doit être imparti à l'intéressé pour rechercher une activité raisonnablement exigible dans une autre profession ou un autre domaine. La durée de ce délai doit être appréciée selon les circonstances du cas particulier; elle est généralement de trois à cinq mois selon la pratique applicable en matière d'assurance-maladie (ATF 129 V 460 consid. 5.2 ; ATF 114 V 281 consid. 5b in fine ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_39/2020 du 19 juin 2020 consid. 3.1). Cette application en assurance-accidents des délais aménagés à l'assuré en matière d'indemnités journalières pour maladie s'est heurtée à des critiques doctrinales, qui soutiennent qu'un changement de profession ne saurait être exigé avant la stabilisation de l'état de santé de l'assuré (Kaspar GEHRING, in KIESER / GEHRING / BOLLINGER [éd.], KVG UVG Kommentar, 2018, n. 3 ad art. 16 LAA; Markus SCHMID, in HÜRZELER / KIESER [éd.], Kommentar zum schweizerischen Sozial-versicherungsrecht, UVG, 2018, n. 11 ad art. 16 LAA).

Par ailleurs, dans des arrêts récents, le Tribunal fédéral a précisé que l'octroi d'un délai convenable pour chercher un emploi adapté, pendant lequel le traitement médical et l'indemnité journalière devraient continuer à être alloués à la personne assurée avant le passage à la rente, ne valait que lorsque les indemnités journalières étaient supprimées en application de l'art. 6 (seconde phrase) LPGA, mais pas lorsqu'elles prenaient fin sur la base de l'art. 19 al. 1 LAA (arrêts du Tribunal fédéral 8C_118/2021 du 21 décembre 2021 consid. 4.2.1-4.2.3 ; 8C_310/2019 du 14 avril 2020 consid. 6.1).

Le droit à l’indemnité journalière s'éteint également si l'incapacité de travail subsiste, mais qu'elle n'est plus en relation de causalité avec une atteinte à la santé d'origine accidentelle. En cas d'atteinte maladive préexistante aggravée par un accident, par exemple, le devoir de l'assureur-accidents d'allouer des prestations cesse lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou s'il est parvenu au stade d'évolution qu'il aurait atteint sans l'accident (statu quo sine; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 193/03 du 8 octobre 2004 consid. 3 et les références citées).

8.2 Aux termes de l'art. 10 al. 1 let. a et b LAA, l'assuré a droit au traitement médical approprié des lésions résultant de l'accident, à savoir, notamment : au traitement ambulatoire dispensé par le médecin ou, sur prescription de ce dernier, par le personnel paramédical ainsi que par le chiropraticien, de même qu’aux médicaments et analyses ordonnés par le médecin.

La limite temporelle de la prise en charge, par l’assureur-accident, du traitement médical ressort de l’art. 19 LAA relatif aux rentes d’invalidité, qui, pour autant que les conditions soient remplies, prennent le relais des prestations temporaires. À teneur de cette disposition, le droit à la rente prend naissance dès qu'il n'y a plus lieu d'attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l'état de l'assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l'assurance-invalidité ont été menées à terme. Le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente (art. 19 al. 1 LAA).

L’art. 19 al. 1 LAA délimite ainsi, du point de vue temporel, le droit aux prestations temporaires que sont les indemnités journalières et la prise en charge du traitement d’une part, et le droit à la rente – et à l’indemnité pour atteinte à l’intégrité (ci-après : IPAI ; art. 24 al. 2 LAA) – d’autre part (arrêts du Tribunal fédéral 8C_320/2019 du 14 avril 2020 consid. 6.1.2 et 8C_687/2014 du 9 septembre 2015 consid. 5.1.2), la suspension des prestations provisoires (indemnités journalières et prise en charge du traitement) et la liquidation du cas avec examen des conditions du droit à la rente et à l’IPAI étant des questions si étroitement liées entre elles qu’il faut partir du principe qu’il s’agit d’un seul objet du litige (ATF 144 V 354 consid. 4.2).

La question de savoir si, dans le cadre de l'examen de la clôture du cas selon l'art. 19 al. 1 LAA, il faut admettre une amélioration notable de l'état de santé se détermine notamment – mais pas exclusivement – en fonction de l'augmentation ou du rétablissement de la capacité de travail à laquelle on peut s'attendre, dans la mesure où celle-ci est restreinte par l'accident. Le terme « notable » indique donc que l'amélioration espérée par un autre traitement (approprié) au sens de l'art. 10 al. 1 LAA doit être importante (ATF 143 V 148 consid. 3.1.1, ATF 134 V 109 consid. 4.3 ; SVR 2020 UV n° 24 p. 95, 8C_614/2019 consid. 5.2 s.). Des améliorations insignifiantes ne suffisent pas, pas plus que la simple possibilité d'une amélioration (RKUV 2005 Nr. U 557 p. 388, arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 244/04 du 20 mai 2005 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 8C_219/2022 du 2 juin 2022 consid. 4.1). Dans ce contexte, l'état de santé de la personne assurée doit être évalué de manière prospective et non sur la base de constatations rétrospectives. Les renseignements médicaux relatifs aux possibilités thérapeutiques et à l'évolution de la pathologie, qui sont généralement saisis sous la notion de pronostic, constituent en premier lieu la base de l'appréciation de cette question juridique (SVR 2020 UV Nr. 24 p. 95, 8C_614/2019 consid. 5.2; arrêts 8C_219/2022 du 2 juin 2022 consid. 4.1 et 8C_682/2021 du 13 avril 2022 consid. 5.1).

9.              

9.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n’est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d’apprécier certains types d’expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

9.2 Dans une procédure portant sur l’octroi ou le refus de prestations d’assurances sociales, lorsqu’une décision administrative s’appuie exclusivement sur l’appréciation d’un médecin interne à l’assureur social et que l’avis d’un médecin traitant ou d’un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes suffisants quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l’un ou sur l’autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l’art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 9C_301/2013 du 4 septembre 2013 consid. 3).

9.3 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références; ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

9.4 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l’expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S’il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l’objectivité ou l’impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l’éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l’existence d’éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

10.         Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3, ATF 126 V 353 consid. 5b, ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références ; ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 - Cst; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b, ATF 122 V 157 consid. 1d).

11.         Dans sa décision du 25 août 2020, confirmée sur opposition le 23 octobre 2020, l’intimée a mis fin, avec effet au 13 septembre 2020 (au soir), au versement des prestations d’assurance servies jusqu’alors au recourant (indemnités journalières et prise en charge des frais de traitement), en se fondant sur le rapport établi le 20 août 2020 par le Dr H______, dont elle a déduit qu’il n’existait « plus d’élément probant [justifiant] la poursuite de la prise en charge d’un traitement médical et d’une incapacité de travail » au-delà du 13 septembre 2020. Dans sa décision sur opposition, l’intimée s’est référée, entre autres, à l’art. 10 al. 1 LAA (en relation avec l’art. 19 al. 1 LAA a contrario) ainsi qu’à la jurisprudence y relative, dont il ressort que le droit au traitement médical subsiste aussi longtemps que l’on peut en attendre une amélioration notable de l’état de santé (ATF 116 V 44 consid. 2c).

Dans son acte de recours, l’assuré sollicite la reprise du versement des indemnités journalières dès le 14 septembre 2020 et jusqu’à la « consolidation de sa cheville », en reprenant pour l’essentiel les observations faites dans son opposition du 19 septembre 2020 (il y affirmait, notamment, que sa cheville n’avait pas retrouvé toutes ses aptitudes antérieures en termes d’appui, respectivement de mobilité, et qu’il ne pouvait marcher qu’avec une attelle et en continuant de ressentir des douleurs). L’assuré ajoute dans son recours que son état de santé ne s’est pas amélioré depuis son accident et qu’il demeure à la charge de ses parents. Il produit diverses pièces, dont divers rapports établis par le Dr K______, préconisant une kinésithérapie ainsi qu’une infiltration articulaire au niveau de la cheville, estimant par ailleurs que les lésions anatomiques mises en évidence sur l’IRM d’août 2020 (notamment la fracture de la face plantaire de la tête du talus et l’œdème) sont « post-traumatiques » et compatibles avec le traumatisme du 26 août 2019.

12.         À titre liminaire, on rappellera que le rapport du Dr H______ du 20 août 2020, sur la base duquel l’intimée s’est fondée pour décider de mettre fin au versement des indemnités journalières avec effet au 13 septembre 2020, soulignait en substance l’existence d’une discordance entre l’absence, de son point de vue, de toute lésion objectivable (notamment ligamentaire) qui serait apparue dans les suites de l’accident du 26 août 2019 et le tableau clinique présenté par le recourant, dont il ressortait une gêne importante. Le Dr H______ en a déduit qu’au jour de son examen, l’accident avait cessé ses effets délétères et que la poursuite d’une incapacité de travail ne se justifiait pas. En outre, on rappellera que dans une brève note datée du 4 février 2020, le Dr H______, interrogé par l’intimée sur la capacité de travail de l’assuré (ainsi que sur le point de savoir si la reprise de l’activité professionnelle était compromise et si un examen médical à l’agence était nécessaire), avait répondu que l’on se trouvait en présence d’un « ensemble totalement discordant », tout en s’exprimant de la façon suivante : « simple entorse au départ, on nous parle aujourd’hui de luxation avec au milieu dans le temps une IRM sub-normale. L’incapacité de travail est donc non médicalement et en cohérence justifiée chez un assuré de 21 ans qui est par ailleurs [un] migrateur » (sic).

S’agissant de la petite fracture (sous-corticale) de la tête du talus mise en évidence par une IRM réalisée en août 2020, le Dr H______ a fait valoir, dans une appréciation datée du 27 janvier 2021 produite à l’appui de la réponse, qu’il s’agissait probablement d’une « image inflammatoire », sans rapport avec l’accident.

13.          

13.1 Considérant qu’elle n’était pas en mesure de trancher la cause sur la base des rapports versés au dossier, en particulier ceux précités du Dr H______, la chambre de céans, par ordonnance du 10 février 2022 (ATAS/95/2022), a diligenté une expertise judiciaire, qu’elle a confiée au Dr P______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur.

Dans son rapport du 23 mai 2022, établi notamment sur la base d’un examen clinique du recourant et de l’étude du dossier (y compris les rapports d’imagerie y figurant), l’expert P______ a posé le diagnostic avec répercussion sur la capacité de travail d’entorse de la cheville droite, diagnostic qu’il a jugé être en lien de causalité « certain » avec l’accident du 26 août 2019. L’expert judiciaire a retenu une capacité de travail nulle, dès l’accident du 26 août 2019, dans l’activité antérieure de plâtrier-peintre. L’expert judiciaire a ajouté que la capacité de travail avait évolué et qu’en novembre 2021, le recourant avait retrouvé un emploi à plein temps en qualité de barman. On pouvait considérer que dans une activité adaptée, une capacité de travail eût été « possible » dès le 1er avril 2021, date à laquelle l’intéressé avait progressivement pu reprendre des activités telles que la marche et un « début » de course à pied, comme en témoignait le rapport qu’avait établi M. N______, son kinésithérapeute, le 10 mars 2021. Par ailleurs, selon l’expert, il n’était plus envisageable que le recourant exerce une profession lourde dans un chantier, ceci en relation de causalité certaine avec l’accident. L’intéressé n’était en revanche pas limité dans la typologie de son activité actuelle, soit celle de barman dans un restaurant.

Toujours selon l’expert, les limitations fonctionnelles consistaient en des douleurs chroniques, engendrant des difficultés notamment pour la marche et le port de charges.

S’agissant des traitements, l’expert judiciaire a rappelé que le recourant s’était vu prescrire, dès sa sortie des HUG (le 26 août 2019), des antalgiques, des anti-inflammatoires, une attelle et des béquilles. Il avait dû utiliser ses béquilles jusqu’en juin 2020 et l’attelle Aircast – remplacée en cours de traitement par une chevillère souple – jusqu’en mars 2021. En parallèle, il avait bénéficié d’une rééducation par le biais d’un traitement de kinésithérapie « au long cours » de novembre 2019 jusqu’en mars 2021, mais également d’une infiltration (le 11 décembre 2020), dont il estimait qu’elle avait constitué un « tournant » vers sa guérison. Dans un certificat daté du 10 mars 2021, son kinésithérapeute avait attesté que la situation s’améliorait et qu’une reprise du travail lui paraissait possible, « sous réserve que l’activité physique n’augmente pas les douleurs causées par l’accident [ ] ». Durant l’entretien, le recourant avait confirmé qu’il avait pu reprendre progressivement ses activités, dont le sport, dès le 1er avril 2021. L’expert judiciaire a répondu par l’affirmative à la question de savoir si l’état de santé était stabilisé, tout en précisant qu’il l’était depuis le 17 novembre 2021. À la question de savoir à partir de quand l’on ne pouvait plus attendre de la continuation du traitement une amélioration notable de l’état de santé, l’expert a répondu que dès novembre 2021, plus aucun traitement n’était nécessaire, qu’il s’agisse d’un traitement médical, de kinésithérapie ou de physiothérapie.

Actuellement, selon l’expert judiciaire, le recourant avait récupéré la fonction de sa cheville droite, mais sous réserve de raideurs et de sensibilités douloureuses sur les trajets ligamentaires externes. De plus, le recourant avait constaté que sa cheville demeurait fragile, puisqu’elle partait parfois en inversion, ce qui engendrait des douleurs pendant quelques jours. Le pronostic était excellent, en-dehors d’un risque d’instabilité persistante de la cheville et d’arthrose éventuelle.

Interrogé au sujet d’un éventuel statu quo ante, l’expert judiciaire a répondu que l’état de santé était « pratiquement similaire » à celui qui existait avant l’accident. Par ailleurs, l’expert judiciaire a répondu par la négative à la question de savoir si l’accident avait décompensé un état maladif préexistant, tout en précisant qu’il ne trouvait aucun élément en ce sens dans les examens d’imagerie, ni dans l’anamnèse et les antécédents.

À l’inverse de ce qu’avait retenu le Dr H______, l’expert judiciaire a considéré qu’il existait bel et bien un substrat organique objectivable à l’origine de la symptomatologie présentée par le recourant. À cet égard, l’expert a notamment exposé que le diagnostic d’entorse de la cheville droite devait être considéré comme prouvé au regard du mécanisme accidentel (une chute avec le pied droit dans un trou situé dans un faux-plancher étant propre, selon l’expert, à provoquer une telle entorse), mais également au vu de l’examen clinique initial et des IRM effectuées par la suite : tout d’abord, au plan clinique, l’entorse s’était traduite par une douleur immédiate et une impotence fonctionnelle, ayant nécessité l’administration rapide d’analgésiques puissants par les ambulanciers (Kétamine et Fentanyl), lesquels avaient dû découper la chaussure portée par le recourant et remettre en place le pied (demeuré en position de supination-inversion). Dès l’entrée aux HUG, il avait été retenu le diagnostic de « luxation, entorse des articulations et des ligaments », et un œdème – localisé au niveau de la malléole externe droite – avait été constaté. Le recourant s’était vu prescrire un arrêt de travail, ainsi qu’une attelle de type Aircast et des cannes anglaises. Sur l’IRM réalisée en novembre 2019, il avait également été observé un œdème trabéculaire (des malléoles externes et internes de la partie supéro-interne du talus), œdème qui persistait encore sur l’IRM subséquente effectuée en août 2020. L’œdème trabéculaire avait ensuite progressivement disparu avec le temps. Comme cela ressortait de la littérature médicale, il s’agissait-là de signes typiquement retrouvés en cas d’entorse de la cheville.

Invité à se déterminer sur les principaux rapports versés au dossier, l’expert judiciaire a fait part de son désaccord avec les appréciations successives du Dr H______. À ce propos, il a relevé que, contrairement à ce qu’avait laissé entendre ce médecin d’arrondissement dans sa note du 4 février 2020, l’aspect clinique – caractérisé par des douleurs importantes et une impotence fonctionnelle grave, dont témoignait le fait que les ambulanciers avaient dû administrer au recourant des analgésiques puissants, ainsi que découper sa chaussure de protection pour redresser son pied – plaidait non pas en faveur d’une entorse simple, mais d’une entorse sévère. En outre, le qualificatif de « migrateur » employé par le médecin d’arrondissement à l’endroit du recourant ne s’apparentait aucunement à un diagnostic médical. Quant à l’examen clinique pratiqué par ce médecin le 7 août 2020, il décrivait un patient qui n’était alors manifestement pas en état de travailler, puisqu’il en ressortait que ce dernier portait à l’époque toujours une attelle, qu’il ne pouvait marcher qu’avec une grande précaution, qu’il lui était « impossible » de marcher sur la pointe des pieds et les talons, et qu’il lui était difficile de se relever lorsqu’il était accroupi. En outre, la différence de périmètre entre le mollet droit et le mollet gauche témoignait d’une atrophie musculaire significative. S’y ajoutait encore une mobilité articulaire de la cheville très diminuée, en lien avec l’usage de béquilles pendant dix mois. L’IRM effectuée par la Dresse J______ avait mis en évidence un « œdème intra-spongieux au secteur plantaire de la tête du talus bordant un petit trait de fracture sous-corticale de 5 mm, compatible avec l’évolution d’une petite impaction » ; or, c’était en contradiction avec la radiologue que le Dr H______ avait interprété cette image comme une « image inflammatoire » tout en ajoutant qu’elle « [ ] n’existait pas sur l’examen initial », mais sans fournir d’explication quant à l’origine de ce nouveau diagnostic et en omettant de mentionner que l’IRM de novembre 2019 avait déjà mis en évidence une contusion osseuse. Cette contusion osseuse était caractéristique d’une entorse de la cheville ayant évolué vers la guérison pour finalement disparaître sur l’IRM réalisée en novembre 2020. Enfin, l’expert a indiqué qu’il partageait l’avis du Dr K______ selon lequel la fracture décrite sur l’IRM d’août 2020 ne pouvait provenir que de l’accident d’août 2019.

13.2 La chambre de céans constate que le rapport d'expertise circonstancié du Dr P______, qui s’étend sur 43 pages, a été établi sur la base d'une étude fouillée du dossier médical, d’une connaissance approfondie des antécédents médicaux de l’assuré et d'un examen clinique complet. En outre, il en ressort des conclusions motivées, de sorte qu’il satisfait aux réquisits jurisprudentiels topiques en matière de valeur probante (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références ; ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2).

Par ailleurs, il convient de rappeler que, dans sa décision sur opposition du 23 octobre 2020, l’intimée a confirmé mettre fin à ses prestations (indemnités journalières et prise en charge des frais de traitement) avec effet au 13 septembre 2020, en se fondant notamment sur l’art. 10 al. 1 LAA (en relation avec l’art. 19 al. 1 LAA a contrario) ainsi que sur la jurisprudence y relative, prescrivant que le droit au traitement médical subsiste aussi longtemps que l’on peut en attendre une amélioration notable de l’état de santé. L’intimée s’est référée au rapport du Dr H______ du 20 août 2020, dans lequel ce médecin d’arrondissement soulignait essentiellement l’existence d’une discordance entre le tableau clinique présenté par l’assuré et l’absence, de son point de vue, d’atteinte objectivable en relation causale avec l’accident (Le Dr H______ affirmait à ce propos que « sur l’examen initial, sur l’IRM, aucune atteinte, même ligamentaire, n’a été décelée [ ] »).

La chambre de céans observe toutefois qu’au moment où l'intimée a mis fin à ses prestations, le 13 septembre 2020, il ne ressortait pas des pièces médicales versées au dossier, en particulier du rapport du Dr H______ du 20 août 2020, qu'il n'y avait plus de traitement médical susceptible d'améliorer notablement l'état de santé du recourant (lequel aurait alors pu être considéré comme stabilisé). Bien au contraire, dans le rapport précité (p. 2 et 4), le Dr H______ avait lui-même relevé que le recourant était alors toujours en pleine rééducation, rééducation que l’intéressé effectuait à raison de deux à trois séances par semaine, sur prescription de son médecin traitant (le Dr F______). Par ailleurs, comme le fait remarquer l’expert judiciaire, il ressort de l’examen clinique pratiqué le 7 août 2020 par le Dr H______ que le recourant était alors manifestement incapable de travailler, qu’il portait toujours une attelle, ne pouvait marcher qu’avec une grande précaution (il lui était notamment « impossible » de marcher sur la pointe des pieds et les talons, respectivement difficile de se relever lorsqu’il était accroupi) et présentait une atrophie musculaire significative, ainsi qu’une mobilité articulaire très diminuée au niveau de la cheville droite.

En outre, dans son rapport du 20 août 2020, le Dr H______ est parti à tort du postulat que la symptomatologie présentée par le recourant ne reposait sur aucune lésion objectivable liée à l’accident. Or, contrairement à l’avis exprimé par le Dr H______, il ressort de l’appréciation de l’expert judiciaire – parfaitement convaincante à cet égard – qu’un substrat organique objectivable en lien de causalité « certain » avec l’accident (entorse de la cheville droite accompagnée, entre autres, d’un œdème trabéculaire des malléoles externes et internes du talus, œdème qui a été constaté aux HUG dès le jour de l’accident, puis été confirmé par les IRM subséquentes) a entraîné les symptômes et l’incapacité de travail du recourant dans toute activité (même adaptée). Selon l’expert, la preuve d’une entorse de la cheville droite en relation causale avec l’accident doit être considérée comme rapportée au regard du rapport initial des HUG, mais également des IRM subséquentes et du mécanisme accidentel. Dans ces conditions et au vu des explications détaillées fournies par l’expert judiciaire, force est de constater que les rapports du Dr H______ ne revêtent pas une valeur probante suffisante, de sorte que l’intimée ne pouvait valablement se fonder sur ceux-ci pour parvenir à la conclusion (implicite) que l’état de santé était stabilisé déjà au 13 septembre 2020, et partant, clôturer le cas à cette date.

13.3 En réalité, le rapport d’expertise judiciaire est le seul document probant dont on dispose qui se prononce sur la question d’une stabilisation de l’état de santé, stabilisation que le Dr P______ a située le 17 novembre 2021. À cet égard, il ressort notamment dudit rapport que le recourant a bénéficié d’une infiltration en décembre 2020 et qu’il dû suivre, jusqu’en mars 2021, un traitement par kinésithérapie, tout en devant porter une chevillère. Certes, l’expert judiciaire semble avoir considéré (cf. p. 28 du rapport d’expertise, en réponse à la question 7.1), en se référant au rapport du kinésithérapeute de mars 2021, que dans une activité adaptée, une certaine capacité de travail eût été « possible » dès le 1er avril 2021, mais ledit expert (à l’instar du kinésithérapeute) n’a pas précisé qu’une activité adaptée aurait alors été exigible à plein temps (le kinésithérapeute ayant de surcroît émis la réserve qu’une éventuelle reprise du travail était tributaire des douleurs). En outre, l’expert judiciaire a indiqué, dans le même paragraphe, que « [ ] la capacité [avait] évolué et [que] le [recourant] [avait] retrouvé un plein emploi en contrat à durée indéterminée comme barman en novembre 2021 ». Il faut déduire de ces indications que ce n’est qu’à partir du 17 novembre 2021 que le recourant a recouvré une capacité de travail de 100% dans toute activité adaptée, ce qui a permis son engagement (à plein temps) en tant que barman. En outre, on relèvera que dans son anamnèse (cf. p. 3 du rapport d’expertise), l’expert a précisé qu’en septembre 2021, le recourant, jugeant sa cheville insuffisamment « remise », a dû refuser une première offre d’emploi (fixe) en tant que barman qui lui avait été proposée. Enfin, il ressort de l’expertise que c’est également dès le mois de novembre 2021 qu’un traitement ne s’est plus révélé nécessaire, qu’il s’agisse d’un traitement médical, de kinésithérapie ou de physiothérapie (étant précisé que le recourant a effectué trois séances de physiothérapie par semaine jusqu’en août 2021, selon les précisions fournies dans sa dernière écriture). Au vu de ces différents éléments et de prime abord, la chambre de céans n’a aucune raison de s’écarter de l’avis de l’expert judiciaire, dont il résulte que l’état de santé n’est stabilisé que depuis le 17 novembre 2021.

13.4 À l'avis de l’expert judiciaire, l’intimée oppose toutefois celui de la Dresse Q______, de son service médical.

Dans son rapport du 28 juin 2022, la Dresse Q______ soutient, en substance, que le diagnostic d’entorse de la cheville retenu par l’expert serait insuffisamment précis, faute d’indiquer le stade de l’entorse et la localisation de celle-ci. Par ailleurs, la Dresse Q______ relate sa propre interprétation des imageries figurant dans le dossier (notamment des IRM réalisées en novembre 2019 et août 2020), dont elle déduit que « l’impingement fibulaire antérieur [ ] est apparu à la suite de la torsion de la cheville du 26 août 2019, alors qu’il n’y avait pas de déchirure ligamentaire ». Toujours selon la Dresse Q______, « lorsque le diagnostic a été posé et une infiltration cortisonée réalisée à ce niveau le 1er décembre 2020, les douleurs se sont nettement améliorées. Il faut donc admettre que c’est avant tout l’impingement qui était la cause des douleurs empêchant une reprise du travail ». Elle émet l’avis (cf. les points 4.3.1 et 7.1 de son rapport) qu’une reprise de toute activité professionnelle à 100% – y compris celle antérieure de plâtrier-peintre – eût été possible dès le 1er janvier 2021 déjà (c’est-à-dire un mois après une infiltration ayant « grandement soulagé » le recourant), date qui correspondrait également, de son point de vue, à la stabilisation de l’état de santé et au retour au statu quo sine. Enfin, elle suggère une (longue) liste de 18 questions complémentaires destinées à l’expert, essentiellement en relation avec sa propre interprétation des imageries figurant au dossier.

Dans son écriture du 30 juin 2022, l’intimée reproduit certains passages du rapport de la Dresse Q______, dont elle tire la conclusion que l’expertise serait empreinte « [d’] incohérences, contradictions et lacunes », et qu’il se justifierait par conséquent de mettre en œuvre une nouvelle expertise judiciaire.

13.5 Comme cela ressort des considérants qui précèdent (cf. consid. 9.3 supra), le juge ne s’écarte pas d’une expertise judiciaire en l’absence de motifs impératifs.

Or, ni la Dresse Q______, ni l’intimée ne mettent en évidence de motifs impératifs qui justifieraient d’ordonner une sur-expertise ou un complément d’expertise. En réalité, la Dresse Q______ tente de se substituer à l'expert judiciaire, en affirmant que le diagnostic posé par le Dr P______ serait imprécis, et en proposant de remplacer la date à laquelle ce spécialiste a situé la stabilisation de l’état de santé, par celle – antérieure de quelques mois – du 1er janvier 2021. En attachant, semble-t-il, une importance décisive à l’infiltration articulaire réalisée en décembre 2020, sans véritablement prendre en considération les autres éléments (y compris les traitements subséquents) ressortant de l’expertise, la Dresse Q______ oppose en définitive son avis personnel à celui de l'expert P______. Cela ne suffit pas à tenir l'expertise judiciaire pour insuffisamment probante et à justifier de nouvelles mesures d'instruction. L’opinion de la Dresse Q______ selon laquelle le recourant serait prétendument capable, depuis le 1er janvier 2021, de reprendre son activité antérieure de plâtrier-peintre – à savoir une activité particulièrement astreignante physiquement, nécessitant notamment le port de charges lourdes – ne peut pas non plus être suivie, vu les conclusions contraires de l’expert judiciaire et les limitations fonctionnelles qu’il a retenues (difficultés pour la marche et le port de charges, en lien avec des douleurs chroniques de la cheville). Pour ce qui est de l’absence de mention du stade de l’entorse, l’expert a retenu une entorse sévère (cf. not. la page 31 de son rapport), ce qui apparaît en l’occurrence suffisamment précis. Quant au grief tiré du caractère prétendument imprécis du diagnostic (en relation avec la localisation de l’entorse), il paraît dénué de pertinence, l’expert ayant justement incorporé dans son rapport (en page 42) une copie de l’IRM du 17 août 2020, sur laquelle il a mis en évidence la localisation de l’œdème osseux consécutif à l’entorse. Sur la même page, l’expert a également ajouté un schéma illustrant la localisation du ligament talofibulaire antérieur, où a été visualisée (toujours sur l’IRM d’août 2020) une petite fracture de la tête du talus, fracture qui serait liée à l’accident, selon l’expert, ce qui est également l’avis du Dr K______.

Par ailleurs, dans la mesure où la Dresse Q______ (respectivement l’intimée) reproche à l’expert judiciaire de ne pas avoir fait figurer dans son rapport une analyse personnelle des clichés radiographiques standards du 26 août 2019 et des IRM subséquentes, elle s’en prend, dans les faits, à la méthodologie utilisée par l’expert. Or, de jurisprudence constante, la conduite de l'expertise et le choix de la méthodologie à appliquer sont laissés au libre arbitre de l'expert (arrêts du Tribunal fédéral 9C_846/2012 du 5 avril 2013 consid. 4.2.1 ; 9C_514/2012 du 5 octobre 2012 consid. 4 et 9C_538/2009 du 8 janvier 2010 consid. 3.3). Cet argument s’avère donc également infondé, ceci à plus forte raison au vu de l’anamnèse détaillée rédigée par l’expert judiciaire (sur plus de 13 pages), laquelle intègre une description exhaustive des constatations effectuées par les radiologues sur la base des IRM de novembre 2019, août et novembre 2020, ainsi que le résumé du rapport initial des HUG du 26 août 2019 (y compris la précision y figurant selon laquelle les radiographies standards n’ont pas montré de lésions ostéo-articulaires, mais qu’un œdème de la malléole externe droite a été mis en évidence lors de l’examen clinique initial réalisé aux HUG). Contrairement à ce que laisse entendre la Dresse Q______, l’expert n’a pas ignoré la circonstance qu’une fracture n’a pas été visualisée sur les radiographies standards réalisées le jour de l’accident, puisqu’il a encore précisé, en page 31 de son rapport, qu’il s’agissait d’un fait « attendu » (autrement dit usuel) dans le cas d’une entorse.

Au surplus, il y a lieu de constater, par une appréciation anticipée des preuves, que même à supposer que l’hypothèse, avancée par la Dresse Q______, d’un arrachement osseux de la malléole externe préexistant à l’accident soit correcte (ce qui ne paraît en l’état pas démontré au vu des avis contraires exprimés par le Dr K______ et par l’expert), cela ne suffirait de toute manière pas à infirmer l’exposé convaincant de l’expert, dont il résulte que, contrairement à l’avis des médecins d’arrondissement de l’intimée, la symptomatologie présentée par le recourant doit bel et bien être mise en relation avec un substrat organique objectivable, en relation causale avec l’accident (cf. supra consid. 13.2 in fine).

Enfin, dans la mesure où l’intimée déduit de la divergence d’appréciation existant entre l’expert judiciaire et la Dresse Q______ la (prétendue) nécessité de mettre en œuvre une nouvelle expertise judiciaire, elle semble partir de l’idée que la mise en œuvre d’une surexpertise s’imposerait systématiquement lorsque le résultat d'une expertise judiciaire s'écarte de l’avis des médecins d’arrondissement. Ce raisonnement revient à vider de sens le rôle de l’expert judiciaire et ne saurait être suivi.

14.         Au regard de ce qui précède et sur la base du rapport d’expertise judiciaire, la chambre de céans tient pour établi – au degré de la vraisemblance prépondérante et sans que des mesures d'instruction complémentaires ne se justifient (ATF 122 II 464 consid. 4a) – que l’état de santé est stabilisé depuis le 17 novembre 2021. C’est également à cette date que le recourant a recouvré une capacité de travail de 100% dans toute activité professionnelle adaptée, n’impliquant pas de travaux lourds. Par ailleurs, il ne ressort pas du dossier que d’éventuelles mesures de réadaptation auraient été entreprises avec l’aide de l’assurance-invalidité (cf. art. 19 al. 1 LAA).

Dans une telle constellation, force est d’admettre que le droit aux indemnités journalières et à la prise en charge du traitement médical a pris fin avec effet au 16 novembre 2021 au soir, conformément à l’art. 19 al. 1 LAA, sans que la fixation d’un délai supplémentaire pour s’adapter aux nouvelles circonstances ne s’imposât, un tel délai n’étant envisageable que lorsque les indemnités journalières ont été supprimées par l’assureur sur la base de l’art. 6 LPGA, ce qui n’a pas été le cas ici (arrêt du Tribunal fédéral 8C_118/2021 du 21 décembre 2021 consid. 4.2.1-4.2.3 et la référence).

En conclusion, il convient d’admettre que, contrairement à ce qu’a retenu l’intimée sur la base de l’appréciation du Dr H______, le droit aux indemnités journalières et au traitement médical a pris fin avec effet au 16 novembre 2021 au soir (et non au 13 septembre 2020). En ce sens, le recours doit être partiellement admis.

15.         On l’a vu, il découle du rapport d’expertise judiciaire que l’état de santé du recourant est stabilisé depuis le 17 novembre 2021 et que, depuis cette date, l’intéressé dispose d’une capacité de travail de 100% dans toute activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, telle que celle de barman qu’il exerce désormais. En revanche, selon l’expert judiciaire, il n’est plus envisageable que le recourant reprenne un travail lourd dans un chantier, à l’instar de son précédent emploi, ceci en relation causale « certaine » avec l’accident (cf. p. 29 du rapport d’expertise judiciaire, en réponse à la question 7.2). Enfin, toujours selon l’expert, il existe un risque d’instabilité persistante et d’arthrose de la cheville.

Comme exposé plus haut, l’art. 19 al. 1 LAA délimite, du point de vue temporel, le droit aux prestations temporaires que sont les indemnités journalières et la prise en charge du traitement, d’une part, et le droit à la rente et à l’IPAI, d’autre part (cf. consid. 8.2 supra).

En l’occurrence, dès lors que l’état de santé est stabilisé depuis le 17 novembre 2021, mais que la reprise de la profession antérieure de plâtrier-peintre n’est plus envisageable (contrairement à une activité adaptée), en raison de séquelles accidentelles et plus particulièrement de limitations fonctionnelles affectant la cheville droite (douleurs chroniques, engendrant des difficultés notamment pour la marche et le port de charges), auxquelles s’ajoutent encore un risque d’instabilité persistante et d’arthrose, il se pose la (les) question(s) du droit éventuel à une rente d’invalidité LAA et à une IPAI. Il n’appartient toutefois pas à la chambre de céans de statuer à la place de l’intimée sur ces points, ce qui contreviendrait (par analogie) au principe du double degré de juridiction.

Dans ce contexte, on précisera encore que, contrairement à ce que pourraient suggérer (de prime abord) les réponses données par l’expert en p. 27 de son rapport (en relation avec les questions 5.1.1 et 5.1.2), il n’existe pas à proprement parler de retour au statu quo ante, vu l’incapacité du recourant à reprendre un travail lourd de chantier (en raison des conséquences de l’accident), mais également l’instabilité persistante de la cheville évoquée par l’expert plus loin dans son rapport (cf. p 34, en réponse à la question 10.5). D’ailleurs, à y regarder de plus près et en lien avec la question 5.1.1 (concernant un éventuel statu quo ante), l’expert n’évoque qu’un état de santé « pratiquement similaire » à celui qui existait avant l’accident, ce dont on peut déduire qu’il subsiste tout de même certaines séquelles accidentelles et partant, que le recourant n’a pas entièrement recouvré son état de santé antérieur, d’où l’absence de statu quo ante. L’hypothèse d’un éventuel statu quo sine doit également être écartée, vu l’absence, constatée par l’expert judiciaire, d’éléments probants dans les imageries ou l’anamnèse qui seraient propres à prouver l’existence d’un état maladif préexistant à l’accident (cf. page 27 du rapport d’expertise, en réponse à la question 5.2).

En définitive, dans la mesure où à ce jour, l’intimée n’a pas statué sur le droit éventuel du recourant à une rente LAA et à une indemnité pour atteinte à l’intégrité dès le 17 novembre 2021, date de la stabilisation de l’état de santé, la cause lui sera renvoyée pour qu’elle examine le droit éventuel à ces prestations et rende une nouvelle décision à cet égard, après avoir complété l’instruction sur ces questions dans la mesure qu’elle jugera nécessaire. Cette solution permet en outre de préserver le droit du recourant à un double degré de juridiction (par analogie), en conformité avec la jurisprudence et la pratique de la chambre de céans (cf. ATAS/884/2022 du 7 octobre 2022 consid. 13 ; ATAS/696/2022 du 9 août 2022 consid. 13).

16.         Enfin, il convient de statuer sur le sort des frais d’expertise.

16.1 Conformément à la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, l’art. 45 al. 1 LPGA constitue une base légale suffisante pour mettre les coûts d’une expertise judiciaire à la charge de l’assureur (ATF 143 V 269 consid. 6.2.1 et les références), lorsque les résultats de l'instruction mise en œuvre dans la procédure administrative n'ont pas une valeur probatoire suffisante pour trancher des points juridiquement essentiels et qu'en soi un renvoi est envisageable en vue d'administrer les preuves considérées comme indispensables, mais qu'un tel renvoi apparaît peu opportun au regard du principe de l'égalité des armes (ATF 139 V 225 consid. 4.3).

Cette règle ne saurait entraîner la mise systématique des frais d'une expertise judiciaire à la charge de l'autorité administrative. Encore faut-il que l'autorité administrative ait procédé à une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées et que l'expertise judiciaire serve à pallier les manquements commis dans la phase d'instruction administrative. En d'autres mots, il doit exister un lien entre les défauts de l'instruction administrative et la nécessité de mettre en œuvre une expertise judiciaire (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2). Tel est notamment le cas lorsque l'autorité administrative a laissé subsister, sans la lever par des explications objectivement fondées, une contradiction manifeste entre les différents points de vue médicaux rapportés au dossier, lorsqu’elle aura laissé ouvertes une ou plusieurs questions nécessaires à l'appréciation de la situation médicale ou lorsqu'elle a pris en considération une expertise qui ne remplissait manifestement pas les exigences jurisprudentielles relatives à la valeur probante de ce genre de documents. En revanche, lorsque l'autorité administrative a respecté le principe inquisitoire et fondé son opinion sur des éléments objectifs convergents ou sur les conclusions d'une expertise qui répondait aux réquisits jurisprudentiels, la mise à sa charge des frais d'une expertise judiciaire ordonnée par l'autorité judiciaire de première instance, pour quelque motif que ce soit (à la suite par exemple de la production de nouveaux rapports médicaux ou d'une expertise privée), ne saurait se justifier (ATF 139 V 496 consid. 4.4 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 8C_580/2019 du 6 avril 2020 consid. 5.1).

16.2 En l’espèce, il se justifie, en application de la jurisprudence susmentionnée, de mettre à la charge de l’intimée les frais de l’expertise judiciaire, lesquels s’élèvent à CHF 8’750.-. En effet, les appréciations du médecin d’arrondissement sur lesquelles l’intimée avait fondé sa décision du 25 août 2020, confirmée sur opposition, ne revêtaient pas une valeur probante suffisante et se révélaient de surcroît partiellement contradictoires entre elles, comme la chambre de céans l’avait déjà relevé dans son ordonnance d’expertise du 10 février 2022 (p. 16-17). En outre, indépendamment de l’emploi, vis-à-vis du recourant, du terme inapproprié de « migrateur », il faut encore relever que les appréciations du Dr H______ avaient été contestées par le Dr K______, spécialiste en médecine physique et réadaptation, lequel avait certifié que les lésions apparaissant sur l’IRM réalisée en août 2020 ne pouvaient, à son sens, qu’être d’origine traumatique et en relation avec l’événement du 26 août 2019. Ces circonstances auraient dû inciter l’intimée, en application du principe inquisitoire, à mettre elle-même en œuvre une expertise administrative.

17.         Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et la décision sur opposition du 23 octobre 2020 réformée, en ce sens que le recourant a droit aux indemnités journalières et à la prise en charge par l’intimée du traitement médical jusqu’au 16 novembre 2021 au soir (et non jusqu’au 13 septembre 2020). La cause sera renvoyée à l’intimée, à charge pour celle-ci de rendre une nouvelle décision portant sur le droit éventuel à une rente LAA à compter du 17 novembre 2021 et à une indemnité pour atteinte à l’intégrité, après avoir complété l’instruction sur ces questions dans la mesure qu’elle jugera nécessaire. Enfin, les frais de l'expertise judiciaire, à concurrence de CHF 8’750.-, seront mis à la charge de l'intimée.

18.         La procédure est gratuite (art. 89H al. 4 LPA).

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Réforme la décision sur opposition rendue le 23 octobre 2020, en ce sens que le recourant a droit aux indemnités journalières et à la prise en charge par l’intimée du traitement médical jusqu’au 16 novembre 2021 au soir (et non jusqu’au 13 septembre 2020).

4.        Renvoie la cause à l’intimée, à charge pour celle-ci de rendre une nouvelle décision portant sur le droit éventuel à une rente LAA à compter du 17 novembre 2021 et à une indemnité pour atteinte à l’intégrité, après éventuelle instruction complémentaire sur ces questions, dans le sens des considérants.

5.        Met à la charge de l’intimée les frais de l’expertise judiciaire de CHF 8'750.-.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Diana ZIERI

 

Le président

 

 

 

Blaise PAGAN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le