Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2855/2021

ATAS/1117/2022 du 14.12.2022 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2855/2021 ATAS/1117/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 14 décembre 2022

4ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée ______, CHÊNE-BOURG, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Marc MATHEY-DORET

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


 

EN FAIT

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née le ______ 1997, a déposé une demande de prestations auprès de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé) le 3 janvier 2017.

b. Dans un avis médical du 15 novembre 2018, le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : le SMR) a relevé que le docteur B______, neurologue, avait indiqué en juin 2016 que l’assurée souffrait d’une migraine avec aura, qui se transformait en migraine chronique grave avec aura depuis cinq ans, sous traitement antalgique et injections de Botox, avec une amélioration partielle et un pronostic incertain. Le Dr B______ considérait que l’assurée pourrait faire une formation à 50% avec un horaire de 13h à 17h.

La doctoresse C______, de la consultation pour adolescents aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : les HUG) considérait que l’assurée souffrait de céphalées chroniques invalidantes, qu’elle manifestait par moment un état de toute puissance et qu’elle mettait toutes les tentatives de prise en charge en échec.

Une prise en charge par la doctoresse D______, spécialiste FMH en psychiatre et psychothérapie d’enfants et d’adolescents, avait débuté en octobre 2013.

Sur cette base, le SMR a estimé qu’une instruction complémentaire auprès des médecins traitants de l’assurée était nécessaire.

c. Dans un avis médical du 9 juillet 2019, le service médical régional de l’OAI (ci-après : le SMR) a constaté que l’assurée présentait une fibromyalgie et un syndrome douloureux persistant qui semblaient également influencer sa capacité de travail (rapport médical de la doctoresse E______ du 2 février 2018).

Elle présentait par ailleurs une rhinite allergique, un status post fracture astragalienne bilatérale ostéosynthésée en 2014 et une scoliose lombaire. Dans ce contexte, une expertise pluridisciplinaire était proposée (neurologie, psychiatrie et rhumatologie).

d. Selon l’évaluation consensuelle du rapport d’expertise établi le 9 juillet 2020 par des médecins de SMEX SA (les Drs F______, médecine interne ; G______, neurologie ; H______, psychiatrie et I______, rhumatologie), l’assurée était âgée de 23 ans, sans activité professionnelle actuelle et se plaignant de douleurs diffuses chroniques musculo-squelettiques et de migraines remontant à l’enfance. Son parcours scolaire avait été gravement perturbé par ses troubles. Ses douleurs chroniques et le retard scolaire engendré l’avaient conduite à un tentamen médicamenteux en 2011, alors qu’elle était encore mineure et elle avait été hospitalisée en pédopsychiatrie. Actuellement elle semblait bien stabilisée au niveau des céphalées par le Topamax et le Botox, qui était injecté de façon irrégulière en fonction des crises. Elle était aidée par l’Hospice général depuis avril 2019 et titulaire d’un diplôme d’hôtesse d’accueil.

Du point de vue psychiatrique, elle ne bénéficiait pas d’un suivi spécialisé régulier en raison de sa « continence » moyenne à ces suivis. Elle ne percevait pas ses troubles comme ayant un lien avec une souffrance psychique. L’expert psychiatre n’avait pas constaté d’élément parlant en faveur d’une atteinte psychiatrique pouvant avoir des répercussions sur la capacité de travail.

Du point de vue rhumatologique, il n’y avait pas de diagnostic retenu. Du point de vue inflammatoire, le diagnostic de fibromyalgie était confirmé, mais il ne justifiait pas de limitations fonctionnelles. La capacité de travail était pleine depuis toujours.

Du point de vue de la médecine interne, l’examen ne mettait en évidence que de légers déficits.

Du point de vue neurologique, le tableau clinique ne permettait pas de retenir un diagnostic de migraine, tel qu’évoqué par les différents intervenants médicaux. Il était par contre fortement probable que l’assurée souffre d’un syndrome d’Ehlers-Danlos, diagnostic qui n’avait jusqu’alors jamais été investigué et qui nécessitait l’avis d’un spécialiste généticien. Du point de vue neurologique strict, il n’avait pas été mis en évidence d’atteinte pouvant avoir un retentissement sur la capacité de travail lors de l’expertise. Dans l’hypothèse où les plaintes de fatigue et algiques de l’assurée seraient la conséquence du syndrome d’Ehlers-Danlos, leur gravité était difficile à estimer, au vu du comportement détendu de l’assurée lors de l’anamnèse et de l’examen. Il n’y avait en tout cas pas un comportement cherchant à convaincre l’examinateur de la gravité de la situation et il ne pouvait être évoqué d’autolimitation, d’exagération ou de simulation. S’agissant des mesures médicales ayant une incidence sur la capacité de travail, relativement à la suspicion du syndrome d’Ehlers-Danlos, la prise en charge et le suivi étaient à maintenir, cette atteinte étant génétique.

e. Dans un avis du 23 juin 2020, le SMR a rapporté les conclusions de l’expertise sans commentaires particuliers, mentionnant notamment que l’expert neurologue émettait l’hypothèse d’un syndrome d’Ehlers-Danlos qui, en cas de confirmation, resterait sans influence sur la capacité de travail, mais modifierait la prise en charge. D’un point de vue neurologique, la capacité de travail était entière.

f. Par projet de décision du 24 juillet 2020, l’OAI a rejeté la demande de prestations de l’assurée, sur la base de l’avis précité.

g. Le 14 septembre 2020, l’assurée, assistée d’un conseil, a formé opposition au projet de décision de l’OAI.

Elle a produit un rapport établi par la doctoresse J______, spécialiste FMH en neurologie, établi le 21 août 2020, laquelle indiquait que l’examen neurologique effectué était normal, sans évidence d’atteinte des nerfs crâniens ni des voies longues. Ainsi, l’assurée présentait des céphalées mixtes, d’une part tensionnelles, responsables d’un fond douloureux quotidien, lesquelles étaient associées à des migraines chroniques de longue date. Les migraines pouvaient s’inscrire dans le contexte d’un syndrome d’Ehlers-Danlos. Des investigations étaient en cours concernant cet aspect. Il était néanmoins clair qu’en association ou seules ses migraines avaient des conséquences majeures sur la qualité de vie de l’assurée et qu’elles l’amenaient à une désocialisation ainsi qu’à un état de fatigue et d’épuisement permanent et délétère pour sa santé. L’assurée devrait pouvoir obtenir une rente de l’assurance-invalidité de 50% ainsi qu’une une formation dans un poste adapté à sa problématique migraineuse.

h. Dans un avis médical du 25 septembre 2020, le SMR a estimé que la Dresse J______ aurait dû fixer l’exigibilité à la suite d’une analyse globale des limitations fonctionnelles et des ressources de l’assurée selon les indicateurs de la jurisprudence. Si un syndrome d’Ehlers-Danlos était confirmé, il y aurait lieu d’en examiner les répercussions fonctionnelles sur la base des atteintes organiques objectivées, afin de déterminer la capacité de travail raisonnablement exigible au vu de ce nouveau diagnostic. Le SMR proposait de compléter l’instruction en interrogeant le spécialiste de ce syndrome consulté par l’assurée. En l’absence d’un tel spécialiste, une consultation auprès de la doctoresse K______, du service de rhumatologie du CHUV, pourrait être sollicitée.

i. Dans un rapport établi le 23 novembre 2020, le docteur L______, ORL FMH, a indiqué que l’assurée présentait les signes d’un déficit vestibulaire périphérique à droite. Il s’agissait probablement des manifestations d’une neuronite vestibulaire, peut-être de survenue ancienne, encore mal compensée. Le pronostic était bon, d’une résolution progressive et encore incomplète des symptômes vestibulaires et de ceux produits par une compensation.

j. Le 8 mars 2021, la Dresse J______ a indiqué que l’éventuelle syndrome d’Ehlers-Danlos était actuellement en cours d’investigation auprès du professeur M______, spécialiste FMH en rhumatologie, et du docteur N______, médecine interne générale. L’assurée souffrait toujours de migraines chroniques et quotidiennes et elle avait eu une grosse crise de fibromyalgie à la fin de l’année 2020, suite à laquelle un traitement de Sirdalud avait été introduit. Elle allait l’interrompre compte tenu de l’augmentation des doses de Prégabaline. La Prednisone, prise en raison d’une maladie de Verneuil, avait eu un effet relatif sur les douleurs articulaires, mais aucun effet sur les migraines. L’assurée restait largement affectée par son état clinique. Elle mettait toute son énergie à gérer sa problématique de santé, ce qui l’occupait à 100%. Cet état était à l’origine d’un épuisement physique et psychologique chez une assurée incapable de rechercher un travail, compte tenu des migraines au quotidien. Elle ne serait en outre pas capable d’honorer un contrat quel qu’il soit, étant donné la fréquence persistante de ses migraines. Cet état avait des retentissements sur sa vie personnelle, puisqu’il menait à une certaine désocialisation, l’assurée ne côtoyant que sa famille proche et vivant en colocation avec sa meilleure amie qu’elle connaissait depuis quinze ans. Elle ne pratiquait aucun hobby et depuis peu, elle avait cessé d’effectuer elle-même ses courses, qu’elle faisait livrer.

k. Dans un rapport établi le 12 mars 2021, le Dr N______ a indiqué à l’OAI que l’assurée souffrait d’impatience des jambes très probable, de troubles déficitaires de l’attention, de troubles dys, de céphalées chroniques, d’un syndrome d’Ehlers-Danlos hypermobile et d’un syndrome douloureux chronique. Sa situation était complexe, car elle découlait d’une accumulation de différents diagnostics. L’assurée s’endormait tardivement vers 3-4 h du matin. Une personne qui n’arrivait absolument pas à dormir en raison de l’impatience des jambes présentait la répercussion qui ressortait de différents rapports, à savoir des douleurs chroniques multi-étagées, des céphalées, un trouble de la concentration, une désocialisation et une déscolarisation. L’assurée présentait un large retard dans son instruction et son atteinte physique n’était pour l’instant pas comprise ni soulagée. De toute évidence, elle n’avait aucune capacité de travail à ce jour.

Son quotidien pouvait être expliqué par l’atteinte du sommeil et les conséquences depuis son enfance. Ce facteur devait être investigué ainsi que son impact sur l’assurée, lequel était significatif. Son parcours avait été très difficile, en raison de ses atteintes au niveau neuropsychologique. Ses douleurs chroniques étaient multifactorielles : troubles du sommeil, mouvements sans arrêt des membres, troubles de l’attention, syndrome d’Ehlers-Danlos et déconditionnement massif musculaire.

l. Selon un rapport d’examen cognitif établi le 24 mars 2021 par Madame O______, psychologue spécialiste en psychothérapie FSP, l’assurée avait une atteinte cognitive et comportementale d’intensité modérée, touchant principalement les domaines attentionnel et exécutif ainsi que le raisonnement non verbal. L’examen du fonctionnement intellectuel montrait des performances interprétables à la limite des normes inférieures.

Au premier plan, l’assurée présentait d’importants signes de la lignée dépressive, associés à une symptomatologie douloureuse et des troubles du sommeil qui pouvaient expliquer à eux seuls les difficultés cognitives. Les capacités intellectuelles apparaissaient faibles et pouvaient être comprises également dans un contexte de scolarisation partielle et entravée par l’apparition d’une symptomatologie douloureuse à l’adolescence.

Concernant la présence d’un TDAH (trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité), il n’était pas possible de trancher formellement cette question. Compte tenu des difficultés à une épreuve de vocabulaire ainsi que la présence de dyslexie dans son entourage familial, un bilan logopédique pourrait faire la lumière sur d’éventuelles difficultés langagières. Une reprise professionnelle semblait actuellement compromise, si l’assurée ne bénéficiait pas d’une évaluation et d’un encadrement adapté tenant compte de ses capacités cognitives et physiques. Une évaluation de ses capacités en situation réelle pourrait être faite dans le cas d’une réévaluation de la situation par l’OAI avec pour objectif une insertion professionnelle adaptée.

m. Le 6 mai 2021, l’assurée a transmis à l’OAI un rapport établi le 27 avril 2021 par le docteur P______, spécialiste FMH en gastroentérologie, dont il ressort que l’assurée souffrait de douleurs abdominales récidivantes dans la région épigastrique et hypogastrique, avec des diarrhées chroniques récidivantes jusqu’à 5 à 20 fois par jour, liquides. Les douleurs se manifestaient 10 à 15 minutes après les repas et duraient de 30 minutes à une heure. De plus, l’assurée souffrait d’un météorisme. En attendant le résultat des biopsies, le médecin allait organiser un test respiratoire au lactulose afin d’exclure une colonisation bactérienne chronique de l’intestin grêle et évaluer la possibilité d’une thérapie par Rifaximine afin de traiter les météorismes, les crampes et les diarrhées. Un dosage de la calprotectine dans les selles afin d’exclure une inflammation colique serait aussi à discuter, mais il ne pourrait être effectué que quelques semaines plus tard pour éviter des résultats faux positifs à cause des biopsies prises ce jour. Une thérapie par IPP pour six semaines avait été prescrite à l’assurée afin de soigner les érosions. Cette dernière serait revue pour discuter des résultats et des thérapies empiriques.

n. Le 26 mai 2021, le gestionnaire du dossier de l’assurée a transmis au SMR les rapports complémentaires obtenus suite à son précédent avis, remarquant que le Dr M______ n’avait pas répondu, mais que l’avocat de l’assurée avait transmis des éléments médicaux par courriers du 16 mars (rapport de la Dresse J______ du 8 mars 2021) et 10 mai 2021 (rapport du Dr Q______ du 27 avril 2021). Le gestionnaire du dossier demandait au SMR s’il était en mesure de se prononcer.

o. Dans un avis du 30 juin 2021, le SMR a estimé que les éléments apportés en procédure d’audition n’étaient pas de nature à modifier ses conclusions du 23 juillet 2020. La Dresse J______ semblait faire une appréciation différente du Dr G______ d’un même état de fait. Le rapport du Dr N______ était peu précis et certains diagnostics sortaient de son champ de compétence en tant que médecin praticien. Enfin, la suspicion du diagnostic de syndrome d’Ehlers-Danlos n’avait pas été ignorée par les experts, qui avaient estimé que cette atteinte restait sans influence sur la capacité de travail. Le rapport d’examen cognitif du 24 mars 2021 ne retenait pas d’éléments de gravité dans le fonctionnement cognitif et comportemental de l’assurée. L’oesophago-gastro-duodénoscopie du 27 avril 2021 réalisée par le Dr P______ n’avait pas mis en évidence des lésions significatives susceptibles d’expliquer la symptomatologie digestive. En l’absence de nouveau diagnostic, une étiologie fonctionnelle sur un syndrome des intestins irritables restait compatible avec la clinique.

B. a. L’assurée a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice le 1er septembre 2021, concluant à son annulation et à ce qu’il soit dit qu’elle avait droit à une rente d’invalidité entière dès le 3 janvier 2018, subsidiairement au renvoi de la cause à l’OAI pour complément d’instruction et nouvelle décision, avec suite de frais et dépens.

Elle a fait valoir que le rapport du SMEX du 9 juillet 2020, sur lequel se fondait la décision entreprise, ne tenait pas compte de ses limitations. Sur le plan neurologique, le Dr G______ avait refusé de tenir compte des limitations en lien avec les céphalées chroniques, au motif qu’il n’était pas possible de poser un diagnostic neurologique à ce sujet et en particulier pas celui de migraine. Or le caractère migraineux des céphalées était connu et attesté par ses médecins traitants de manière constante et depuis de nombreuses années. Les limitations en lien avec les céphalées étaient établies et documentées. Le fait de poser ou non le diagnostic de migraine ne suffisait pas à remettre en cause ce constat et les limitations en découlant devaient être prises en compte.

En ce qui concernait le volet rhumatologique du rapport, le Dr I______ avait conclu que les douleurs n’entraînaient aucune incapacité de travail et qu’un poste d’hôtesse d’accueil semblait être adapté, ce qui restait une pure supposition, qui n’était étayée par un aucun élément probant.

Ses difficultés quotidiennes liées à ses atteintes, et en particulier à ses douleurs, étaient rapportées dans son dossier médical depuis de nombreuses années. Elle n’avait pas été en mesure de terminer sa scolarité obligatoire, même dans le cadre d’un établissement privé. Elle était constamment exténuée en raison de ses graves insomnies, au point qu’elle n’était souvent pas en mesure de faire ses courses elle-même et, que lorsqu’elle y arrivait, ce n’était qu’au prix d’un immense effort, tant les douleurs dont elle souffrait étaient intenses. La seule mission temporaire qu’elle avait entreprise, à temps partiel, s’était soldée par deux à trois mois d’asthénie. L’expérience n’avait pas pu être renouvelée, car elle avait été trop éprouvante.

Les douleurs abdominales récidivantes et les diarrhées chroniques étaient incompatibles avec un travail. Pour l’heure, elle était forcée de suivre des traitements médicamenteux connus pour engendrer des difficultés de mémoire et de concentration. En définitive, la gestion de ses douleurs et de sa santé l’occupait à plein temps.

Le Dr I______ n’avait pas discuté ces éléments qui lui avaient été exposés, pas plus que les avis de ses autres médecins, alors qu’il lui appartenait d’étayer son rapport par des faits concrets permettant d’apprécier la portée de ses atteintes à la santé sur sa capacité de travail. Son appréciation apparaissait arbitraire.

En ce qui concernait le syndrome d’Ehlers-Danlos, le Dr G______ considérait que si ce diagnostic était confirmé, une évaluation de la gravité des symptômes douloureux par rapport à la gravité de l’atteinte objective due à cette maladie devait être effectuée. Le SMR s’était lui aussi rallié à cette position considérant que si cette hypothèse diagnostique, jugée très probable, venait à être confirmée par un spécialiste de cette affection, il y aurait lieu d’en examiner les répercussions fonctionnelles sur la base des atteintes organiques objectivées, afin de déterminer la capacité de travail raisonnablement exigible au vu de ce nouveau diagnostic.

Les forts soupçons de syndrome d’Ehlers-Danlos formulés par ses médecins traitants, et en particulier la Dresse J______ ainsi que le Dr G______, avaient été confirmés par le Dr N______, qui avait posé ce diagnostic après un examen des critères cliniques. De l’aveu même du SMR, il y avait lieu d’examiner les répercussions fonctionnelles liées à ce diagnostic sur la capacité de travail de la recourante. Or, cette analyse n’avait pas été faite. L’avis médical du 30 juin 2021 apparaissait ainsi lacunaire et dénué de force probante. À cela s’ajoutait encore que le SMR avait rendu son rapport en l’absence de la détermination du Prof. M______, qui investiguait encore le syndrome d’Ehlers-Danlos. Dès lors que la décision entreprise se fondait sur des rapports mal fondés et une instruction du dossier lacunaire, la décision attaquée devait être annulée. Le droit aux prestations de la recourante était manifeste au vu de son dossier médical, de sorte que le droit à une rente entière d’invalidité devait lui être reconnu.

b. Par réponse du 28 septembre 2021, l’intimé a conclu au rejet du recours, considérant que le rapport d’expertise du SMEX devait se voir reconnaître une pleine valeur probante. Les nouvelles pièces médicales produites suite au projet de décision l’avaient conduit à compléter l’instruction sur le plan médical. Le SMR avait rendu un avis le 25 septembre 2020, qui n’avait pas permis à l’intimé de modifier son appréciation du cas. Si la recourante produisait une détermination du Prof. M______, l’intimé souhaitait s’exprimer à ce sujet.

c. Le 20 octobre 2021, la recourante a produit un rapport établi par le groupe d’études et de recherches du syndrome d’Ehlers-Danlos, relevant qu’il s’agissait d’une association regroupant les plus grands spécialistes dans ce domaine et qu’il en ressortait que le docteur R______ insistait sur le grand degré de sévérité de la douleur liée au syndrome d’Ehlers-Danlos. Au vu des symptômes décrits dans ce document, qui étaient présents chez elle, il ne faisait aucun doute, que ce diagnostic devait être posé.

Le Prof. M______ avait confirmé qu’elle souffrait d’une maladie rhumatismale immuno-inflammatoire, dont le syndrome d’Ehlers-Danlos faisait partie, dans son rapport du 20 octobre 2021 qu’elle produisait à la procédure.

Malgré l’objectivation des atteintes et le diagnostic de maladie rhumatismale immuno-inflammatoire, soit le syndrome d’Ehlers-Danlos, celles-ci ainsi que leurs conséquences sur sa capacité de travail avaient été ignorées par l’intimé.

d. Selon le rapport établi le 19 octobre 2021 par le Prof. M______, l’assurée souffrait d’un rhumatisme immuno-inflammatoire non clairement classifiable, d’une possible maladie de Verneuil avec SAPHO, et d’une possible connectivité indifférenciée associée au déficit en immunoglobulines. Ces diagnostics avaient une répercussion sur la capacité de travail de la recourante.

e. Le 9 novembre 2021, l’intimé a indiqué que dans son avis du 8 novembre 2021 transmis en annexe, le SMR avait mentionné que l’extrait de la publication produite par la recourante faisait une revue de l’état des connaissances concernant le syndrome d’Ehlers-Danlos hypermobile, mais qu’il n’amenait rien de concret concernant le cas de la recourante.

S’agissant du rapport du Prof. M______ du 19 octobre 2021, il apportait de nouveaux éléments, mais ne permettait pas de se déterminer en toute connaissance de cause. Le SMR proposait des questions complémentaires à poser au Prof. M______.

f. Le 22 novembre 2021, la recourante était d’avis que les éléments déjà versés à la procédure, permettaient déjà d’établir son droit aux prestations. Si la chambre de céans devait estimer que des mesures d’instruction supplémentaires devaient être entreprises, elle suggérait des modifications dans la formulation des questions à poser au Prof. M______.

g. Le 24 mars 2022, la chambre de céans a posé des questions au Prof. M______.

h. Le Prof. M______ a répondu le 13 juin 2022 à la chambre de céans que les limitations fonctionnelles de l’assurée à l’heure actuelle étaient :

-          Douleurs des pieds : grandes difficultés à la station debout prolongée ; impossibilité de porter des chaussures à talons hauts (conjonction des suites de la fracture des talons et de la maladie immuno-inflammatoire).

-          Douleurs diffuses, mais centrées sur les épaules, coudes, poignets, genoux et dos : douleurs articulaires et enthésitiques (insertion des tendons-ligaments) constantes avec grandes difficultés à porter des charges mêmes légères (par exemple ne plus faire des courses ou sortir sa poubelle).

-          Douleurs musculaires constantes : grande fatigue, temps de récupération très long après les tentatives d’efforts.

-          Fatigue générale et musculaire (exercices limités ; fatigabilité).

-          Troubles du sommeil (3 à 7 heures ; 3 heures 3 à 4 fois par semaine). Amélioration depuis quelques mois (possiblement grâce au Sirdalud qui diminuait une partie des douleurs nocturnes).

-          Céphalées chroniques fortes avec importante composante de céphalées cervicales de type tensions (dues aux douleurs des insertions tendineuses à la base du crâne).

-          Mauvaise tolérance au bruit (migraines chroniques).

-          Déficience vestibulaire périphérique : troubles de l’équilibre, troubles de la mémoire et de la concentration ainsi qu’une grande fatigue à cause de l’effort à fournir pour compenser ce déficit (cf. rapport du Dr L______ du 23 novembre 2020) : fatigue, troubles attentionnels et de la concentration, intolérance aux bruits, hypersensibilité émotionnelle et raideur-contracture de la nuque et des régions trapèzes par réflexe de préservation et d’évitement des mouvements de la tête.

Ces limitations étaient déjà présentes le 30 juin 2021.

L’activité d’hôtesse d’accueil était actuellement impossible. La dernière mission en 2019 avait été épuisante après seulement un mois à temps partiel (50%), ce qui avait entraîné un épuisement avec un mois de quasi confinement au lit. Cela avait découlé de la nécessité d’être debout de manière prolongée, de porter des chaussures à talon, de transporter des charges, des positions immobiles et du stress. La capacité de 0% datait de la fin de la formation à distance de la recourante en 2017.

S’agissant de la capacité de travail dans une activité strictement adaptée à ses limitations fonctionnelles, il n’était pas imaginable que la recourante puisse trouver un travail quel qu’il soit : trop d’absentéisme (douleurs, épuisement rapide, beaucoup de rendez-vous de médecins).

Les limitations étaient la mobilité, la position debout, la frappe à l’ordinateur, les céphalées lors de travail prolongé à l’ordinateur.

Ces limitations existaient chez la recourante depuis qu’elle était âgée de 10 ans. Elles étaient chroniques alors qu’elle avait 15 ans et il y avait eu une aggravation depuis l’âge de 20 ans, avec des crises de douleur extrêmes et une impossibilité de se déplacer et d’accomplir les gestes de tous les jours sans aide (douche, WC, se nourrir, etc.). La recourante n’avait pas pu finir sa scolarité obligatoire et avait dû être suivie en unité fermée de psychiatrie pédiatrique puis par la Dresse C______ et le docteur S______.

Les douleurs ainsi que la fatigue extrême avaient probablement influencé les capacités cognitives de la recourante. De bonne élève avec de bonnes capacités, elle était en latine au cycle d’orientation et avait des projets d’étude de vétérinaire, elle était passée à un résultat de quotient intellectuel à la limite inférieure des normes et présentait un score très négatif de dépression.

Les raisons médicales de l’incapacité de travail résiduelle étaient :

-          un rhumatisme immuno-inflammatoire correspondant maintenant vraisemblablement à une maladie de Verneuil (pustulose) avec SAPHO (syndrome synovites-acné-pustulose-hyperostose-ostéite qui se caractérisait par les arthrites et des douleurs des insertions de tendons et ligaments), plus un syndrome d’Ehlers-Danlos hypermobile (hyperlaxité articulaire douloureuse) retenu par la doctoresse T______, du service de médecine génétique des HUG).

Il était vraisemblable que ce rhumatisme immuno-inflammatoire soit en relation avec le déficit observé en immunoglobulines (association paradoxe mais très fréquente de pathologies immuno-inflammatoires avec plusieurs types de déficit immunitaires).

Il y avait des augmentations régulières et récemment de plusieurs paramètres inflammatoires biologiques. Cela dit, les traitements entrepris et à entreprendre, s’ils étaient efficaces, pourraient éventuellement modifier la situation qui devrait donc être réévaluée mais probablement pas avant dix à douze mois, en raison du long délai avant l’introduction de traitements potentiellement efficaces et uniquement du point de vue du SAPHO, car le syndrome d’Ehlers-Danlos ne bénéficiait malheureusement pas pour l’instant de médicaments efficaces.

i. Le 29 juin 2022, l’intimé, sur la base d’un avis du SMR du 21 juin 2022, a considéré qu’il n’y avait pas d’élément médical objectif nouveau permettant de remettre en question le rapport d’expertise du SMEX, auquel il convenait de reconnaître une pleine valeur probante.

Selon l’avis du SMR du 21 juin 2022, le Prof. M______ retenait deux diagnostics, un rhumatisme inflammatoire ainsi qu’un syndrome d’Ehlers-Danlos hypermobile, engendrant des douleurs multiples ainsi qu’une incapacité de travail. Cependant, hormis les résultats de laboratoire et l’épanchement articulaire du poignet ponctuel en 2016, le Prof. M______ ne décrivait aucun élément objectif d’une atteinte inflammatoire, notamment pas d’épanchement intra-articulaire ni d’érosion osseuse, mais uniquement des plaintes subjectives rapportées par l’assurée. Par ailleurs, le syndrome d’Ehlers-Danlos hypermobile avait déjà été évoqué par les experts. Ces derniers avaient évalué les douleurs de l’assurée de manière consensuelle et en analysant les indicateurs jurisprudentiels de gravité. Il n’y avait pas d’élément médical nouveau permettant de les remettre en question. La dernière appréciation du cas demeurait valable.

j. Le 29 juin 2022, la recourante a observé qu’au vu des réponses données par le Prof. M______, qui était un éminent spécialiste en rhumatologie, il était établi au degré de la vraisemblance prépondérante requis, qu’elle ne disposait d’aucune capacité de travail raisonnablement exigible sur le marché ouvert du travail quelle que soit l’activité envisagée, en raison de l’importance de ses limitations fonctionnelles.

Le Prof. M______ confirmait très clairement l’existence d’un rhumatisme immuno-inflammatoire correspondant vraisemblablement à une maladie de Verneuil avec SAPHO ainsi qu’un syndrome d’Ehlers-Danlos hypermobile.

À propos de ce dernier diagnostic, le Dr G______ avait en son temps lui-même indiqué que s’il venait à être confirmé, une évaluation de la gravité des symptômes douloureux par rapport à la gravité de l’atteinte objective due à cette maladie devrait être effectuée.

Le SMR était du même avis en retenant qu’il y avait lieu d’en examiner les répercussions fonctionnelles sur la base des atteintes organiques objectivées afin de déterminer la capacité de travail raisonnablement exigible au vu de ce nouveau diagnostic.

Il ne faisait guère de doute à présent que ce diagnostic était confirmé et objectivé. Or, le Prof. M______ dans son rapport du 13 juin 2022 avait précisément évalué la gravité des symptômes douloureux en relation avec cette maladie et répondu à la question de l’exigibilité sur la base de cette appréciation comme le préconisaient le Dr G______ et le SMR. Rien ne permettait de s’écarter de son avis qui était pleinement convaincant. En conclusion, la recourante avait droit à une rente entière d’invalidité.

k. La recourante a encore indiqué dans un courrier du 24 juin 2022, qu’elle tenait à dire ce qu’elle vivait depuis de nombreuses années. Ses céphalées chroniques et les migraines la faisaient souffrir quotidiennement. Elle était en permanence sur une échelle de douleur de 10 à 7. Elle dormait très peu. Musculairement, elle avait mal partout. Porter une assiette était souvent difficile pour elle. Faire les courses était un calvaire. Heureusement qu’elle pouvait se faire livrer. Elle avait un traitement au Botox de plus de trente piqures à la tête pour calmer les tensions tous les trois mois, ce qui lui enlevait toute expression. Quand elle allait à Zurich chez le Dr B______, spécialiste de la migraine, les trajets étaient trop fatiguant pour elle. Maintenant elle était suivie à Genève. Elle avait eu également de nombreuses hospitalisations. Elle s’était rendue à Neuchâtel, convoquée par quatre médecins de l’assurance-invalidité. Cela avait été une expérience très difficile à vivre. Il avait été vue une heure trente par chaque médecin, les uns après les autres. Ceux-ci lui avaient dit qu’elle allait très bien et qu’elle pouvait travailler contrairement à tous ses médecins qui disaient le contraire et qui la suivaient depuis très longtemps. L’expert psychiatre lui avait dit qu’elle n’avait pas d’expression sur son visage. Elle lui avait expliqué qu’elle ne pouvait pas en avoir en raison de son traitement au Botox, mais il n’avait pas eu l’air de la croire.

Les traitements médicamenteux ne lui faisaient pas d’effet à part des effets secondaires parfois lourds à supporter. Actuellement, elle prenait du Topamax et du Sirdalud et le Botox qui stabilisaient ses douleurs sans les enlever. Elle avait moins de crises extrêmes lors desquelles il fallait lui donner deux injections sous-cutanées de Tramadol et de Toradol, mais cela arrivait toutefois encore. Elle était incapable de travailler. La dernière fois qu’elle avait travaillé, elle avait pris un temps fou pour récupérer. Elle ne pouvait pas suivre de formation. Chaque semaine, elle avait une crise aiguë musculaire ou de migraine et devait rester au lit plusieurs jours. Sa concentration était mauvaise. Avant elle aimait lire, mais elle n’y arrivait plus. Elle était fatiguée de tout cela. Elle luttait tous les jours depuis son enfance.

La recourante a produit un certificat médical établi le 14 septembre 2020 par le Dr S______ indiquant que celle-ci était régulièrement suivie à leur consultation pour des troubles psychiques et qu’il soutenait sa demande d’octroi de rente entière d’invalidité.

l. Le 5 juillet 2022, la recourante a ajouté qu’on ne discernait pas ce qui permettrait à l’intimé de soutenir que le rhumatisme immuno-inflammatoire et le syndrome d’Ehlers-Danlos constatés par le Dr M______ ne reposeraient que sur des plaintes subjectives. Les deux diagnostics avaient été posés par d’éminents spécialistes sur la base d’examens lege artis et d’une analyse rigoureuse du cas. Si la Cour devait en douter, elle était invitée à questionner ses médecins sur le sujet.

Elle relevait que l’avis dont se prévalait l’intimé émanait d’un médecin généraliste, sans titre FMH, qui ne disposait d’aucune expertise spécifique en matière de maladies rhumatismales et qui ne l’avait pas examinée.

Les experts du SMEX avaient exclu tout diagnostic du point de vue inflammatoire ne retenant que celui de fibromyalgie. Or un diagnostic inflammatoire avait depuis lors été dûment confirmé et précisé.

On ne pouvait dès lors suivre l’intimé lorsqu’il soutenait qu’il n’y aurait pas d’élément médical objectif nouveau permettant de remettre en question le rapport d’expertise du SMEX. Celui-ci ne tenait pas compte des deux principaux diagnostics invalidants présentés par la recourante.

 

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

3.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

4.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente entière d’invalidité.

5.              

5.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

5.2 Lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

5.3 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a; RAMA 1985 p. 240 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

6.              

6.1 Dans son avis du 25 septembre 2020, le SMR a relevé que des investigations étaient en cours à la recherche d’un syndrome d’Ehlers-Danlos chez la recourante Si cette hypothèse diagnostique était confirmée par un spécialiste de cette affection, il y aurait lieu d’en examiner les répercussions fonctionnelles sur la base des atteintes organiques objectivées, afin de déterminer la capacité de travail raisonnablement exigible au vu de ce nouveau diagnostic. Le SMR proposait de compléter l’instruction en interrogeant le spécialiste des affections de type syndrome d’Ehlers-Danlos consulté par l’assurée. En l’absence d’un tel spécialiste, une consultation auprès de la Dresse K______ pourrait être sollicitée.

Dans son avis du 30 juin 2021, le SMR a estimé que les éléments apportés en procédure d’audition n’étaient pas de nature à modifier ses conclusions du 23 juillet 2020. La Dresse J______ semblait faire une appréciation différente et variable du Dr G______ d’un même état de fait. Le rapport du Dr N______ était peu précis et certains diagnostics sortaient de son champ de compétence en tant que médecin praticien. Enfin, la suspicion du diagnostic de syndrome d’Ehlers-Danlos n’avait pas été ignorée par les experts, qui avaient estimé que cette atteinte restait sans influence sur la capacité travail. Le rapport d’examen cognitif du 24 mars 2021 ne retenait pas d’éléments de gravité dans le fonctionnement cognitif et comportemental de l’assurée. L’oesophago-gastro-duodénoscopie du 27 avril 2021 réalisée par le Dr P______ dans le contexte de douleurs abdominales et de troubles du transit ne retrouvait pas de lésions significatives susceptibles d’expliquer la symptomatologie digestive. En l’absence de nouveau diagnostic, une étiologie fonctionnelle sur un syndrome des intestins irritables restait compatible avec la clinique. Les éléments médicaux apportés lors de la procédure d’audition n’étaient pas de nature à modifier ses précédentes conclusions.

6.2 Le dernier avis du SMR du 30 juin 2021 est critiquable sous plusieurs aspects.

6.2.1 Il ne tient d’abord pas compte du fait que le Dr P______ attendait notamment des résultats des biopsies et qu’il était encore en train d’investiguer le cas de l’assurée. Le SMR ne pouvait retenir qu’il n’y avait pas de nouveaux diagnostics, sans attendre les conclusions finales du Dr P______, s’agissant des douleurs abdominales et des troubles du transit graves de la recourante susceptibles d’avoir un effet sur sa capacité de travail.

6.2.2 Par ailleurs, le SMR avait indiqué dans son avis du 25 septembre 2020 qu’en l’absence d’un avis du médecin spécialisé consulté par la recourante sur le syndrome d’Ehlers-Danlos, la Dresse K______, du service de rhumatologie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), pourrait être sollicitée. En l’occurrence, le spécialiste consulté par la recourante n’avait pas rendu de rapport. Le SMR ne pouvait donc sans se contredire se prononcer le 30 juin 2021 sur les effets de syndrome d’Ehlers-Danlos sans l’avis d’un spécialiste, à tout le moins sans expliquer pour quelle raison il y renonçait.

Contrairement à ce que le SMR a indiqué dans son avis du 30 juin 2021, l’expert neurologue de SMEX SA n’avait pas estimé que l’éventuel diagnostic de syndrome d’Ehlers-Danlos serait sans influence sur la capacité de travail de la recourante, mais au contraire, il avait indiqué que si ce diagnostic était posé, il faudrait en évaluer l’impact sur la capacité de travail de la recourante.

Une instruction complémentaire auprès de la Dresse K______, ou d’un autre médecin spécialisé du même service, aurait en conséquence dû être requise par le SMR.

6.2.3 Le SMR a encore retenu le 30 juin 2021 que le rapport d’examen cognitif du 24 mars 2021 ne retenait pas d’éléments de gravité dans le fonctionnement cognitif et comportemental de la recourante.

Cette motivation ne suffit pas à remettre en question la conclusion dudit rapport, qui retenait qu’une reprise professionnelle semblait actuellement compromise pour la recourante, si elle ne bénéficiait pas d’une évaluation et d’un encadrement adapté tenant compte de ses capacités cognitives et physiques. Il était ajouté qu’une évaluation de ses capacités en situation réelle pourrait être faite dans le cas d’une réévaluation de la situation par l’assurance-invalidité avec pour objectif une insertion professionnelle adaptée.

6.2.4 Il résulte des considérations qui précèdent que le SMR n’a pas établi la capacité de travail exigible de la recourante au degré de la vraisemblance prépondérante.

6.3 Le rapport complémentaire du Prof. M______ ne répond pas aux réquisits permettant de lui conférer une pleine valeur probante, mais remet sérieusement en cause la capacité de travail retenue par l’intimé.

Il se justifie en conséquence de renvoyer la cause à l’intimé pour qu’il procède à une instruction complémentaire, par le biais d’une expertise auprès d’un médecin spécialisé dans le syndrome d’Ehlers-Danlos, et par une éventuelle évaluation des capacités de la recourante en situation réelle selon le résultat de l’expertise.

7.             Le recours est ainsi partiellement admis et la décision querellée sera annulée.

La recourante obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 2’500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision rendue le 30 juin 2021 par l’intimé.

4.        Renvoie la cause à l’intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision, au sens des considérants.

5.        Alloue à la recourante, à la charge de l’intimé, une indemnité de CHF 2'500.- pour ses dépens.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le